La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe Les Républicains.
Souvenez-vous, monsieur le Premier ministre, vous avez soutenu le candidat Hollande, qui promettait de réduire rapidement le déficit à 3 % du PIB et d’arriver à l’équilibre budgétaire en 2017.
Que de mots violents pour fustiger l’action de vos prédécesseurs, qui ont eu à gérer la crise de 2008 ! Que de belles promesses pour faire rêver les Français ! Que de déceptions face à tous vos renoncements !
En dépit du matraquage fiscal du début de mandat, en dépit des baisses massives de dotations aux collectivités, et de la baisse des taux d’intérêt, qui vous permet d’économiser sans effort 4 milliards par an, en dépit du produit des contentieux fiscaux et en dépit de la vente de biens immobiliers, vous n’avez à aucun moment réussi à tenir les engagements pris devant la Commission européenne et, plus grave encore, devant les Français.
Dans ce contexte, le Gouvernement a annoncé que le plan de 50 milliards d’économies sur trois ans ne serait pas tenu.
Ce plan était lui-même déjà plein d’humour car il escomptait des économies par rapport à l’augmentation « naturelle » des dépenses.
Il faut dire que, depuis que François Hollande essaie de créer les conditions d’une éventuelle candidature, les cadeaux se font nombreux : augmentation du point d’indice, revalorisation du traitement des enseignants, mesures en faveur des intermittents du spectacle, baisse des impôts pour certains ménages bien ciblés, etc.
Bref, si le Père Noël a les poches vides, il a la hotte pleine de promesses, des promesses dont l’effet politique est immédiat mais dont le coût sera supporté par vos successeurs.
Monsieur le Premier ministre, votre majorité, désormais relative, est au pouvoir depuis près de cinq ans, et la modeste baisse du déficit budgétaire fait de la France l’un des mauvais élèves de l’Europe.
Dans ce contexte, les cadeaux de 2016 ne doivent pas hypothéquer l’avenir du pays.
Dans ce contexte, ne serait-il pas temps de privilégier l’intérêt de la nation plutôt que la démagogie électoraliste ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Les questions que vous posez, monsieur le député, sont sérieuses. Pourquoi le faire avec grandiloquence, en utilisant des termes qui, par principe, cherchent à dévaloriser l’action que nous avons menée ? Cela ne permet pas d’avancer.
D’abord, d’où venons-nous ?
En 2012, le déficit de la France était supérieur à 5 %. La crise nous avait frappés. Elle avait frappé l’Allemagne de la même manière. Son déficit en 2012 était de 0 %. Nous avons à parcourir le chemin que vous n’avez pas été capables de prendre au cours des années précédentes.
Ensuite, arrêtez de prétendre que nous ne respectons pas nos engagements vis-à-vis de nous-mêmes, vous avez raison de le souligner, et vis-à-vis des Français.
Avons-nous tenu nos engagements en 2015 ?
La réponse est oui, vous le savez, et cela ne sert à rien de dire bêtement non
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
alors que les résultats sont même meilleurs que ce à quoi nous nous étions engagés vis-à-vis de la Commission.
En 2016, sommes-nous en train de tenir nos engagements ? La réponse est oui et il n’y a pas une personne sérieuse au niveau européen ou international pour le contester.
Alors oui, en 2017, je le dis clairement ici, les dépenses des ministères vont augmenter globalement.
Pour nous, en effet, l’éducation nationale est une priorité. Pas pour vous ? Pour nous, la protection des Français, avec une augmentation du budget de la défense, est une priorité. Pas pour vous ? Selon nous, il faut des crédits supplémentaires pour la justice. Pas pour vous ?
Nous le ferons en respectant notre engagement, 2,7 % de déficit l’année prochaine.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre de l’intérieur, la France et les Français sont fiers de l’Euro 2016 de football qui vient de s’achever.
Ils sont fiers de notre équipe nationale, bien sûr, dont il faut saluer le superbe parcours
Applaudissements sur l’ensemble des bancs
mais il sont fiers aussi d’avoir montré aux yeux du monde entier la capacité de notre pays à accueillir avec succès une compétition internationale d’une telle envergure, malgré un contexte de menace terroriste particulièrement élevée.
En un mois, démonstration a été faite de manière éclatante que dans l’épreuve la France restait la France et que notre pays, rassemblé, savait être au rendez-vous des plus grands défis et pouvait continuer d’accueillir ses hôtes du monde entier avec générosité, avec panache, en déployant tout son savoir-faire.
Ce succès, nous le devons au travail exceptionnel des forces de l’ordre. Jamais un événement sportif en France n’avait fait l’objet d’une sécurisation aussi dense. Il faut remercier ici les quelque 90 000 policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers et militaires,
Mêmes mouvements
ainsi que les villes hôtes, pleinement investis pour que les Français et nos invités puissent célébrer le sport en toute sécurité, dans la liesse populaire, y compris dans les « fans zones », où quatre millions de personnes ont pu faire la fête en étant parfaitement protégées.
Si l’Euro 2016 restera dans toutes les mémoires comme une réussite, si on ne retiendra que les émotions du jeu, le clapping des Islandais, la bonne humeur contagieuse des Irlandais ou les chants des Gallois, c’est grâce à ce dispositif sans précédent. La sécurité de l’Euro 2016 était une priorité depuis des mois. Certains, y compris sur ces bancs, avaient pourtant fait du dénigrement de l’action de l’État leur sport favori ces dernières semaines !
L’histoire leur a donné tort. Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser ici le bilan sécuritaire de cet Euro 2016 et nous indiquer quels enseignements le Gouvernement va en tirer ?
Madame la députée, la France avait pris un engagement, il y a de cela quelques années, sous le précédent quinquennat, qui l’a conduite à organiser, dans un contexte de menace terroriste très élevée, l’Euro 2016 en assurant un haut niveau de sécurité. Cela voulait dire que nous devions organiser les « fans zones » ; nous devions faire en sorte que ce moment soit un moment festif ; nous devions faire en sorte que la sécurité dans les stades soit assurée et nous devions faire en sorte que la France montre ce qu’elle est : une grande nation capable d’accueillir de grands événements, comme cela avait été le cas lors de la COP21.
Il y a eu une mobilisation très forte de l’ensemble des services de l’État, de tous les ministères concernés – ceux de Mme Touraine et de M. Kanner et le ministère de l’intérieur – pour que l’objectif soit atteint. Près de 90 000 personnels du ministère de l’intérieur, policiers, gendarmes, personnels de la sécurité et de la protection civile ont été mobilisés pour qu’un haut niveau de sécurité soit garanti.
Deuxièmement, nous avons fait le choix de maintenir les « fans zones », en liaison avec l’association présidée par Alain Juppé et rassemblant les dix villes hôtes de la compétition, parce que nous pensions que la sécurisation de ces zones était une bonne manière de sécuriser l’ensemble de l’épreuve. Nous l’avons fait aussi en lien avec l’UEFA. Le résultat a été celui que vous avez indiqué : un grand moment de fête, de bonheur populaire et de rassemblement national.
Je veux adresser mes remerciements du fond du coeur à l’ensemble des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile,
Applaudissements sur l’ensemble des bancs
qui se sont mobilisées. Comme j’ai eu l’occasion de le dire hier place Beauvau, je voudrais dédier cette réussite du ministère de l’intérieur à Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, dont le souvenir reste très présent dans notre esprit.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, le 18 mai dernier, notre groupe de l’UDI vous demandait un débat sur l’accord relatif aux réfugiés passé entre l’Union européenne et la Turquie. Cet accord, nous l’avons dit, insuffisant pour apporter une vraie réponse à la crise migratoire, est dangereux pour l’Europe. Il est dangereux parce qu’il relance le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, remettant en cause notre identité. Il est dangereux parce qu’il prévoit une exemption de visas pour les ressortissants turcs, ce qui nous exposerait à des risques sécuritaires d’une ampleur inédite.
Initialement prévue pour le 1er juillet, cette exemption est restée au point mort depuis mai, la Turquie ne répondant pas aux soixante-douze critères exigés. De fait, sept critères fondamentaux ne sont toujours pas remplis, au premier rang desquels la révision de la législation anti-terroriste turque, trop éloignée de nos standards.
Monsieur le Premier ministre, c’est maintenant qu’il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard ! C’est aujourd’hui que la France doit enfin faire entendre sa voix. Face à ce marchandage, la France doit avoir le courage de dire non à cet accord ; non à la libéralisation des visas ; non à l’adhésion de la Turquie, ni aujourd’hui, ni demain !
L’UDI refuse de se plier à ce chantage, au moment où le président Erdogan renforce son pouvoir personnel au travers de la nomination d’un nouveau premier ministre encore plus à sa main que le précédent, alors que l’ambassadeur de l’Union européenne vient d’être contraint à la démission, dans un contexte très préoccupant de tensions et de violences avec la minorité kurde. Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question sera simple : allez-vous enfin, au nom de la France, demander la suspension de cet accord passé entre la Turquie et l’Union européenne et très défavorable à la France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie le 18 mars dernier était nécessaire pour mettre un terme aux trafics d’êtres humains en mer Méditerranée. Aux termes de cet accord, la Turquie s’est engagée à reprendre les arrivants illégaux sur les îles grecques…
…et à faire en sorte que ce soit dans un cadre légal qu’avec le Haut commissariat aux réfugiés l’Europe puisse décider si des personnes qui relèvent de la protection internationale seront ou non accueillies sur son sol. Cela se fait dans le cadre d’une répartition que l’on appelle une réinstallation. Cet accord a été efficace.
Nous avons, nous, l’Union européenne, pris également l’engagement d’aider la Turquie à mieux accueillir les réfugiés syriens sur son sol. Plus de 2,5 millions de Syriens sont aujourd’hui accueillis en Turquie. Nous avons pris l’engagement d’aller jusqu’à 3 milliards d’euros. Aujourd’hui, plus de 200 millions d’euros ont été versés, non pas au budget de la Turquie mais à des projets d’aide à l’hébergement, à la scolarisation et à l’accueil des réfugiés syriens en Turquie. C’est notre intérêt et c’est l’intérêt de ces réfugiés de pouvoir rester le plus près possible de leur pays car ils espèrent que la guerre s’arrêtera et qu’ils pourront rentrer chez eux.
C’est pourquoi nous aidons la Turquie, le Liban et la Jordanie.
Nous avons également pris l’engagement d’examiner l’opportunité d’une libéralisation des visas, soumise à des critères, au nombre de soixante-douze, comme vous l’avez dit. Aujourd’hui, plusieurs d’entre eux ne sont pas remplis.
Nous avons également, avec le ministre de l’intérieur, demandé qu’une clause de sauvegarde, à caractère suspensif, soit adoptée avant d’envisager une quelconque libéralisation des visas avec la Turquie comme avec d’autres pays tiers. Nous attendons l’adoption de cette clause. Il n’y a donc pas de changement sur ce plan.
Il est vrai enfin que des chapitres de négociation ont été ouverts mais je vous rappelle que onze l’avaient été entre 2007 et 2012 ; deux entre 2005 et 2007 et seulement trois l’ont été depuis 2012. C’est un rapprochement entre l’Union européenne et la Turquie, qui ne préjuge en rien d’une future adhésion.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Renaud Gauquelin, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mesdames et messieurs, certains voudraient jeter les peuples dans les bras des populistes opposés à la construction européenne qu’ils ne s’y prendraient pas autrement ! Après d’autres, voici que José Manuel Barroso, récemment encore patron de la Commission européenne sur une longue période, devient conseiller de la firme américaine Goldman Sechs
Rires sur les bancs du groupe Les Républicains
– pardon, Goldman Sachs ! –, source de la crise des surprimes et porteuse, il y a dix ans, du masque de la dette souveraine de la Grèce, qui a plongé le peuple grec dans des difficultés majeures. Que l’on parle avec l’accent français ou anglais, la vérité est la même !
