Les termes de « rentes de situation » ou « d’opacité », et bien d’autres, ont été prononcés dans cet hémicycle par un ministre à l’ambition dévorante, qui cède aux sirènes du populisme, selon les dires de M. Valls aujourd’hui, et qui se montre plus soucieux de sa popularité dans les sondages que de la défense d’un système juridique de droit continental, davantage protecteur que le système anglo-saxon dont il semble l’adepte. En effet, par-delà le devenir des professionnels eux-mêmes, c’est bien de l’avenir de notre système juridique dont il est question.
À la différence du droit anglo-saxon, notre système de droit latin repose sur les trois piliers que sont la loi, votée par le Parlement démocratiquement élu, le juge, qui tranche les conflits, et l’acte authentique, qui, par le sceau de l’État, constate officiellement l’accord entre les parties et lui donne la force d’un jugement.
Pour être pleinement efficace, l’acte authentique nécessite qu’un professionnel dont les compétences juridiques sont avérées, subissant un contrôle strict de ses agissements car tenant sa délégation du sceau de l’État directement du garde des sceaux, puisse officier en toute sérénité et avec la confiance de nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire de la République. En fragilisant le principal professionnel en charge de l’élaboration et de la réception des actes authentiques qu’est le notaire, c’est l’acte authentique lui-même, pilier de notre système juridique, qui risque de vaciller.
À un moment où nous subissons les assauts répétés et autres pressions des tenants d’un système anglo-saxon dérégulé, c’est une lourde responsabilité qui a été prise par le Gouvernement. Alors que François Mitterrand était tenté de faire des notaires des fonctionnaires, M. Macron voudrait qu’ils deviennent de simples certificateurs à l’américaine. Cette situation est d’autant plus paradoxale que nombre de pays émergents se tournent désormais vers la France pour importer son système de droit, reconnu dans le monde comme le plus protecteur du citoyen. Alors que nous ne pouvons que regretter le choix des Britanniques de provoquer le Brexit, la France et l’ensemble de l’Europe devraient faire de cette situation une opportunité pour renforcer le système juridique protecteur du droit continental.
L’erreur fondamentale commise par le Gouvernement et sa majorité est de considérer, même s’ils s’en défendent avec plus ou moins de véhémence, le droit, la matière juridique, comme une marchandise comme les autres.
J’en veux pour preuve que l’Autorité de la concurrence a été appelée à intervenir à de multiples reprises dans ce domaine, et que les notaires sont désormais placés sous la double tutelle de Bercy et de la chancellerie. On marche vraiment sur la tête !
Cette même Autorité de la concurrence veut augmenter le nombre de notaires de 1 650 en trois ans grâce à la libre installation dans des zones dites carencées mais, oubliant les principes de méritocratie et d’égalité républicaine qui avaient cours jusqu’alors en matière de création d’offices, avec la voie du concours, procédera par un système ridicule de course à l’échalote et de tirage au sort. J’observe également que l’Autorité, à l’image d’Emmanuel Macron pendant toute la discussion du texte sur la croissance, mélange allègrement les notions de nombre de notaires et de nombre d’offices.
Madame la rapporteure, vous avez beaucoup reproché, et encore tout à l’heure, aux représentants des notaires de ne pas avoir respecté leurs engagements en termes d’augmentation des effectifs. Outre que vous semblez ignorer que c’est le ministère de la justice qui assure les nominations, il semble que vous soyez affectée du syndrome Hollande.