Après l'audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2013 à 16h15), la commission des Finances examine les crédits de la mission Défense.
La Commission examine l'amendement n° II-CF 6 de MM. Launay et Cornut-Gentille, Rapporteurs spéciaux.
Je vous remercie. Nous avons trouvé un accord, avec M. Cornut-Gentille, sur un point précis qui n'est certes pas très significatif au point de vue de la masse financière du budget de la Défense mais qui n'en a pas moins son importance. Nous avons remarqué que les élèves de l'École Polytechnique, qui bénéficient du statut militaire, ont droit à des études gratuites et rémunérées – 880 euros par mois auxquels s'ajoutent 200 euros d'aide personnalisée au logement –, ce qui représente 18 millions d'euros par an, supportés par la Nation et inscrits au budget de la Défense. Or, de moins en moins d'élèves de l'École intègrent à leur sortie la fonction publique d'État et les armées. Ainsi, s'ils choisissent de ne pas intégrer un corps d'État à leur sortie, les élèves peuvent suivre une formation complémentaire dispensée par un organisme agréé par l'école qui les exonère complètement du coût de rachat de la scolarité. Par contre, ceux qui intègrent un corps d'État – environ un quart des élèves – doivent ensuite travailler dix ans pour l'État ou bien rembourser la « pantoufle », de l'ordre de 50 000 euros. Nous considérons que cette situation est injuste et anormale : ceux qui choisissent de travailler pour l'État sont pénalisés par rapport à ceux qui rejoignent d'emblée le secteur privé. L'obligation de servir l'État doit être rappelée. Une réforme devait être engagée en 2013, mais puisque ni le calendrier ni les mesures qui pourraient corriger cet état de fait ne sont à ce jour connus, nous avons souhaité déposer cet amendement « d'appel » afin de relancer le débat sur cette question. Nous suggérons donc la diminution de 500 000 euros sur la subvention pour charges de service de l'École Polytechnique, et souhaitons porter ce débat en séance. Pour cela, je me déclare pour un vote favorable à cet amendement.
Pour aller dans le sens de M. Launay, nous souhaitons attirer l'attention sur l'évolution de l'École Polytechnique, à tous points de vue, y compris financier. Nous nous apercevons qu'alors que le Gouvernement demande des efforts à tous ses opérateurs, dont les dotations stagnent ou baissent, celles de l'X progressent toujours. Les rapports rendus par la Cour des comptes sur l'École polytechnique n'ont pas été suivis d'explications claires de la part de l'École. Nous avons évidemment une pleine confiance dans cette grande École, mais nous avons également le droit de lui poser un certain nombre de questions : faut-il notamment maintenir la tutelle de la direction générale de l'armement – DGA –, quand la plupart des polytechniciens vont sur les marchés financiers ? Quel est le rôle de Polytechnique pour la formation militaire ? Il est temps selon nous d'ouvrir une réflexion sur l'École, en particulier sur son recrutement et les débouchés choisis par les élèves qui délaissent tant l'armée que l'industrie. C'est là le sens de notre amendement, au-delà du point précis soulevé par M. Launay.
Nous avons effectivement soulevé ce problème dans le cadre de différentes auditions. Un point mérite d'être souligné : les élèves de Polytechnique représentent 1 000 officiers qui sont comptabilisés au budget de la Défense. Or, à l'heure où les armées doivent baisser leur taux d'encadrement, et par conséquent réduire le nombre d'officiers, le fait que les officiers de Polytechnique soient sanctuarisés pose question.
Madame la Présidente, en élargissant au-delà de Polytechnique, ne pourrions-nous pas organiser une mission sur la formation des militaires, en incluant toutes les écoles ? Nous n'allons pas lancer le débat ce soir, mais il serait sans doute intéressant d'aller voir de plus près comment sont aujourd'hui formés les militaires français.
L'amendement est juste, et je signalerais à M. Cornut-Gentille que dans la nouvelle loi sur l'enseignement supérieur, la co-tutelle a été instituée, ce qui a d'ailleurs suscité beaucoup de réactions, non seulement de la part de Polytechnique mais aussi de toutes les écoles concernées. En ce qui concerne le caractère juste de l'amendement, dès lors que les étudiants poursuivent leurs études dans une école spécialisée, ils doivent avoir le droit de racheter leurs études. Toutefois, nous notons qu'il s'agit là d'un amendement d'appel. Il serait injuste qu'au moment où des rapprochements entre de nombreuses écoles et universités s'opèrent sur le plateau de Saclay, seul Polytechnique soit pénalisée, alors que cette école a la part la plus élevée d'ingénieurs qui effectuent ensuite un doctorat, ce qui devrait être un exemple à suivre. Il n'en reste pas moins que la question mérite d'être soulevée et que le Gouvernement devra y apporter une réponse.
L'amendement n° II-CF 6 sur l'article 44 est adopté à l'unanimité.
Suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial pour les crédits relatifs au Budget opérationnel de la défense, et malgré l'avis défavorable du Rapporteur spécial pour les crédits relatifs à la Préparation de l'avenir, la Commission adopte les crédits de la mission Défense.
Informations relatives à la Commission
La Commission a nommé M. Jean Launay, rapporteur pour avis sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la programmation militaire pour les années 2014-2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 23 octobre 2013 à 19 h 30
Présents. - M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. François Cornut-Gentille, M. Jean Launay, Mme Christine Pires Beaune
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Xavier Bertrand, M. Gaby Charroux, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Nicolas Sansu, M. Michel Vergnier