Ce recrutement est immoral ; ce recrutement ternit l’image de l’Europe ; ce recrutement est opposé à la lettre et à l’esprit des engagements que prennent pendant leurs fonctions, mais aussi au-delà, tous les commissaires européens. Au même moment, à l’opposé, Michel Sapin et le Gouvernement français, lors de l’Eurogroupe, ont pris la défense du Portugal et de l’Espagne qui, parce qu’ils ont « fourni des efforts monstrueux », ne méritent pas d’être sanctionnés. Dans le même état d’esprit, afin de donner aux peuples une image positive et juste de l’Europe, notre Gouvernement – nous l’évoquions ce matin même à l’Assemblée – lutte d’arrache-pied contre certains abus scandaleux en matière de travailleurs détachés.
Une fois encore, notre pays est à la pointe de ce combat : cette année, douze fois plus de contrôles ont été effectués que l’an dernier. Mes chers collègues, voilà des actions de notre Gouvernement qu’il faut rappeler ! À l’opposé, l’attitude personnelle de certains commissaires européens – dont le plus connu du grand public, M. Barroso – n’est ni morale ni conforme aux règles européennes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, là aussi la France doit être à l’avant-garde : quelle est la réaction du Gouvernement à cet événement ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, vous venez de le dire : l’embauche de l’ancien président de la Commission européenne, M. Barroso, par la banque d’affaires Goldman Sachs, est particulièrement scandaleuse, compte tenu du rôle joué par cette banque dans la crise financière de 2008, mais aussi du trucage des comptes publics de la Grèce pendant la crise. Cette affaire soulève un problème majeur : celui des règles relatives aux conflits d’intérêts, qui doivent s’appliquer aux anciens membres de la Commission et tout particulièrement à ses présidents. Il s’agit, de la part de M. Barroso, d’une faute morale, politique et déontologique.
Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !
C’est le pire service qu’un ancien président d’une institution européenne pouvait rendre au projet européen à un moment de l’histoire où ce projet a au contraire besoin d’être soutenu, porté et renforcé.
Les articles 17 du traité sur l’Union européenne et 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne forment la base du code de conduite qui s’applique aux commissaires jusqu’à dix-huit mois après le terme de leur mandat. Il est clair que si ce code n’empêche pas qu’un tel fait puisse aujourd’hui se produire de façon légale, c’est qu’il faut changer ce code et son application, et renforcer le contrôle.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous demandons donc qu’une action soit entreprise par la Commission européenne pour renforcer les règles relatives aux conflits d’intérêts. Le président de la Commission doit être au-dessus des pressions d’intérêts privés. Il faut étendre la durée d’interdiction d’embauche par une entreprise privée, élargir la liste des incompatibilités et renforcer le contrôle.
On pourrait pour cela créer un organe indépendant au sein duquel seraient représentés le Parlement européen dans sa diversité et des juristes internationaux, qui serait chargé d’évaluer le risque de conflit d’intérêts après la fin des fonctions et d’interdire ce genre d’embauches. Avec cette affaire, M. Barroso fait le lit des anti-européens. Je l’appelle donc solennellement à renoncer à son poste.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la nomination très surprenante de M. Philippe Mauguin à la tête de l’Institut national de la recherche agronomique, INRA. Vous persistez en effet à vouloir imposer le directeur de cabinet de votre ministre de l’agriculture à la présidence de l’INRA, contre l’avis des chercheurs.
Qu’est-ce que l’INRA ? Le premier centre européen de recherche agronomique, un fleuron français. Il faut, à la tête de cet organisme, quelqu’un de légitime et de crédible, tant à l’interne, à l’égard des chercheurs, qu’à l’international, à l’égard de la communauté scientifique mondiale, car nous sommes observés. Vouloir imposer une nomination politique à un poste jusqu’à présent toujours dévolu à un chercheur est une faute morale.
Vouloir imposer un directeur de cabinet en exercice à la tête d’un établissement public dont il assure jusqu’à présent la tutelle crée une situation de conflit d’intérêts. C’est donc aussi une faute juridique. On est loin, très loin, de la République irréprochable prônée par le candidat Hollande en 2012 !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Présider la République, c’est refuser que tout procède d’un seul homme ou d’un seul parti, qui risque de devenir un clan.
À l’heure de l’examen de la loi Sapin 2, qui prétend renforcer la transparence et la déontologie, quel message envoyez-vous avec cette nomination militante ?
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il est encore temps de revenir sur cette décision. C’est à vous, monsieur le Premier ministre, que la question est posée, c’est à vous d’y répondre. Personne ne comprendrait que M. Le Foll, le futur ex-employeur de M. Mauguin, réponde à votre place. C’est à vous de prendre vos responsabilités ; vous savez le faire et je vous fais confiance pour nous répondre correctement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, je vous répondrai correctement. Cette nomination est en effet regardée et nous avons scrupuleusement respecté la loi de Geneviève Fioraso sur la transparence des nominations. Ce n’était pas le cas avant ; j’y reviendrai.
Un comité d’experts a été nommé. Pour que les choses soient bien claires, en voici la liste des membres : Mme Louise O. Fresco, présidente de l’Université de Wageningen, sommité mondialement reconnue ; Mme Pascale Briand, directrice de l’Agence nationale de la recherche, chargée du plan cancer de Jean-Pierre Raffarin ; M. Paul Vialle, ex-directeur général de l’INRA, qui avait été membre du cabinet de François Guillaume ; Mme Laurence Tubiana, reconnue pour son rôle dans la COP21 ; M. Rémi Toussain, inspecteur général des finances ; M. Jean-Richard Cytermann, chef de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.
Transparence et expertise ! Ils ont rendu un rapport qui a été transmis aux deux commissions…
…qui ont pu statuer et qui ont, monsieur Jacob, voté à une large majorité, à plus de 58 %, pour la candidature de Philippe Mauguin. Pour ce qui est de la République exemplaire, l’exemple est donné !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous devrez maintenant vous-même le respecter. Je vous rappellerai ensuite que le directeur de cabinet de M. Le Maire – absent aujourd’hui –, Jean-Marc Bournigal, avait été nommé, juste avant le départ de M. Le Maire, à la tête de l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, IRSTEA – une institution de recherche –, et qu’il a été renommé par le Président de la République, François Hollande, compte tenu des qualités que nous lui reconnaissions.
De la même manière, M. Pascal Vinet, qui a été directeur général de l’Office national des forêts, ONF, a exercé son mandat en toute sérénité. Quand il a souhaité partir à Coop de France, il a pu le faire en toute tranquillité.
Monsieur Le Fur, voilà comment on répond concrètement et de manière exemplaire !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre de l’éducation nationale, le projet de budget pour 2017 accorde près de 3 milliards d’euros supplémentaires à l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche : c’est une hausse historique
Cet effort budgétaire sans précédent montre la priorité que François Hollande a donnée, dès le début du quinquennat et sans relâche, à l’éducation, à l’école et à la recherche.
Depuis 2012, deux grandes lois portées par l’ensemble de la gauche – nous en sommes fiers –…
…, l’une sur la refondation de l’école, l’autre sur l’enseignement supérieur, ont redonné aux enseignants toute la reconnaissance qu’ils méritent, en rétablissant d’abord leur formation et en revalorisant – enfin ! – leur salaire.
L’éducation prioritaire réformée a ouvert les voies de la réussite au plus grand nombre des élèves.
Les conditions de vie et de réussite des étudiants ont été notablement améliorées. L’engagement de créer 60 000 postes dans l’éducation nationale d’ici 2017, tant décrié de l’autre côté de notre hémicycle, est tenu.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Certes, il reste encore beaucoup à faire et ces efforts pour l’éducation devront être poursuivis sans relâche dans les années à avenir.
Mes chers collègues, parce que l’école et l’éducation sont un investissement pour l’avenir plus qu’un coût pour le présent, elles ne peuvent être sacrifiées sur l’autel d’une course électorale démagogique.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler la répartition de ces 3 milliards d’euros supplémentaires ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, le budget de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche va augmenter de 3 milliards d’euros en 2017. Ce chiffre considérable est absolument inédit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il fait suite aux efforts constants que nous réalisons depuis le début du quinquennat. Permettez-moi de vous rappeler que nous avons augmenté ce budget de 1,3 milliard d’euros en moyenne chaque année.
Cette année, en effet, nous allons encore plus loin.
Notre objectif est de refaire de notre pays une grande nation éducative…
…, cette grande nation éducative qu’il a été par le passé, avant qu’elle ait les jambes brisées par dix ans d’austérité éducative.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je vous rappelle que pendant dix ans notre pays a réduit son investissement dans l’éducation de 0,3 point de PIB quand tous les autres États de l’OCDE l’augmentaient de 0,7 point de PIB.
À quoi servira cet argent ? Ces moyens exceptionnels nous permettront d’embaucher les professeurs sans lesquels aucune réussite scolaire n’est possible.
Ainsi, 11 662 postes supplémentaires seront créés en 2017 dans l’éducation nationale. Par ailleurs le rendement des concours de l’enseignement s’améliore. Je viens d’avoir les résultats des concours organisés en 2016 : 93 % des postes sont pourvus. Nous n’avions jamais vu de tels chiffres.
Est-ce cela, la « grande nation éducative », madame la ministre ? C’est du charabia !
Non, monsieur Mariton, c’est remarquable ! C’est d’un autre niveau que la primaire des Républicains !
Ces moyens nous permettront également d’augmenter les rémunérations des personnels, puisque c’est la politique que nous avons décidé de suivre. Ils nous permettront enfin d’améliorer la justice du système scolaire en augmentant les bourses lycéennes de 10 % ou les fonds sociaux de façon inédite.
Quant à l’enseignement supérieur et à la recherche, ils bénéficieront de 850 millions d’euros supplémentaires. Je vous confirme donc, monsieur le député, qu’il y a bien une ministre en charge de la recherche, qui veille en particulier à ce que les moyens de l’Agence nationale de recherche atteignent des niveaux jamais connus par le passé. Ce sera le cas grâce à ce budget.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Dans l’enseignement supérieur, l’afflux de nouveaux étudiants pourra être mieux pris en charge grâce notamment à une nouvelle augmentation du nombre des bourses étudiantes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l’agriculture, le 2 juillet dernier, je visitais l’exploitation d’un jeune agriculteur, à l’invitation des organisations syndicales agricoles du Cher, pour évoquer avec de nombreux exploitants leurs difficultés. Cet agriculteur, producteur de lait, exploite plusieurs dizaines d’hectares pour nourrir ses bêtes.
Outre un prix du lait qui reste trop bas, les intempéries, conjuguées aux inondations, vont entraîner des pertes considérables. Dans la région Centre-Val de Loire, la perte est bien souvent estimée à plus de 500 euros par hectare, ce qui représente plus de 600 millions d’euros pour l’ensemble de cette grande région agricole. Dans ce contexte de prix trop bas, les conditions climatiques extrêmes mettent en péril de nombreuses exploitations aux trésoreries déjà exsangues.
Nous savons bien qu’à terme, la solution passe par un modèle agricole plus pérenne, avec des prix rémunérateurs, un meilleur partage de la valeur ajoutée au profit des travailleurs de la terre et des procédés respectueux des écosystèmes. Mais face à une troisième année consécutive de mauvaises récoltes nous devons trouver des solutions d’urgence.
Trop de petites exploitations ne sont pas ou sont très mal assurées contre les aléas climatiques. Le choix d’affaiblir progressivement le fonds national de gestion des risques en agriculture par l’extension du secteur assurantiel privé est dangereux pour les exploitations les plus fragiles.
Pour améliorer leur trésorerie, il convient d’accélérer le versement des soldes de primes 2015 de la politique agricole commune – PAC –, encore bloqués à ce jour, et de procéder dès maintenant au versement de 80 % des aides de l’année 2016.
Il s’agit aussi de demander au secteur bancaire qu’il assure un véritable soutien en transformant les dettes de court terme en dettes de moyen terme, voire en accordant une année blanche pour le remboursement des emprunts.
