Dès lors qu’ils garantissent aux personnes qui s’adressent à eux la possession de leurs biens et la pleine efficacité juridique de leur volonté ou de leur engagement, les notaires assurent une mission de service public dont la dimension humaine est essentielle. Aussi, nous devons leur permettre d’exercer leur métier dans des conditions optimales. Nous devons assurer l’accès à cette profession afin d’améliorer la répartition des offices sur le territoire national. Nous devons aussi garantir des tarifs adaptés à leurs prestations. Enfin, ils doivent être accompagnés face aux mutations de leur environnement. Tels sont, selon le groupe UDI, les véritables enjeux qui caractérisent la profession de notaire et doivent comme tels guider notre travail de législateur.
Avant d’aborder le fond de cette proposition de loi, je rappellerai brièvement les conditions de la suppression de l’habilitation des clercs de notaire par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron. Cette habilitation permettait aux notaires de confier à un ou plusieurs clercs assermentés la lecture des actes et des lois et le recueil des signatures des parties, ce qui permettait à un même notaire d’augmenter sensiblement le nombre d’actes authentiques qu’il émettait et le dispensait de l’accomplissement de formalités chronophages. Néanmoins, conformément à une recommandation de l’Autorité de la concurrence, cette habilitation a été supprimée en août 2015.
Le groupe UDI avait lui-même proposé cette suppression par voie d’amendement, afin de créer un appel d’air au sein des offices notariaux, dont les titulaires se verraient contraints de recruter des notaires salariés. On pouvait en effet considérer que ce dispositif constituait un frein à l’accès des jeunes professionnels au notariat salarié, car il permettait aux notaires de se dispenser d’en recruter tout en maintenant un fort niveau d’activité.
La loi a prévu que les habilitations conférées avant le 1erjanvier 2015 continueraient à produire leurs effets jusqu’au 1eraoût 2016. Dans ce court délai, le Gouvernement devait prendre les mesures réglementaires d’accompagnement organisant une période transitoire afin que les clercs habilités accèdent aux fonctions de notaire, grâce en particulier à un dispositif de validation des acquis de l’expérience.
Le Gouvernement a ainsi prévu de dispenser certains clercs habilités de l’obligation d’être titulaires d’une part d’un diplôme national de master en droit ou équivalent et d’autre part du diplôme de notaire. Cette dispense, inscrite dans le décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels, concerne les clercs habilités depuis plus de quinze ans, ou ceux qui le sont depuis moins longtemps à condition qu’ils réussissent un examen de leurs connaissances techniques. Or tous les clercs habilités ne parviendront pas à être recrutés. En effet, 14 % d’entre eux ne remplissent aucune des conditions requises et 28 % ne remplissent que la condition relative à la détention d’un diplôme de premier clerc de notaire ou d’un diplôme délivré par l’Institut des métiers du notariat.
Nous sommes tous solidaires de cette décision sur le fond. Cependant, voilà où le bât blesse : ces constats ne sont pas nouveaux. Le Sénat avait déjà alerté le Gouvernement sur les conséquences du délai prévu par la loi Macron et proposé de maintenir l’effet des habilitations pendant au moins cinq ans pour donner aux intéressés le temps de procéder à leur reconversion ou de faire des choix d’investissement et de recrutement conformes aux nouvelles conditions de la rentabilité de leurs structures. L’allongement des délais semblait nécessaire compte tenu de la situation professionnelle d’une partie des clercs concernés et de l’incertitude économique dans laquelle les études notariales allaient être placées en raison de la réforme.
Nous regrettons que ces propositions n’aient pas été prises en compte à temps. Nous voici donc contraints, près d’un an plus tard, de procéder à cette rectification en reportant la suppression des habilitations par le biais de cette proposition de loi, certes consensuelle, mais dont nous aurions pu nous dispenser. Nous espérons au moins qu’elle n’annonce pas une longue liste de textes destinés à réparer les imperfections, défauts ou oublis de la loi Macron !
En dépit de cette réserve, nous admettons que cette proposition de loi mettra fin à la menace de licenciement ou de perte de revenus à laquelle l’article 53 de la loi Macron expose les clercs habilités. N’oublions pas que, si cette profession n’est qu’une étape vers la profession de notaire pour certains clercs habilités, souvent les plus jeunes, il s’agit souvent pour les plus âgés d’une consécration de carrière.
Enfin, cette proposition de loi constitue l’occasion d’évoquer la carte des zones de libre installation que doit proposer l’Autorité de la concurrence. En commission, Mme la rapporteure a indiqué que ce document serait susceptible d’être signé à la mi-juillet par le ministre de l’économie et par vous-même, monsieur le garde des sceaux. Je vous poserai donc la même question que Mme Capdevielle : pouvez-vous nous livrer davantage d’informations à propos de ces délais ?
Nous soutiendrons donc cette proposition de loi, en espérant qu’elle ne constitue pas le début d’une longue série de textes visant à rectifier certaines dispositions de la loi Macron.