Enfin, il faut revenir à une véritable mutualisation de la couverture des risques associant l’État, le secteur agroalimentaire, la grande distribution et le secteur assurantiel et bancaire agricole. Il faut immédiatement ouvrir le bénéfice des fonds de gestion de crise au niveau de l’Union européenne.
Monsieur le ministre, le monde agricole attend ces réponses concrètes pour pouvoir s’en sortir.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député, vous avez évoqué les difficultés que connaissent les exploitations agricoles dans votre département. Votre question recouvre des sujets différents.
Vous avez d’abord évoqué les inondations et les dommages qu’elles causent aux terres agricoles. En la matière, les crédits disponibles sont ceux du fonds national de gestion des risques en agriculture. Une réunion s’est tenue le 15 juin et une autre sera organisée le 26 juillet pour évaluer les pertes de fonds. Sur ces terres inondées, le principal risque est l’absence de récolte, qui peut d’ailleurs bloquer le versement des aides de la PAC. Cependant, comme je l’ai déjà dit très clairement à tous les agriculteurs, s’agissant d’un cas de force majeure, les aides de la PAC seront versées dans toutes les communes déclarées en état de catastrophe naturelle. Certains parmi vous m’ont demandé ce qui se passerait dans les communes ne bénéficiant pas encore de ce statut : les préfets auront la possibilité de constater l’état de catastrophe naturelle par arrêté, ce qui débloquera le versement des aides de la PAC.
Vous avez également évoqué la question des assurances et du fonds national de gestion des risques en agriculture. D’un point de vue budgétaire, ce fonds est abondé de toute façon même si l’inscription de la ligne budgétaire peut faire débat. En tout cas, lorsque des aides doivent être versées, elles le sont. L’an dernier, face à une situation de sécheresse, plus de 190 millions d’euros ont été versés. Cette année, pour faire face aux inondations, nous abonderons le fonds à la hauteur des besoins qui seront constatés.
La question des prix est un autre sujet, un sujet majeur, en particulier le prix du lait. J’espère que dans le cadre du conseil « Agriculture et pêche » qui se réunira lundi, l’Europe acceptera enfin l’idée toute simple d’une maîtrise de la production puisque nous souffrons aujourd’hui d’un excédent d’offre.
Enfin, l’humidité entraîne aujourd’hui une baisse des rendements et de la qualité des récoltes. Je me suis rendu dans la Nièvre et dans l’Yonne, où j’ai également rencontré des représentants des exploitants du Cher. Il y aura une réunion spécifiquement consacrée…
Monsieur le ministre de l’intérieur, parmi les très nombreuses auditions menées par la commission d’enquête présidée par Georges Fenech sur les attentats de 2015, un témoignage nous a particulièrement troublés, celui de l’un des policiers de la BAC, la brigade anti-criminalité, arrivé au Bataclan quelques minutes seulement après le début de la tuerie : voyant que son armement et celui de ses collègues ne suffiraient pas à riposter, il a sollicité l’état-major de la préfecture de police pour que les huit militaires de l’opération Sentinelle présents à ses côtés, équipés de fusils FAMAS, puissent engager le feu… Il nous a indiqué avoir eu pour toute réponse : « Négatif, vous n’engagez pas les militaires, on n’est pas en zone de guerre. » Un des terroristes tirait pourtant à l’extérieur, vers l’espace public, passage Saint-Pierre-Amelot, et, je vous le rappelle, les premiers hommes de la BRI – brigade de recherche et d’intervention – ne sont arrivés sur place qu’environ vingt minutes plus tard.
Une telle situation soulève évidemment, monsieur le ministre, deux interrogations très précises, auxquelles nous aimerions avoir des réponses tout aussi précises.
Premièrement, pourquoi votre ministère, sollicité, a-t-il refusé l’intervention de ces soldats présents sur place au Bataclan ?
Deuxièmement, la loi antiterroriste de 2016 établit un nouveau régime de légitime défense qui conforterait, dans une situation similaire à celle du Bataclan, une éventuelle intervention des militaires de l’opération Sentinelle. Mais encore faudrait-il que l’autorité civile que vous représentez et qui est seule habilitée, le ministre de la défense l’a rappelé devant la commission d’enquête, le leur en donne l’ordre.
Quelles dispositions opérationnelles avez-vous donc prises pour mieux intégrer les 10 000 militaires de Sentinelle et éviter à l’avenir un tel dysfonctionnement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, comme vous le savez, les membres de la commission d’enquête ont été reçus ce matin au ministère de l’intérieur, et ceux qui ont pu participer à cette rencontre ont été les témoins d’une discussion apaisée et ont constaté, ce que j’ai eu l’occasion de répéter tout au long des travaux de cette commission, c’est-à-dire l’entière disponibilité du ministère de l’intérieur pour rehausser constamment notre dispositif de sécurité.
Le premier point sur lequel je voudrais insister, c’est que le rapport de M. Pietrasanta est extrêmement clair sur les conditions d’intervention des forces de sécurité intérieure au Bataclan, établit une chronologie très précise de cette intervention et conclut que, compte tenu des circonstances de l’attaque, elle s’est passée dans les meilleures conditions possibles. Les conclusions du rapport sont sans aucune ambiguïté à cet égard et je pense que pour la sérénité des débats et pour la vérité que l’on doit aux victimes, et je rappelle que j’ai reçu leurs deux associations hier, il est très important que l’on ne lui fasse pas dire le contraire de ce qu’il contient. J’invite tous les parlementaires, puisqu’il est en ligne, à se référer aux conclusions du rapporteur : elles sont extrêmement claires et pour le moins légèrement différentes de l’interprétation que vous venez d’en faire.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Le second point que je tiens à souligner, pour répondre à votre dernière interrogation et dans un contexte où il pourrait y avoir d’autres tueries de masse, c’est le fait que nous avons complètement refondé les conditions d’interventions des forces spécialisées et réarticulé les conditions d’intervention des primo-arrivants, des primo-intervenants et desdites forces en réarmant notamment les BAC et les PSIG – les pelotons de surveillance et d’intervention d de la gendarmerie –
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
… de façon extrêmement rapide afin de pouvoir disposer des meilleures conditions d’intervention.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le comité de suivi des retraites vient de souligner le redressement financier des comptes du système de retraite. Je le cite : « l’actuel système assure pour dix ans un taux de remplacement conforme aux objectifs. » C’est une bonne nouvelle pour tout le monde car, après que nous avons permis le départ à la retraite à soixante ans pour les carrières longues, voici venu le temps de l’amélioration financière du système.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je ne voudrais pas être désagréable, mais je suis tout de même obligée de constater que ce qui n’avait pas été possible avec la droite, l’est tout à fait avec ce gouvernement.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Je note d’ailleurs que la droite persiste et signe puisque, malgré cette amélioration, ses candidats à la candidature aux présidentielles veulent imposer aux Français des départs à la retraite entre soixante-quatre ans et soixante-cinq ans.
Madame la ministre, au regard de ces premiers éléments positifs et encourageants, comment envisagez-vous l’avenir de notre système de retraite et les moyens de conforter ce redressement ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la députée, vous avez raison : c’est une bonne nouvelle qu’annoncent le rapport du Conseil d’orientation des retraites comme celui du comité de suivi de la réforme des retraites, lesquels nous indiquent que le rétablissement des comptes pour le versement des retraites a été réalisé et qu’il sera durable puisque à l’horizon 2030, ces rapports indiquent que l’équilibre sera encore au rendez-vous alors qu’en 2012, on nous annonçait un déficit de 25 milliards d’euros à la même échéance ! Nous avons donc réalisé un double rétablissement. Je rappelle que le déficit s’élevait à 6 milliards d’euros en 2012 pour les retraites, et que, pour la première fois depuis le début des années 2000, nous sommes à l’équilibre cette année.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ce rétablissement sera durable puisque au lieu des 25 milliards de déficit annoncés pour 2030, une situation d’équilibre est dorénavant prévu.
Vous avez d’autant plus raison de rappeler cette bonne nouvelle, madame la députée, que cela fait tant d’années qu’on leur parle du déficit des retraites, que les Français ont du mal à y croire. Mais les conclusions de ces rapports sont avant tout positives et satisfaisantes pour les Français ; pas pour nous, pas pour ceux qui sont dans cet hémicycle, pas pour les fonctionnaires, mais pour nos concitoyens qui pourront ainsi, demain, compter sur le versement de leur retraite.
Certes, certains peuvent dire qu’il faudrait travailler plus longtemps, relever l’âge de départ pour percevoir une retraite à taux plein, mais c’est alors pour d’autres raisons que financières car celles-ci ne justifient pas aujourd’hui ce relèvement, l’équilibre étant au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est le résultat des efforts des Français et de la politique que nous menons : par conséquent, nous pouvons en être collectivement satisfaits car c’est dans l’intérêt de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, certes l’actualité est dense mais n’oublions pas la détresse de nos agriculteurs. Alors que vous êtes aux manettes depuis quatre ans, ils meurent en silence. Il est vrai que le secteur agricole dépend beaucoup des politiques européennes mais ce que décide la France, ce que vous avez décidé depuis quatre ans, n’est pas neutre.
Les charges pèsent lourdement sur nos agriculteurs, comme sur nos artisans et nos petites entreprises. Les contraintes qu’on leur impose sont plus lourdes en France qu’ailleurs. Qu’il s’agisse des normes des bâtiments d’élevage, de la directive Nitrates ou de l’instruction des dossiers PAC, notamment, tout est toujours plus compliqué pour les agriculteurs français.
Ce n’est pas par des coups médiatiques ou les annonces successives de plans de soutien sans efficacité – en juillet 2015, septembre 2015, janvier 2016, février 2016 – que vous leur apporterez des solutions. Passez aux actes ! Dans nos territoires, rien n’a changé. Près de la moitié des éleveurs sont dans le rouge, beaucoup baissent les bras et veulent arrêter leur activité. Un agriculteur se suicide tous les deux jours. Les agriculteurs vendent leur lait à perte ; les prix des céréales et de la viande se sont effondrés. Ils sont accablés par des emprunts et perdent de l’argent chaque jour travaillé.
Alors que la pluviométrie du mois de juin a entraîné des dégâts immenses – plus de 10 000 hectares ont été abîmés dans le seul département des Ardennes –, que de tergiversations de votre ministère pour les aides PAC sur ces surfaces ! Vous indiquez dans un premier temps qu’il faut s’engager dans une procédure « calamités agricoles », et puis non : il faut impérativement déclarer toutes les communes impactées en situation de catastrophe naturelle ; et puis non, finalement un arrêté préfectoral suffira ! Voilà comment sont gérées les difficultés des agriculteurs.
Qu’allez-vous enfin faire pour épargner aux agriculteurs les tourments d’une réglementation instable et tatillonne et pour qu’ils puissent enfin vivre de leur travail ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, vous évoquez de nombreux sujets, en particulier ceux liés aux installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE. Je vous rappelle que la législation que vous dénoncez a été assouplie sous ce gouvernement. Ce qui la rendait difficilement applicable, c’était vos normes, vos décisions.
Pour tous ces établissements, en particulier les établissements d’élevage, c’est nous qui avons simplifié le régime des installations ICPE qui s’applique aujourd’hui.
Quant à la directive Nitrates, elle a été signée voici une quinzaine ou une vingtaine d’années. Elle s’applique aujourd’hui, elle aussi, selon des règles que vous avez vous-mêmes mises en oeuvre et que nous sommes chargés aujourd’hui, malheureusement, d’appliquer en conciliant souci de la protection de l’environnement et des agriculteurs.
Vous avez ensuite évoqué la question des inondations. Je suis désolé, mais il n’y a jamais eu de changement : les communes reconnues en état de catastrophe naturelle sont éligibles aux aides PAC. Dans toutes ces communes, les agriculteurs dont les surfaces ont été inondées pourront recevoir des aides. Pour les exploitations situées hors des communes reconnues en état de catastrophe naturelle, des arrêtés préfectoraux viendront justifier le fait qu’on verse des aides aux agriculteurs.
Enfin, s’agissant des aides PAC, l’Union européenne a refusé d’apurer les comptes pour les versements intervenus entre 2008 et 2012, certaines surfaces déclarées n’étant pas conformes.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il a fallu refaire l’ensemble du registre parcellaire graphique pendant l’année 2015, ce qui nous a fait prendre du retard. Mais comme j’ai le souci des agriculteurs, nous leur avons versé des avances, en octobre et en décembre 2015. Il en ira de même en 2016. Pour répondre à la question également posée par M. Sansu, dès octobre, 90 % de ces aides seront versés en avance, parce que ce sont les agriculteurs qui comptent.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, la COP21 a donné lieu à des engagements forts et historiques. Les accords de Paris ont été la promesse d’une transition de l’économie française et mondiale vers le bas carbone. Pour y répondre, il est important de favoriser et de soutenir les investissements décarbonés. C’est pourquoi le Gouvernement avait chargé MM. Mestrallet, Canfin et Grandjean d’établir un rapport, qui vous a été rendu ce lundi.
La mission démontre que le système européen d’échanges de quotas d’émissions et le prix carbone qui en découle sont insuffisants : ils ne permettent pas d’atteindre l’objectif de maintien du réchauffement climatique en dessous de deux degrés. Le rapport conclut qu’il est nécessaire de compléter le dispositif par un mécanisme de « corridor de prix », pour donner davantage de visibilité aux acteurs économiques et accélérer les réductions d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne.
L’instauration d’un tel corridor, encadré d’un prix minimum et d’un prix maximum, serait un signal clair qui déclencherait les investissements dans les technologies bas carbone, ce qui permettrait, par exemple, de réduire la part du charbon dans la production d’électricité dans toute l’Europe.
Le rapport fait aussi des propositions pour mettre en oeuvre l’engagement pris par le Président de la République d’instaurer dès 2017 un prix plancher du carbone en France, afin d’accélérer la sortie du charbon. Néanmoins, certains territoires seraient fortement touchés par cette mesure, du fait de leur spécificité ou de la mauvaise foi de l’électricien allemand Eon-Uniper – je pense aux centrales de Saint-Avold et de Gardanne.
Avec mes collègues Paola Zanetti et Laurent Kalinowski, nous souhaitons avancer sur ces deux dossiers en toute intelligence. J’espère que le Gouvernement saura nous écouter.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il mettre en place ce corridor de prix au niveau européen d’ici 2020 ? Quelle démarche spécifique souhaitez-vous engager pour Gardanne et Saint-Avold, qui seront touchés dès 2017 par le prix plancher du carbone ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, pour engager résolument notre planète dans la transition vers une économie à bas carbone, il faut accompagner les acteurs économiques dans leur choix d’investissement. Le prix du carbone est un signal qui permet cet accompagnement, à la fois parce qu’il incite à privilégier les énergies décarbonées mais également parce qu’il permet de dégager des moyens pour financer la transition énergétique.
La présidence française de la COP21 s’est engagée résolument sur le prix du carbone. Le Président de la République a fait partie des premiers chefs d’État et de gouvernement à lancer la coalition pour un prix du carbone, qui réunit aujourd’hui vingt-six gouvernements et près d’une centaine d’entreprises. La France montre l’exemple, avec une couverture presque totale de nos émissions de gaz à effet de serre par un prix du carbone. Nous avons introduit une contribution énergie climat sur les produits énergétiques polluants, qui sera portée à 30 euros la tonne l’an prochain, à 56 euros en 2020 puis à 100 euros en 2030, conformément à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votée à l’initiative de Ségolène Royal.
Nous mettrons en place dès l’an prochain un prix plancher du carbone dans le secteur de la production électrique. Cette mesure a été annoncée par le Président de la République en ouverture de la Conférence environnementale. Ce prix plancher viendra compléter, en plus d’un corridor de prix, le marché européen de quotas de carbone, qui, comme vous l’avez dit, est aujourd’hui défaillant. Il sera ciblé sur les centrales à charbon, suivant les propositions de Pascal Canfin, Gérard Mestrallet et Alain Grandjean, remises à Ségolène Royal lundi, de telle sorte que le gain environnemental soit significatif, tout en préservant la sécurité du système électrique.
La France compte encore quatre centrales à charbon. L’opérateur historique, EDF, compte maintenir cette capacité, pour faire face à des pics de consommation. Ce n’est, semble-t-il, pas le choix de son concurrent, Uniper, ex-Eon, qui détient les sites de Gardanne et de Saint-Avold, que vous avez cités, monsieur le député. Sur ces points, vous pouvez être sûr que le Gouvernement est prêt à travailler, avec ces territoires, à des projets de transition énergétique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
À 300 jours du vote sur le « Hollandexit », je voudrais, monsieur le Premier ministre, vous interroger sur le bilan de votre gouvernement et sur sa passivité à l’égard des occupations illégales de terrains par un nombre croissant de groupes de gens du voyage.
C’est un fait établi : avec l’été, les gens du voyage voyagent. Jusqu’ici tout va bien ; mais ce qui est inacceptable, c’est que les communes qui respectent leurs obligations légales d’accueil se voient trop souvent confrontées à des occupations sauvages de terrains.
En Vendée littorale, comme ailleurs, on ne compte plus le nombre de stades de foot, de parcs publics, d’aérodromes privatisés en toute impunité par des groupes de gens du voyage. Tout se passe comme si les gens du voyage avaient tous les droits et les habitants des communes qui les accueillent seulement celui de subir et de payer les dégâts. Tout se passe comme si certains Français étaient plus égaux que d’autres !
Nous, députés de droite, avions pourtant déposé une proposition de loi visant à rééquilibrer les droits et devoirs respectifs des gens du voyage et des collectivités. Votre majorité l’a balayée et est responsable du fait que le droit en vigueur à l’été 2016 n’a pas évolué d’un millimètre sur ce sujet sensible.
Pourtant, les choses sont simples : la liberté de stationnement des gens du voyage s’arrête là où commence la propriété des autres.
Monsieur le Premier ministre, donnez aux maires les moyens de lutter, à armes juridiques égales, contre les occupations sauvages, afin de garantir la propriété privée, la tranquillité publique et l’ordre. Donnez plus de droits aux communes et plus de devoirs aux gens du voyage qui ne respectent pas les règles.
Il y a urgence, monsieur le Premier ministre : il ne vous reste que 300 jours pour agir enfin ; il ne vous reste que 300 jours pour pacifier les conditions d’accueil des gens du voyage ; il ne vous reste que 300 jours avant le « Hollandexit » !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, je pense que la question est suffisamment sérieuse pour qu’elle ne se prête pas à une politisation de mauvais aloi ! J’essaierai néanmoins de répondre à votre question sur le fond.
D’abord, vous le savez ou vous devriez le savoir, le Gouvernement a décidé d’intégrer dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté le contenu de la proposition de loi de Dominique Raimbourg, qui traite de cette question avec beaucoup de justesse.
Cela n’a pas pu être fait plus tôt car, au Sénat, la droite a refusé d’inscrire ce texte à l’ordre du jour.
Que dit cette proposition de loi ? Elle fait enfin entrer les gens du voyage dans le droit commun, tournant ainsi le dos à l’histoire que vous connaissez, une histoire discriminatoire qui n’avait pas de raison d’être. Il s’agit donc d’une avancée importante.
Elle interdit aussi la discrimination envers les enfants, en fonction du type d’habitat, lors de l’inscription à l’école.
Enfin, elle donne, monsieur le député, de nouveaux droits aux maires qui se conforment à la loi, c’est-à-dire à ceux qui veillent à ce que, sur le territoire de leur commune, les gens du voyage aient la possibilité de disposer d’un certain nombre de terrains dans un certain nombre de conditions. Cela permettra aux préfets saisis par ces maires d’intervenir de manière plus rapide et plus permanente, grâce au renforcement des procédures.
Dans le même temps, l’aide au financement des aires d’accueil des communes et des intercommunalités est renforcée par l’action de l’État, tant via la dotation globale de fonctionnement que via les crédits destinés aux territoires ruraux.
Voilà, avec précision, monsieur le député, comment nous agissons de façon concrète, sans stigmatisation, sans populisme, sans démagogie, et avec le sens de l’intérêt…
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, la loi de modernisation de notre système de santé votée en janvier 2016 répond à trois défis : l’allongement de la durée de la vie ; l’augmentation des maladies chroniques ; la persistance des inégalités de santé. Vous avez fait de la prévention une priorité ; à titre d’exemple : lutte contre le tabagisme, détection précoce des signes de l’obésité ou des troubles de l’apprentissage.
Cette loi est la preuve, par les actes, de notre volonté de réformer dans le respect des valeurs que nous partageons à gauche,…
Quelle gauche ? La gauche Macron, la gauche Valls ou la gauche Hollande ?
… et de notre détermination à réduire les difficultés d’accès au système de soins.
La réorganisation des soins de proximité place le médecin généraliste au coeur du système. Nous espérons que les mesures prises suffiront à remédier au nombre insuffisant de médecins dans certains territoires.
Vous avez convaincu et vous avez mis en place le tiers payant. Ne plus avancer l’argent de leurs soins est un progrès incontestable pour tous ceux qui ont de faibles revenus. Après les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire et ceux de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, pour qui le tiers payant est déjà effectif, les femmes enceintes et les personnes atteintes d’une affection de longue durée – ALD – en bénéficient depuis le 1erjuillet 2016. C’est le cas, notamment, de personnes diabétiques ou de celles atteintes d’un cancer ou de la maladie d’Alzheimer.
Une femme enceinte paie 640 euros au cours de sa grossesse ; les diabétiques en ALD, en moyenne, 1 100 euros par an. Trop souvent, ces personnes renoncent à se soigner correctement, ce qui entraîne des complications aux coûts encore plus élevés.
Le tiers payant ne couvre pas l’ensemble des frais liés à la prise en charge des soins, mais ce sont 15 millions de personnes qui vont en bénéficier.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les étapes et les modalités de mise en oeuvre du tiers payant généralisé pour la partie remboursée par la sécurité sociale ? Pouvez-vous nous indiquer dans quelles conditions le tiers payant…
Merci, madame la députée.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la députée, vous l’avez rappelé, depuis 2012, l’un des fils conducteurs de la politique menée en matière de santé et de soins est de garantir l’égal accès de tous aux soins. Si nous voulons que l’excellence de la médecine française produise tous ses résultats, nous devons en effet nous assurer que chacune et chacun dans ce pays puisse y accéder.
Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre – je n’y reviendrai pas. Le tiers payant généralisé est incontestablement une mesure forte, qui va dans ce sens : vous avez rappelé les chiffres.
Le 1er juillet, nous avons engagé la deuxième étape de la mise en oeuvre du tiers payant généralisé. L’année dernière, ce sont les bénéficiaires de l’aide au paiement d’une complémentaire santé qui y avaient eu accès. Depuis le 1er juillet, ce sont tous ceux qui sont pris en charge à 100 % par l’assurance maladie : les malades chroniques, ceux atteints d’une maladie grave et les femmes enceintes.
On a entendu certains professionnels s’étonner de ce que le tiers payant ait été mis en oeuvre directement, sans qu’ils le souhaitent ou qu’ils s’en rendent compte. C’est une bonne nouvelle, et nous devons le saluer. Après des mois et des mois durant lesquels on nous a expliqué que la simplicité devait être au rendez-vous, eh bien, dès le 1erjuillet, la simplicité était telle que certains médecins ont fait du tiers payant sans même s’en rendre compte, sans même avoir à accomplir des actes particuliers ! Il s’agit d’une avancée significative.
Ah oui ? Allez voir les médecins et demandez-leur ce qu’ils en pensent !
De même, depuis le 1er juillet, des sanctions, sous la forme de pénalités financières, pèseront sur l’assurance maladie si celle-ci ne paie pas le médecin en moins de sept jours ; de nouvelles pénalités seront fixées au-delà du onzième jour.
Le tiers payant est une avancée sociale majeure, que les Français…
Monsieur le Premier ministre, votre principale marque de fabrique est de refuser violemment toutes les remarques et, surtout, les propositions. Au cours des derniers mois, vous n’avez eu de cesse de nous rabrouer avec beaucoup d’agressivité,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain
lorsque, par exemple, nous avons tenté de vous encourager à réformer le système du régime social des indépendants – RSI –, qui pénalise gravement les artisans et indépendants de France
Mêmes mouvements
; lorsque nous avons défendu des propositions pour rétablir la compétitivité des agriculteurs de France ou lorsque nous vous avons alerté sur les travers du tiers payant généralisé que refusent les professionnels de santé de France.
Rien à faire : c’est vous et vous seul qui avez raison. Nous avons tort ; nous avons toujours eu tort depuis 2012, que dis-je, depuis 2007, 2002, 1995 ou même avant …
Et voici qu’à présent l’un de vos plus éminents ministres rassemble des milliers de personnes en marge – si je comprends bien – de sa charge, dont il a bien de la chance qu’elle lui laisse le loisir d’organiser des soirées.
Face aux Français, un ministre en exercice de votre gouvernement fustige les mesures que vous leur imposez contre leur gré et va jusqu’à qualifier la loi « Travail », encore chaude de son passage à coups de 49-3, de « texte du passé ». Face aux Français, un ministre en exercice, en dénonçant un à un tous les choix auxquels il a pris part dans votre gouvernement, atteste ainsi de votre absence totale de cap pour le pays.
Alors, monsieur le Premier ministre, la représentation nationale, qui a tant de fois essuyé vos accès de colère autoritariste, se demande aujourd’hui, et vous demande, comment vous comptez conduire les affaires de la France pendant un an encore au milieu d’une telle cacophonie ; elle se demande surtout quand vous allez enfin vous décider à être un Premier ministre « normal »…
Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain
…, dont les membres ne s’occuperaient que des Français et n’auraient pour priorité que leurs emplois, leur sécurité, leur accès aux soins, leur pouvoir d’achat et l’avenir de leurs enfants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
« Il est où Macron ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Cette séance de questions au Gouvernement est l’une des dernières de cette session et, indiscutablement, un certain nombre d’entre nous ont vraiment besoin de vacances.
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’espère donc que tout ce que vous avez sur le coeur ne viendra pas troubler vos propos, qui en l’occurrence m’ont semblé légèrement décousus. J’ai donc quelques difficultés à centrer ma question…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
…par exemple pour vous parler des mesures que nous avons prises en matière de politique sociale, laquelle était l’un des aspects de votre question. Ma collègue Marisol Touraine vous a rappelé, il y a quelques instants, ce que nous avons fait en matière de retraites ou pour la généralisation du tiers payant.
Mêmes mouvements.
Visiblement, nous ne faisons pas le même constat : en ce qui nous concerne, nous faisons en sorte de mettre en avant ce qui marche,
« En marche ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
nous avançons, nous ne sommes pas dans l’aigreur ou le dénigrement auxquels – sans doute sous l’effet de la fatigue qui vous accable – vous cédez trop facilement.
Pour le reste, monsieur le député, je veux vous rassurer. Nous avons, dans cette enceinte, une majorité qui fait avancer un certain nombre de textes.
Pour le camp que vous représentez, l’automne, semble-t-il, sera suffisamment studieux pour que vous ne nous donniez pas trop de leçons sur la manière dont nous sommes capables de nous rassembler.
Voilà, monsieur le député, quelques éléments qui pourront vous servir de devoirs de vacances.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je veux à mon tour, monsieur le Premier ministre, revenir sur l’Euro de football. Bravo au Portugal pour son premier titre, tant attendu par les Portugais, et, au-delà de notre déception, l’équipe de France mérite aussi nos félicitations. Cet Euro aura également été une belle fête, avec une organisation unanimement saluée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Celle-ci, on l’a dit tout à l’heure, montre notre savoir-faire, n’en déplaise à ceux qui sont dans la critique permanente.
Je veux également remercier nos forces de sécurité, qui ont permis la réussite de cette compétition.
Mêmes mouvements.
Saluons aussi les réussites économiques et sportives, mais, surtout, réjouissons-nous de la ferveur du peuple de France, rassemblé derrière son équipe et fier de ses Bleus, dans leur diversité et leurs différences. Les drapeaux tricolores aux fenêtres, sur les visages, notre hymne national entonné à l’unisson : tout cela montre que le patriotisme n’appartient pas à un parti politique mais à tous les Français.
La fraternité, c’est s’opposer à la haine et au repli sur soi. Mais n’oublions jamais l’esprit inculqué par l’entraîneur, qui a su donner une ambition collective à cette équipe, avec pour valeur l’humilité et la solidarité. « Un pour tous, tous pour un », écrivait Alexandre Dumas : quel bel exemple ! Oui, quand nous sommes rassemblés, la France est dans le peloton de tête.
Ma question s’adresse à vous, monsieur le Premier ministre, mais aussi à chacun d’entre nous. Nous savons nous rassembler dans les moments tragiques ou festifs. Comment faire pour que l’unité nationale anime notre pays en permanence ? Comment agir pour que cet enthousiasme autour des symboles de la patrie et de la République perdure et qu’ensemble nous puissions continuer d’être fiers de notre pays et avoir souvent l’occasion de dire « vive la France, vive la République » ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Voilà une belle question pour achever cette séance, monsieur le député Krabal !
Vive la France et vive les Bleus, en effet. Nous avons vécu un événement hors normes, piloté par l’Union des associations européennes de football – UEFA –, l’État et les collectivités territoriales. Je tiens à saluer à mon tour le président Juppé, qui a été un partenaire remarquable dans l’organisation de l’Euro.
Notre pays a montré sa capacité à organiser de tels événements, malgré l’état d’urgence, malgré les polémiques inutiles – jusque sur les bancs de cet hémicycle –, malgré la semaine terrible qui a précédé l’Euro – on se souvient des inondations dramatiques que nous avons alors connues. Nous devions tenir et nous avons tenu : sur le plan de la sécurité, M. Cazeneuve l’a rappelé tout à l’heure, avec des services d’ordre exceptionnels, mais aussi avec une justice qui s’est montrée sévère quand il le fallait. Nous avons tenu sur le plan de l’organisation, qui nous a permis d’accueillir des millions de supporters étrangers, plus nombreux que les supporters français dans les stades. Nous avons tenu sur le plan diplomatique : vingt-deux chefs d’État et de Gouvernement ont été reçus pendant l’Euro, ainsi que des dizaines de ministres, et pas uniquement des ministres des sports.
Quatre millions de Français ont fréquenté les « fans zones ». Il y a eu des matchs hors normes, tel France-Allemagne à Marseille, qui a été vu par vingt millions de téléspectateurs en France et trente millions en Allemagne. L’ensemble de la compétition a été suivi par un total cumulé de sept milliards de téléspectateurs.
Au-delà de ce bilan chiffré, je veux aussi insister, mesdames et messieurs les députés, sur le bilan immatériel de l’Euro : nous avons en effet montré une image forte et rassurante de la France, une image qui, je crois, fait honneur à notre pays, malgré les difficultés considérables auxquelles nous avons été confrontés et les grands défis que nous avons dû relever en 2015.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. David Habib.
Monsieur le président, madame la rapporteure de la la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi répond à une inquiétude partagée sur tous les bancs. Plusieurs parlementaires ont en effet saisi le Gouvernement et il ne doute pas qu’à l’Assemblée nationale, comme le 29 juin dernier au Sénat, elle fera consensus.
Le sujet a d’ailleurs déjà été traité par votre assemblée à l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, et plus particulièrement de son article 51 ter B. Mais si cet article répondait aux difficultés rencontrées, l’échec de la commission mixte paritaire l’a rendu caduc.
Quels sont les faits ? Où réside le problème ?
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a abrogé l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat. Ce faisant, elle a supprimé la possibilité pour les notaires d’habiliter certains de leurs clercs de notaires assermentés à l’effet de donner lecture des actes et des lois ainsi que de recueillir les signatures des parties. En effet, dans certaines études notariales, les clients ne voient jamais le notaire et n’ont de contacts qu’avec les clercs habilités.
L’objectif de cette abrogation était de susciter dans les offices un accroissement du besoin de notaires en exercice et, corollairement, une intégration progressive à la profession de notaire des clercs habilités.
Au 1er janvier 2015, on dénombrait 9 558 clercs habilités dans les offices, soit 20 % de l’effectif total des salariés, hors notaires salariés ; 3 992 d’entre eux ne remplissaient pas les conditions pour être nommés notaires, dont 1 330 n’étaient pas non plus titulaires du diplôme de premier clerc ou d’un diplôme de l’Institut des métiers du notariat. Ces clercs habilités ne remplissant pas les conditions pour être nommés notaires sont généralement des femmes, habilitées pour la plupart depuis une dizaine d’années.
Pour que ces personnes accèdent à la profession de notaire, il était nécessaire de prendre des mesures réglementaires d’accompagnement, notamment avec un dispositif de validation des acquis de l’expérience – VAE.
Dans cette perspective, le Gouvernement a défini une passerelle ouverte aux clercs habilités qui remplissent certaines conditions de durée d’expérience et, le cas échéant, de diplômes. Cette passerelle permet l’accès aux fonctions de notaire aux personnes justifiant avoir exercé les fonctions de clerc habilité pendant une durée significative, ou pendant une durée plus réduite mais sous réserve de réussir un examen portant sur les connaissances techniques.
Cette passerelle permettra donc d’ouvrir l’accès à la profession et constituera une alternative sociale pour les clercs habilités. La fin de l’habilitation signifierait en effet pour ces personnes le retrait d’une partie de leurs compétences, et pour leurs employeurs la privation de personnels compétents. Cela risquerait d’induire des problèmes sociaux, notamment en termes de licenciement ou, à tout le moins, de rétrogradations. L’accès à la profession de notaire est au contraire la valorisation certaine d’une expérience professionnelle réelle et d’une véritable expertise dans des domaines spécifiques – droit de l’immobilier, droit de la famille, droit rural. Ce savoir-faire est renforcé par des stages de formation continue.
Étant donné son objectif, ce dispositif ne peut toutefois avoir qu’une durée limitée. Le Gouvernement a donc prévu que ces dispositions ne seraient applicables que jusqu’au 31 décembre 2020. Il est cependant nécessaire de leur permettre de déployer leurs pleins effets sans que la situation professionnelle des personnes concernées soit mise en péril. Or, la loi a prévu, à titre de disposition transitoire, que les habilitations conférées avant le 1erjanvier 2015 continuent à produire leurs effets « jusqu’au premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi », c’est-à-dire jusqu’au 1eraoût 2016. Aussi, afin de donner sa pleine efficacité à la passerelle, il est nécessaire de prolonger le délai de validité des habilitations, qui court donc jusqu’au 1eraoût 2016, jusqu’à la date du 31 décembre 2020, de façon à assurer une continuité entre la période d’habilitation et l’entrée dans le notariat.
Cette proposition de loi est un texte de bon sens, et d’une exceptionnelle brièveté, puisqu’il ne comprend qu’un seul article. Elle a été déposée au Sénat le 9 juin 2016 par le sénateur Jacques Bigot, que je veux remercier. C’est un texte de consensus qui a bien évidemment le soutien du Gouvernement et qui a été adopté par le Sénat le 29 juin dernier.
Mesdames, messieurs les députés, vous l’aurez compris, le calendrier est contraint : une adoption conforme dans les deux assemblées avant la fin du mois de juillet permettrait une entrée en vigueur de la loi avant le 1er août. Les clercs habilités l’attendent. C’est un texte pragmatique qui répondra à leurs inquiétudes légitimes et leur apportera des solutions.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la justice, garde des sceaux, monsieur le président de la commission, mes chers collègues – notamment mes fidèles collègues Mmes Pochon, Capdevielle et Descamps-Crosnier, que je remercie d’être présentes dans l’hémicycle...
Sourires.
Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat le 29 juin et par notre commission, à l’unanimité, le 6 juillet dernier, vise à accompagner une réforme dont nous avons longuement discuté au cours de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il s’agit en effet de repousser la date de suppression des habilitations accordées par les notaires à leurs clercs du 1er août 2016 au 31 décembre 2020, pour l’aligner sur l’échéance du dispositif de validation des acquis de l’expérience dont peuvent bénéficier ceux d’entre eux qui souhaiteraient se reconvertir et devenir notaires.
Cet alignement constitue à la fois une mesure de coordination avec les dispositions réglementaires récentes fixant le cadre de cette validation des acquis et une mesure de cohérence avec l’engagement que nous avions pris envers la profession d’accompagner au mieux la réforme pour que les clercs actuellement habilités ne soient pas pénalisés. Ceux-ci sont encouragés à se reconvertir au plus tôt, sans toutefois que soient remises en question les conditions d’exercice de clercs qui, en activité depuis de longues années, s’apprêteraient à prendre leur retraite dans les années à venir. Cette mesure nous semble donc équilibrée et conforme à nos nombreux travaux sur ce sujet.
À cette fin, la présente proposition de loi reprend, dans des termes strictement identiques, les dispositions de l’article 51 ter B du projet de loi sur la modernisation de la justice au XXIe siècle tel qu’adopté en première lecture sur l’initiative du Gouvernement. Ce texte ne pouvant être adopté avant le 1eraoût 2016, il convenait qu’un autre véhicule législatif puisse l’être dans de meilleurs délais. C’est donc l’objet de la présente proposition de loi. L’article en question a d’ailleurs été, par coordination, supprimé du projet de loi précité par notre commission.
Pour éclairer le sens de cette réforme, je rappellerai qu’il était nécessaire de mettre un terme au système des habilitations pour plusieurs raisons.
En premier lieu, cette possibilité donnée aux notaires constituait un puissant frein à l’embauche de notaires en titre, puisqu’il était possible de leur substituer des clercs. Il est vrai que ceux-ci sont souvent des personnes très compétentes qui s’acquittent avec diligence de toutes les tâches préalables à la signature des actes. Cependant, de très nombreux jeunes diplômés notaires sont en attente de pouvoir s’installer, soit dans un office existant, soit en créant leur propre office. Actuellement, 4 000 diplômés ne parviennent pas à s’installer et il est de notre devoir de mettre fin à cette situation dommageable pour ces professionnels comme pour nos territoires. À ce titre, monsieur le ministre, nous nous félicitons que la carte sur les zones d’implantation, très attendue, soit en passe d’être publié – une publication annoncée pour la mi-juillet.
Je rappelle également qu’en 2008, le Conseil supérieur du notariat s’était engagé à créer 12 000 postes de notaire pour 2015. Or, cet objectif n’a pas pu être atteint, parce que rien dans le dispositif ne facilite la création d’offices. Le constat est regretté, les difficultés rappelées dans de nombreux rapports qui ont fait date. Quant aux clercs habilités, les professionnels déplorent unanimement que leurs nominations aient pour effet d’empêcher l’entrée dans la profession de notaires en titre, ce qui s’explique sans doute d’ailleurs par la très grande qualité de ces agents.
En deuxième lieu, le recours aux habilitations pouvait se traduire par des écarts de salaires et de reconnaissance professionnelle bien trop importants au regard des nombreuses missions confiées aux clercs. Enfin, en troisième lieu, il constituait un facteur d’éloignement du notaire de sa mission d’officier public ministériel, en responsabilité intuitu personæ de l’authentification des actes comme de la solennité qui s’y attache.
Pour ces raisons, la suppression des habilitations, recommandée par les professionnels lors des auditions sur ce sujet dans le cadre de notre mission sur les professions réglementées, ainsi que par l’Autorité de la concurrence, qui a été suivie par le Gouvernement, n’est pas remise en question par la présente proposition de loi. Celle-ci se contente d’accompagner la réforme que nous avons eu le courage de porter et qui est aujourd’hui saluée par une partie au moins de la profession, au motif qu’elle permet aux notaires de se concentrer à nouveau sur leur coeur de métier et qu’elle favorise l’accès des diplômés en notariat aux postes ainsi libérés.
À la suite de l’adoption de la loi croissance et activité, aucune nouvelle habilitation n’a été accordée et aucune ne le sera à l’avenir. Toutefois, il reste à prendre en compte la situation des clercs qui avaient été habilités, parfois pendant une longue période, avant le 1er janvier 2015. Cette suppression ne doit pas se faire au préjudice des clercs habilités, ainsi que nous nous y étions engagés à maintes reprises dans le cadre de l’examen de ladite loi. La mission de suivi de la loi croissance et activité, présidée par Richard Ferrand, n’a eu de cesse de rappeler l’exigence de prévoir dans le cadre réglementaire une validation des acquis à la hauteur des services ainsi rendus par ces professionnels, qui pour certains d’entre eux ne remplissent pas les conditions pour être nommés notaires. Parmi ceux-ci se trouvent principalement des femmes, habilitées en général depuis plus de dix ans.
Ainsi, trois dispositions transitoires ont été prévues. La première vise à mettre en place ce dispositif de validation des acquis de l’expérience pour permettre aux clercs habilités remplissant des conditions d’ancienneté ou de diplôme d’intégrer les fonctions de notaire. Cette passerelle, détaillée par le récent décret du 20 mai 2016, sera effective jusqu’au 31 décembre 2020.
La seconde permet aux notaires titulaires d’engager d’ici le 1erjanvier 2020 jusqu’à quatre notaires salariés au lieu des deux prévus pour les autres officiers publics ministériels, de manière à les encourager à recruter, sous ces nouvelles fonctions, leurs anciens clercs habilités.
La troisième consiste en une entrée en vigueur différée d’un an de la suppression des habilitations, pour permettre aux professionnels concernés de se reconvertir. La suppression des habilitations accordées avant le 1er janvier 2015 ne devait intervenir qu’à compter du 1er août 2016. Or, il est apparu que, pour permettre aux clercs de justifier des compétences requises pour devenir notaire dans de bonnes conditions, il était nécessaire de prolonger davantage la validité de leur habilitation. En effet, certains d’entre eux devront passer un examen de validation de leurs compétences qui peut nécessiter une préparation personnelle, donc un peu plus de temps.
Pour accompagner et encourager les reconversions, comme nous nous y étions engagés, la présente proposition de loi propose de substituer à l’échéance du 1er août 2016 celle du 31 décembre 2020, de manière à assurer une continuité entre la période transitoire de maintien des habilitations effectives et l’entrée dans le notariat par le biais de la validation des acquis de l’expérience. Il est utile de rappeler que cela ne doit pas être considéré comme le report nécessaire à cette date de la nomination en tant que notaires de clercs habilités qui pourraient bien avant cette date butoir satisfaire aux exigences de la validation des acquis de l’expérience et être promus notaires. Je le dis parce que des mails nous ont été adressés montrant l’inquiétude à ce sujet de certains clercs habilités.
Les clercs remplissant les conditions de diplôme pour être notaire pourront donc se reconvertir rapidement ; certains bénéficient d’ailleurs déjà des effets de la réforme. Les autres disposeront de quatre années supplémentaires pour concrétiser leur souhait de reconversion. Tout ceci témoigne de notre volonté et de celle du Gouvernement de poursuivre les réformes tout en garantissant que les conditions de leur mise en oeuvre soient adaptées à la situation des professionnels concernés.
Sur le fondement de cette présentation, et dans la continuité des travaux de la commission des lois, je vous invite, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, cette proposition de loi a été votée à l’unanimité par la commission des lois, après des débats d’ailleurs un peu byzantins. C’est un texte qui vise à adapter le droit en vigueur aux réalités – un texte de bon sens, ainsi que l’a dit le garde des sceaux voilà quelques instants. Elle sera donc probablement adoptée aujourd’hui, également à l’unanimité. Elle est soutenue par le groupe socialiste, écologiste et républicain que je représente.
Je tiens à vous féliciter à nouveau, madame la rapporteure Cécile Untermaier, car voilà des années que vous vous impliquez sur la question des professions juridiques réglementées. Le chantier était difficile, compliqué, et vous ne vous êtes pas fait que des amis… Il n’était pas évident de toucher à ces professions. Vous avez tout d’abord publié un rapport parlementaire sur le sujet, puis êtes intervenue en tant que rapporteure thématique dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, en particulier s’agissant des dispositions qui concernaient les notaires. Il était donc logique que vous soyez la rapporteure de la présente proposition de loi.
Il s’agit bien en effet d’une question d’égalité, plus précisément d’égalité d’accès à une profession réglementée. Contrairement à ce que certains croient, une profession réglementée n’est pas une profession fermée : ce n’est pas synonyme de rente et de fermeture. Nous avons donc mis un coup de pied dans la fourmilière, et ce n’était pas facile. Tout le monde a néanmoins bien compris aujourd’hui qu’il était nécessaire de le faire.
Il n’a jamais été question pour notre groupe de remettre en cause le rôle juridique ni même social des notaires, notamment dans les petites communes et dans les zones rurales les plus éloignées. Il n’a jamais été question non plus de contester leur légitimité, ni leur nécessaire proximité, car un maillage important existe sur l’ensemble du territoire. Cependant, il fallait tout de même forcer un peu la porte pour que des jeunes diplômés puissent enfin accéder à la profession. Il se trouve d’ailleurs que la plupart d’entre eux sont des femmes qui, bien que diplômées, ne parviennent pas à créer leur étude notariale.
Ils sont nombreux, dans nos circonscriptions, ces diplômés ayant fait de longues et difficiles études de droit qui aspirent à embrasser une profession libérale ! Travaillant comme salariés depuis de nombreuses années, ils sont souvent assez mal payés. Ils ont acquis de nombreuses compétences ainsi que la connaissance du terrain par leur pratique professionnelle. Quant aux clercs habilités, ils effectuent le travail des notaires depuis bien longtemps, donnant lecture des actes et des lois et recueillant les signatures des parties. En fait, ils font purement et simplement le travail des notaires !
Ils ont aussi un contact direct et régulier avec les clients des études et donnent de judicieux conseils, tant patrimoniaux que fiscaux, notamment en matière de droit des successions et de droit des personnes.
L’habilitation des clercs assermentés est une spécificité française dont il faut bien reconnaître qu’elle a fait son temps. Le moment est venu de tourner la page. Pratique jadis nécessaire pour les notaires, elle constitue aujourd’hui un obstacle et un véritable frein à l’accès à la profession de notaire. Je tiens d’ailleurs à saluer la volonté déterminée dont notre gouvernement a fait preuve pour enfin ouvrir cette profession.
Comme vous l’avez dit tout à l’heure, madame la rapporteure, les notaires ont pris des engagements et ne les ont pas respectés. La situation actuelle découle donc uniquement de leur défaut de volonté. Quant à la validation des acquis de l’expérience qu’a fait voter le gouvernement Jospin, elle a pris sa pleine mesure et permet la reconnaissance des savoir faire.
Enfin, notre majorité vient encore de renforcer le rôle des notaires, en votant hier le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Excusez du peu ! Désormais, il incombera aux notaires de donner force exécutoire aux conventions de divorce. Ce sont bien eux qui, par leur sceau et leur contrôle, assureront la force exécutoire des conventions de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’actes sous seing privé rédigés par deux avocats. Nous renforçons donc le rôle des notaires. Le groupe socialiste, écologiste et républicain aurait aimé que l’ensemble de cet hémicycle admette qu’il y a là une avancée importante pour les notaires.
Vous aurez compris, monsieur le garde des sceaux, que de nombreux notaires diplômés et clercs assermentés des deux sexes attendent impatiemment, dans nos circonscriptions, la publication de la nouvelle carte des études avant d’envisager un tournant important de leur carrière, ce qui semble assez légitime. Nous savons qu’un travail est mené en commun par la chancellerie et Bercy sur ce sujet. Pouvez-vous nous rassurer à propos de son agenda ?
Quoi qu’il en soit, nous voterons en faveur de la proposition de loi qui nous est présentée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous n’allons pas rouvrir le débat sur la profession de notaire et je souscris aux propos de Mme Capdevielle sur le sujet. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement d’une disposition présentée par Mme la rapporteure lors de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Lors de l’examen de cette loi, un amendement abrogeant l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat a été adopté. Cet article permettait l’habilitation d’un clerc assermenté à accomplir certaines formalités propres aux actes authentiques accomplies en principe par le notaire.
La suppression de ces habilitations par la loi visait à replacer les notaires au coeur de leur métier et favoriser l’accès de diplômés en notariat aux postes alors libérés. C’est une bonne chose. Le Gouvernement a eu raison de tenir bon face aux nombreuses résistances. L’Autorité de la concurrence a justifié cette mesure par le fait que les habilitations constituaient un frein au recrutement de notaires en titre, en qualité de salariés ou d’associés. De même, elles tendaient à éloigner le notaire de son rôle dans l’authentification des actes.
Afin de favoriser une entrée en vigueur apaisée de ces dispositions, le Gouvernement les a assorties, à raison, de mesures d’accompagnement facilitant l’intégration des clercs habilités dans la profession de notaire grâce au dispositif de validation des acquis de l’expérience prévu par la loi. Cette intégration est par ailleurs rendue possible jusqu’au 31 décembre 2020.
Le Gouvernement s’est engagé à faire en sorte que la suppression des habilitations ne porte pas préjudice aux clercs qui en bénéficiaient et remplissaient les conditions de diplôme ou d’expérience pour les exercer. Ainsi, un clerc habilité justifiant de l’exercice de ces fonctions pendant quinze ans au moins entre le 1er janvier 1990 et le 1er août 2016 peut prétendre à la reconnaissance de la fonction de notaire. Cette durée d’exercice peut être réduite sous condition de réussite à un examen de contrôle des connaissances techniques lui-même fonction de la période de l’habilitation et des diplômes obtenus.
Aussi, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui vise à reporter la date d’échéance des habilitations conférées avant le 1er janvier 2015 au 31 décembre 2020, au lieu du 1er août 2016 comme initialement prévu. Ce report vise à permettre aux notaires et clercs de notaires d’organiser les recrutements ou les changements de fonction adéquats. Pour ce faire, elle reprend l’article 51 ter B du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, examiné cette semaine en nouvelle lecture dans notre hémicycle. Cet article a du reste été supprimé, en raison de l’absence d’accord en commission mixte paritaire : l’adoption définitive du texte avant le 1er août 2016, date de fin des habilitations des clercs de notaires concernés, n’étant pas possible, la rédaction d’une proposition de loi distincte portant sur ce dispositif précis s’avérait nécessaire.
Par ailleurs, nous avons noté que le texte a été adopté à l’unanimité, sans modification, en commission des lois mercredi dernier. Forts de ce consensus et sachant qu’une adoption conforme du texte est souhaitable afin d’en promulguer les dispositions avant le 1er août 2016, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste que je représente aujourd’hui soutiendra ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Dès lors qu’ils garantissent aux personnes qui s’adressent à eux la possession de leurs biens et la pleine efficacité juridique de leur volonté ou de leur engagement, les notaires assurent une mission de service public dont la dimension humaine est essentielle. Aussi, nous devons leur permettre d’exercer leur métier dans des conditions optimales. Nous devons assurer l’accès à cette profession afin d’améliorer la répartition des offices sur le territoire national. Nous devons aussi garantir des tarifs adaptés à leurs prestations. Enfin, ils doivent être accompagnés face aux mutations de leur environnement. Tels sont, selon le groupe UDI, les véritables enjeux qui caractérisent la profession de notaire et doivent comme tels guider notre travail de législateur.
Avant d’aborder le fond de cette proposition de loi, je rappellerai brièvement les conditions de la suppression de l’habilitation des clercs de notaire par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron. Cette habilitation permettait aux notaires de confier à un ou plusieurs clercs assermentés la lecture des actes et des lois et le recueil des signatures des parties, ce qui permettait à un même notaire d’augmenter sensiblement le nombre d’actes authentiques qu’il émettait et le dispensait de l’accomplissement de formalités chronophages. Néanmoins, conformément à une recommandation de l’Autorité de la concurrence, cette habilitation a été supprimée en août 2015.
Le groupe UDI avait lui-même proposé cette suppression par voie d’amendement, afin de créer un appel d’air au sein des offices notariaux, dont les titulaires se verraient contraints de recruter des notaires salariés. On pouvait en effet considérer que ce dispositif constituait un frein à l’accès des jeunes professionnels au notariat salarié, car il permettait aux notaires de se dispenser d’en recruter tout en maintenant un fort niveau d’activité.
La loi a prévu que les habilitations conférées avant le 1erjanvier 2015 continueraient à produire leurs effets jusqu’au 1eraoût 2016. Dans ce court délai, le Gouvernement devait prendre les mesures réglementaires d’accompagnement organisant une période transitoire afin que les clercs habilités accèdent aux fonctions de notaire, grâce en particulier à un dispositif de validation des acquis de l’expérience.
Le Gouvernement a ainsi prévu de dispenser certains clercs habilités de l’obligation d’être titulaires d’une part d’un diplôme national de master en droit ou équivalent et d’autre part du diplôme de notaire. Cette dispense, inscrite dans le décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels, concerne les clercs habilités depuis plus de quinze ans, ou ceux qui le sont depuis moins longtemps à condition qu’ils réussissent un examen de leurs connaissances techniques. Or tous les clercs habilités ne parviendront pas à être recrutés. En effet, 14 % d’entre eux ne remplissent aucune des conditions requises et 28 % ne remplissent que la condition relative à la détention d’un diplôme de premier clerc de notaire ou d’un diplôme délivré par l’Institut des métiers du notariat.
Nous sommes tous solidaires de cette décision sur le fond. Cependant, voilà où le bât blesse : ces constats ne sont pas nouveaux. Le Sénat avait déjà alerté le Gouvernement sur les conséquences du délai prévu par la loi Macron et proposé de maintenir l’effet des habilitations pendant au moins cinq ans pour donner aux intéressés le temps de procéder à leur reconversion ou de faire des choix d’investissement et de recrutement conformes aux nouvelles conditions de la rentabilité de leurs structures. L’allongement des délais semblait nécessaire compte tenu de la situation professionnelle d’une partie des clercs concernés et de l’incertitude économique dans laquelle les études notariales allaient être placées en raison de la réforme.
Nous regrettons que ces propositions n’aient pas été prises en compte à temps. Nous voici donc contraints, près d’un an plus tard, de procéder à cette rectification en reportant la suppression des habilitations par le biais de cette proposition de loi, certes consensuelle, mais dont nous aurions pu nous dispenser. Nous espérons au moins qu’elle n’annonce pas une longue liste de textes destinés à réparer les imperfections, défauts ou oublis de la loi Macron !
En dépit de cette réserve, nous admettons que cette proposition de loi mettra fin à la menace de licenciement ou de perte de revenus à laquelle l’article 53 de la loi Macron expose les clercs habilités. N’oublions pas que, si cette profession n’est qu’une étape vers la profession de notaire pour certains clercs habilités, souvent les plus jeunes, il s’agit souvent pour les plus âgés d’une consécration de carrière.
Enfin, cette proposition de loi constitue l’occasion d’évoquer la carte des zones de libre installation que doit proposer l’Autorité de la concurrence. En commission, Mme la rapporteure a indiqué que ce document serait susceptible d’être signé à la mi-juillet par le ministre de l’économie et par vous-même, monsieur le garde des sceaux. Je vous poserai donc la même question que Mme Capdevielle : pouvez-vous nous livrer davantage d’informations à propos de ces délais ?
Nous soutiendrons donc cette proposition de loi, en espérant qu’elle ne constitue pas le début d’une longue série de textes visant à rectifier certaines dispositions de la loi Macron.
Oiseau de mauvais augure !
Sourires.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il faut croire que cette proposition de loi est la première d’une longue série de textes destinés à corriger les nombreuses incohérences de la loi dite pour la croissance et l’égalité des chances économiques, pour la partie concernant les professions juridiques réglementées.
Le péché originel de cette loi, adoptée elle aussi selon la procédure de l’article 49.3 de la Constitution, a été de pointer du doigt des professionnels du droit, parmi lesquels les notaires, et de les jeter à la vindicte populaire sous des prétextes fallacieux.
« Oh là là ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Les termes de « rentes de situation » ou « d’opacité », et bien d’autres, ont été prononcés dans cet hémicycle par un ministre à l’ambition dévorante, qui cède aux sirènes du populisme, selon les dires de M. Valls aujourd’hui, et qui se montre plus soucieux de sa popularité dans les sondages que de la défense d’un système juridique de droit continental, davantage protecteur que le système anglo-saxon dont il semble l’adepte. En effet, par-delà le devenir des professionnels eux-mêmes, c’est bien de l’avenir de notre système juridique dont il est question.
À la différence du droit anglo-saxon, notre système de droit latin repose sur les trois piliers que sont la loi, votée par le Parlement démocratiquement élu, le juge, qui tranche les conflits, et l’acte authentique, qui, par le sceau de l’État, constate officiellement l’accord entre les parties et lui donne la force d’un jugement.
Pour être pleinement efficace, l’acte authentique nécessite qu’un professionnel dont les compétences juridiques sont avérées, subissant un contrôle strict de ses agissements car tenant sa délégation du sceau de l’État directement du garde des sceaux, puisse officier en toute sérénité et avec la confiance de nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire de la République. En fragilisant le principal professionnel en charge de l’élaboration et de la réception des actes authentiques qu’est le notaire, c’est l’acte authentique lui-même, pilier de notre système juridique, qui risque de vaciller.
À un moment où nous subissons les assauts répétés et autres pressions des tenants d’un système anglo-saxon dérégulé, c’est une lourde responsabilité qui a été prise par le Gouvernement. Alors que François Mitterrand était tenté de faire des notaires des fonctionnaires, M. Macron voudrait qu’ils deviennent de simples certificateurs à l’américaine. Cette situation est d’autant plus paradoxale que nombre de pays émergents se tournent désormais vers la France pour importer son système de droit, reconnu dans le monde comme le plus protecteur du citoyen. Alors que nous ne pouvons que regretter le choix des Britanniques de provoquer le Brexit, la France et l’ensemble de l’Europe devraient faire de cette situation une opportunité pour renforcer le système juridique protecteur du droit continental.
L’erreur fondamentale commise par le Gouvernement et sa majorité est de considérer, même s’ils s’en défendent avec plus ou moins de véhémence, le droit, la matière juridique, comme une marchandise comme les autres.
J’en veux pour preuve que l’Autorité de la concurrence a été appelée à intervenir à de multiples reprises dans ce domaine, et que les notaires sont désormais placés sous la double tutelle de Bercy et de la chancellerie. On marche vraiment sur la tête !
Cette même Autorité de la concurrence veut augmenter le nombre de notaires de 1 650 en trois ans grâce à la libre installation dans des zones dites carencées mais, oubliant les principes de méritocratie et d’égalité républicaine qui avaient cours jusqu’alors en matière de création d’offices, avec la voie du concours, procédera par un système ridicule de course à l’échalote et de tirage au sort. J’observe également que l’Autorité, à l’image d’Emmanuel Macron pendant toute la discussion du texte sur la croissance, mélange allègrement les notions de nombre de notaires et de nombre d’offices.
Madame la rapporteure, vous avez beaucoup reproché, et encore tout à l’heure, aux représentants des notaires de ne pas avoir respecté leurs engagements en termes d’augmentation des effectifs. Outre que vous semblez ignorer que c’est le ministère de la justice qui assure les nominations, il semble que vous soyez affectée du syndrome Hollande.
Le candidat de 2012, lui aussi, avait complètement occulté la grande crise mondiale de 2008, qui a touché la France comme les autres pays. Les effets de cette crise se sont fait ressentir aussi sur les prix de l’immobilier et le nombre et la valeur des transmissions de patrimoine, impactant fortement l’activité notariale. Au plus fort d’une crise telle que celle-là, comment voulez-vous qu’une profession, quelle qu’elle soit, développe ses effectifs ? C’est un non-sens économique !
Par ailleurs, savez-vous que la densité notariale en France est le double de celle des autres pays européens qui connaissent le notariat latin ? Pour augmenter le nombre de notaires sans déstabiliser la profession ni nuire au maillage territorial, d’autres voies que la liberté d’installation pouvaient être ouvertes.
D’abord, la chancellerie aurait pu augmenter de manière importante le nombre d’offices à créer par la voie du concours – procédure fondée sur l’impartialité et la méritocratie républicaine – sur l’ensemble du territoire, en fonction des évolutions démographiques et économiques.
La seconde voie aurait été de rendre les contrats d’adaptation structurelle obligatoires. Jusque-là, ces contrats étaient destinés à inciter les études dépassant un certain nombre d’actes par notaire rapporté à un certain chiffre d’affaires à accueillir un ou plusieurs notaires supplémentaires. Cette méthode aurait été beaucoup plus douce et respectueuse des équilibres économiques. Cela aurait évité au notariat d’entrer dans un processus de concurrence exacerbée, dont le résultat risque d’être la détérioration de la qualité juridique.
La matière juridique, je le répète, n’est pas une marchandise comme les autres, même si le Gouvernement et l’Autorité de la concurrence voient les choses autrement, comme le prouve l’hérésie des ristournes commerciales sur les tarifs.
Cette réforme des tarifs avait pour objectif de rendre du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Mais savez-vous que, dans une vente immobilière, les honoraires perçus par les offices notariaux sont de l’ordre de 0,825 % de la valeur de l’immeuble ? Et savez-vous que les divers impôts et taxes perçus par l’État et les collectivités locales, qui sont de l’ordre de 6 %, ont été augmentés au moment même où le texte était discuté, et d’un montant équivalent auxdits honoraires ? N’aurait-il pas été plus souhaitable, pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens, de s’abstenir d’une augmentation d’impôts supplémentaire ?
Autre exemple d’incohérence : la modification des tarifs, dont le ministre nous avait annoncé la main sur le coeur qu’elle devait préserver le maillage territorial notarial, l’office notarial étant le seul point d’accès au droit dans de nombreux territoires ruraux. Or l’intervention de l’Autorité de la concurrence en la matière a un effet totalement inverse. En effet, pour 314 offices, l’impact dépasse le quart des bénéfices. Ces offices sont justement ceux qui assurent le maillage territorial, car ils sont implantés dans des communes de moins de 5 000 habitants. Leur taille modeste ne leur permet absolument pas de réagir à une variation d’une telle amplitude. Cette baisse remet donc en cause leur pérennité. Plus de 2 000 notaires et collaborateurs sont concernés par cette situation.
Par ailleurs, M. Macron n’a cessé, pendant la discussion du texte pour la croissance, d’invoquer la modernité, ou la nécessité de moderniser la profession notariale. C’est, là encore, la marque d’une méconnaissance totale de la réalité notariale. Cette profession est en pointe en matière d’outils numériques et technologiques : elle a créé l’acte authentique électronique ; elle procède à la télétransmission des actes avec l’administration ; elle a mis en place un partenariat avec la direction générale des finances publiques pour la numérisation du fichier de la publicité foncière ; elle mettra en ligne en octobre Notaviz, une plateforme d’échanges avec les clients, qui permettra à ceux-ci d’obtenir des éléments statistiques et de suivre l’évolution de leur dossier. Mais il est vrai que M. Macron n’était pas à une approximation près pour jeter le discrédit sur cette profession et justifier sa réforme !
Concernant le fond de cette proposition de loi, nous pouvons être d’accord sur le fait qu’il est anormal que les notaires ne rencontrent pas leurs clients pour recevoir leur consentement, ce qui est l’essence même de la fonction. Mais il faut reconnaître que l’habilitation, marque de confiance à l’égard du collaborateur, met aussi le pied à l’étrier de jeunes diplômés qui envisagent de s’installer.
Beaucoup de clercs habilités ont ressenti la suppression de ces habilitations comme une marque de défiance de la part du Gouvernement et de la majorité. Pour vous dédouaner de ce soupçon, vous avez décidé de mettre en place une validation des acquis de l’expérience très large, vous affranchissant des garde-fous existants. Si cette VAE existait déjà, il fallait, pour pouvoir s’installer notaire, être titulaire du diplôme de premier clerc, avoir exercé pendant sept ans et passé un contrôle des connaissances techniques.
Avec l’article 17 du décret du 20 mai 2016, le Gouvernement donne cette autorisation aux personnes justifiant avoir exercé les fonctions de clerc habilité pendant quinze ans, sans même contrôler leurs connaissances techniques. Là encore, il s’agit d’une méconnaissance totale du mode de fonctionnement des études notariales. Cela signifie en effet qu’un collaborateur, quel que soit son niveau de qualification juridique, pourra s’installer comme notaire même s’il n’aura fait que recueillir, pendant quinze ans, les signatures de clients dans des programmes immobiliers de grande ampleur dont le montage juridique complexe, lui, aura été effectué par le notaire titulaire de l’office.
Ce collaborateur, qui n’aura peut-être aucune connaissance juridique ou pratique dans les autres champs du droit où interviennent les notaires – droit de la famille, droit des successions, droit des collectivités – pourra s’installer sans aucun contrôle ! C’est le laisser aller vers d’immenses déconvenues. C’est aussi mettre en péril la sécurité juridique de ses futurs clients. C’est irresponsable.
Vous l’avez compris, pour le groupe Les Républicains, la réforme des professions réglementées contenue dans la loi Macron est non seulement inutile, incohérente et dangereuse, mais remet en cause à terme la solidité et l’efficacité de notre système juridique. Le présent texte est, comme je vous le disais en préambule, le premier d’une longue série de rustines destinées à maintenir à flot un dispositif qui prend l’eau de toute part.
Il appartiendra d’ailleurs à une prochaine majorité de réparer les dégâts que vous aurez causés. En attendant ces jours meilleurs pour le monde juridique français, nous voterons ce texte de rattrapage.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
À peine un an après la promulgation de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous sommes réunis, en cette veille de 14 juillet, pour en modifier une disposition. Je crains malheureusement que ce soit le début d’une longue série. C’est dire combien les interrogations que nous avions soulevées au cours de l’ensemble des débats en commission spéciale étaient fondées. Aujourd’hui, les problèmes apparaissent dans toute la réalité de l’application de la loi.
Vous-même, monsieur le garde des sceaux, ne vous y êtes pas trompé, et vos propos lors de votre audition par la commission de suivi le démontrent : « En arrivant au ministère, j’ai constaté la fracture générée par cette loi au sein des professions du droit. Ces professions, presque sans exception, ont vécu cette loi comme une hostilité à leur égard ». Cette fracture, nous en avions pleinement conscience, et la modification de l’article 53, afin de reporter la date de la suppression de la profession de clercs habilités au 31 décembre 2020, vient l’accréditer – même si cette modification, que nous voterons, est nécessaire.
L’article 53 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a supprimé la possibilité pour les notaires d’habiliter certains de leurs clercs assermentés à donner lecture des actes ainsi qu’à recueillir la signature des parties, afin de mieux valoriser leurs fonctions et de se préparer à devenir notaire de plein exercice.
D’après l’article, la possibilité de désigner des clercs habilités devait cesser le 1er août 2016. Cette date n’est évidemment pas tenable pour permettre l’accès des clercs habilités aux fonctions de notaire dans de bonnes conditions sociales. La Fédération générale des clercs et employés de notaires avait pourtant contesté ces dispositions et s’était étonnée, au moment de l’examen du texte, qu’elles n’aient pas été accompagnées d’une étude d’impact sur leurs effets sociaux potentiels. Mais eux non plus n’ont pas été écoutés !
Pourtant, nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’ouvrir la profession de notaire en permettant à de nombreux notaires assistants ou clercs habilités de devenir notaires à part entière. Les notaires eux-mêmes sont conscients de cette nécessité, mais n’acceptent pas les conditions qui leur ont été assignées par la loi Macron.
L’Autorité de la concurrence vient de rendre son avis sur la carte des installations : il y a un ensemble de zones suffisamment pourvues, d’autres qui le sont moins et des « zones de carence ». Dans ces deux derniers ensembles, les notaires auront la possibilité de s’installer librement, avec, s’il y a plusieurs candidats, un système d’horodatage que je continue de contester parce qu’il ne reconnaît nullement la valeur professionnelle du candidat ni les conditions dans lesquelles il s’installe. Votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, Mme Taubira, bien qu’à l’origine de ce système, semble-t-il, n’était pas loin de partager mon point de vue. C’est du moins ce qu’elle m’avait signifié lors de son audition par la commission de suivi.
Pire encore, rien n’oblige les notaires à s’installer dans les zones les plus rurales, puisque les transferts dans certaines zones très larges sont possibles. Ces transferts se feront inévitablement de la partie rurale vers la partie urbaine, créant ainsi des déserts notariaux comme nous en connaissons dans la santé. Tout le contraire de l’objectif recherché !
À chaque commission de suivi, je me suis également exprimé sur la rémunération des petits actes, un système de plafonnement qui, j’en suis aujourd’hui convaincu, créera très vite un notariat à deux vitesses. J’ai parfaitement compris que vous vouliez, avec cette mesure, relancer la vente de toute une série de petits biens qui, jusqu’ici, ne faisaient plus l’objet de transactions, tant les frais notariaux étaient élevés par rapport à la valeur du bien. Mais avec un plafonnement des émoluments à 10 %, ce sont les études rurales qui seront les premières victimes, puisqu’elles assurent majoritairement ces petits actes et ne trouveront rapidement plus aucune rentabilité. Ce sont pourtant déjà les plus fragiles. Parallèlement, les études plus importantes ou en zones urbaines pourraient être tentées de délaisser ces petits actes, malgré leur obligation d’instrumenter. Là encore, nous sommes loin de l’objectif recherché.
Lors de la dernière audition de M. Macron, j’ai senti, au travers des réponses qu’il m’apportait, qu’il infléchissait légèrement ses positions sur ce sujet. Même si les données existent sans doute déjà, je me suis empressé de demander à l’Autorité de la concurrence une étude quant aux effets de cette mesure sur le chiffre d’affaires des études notariales et le nombre de petits actes passés depuis l’application de la loi.
En cette fin de session parlementaire mais aussi de législature, je pense que nous aurions tous à gagner à apprendre à nous écouter.
Le débat d’idée fait notre force. Notre démocratie peut avoir parfois tout à gagner à prendre en considération les propositions et les opinions d’un groupe, d’un député ou d’un sénateur, même s’il n’appartient pas à la majorité. C’est en tout cas le voeu que je forme en cette veille de 14 juillet, notre fête nationale, la fête de l’unité de notre peuple, placée, cette année, sous le signe de l’engagement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
L’article unique est adopté.
Cet amendement tend à rétablir la possibilité pour les notaires d’habiliter les jeunes diplômés notaires salariés de l’office notarial à effectuer certains actes. Cette proposition est le fruit de mon expérience. Ayant été moi-même jeune diplômé notaire et collaborateur pendant de nombreuses années, je sais quelle satisfaction peut procurer la confiance d’un notaire qui vous laisse gérer un dossier de A à Z, y compris jusqu’à la signature.
Je reconnais cependant qu’en toute logique, il revient à l’officier public qu’est le notaire de recevoir en personne les consentements, pour s’assurer qu’ils sont éclairés, avant d’apposer sur l’acte authentique le sceau de l’État qui lui conférera la force d’un jugement.
Partagé entre la pratique et les principes qui régissent notre droit, je retire cet amendement.
L’amendement no 1 est retiré.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.
Prochaine séance, lundi 18 juillet, à seize heures :
Éventuellement, lecture définitive du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015 ;
Nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.
La séance est levée.
La séance est levée à 17 heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly