L'audition débute à quatorze heures trente-cinq.
Dans la suite de nos travaux, nous en sommes arrivés à un sujet dont l'étude devrait apparaître à tous nécessaire : le démantèlement. En effet, aucun réacteur nucléaire n'est éternel et, si la date à laquelle elle doit intervenir fait l'objet d'opinions divergentes, cette opération est une étape inévitable qui soulève un certain nombre de questions relatives à sa faisabilité, à son coût et aux contrôles dont elle doit être assortie.
Le Comité stratégique de la filière nucléaire, émanation du Conseil national de l'industrie, a créé un groupe de travail spécifiquement consacré à cette activité. Mais existe-t-il une filière du démantèlement ? C'est une des questions que nous aborderons au cours de la présente audition, puisque nous recevons le président de ce groupe de travail, M. Arnaud Gay, par ailleurs responsable de l'activité « Valorisation des sites » chez AREVA, et son vice-président, M. Philippe Bernet, qui est, lui, directeur adjoint du Centre d'ingénierie de déconstruction et environnement (CIDEN) d'EDF.
Mais, avant toute chose, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demanderai, messieurs, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(MM. Arnaud Gay et Philippe Bernet prêtent successivement serment.)
Je vous remercie d'auditionner le Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN), que je représente, dans le cadre de cette journée consacrée à l'éventuel arrêt définitif des centrales nucléaires françaises. Ce comité, placé sous la double présidence du ministre du redressement productif et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a pour mission essentielle de renforcer les relations entre les différents acteurs de la filière. Il rassemble des représentants du Gouvernement, par l'intermédiaire de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) et de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), des organisations syndicales, des exploitants nucléaires, des grands industriels et des PME du secteur, du Groupe intersyndical de l'industrie nucléaire (GIIN) et du Pôle nucléaire de Bourgogne – soit, au total, 80 membres.
Non.
Je l'ignore : je n'ai pas été associé à la composition du Comité.
Le processus de programmation des travaux et de prise de décision est collégial, dans le cadre d'un comité de pilotage qui se réunit à intervalles réguliers sous la présidence des ministres.
Je commencerai par dresser un rapide état des lieux de l'activité de démantèlement des installations nucléaires, puis je vous présenterai les réflexions du groupe de travail sur le démantèlement, l'assainissement et la reprise et le conditionnement des déchets.
Le démantèlement constitue la dernière étape du cycle de vie d'une installation nucléaire. Il consiste à assainir celle-ci en récupérant et en évacuant les matières accumulées durant la phase d'exploitation, à démonter et à évacuer les équipements contaminés, à éliminer la radioactivité des ouvrages de génie civil, puis, une fois leur déclassement obtenu, à démolir ces derniers selon des méthodes conventionnelles, enfin à éventuellement reconvertir tout ou partie de l'installation. Pour une centrale, l'ensemble du processus dure de huit à quinze ans.
Pour l'heure, il semble difficile de faire plus vite.
Les opérations ne peuvent commencer qu'à l'issue d'une phase de préparation et de transition au cours de laquelle, une fois l'installation définitivement arrêtée, on évacue les matières et les combustibles usés et l'on élabore le dossier de demande d'autorisation de démantèlement. Cette demande est ensuite transmise à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et soumise à une enquête publique, de façon à obtenir la publication d'un décret. Le retour d'expérience dont nous disposons montre que cette phase prend de quatre à cinq ans.
La phase opérationnelle peut ensuite démarrer. Elle débute par la caractérisation radiologique de l'installation de façon à mieux identifier les contaminations, et se poursuit par l'assainissement, le démontage et l'évacuation des équipements nucléaires ; pour réaliser ces opérations, on utilise des techniques sophistiquées, comprenant des interventions à distance et sous eau, ainsi qu'un conditionnement des déchets adapté, dans la mesure où il existe un risque important lié à l'exposition aux rayonnements. Cela achevé, on entreprend la décontamination des ouvrages de génie civil, puis on fait une demande de déclassement.
À l'Autorité de sûreté nucléaire. Le dossier est soumis pour avis à la commission locale d'information (CLI), puis donne lieu à une enquête publique s'il existe des servitudes d'utilité publique.
Par exemple, sur le site de la Société industrielle de combustible nucléaire d'Annecy – qui n'est pas une installation nucléaire de base (INB) mais une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) –, on ne peut procéder à des travaux d'excavation sans avoir préalablement défini les procédures d'évacuation des déchets. Toutefois, les contraintes varient selon les sites et leur état.
Une ancienne centrale voit son démantèlement sans cesse stoppé. Est-ce pour une raison de ce type ?
En l'occurrence, les difficultés se présentent au cours de la phase amont, celle de la demande d'autorisation de démantèlement.
Une fois le déclassement obtenu, on peut procéder au démantèlement – conventionnel, cette fois – des ouvrages de génie civil.
Toutes ces opérations nécessitent des compétences particulières, puisqu'il faut maîtriser des techniques relevant non seulement de la sécurité conventionnelle – un chantier est par nature générateur de risques –, mais aussi de la radioprotection – les travailleurs interviennent en milieu radioactif – et même de la protection des populations environnantes, tant en matière de sûreté que de lutte contre la contamination de l'environnement. Il faut donc prendre un ensemble de dispositions propres à sécuriser au maximum le chantier et son environnement. On procède en outre à des activités de recherche et développement (R&D), notamment pour les interventions à distance, pour la caractérisation radiologique et pour le conditionnement des déchets – ceux-ci apparaissant comme atypiques ou volumineux au regard de ceux qui sont générés durant la phase d'exploitation.
En France, outre Superphénix, huit réacteurs « historiques » d'EDF sont actuellement en cours de démantèlement : les premiers réacteurs de la filière uranium naturel graphite gaz (UNGG), ainsi que le réacteur à eau lourde de Brennilis et le prototype de réacteur à eau pressurisée (REP) de Chooz A. À cela s'ajoutent une vingtaine d'installations qui ont déjà été démantelées, dont sept réacteurs de recherche. L'activité de démantèlement a en France une histoire déjà longue de plus de trente ans, mais qui concerne surtout les installations du cycle du combustible.
En ce qui concerne les centrales de production d'électricité, c'est EDF qui assure, en tant que propriétaire, la maîtrise d'ouvrage de leur démantèlement. Il a été fait en France le choix d'un démantèlement immédiat ; cette décision, qui est en conformité avec une politique industrielle responsable et avec les exigences du développement durable, permet en outre de bénéficier de la connaissance qu'ont les exploitants de l'installation, connaissance qui complète utilement les registres écrits disponibles, notamment pour les premières étapes du démantèlement. Le démantèlement immédiat est d'ailleurs préconisé par l'ASN et par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Le démantèlement est une activité très réglementée. Il faut d'abord transmettre, trois ans avant la mise à l'arrêt de l'installation, une mise à jour du plan de démantèlement, puis déposer, un an à l'avance, une demande d'autorisation de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement, laquelle demande fait l'objet de consultations et d'enquêtes publiques ; l'autorisation est ensuite délivrée par décret, après agrément de l'ASN ; enfin, à l'issue des opérations de décontamination, on dépose une autorisation de déclassement auprès de l'ASN. Toutefois, le décret d'autorisation de démantèlement se borne à définir le cadre général des opérations ; pour réaliser chacune d'entre elles, il faut obtenir de l'ASN une autorisation spécifique.
Du point de vue industriel, la filière du démantèlement – si tant est qu'elle existe – représente 8 % des emplois de la filière nucléaire, soit, si l'on se fonde sur les résultats de l'enquête réalisée par le CSFN en juin 2012 qui évaluait à 220 000 le nombre de ces derniers, environ 17 500 salariés.
Oui.
L'activité de démantèlement produit quelque 7 % de la valeur ajoutée de la filière nucléaire française, ce qui représente une activité annuelle d'environ 800 millions d'euros, dont une part importante est réalisée dans les installations du cycle du combustible.
En janvier 2013, le comité de pilotage du CSFN a décidé de créer un groupe de travail, dont il m'a confié la présidence, consacré aux sujets du démantèlement, de l'assainissement et de la reprise et du conditionnement des déchets. Ce groupe de travail réunit comme le CSFN des représentants des maîtres d'ouvrage, des industriels, des organisations syndicales, de l'État, des pôles de compétence et de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Notre mission est d'essayer de dynamiser l'activité de démantèlement en France en identifiant les leviers susceptibles d'améliorer le fonctionnement de la filière et en analysant le potentiel du marché à l'exportation.
Nous avons commencé par réaliser un état des lieux sur la base d'une trentaine d'entretiens avec les acteurs concernés. Il en est ressorti le constat, relativement partagé, que le marché du démantèlement restait un marché extrêmement difficile, en raison de son manque de visibilité. On met en avant des chiffres d'affaires potentiels extrêmement élevés, mais la réalité économique est tout autre, car ces chiffres couvrent l'intégralité de l'activité sur la totalité de sa durée, et non ce qui est réellement ouvert au marché.
Comme je l'ai dit, le marché du démantèlement représente quelque 800 millions d'euros, mais une partie importante des provisions sont consommées, d'une part par les installations elles-mêmes – en coûts de surveillance, de fourniture en électricité, de maintien en condition opérationnelle…–, d'autre part par le stockage des déchets ; la part restante sous-traitée aux industriels ne correspond en réalité qu'à 20 à 30 % du total.
Autre source d'incertitude : les délais. Les opérations ont tendance à « glisser » dans le temps, en raison de procédures administratives souvent plus complexes et plus longues que prévu, et aussi parce que l'on travaille sur des installations contaminées et que la caractérisation nucléaire réserve parfois des surprises : il peut survenir en début de chantier des aléas qui obligent à interrompre les opérations pour faire de nouvelles études.
Il en va ainsi pour la plupart des opérations de dépollution des sites industriels, en particulier dans l'industrie chimique et dans la sidérurgie : on met des mois, voire des années, avant de se mettre d'accord sur ce qu'il faut dépolluer et selon quelles méthodes.
Certainement.
Enfin, la rentabilité de l'activité est à renforcer : les industriels estiment que les marges sont trop faibles. Cela s'explique par le fait que les montants en jeu sont modestes et que l'activité est soumise à des aléas, alors qu'elle exige des niveaux de compétence élevés : les personnels doivent être dûment qualifiés et le maintien de cette qualification dans la durée a un certain coût. Il s'agit d'un marché restreint, très concurrentiel, avec des coûts élevés.
En conséquence, on rencontre des difficultés pour industrialiser l'ensemble du processus, qu'il s'agisse des opérations industrielles, de la gestion des ressources – en raison de l'existence de pics d'activité – ou des méthodes de travail – avec une succession d'arrêts et de reprises du chantier. Tout cela ne facilite pas l'organisation d'un système de travail fluide et efficace.
Néanmoins, la filière française possède des atouts. Elle bénéficie d'un tissu industriel extrêmement développé, dans le voisinage des sites comme au niveau national, de l'existence dans les installations en fonctionnement d'une main-d'oeuvre qualifiée et abondante, de technologies éprouvées et d'une expérience acquise lors de situations particulièrement difficiles : en effet, l'activité de démantèlement a débuté dans les années quatre-vingt sur des installations du cycle du combustible mises en service à une époque où les modes de gestion étaient moins développés et qui ont pu connaître des incidents de production, de sorte qu'on a commencé par le plus compliqué. Les installations plus récentes seront plus faciles à démanteler.
Certainement.
Je pense qu'un réacteur de type EPR ou REP sera en effet plus facile à démanteler qu'un réacteur de la filière UNGG ou qu'un prototype comme Superphénix.
On ne pourra donc pas extrapoler le coût des démantèlements précédents pour évaluer les coûts à venir ?
Il sera difficile de le faire si les réacteurs relèvent de filières différentes, car le processus de démantèlement n'est pas le même.
Si la filière française du démantèlement possède des atouts, elle est également confrontée à des difficultés.
Celles-ci sont d'abord liées au cadre réglementaire : celui-ci, qui s'impose à toute activité en matière nucléaire, a été défini par et pour l'exploitation. Or, si la phase d'exploitation vise à la stabilité et à ne pas perturber le fonctionnement des installations, on fait précisément le contraire dans le cadre du démantèlement : nous passons notre temps à modifier la configuration de l'installation, à ouvrir des chantiers et à provoquer des aléas. Le cadre réglementaire applicable à l'exploitation, qui est – à raison – très rigide, s'adapte donc mal aux activités de démantèlement. Il peut, en outre, provoquer des tensions dans les relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants, les interruptions des chantiers pouvant déboucher sur des demandes d'avenants aux contrats, voire sur des conflits.
Il faudrait au moins mettre au point de nouvelles relations contractuelles, afin de mieux gérer collectivement le risque.
Deuxième difficulté : les chantiers de démantèlement sont moins attractifs que les chantiers de construction et, même si l'on commence à se préoccuper davantage de développement durable, le recrutement y est plus difficile.
Troisièmement, certaines filières de déchets ne disposent toujours pas d'exutoires. Ainsi le stockage des déchets radioactifs de faible activité à vie longue – par exemple le graphite contaminé – n'existe toujours pas, ce qui laisse pendante la question de la façon dont ces déchets doivent être conditionnés. Certaines catégories de déchets engendrés par le démantèlement, comme les déchets amiantés contaminés, font aussi problème. Il serait nécessaire de se doter d'exutoires de filières pour l'ensemble des déchets à évacuer.
Enfin, il s'agit, comme je vous le disais, d'une activité trop peu industrialisée, qui n'est pas encore parvenue à maturité.
Pour tenter d'améliorer la situation, le groupe de travail a essayé d'identifier les leviers sur lesquels jouer. Après plus d'un an de travail, nous sommes sur le point d'arrêter nos conclusions, qui seront proposées au prochain comité de pilotage. Je ne pourrai donc vous les présenter en détail aujourd'hui car cela me mettrait dans une position délicate vis-à-vis du CSFN ; en revanche, je peux vous indiquer les constats auxquels nous avons abouti et nos grands axes de réflexion.
Permettez-moi de vous faire remarquer que vous nous devez la vérité. Nous avons bien compris que les conclusions du groupe de travail n'avaient pas été validées par le comité de pilotage, mais il faut nous dire ce que vous savez, sinon notre réflexion ne pourra jamais progresser !
Je compte bien vous présenter les principaux leviers que nous avons identifiés et les pistes que nous privilégions ; les actions précises, en revanche, ne sont pas encore définies. Je n'ai aucunement l'intention d'occulter la vérité !
Je commencerai par l'emploi. Actuellement, les besoins en effectifs varient selon les sites et selon les phases du projet ; il existe toutefois un consensus pour dire que, de ce point de vue, l'activité de démantèlement ne représente que 10 à 20 % de l'activité d'exploitation – le bas de la fourchette correspondant plutôt au démantèlement des réacteurs et le haut à celui des installations du cycle du combustible.
Il faut, en outre, gérer les fluctuations de l'activité, car celle-ci n'est ni étale, ni linéaire. L'ouverture d'un chantier de démantèlement provoque une bouffée d'activité, à laquelle succèdent des phases plus calmes – nouvelles mesures, procédures de requalification, demandes d'autorisation –, qui alternent avec des pics d'activité, variables en fonction des métiers.
Enfin, le démantèlement est par nature un métier très particulier. Alors que durant la phase d'exploitation, les opérateurs s'efforcent de maintenir le système en l'état, en en surveillant le bon fonctionnement et en assurant l'interface entre les entités, il s'agit dans le cadre du démantèlement de faire avancer un chantier et d'encadrer l'activité. Du coup, il faut gérer à la fois l'évolution de l'emploi sur le site, avec des reclassements, et le développement de compétences nouvelles. Nous en tirons la conclusion qu'un projet de démantèlement ne peut se développer de façon sereine s'il n'inclut pas un programme de gestion des ressources et un volet social – la relation doit être consubstantielle.
En second lieu, il serait nécessaire d'adapter le cadre réglementaire au démantèlement, afin notamment de mieux gérer le risque. L'activité de démantèlement visant à réduire la quantité d'éléments radioactifs présents sur le site, on pourrait concevoir d'adapter, au fur et à mesure de l'avancée des travaux, la gestion de la sûreté au risque réel subsistant. Il faudrait pour ce faire engager une réflexion avec l'ASN. L'objectif serait de basculer d'une sûreté « sur le papier », garantie par des référentiels, vers une sûreté opérationnelle, qui encadrerait l'activité sur le chantier proprement dit.
Sur le site de Superphénix, l'ASN n'a-t-elle pas précisément noté un manque à ce dernier égard ?
Le site de Superphénix a pour particularité d'abriter deux INB : la centrale, qui est en démantèlement, et une installation d'entreposage de combustibles, qui est encore en exploitation. Sur un tel site, il faut maintenir des dispositions pour gérer les situations de crise à l'instar de ce qui existe sur les centrales en fonctionnement. C'est sur ce point que l'ASN a été amenée à faire un certain nombre de commentaires.
S'agissant maintenant de la sous-traitance, il faudrait trouver des modes de contractualisation plus conformes à la réalité de l'activité, avec un meilleur partage des risques. En la matière, plusieurs formules sont concevables, comme par exemple un partage des analyses de risques dans un cadre contractuel ou un affermissement progressif des contrats, mais il convient en tout cas d'en imaginer de plus adaptées.
Voilà pour l'état des lieux en France ; j'en viens maintenant aux perspectives de développement à l'international.
Pour commencer, il convient de rappeler qu'une quinzaine de réacteurs ont d'ores et déjà été démantelés dans le monde, principalement des réacteurs de puissance aux États-Unis et en Allemagne – neuf avaient une puissance supérieure à 100 mégawatts. On dispose donc d'une certaine expérience en la matière.
Le marché du démantèlement est appelé à se développer de manière mécanique, sous l'effet de deux phénomènes principaux. Le premier est structurel : les installations de première génération ayant été construites dans les années 1950 et 1960, elles arrivent à des âges où il est raisonnable d'envisager de les démanteler.
Cela dépend des pays. Aux États-Unis, on a décidé de prolonger la durée de vie de certaines centrales jusqu'à soixante ans.
Si c'est validé par l'autorité de sûreté compétente, il n'y a aucune raison que cela ne le soit pas.
À ces raisons structurelles s'ajoute un phénomène conjoncturel, lié d'une part à l'accident de Fukushima, qui a conduit plusieurs pays, en particulier l'Allemagne et bien sûr le Japon, à prendre la décision d'arrêter des centrales, d'autre part à l'émergence du gaz de schiste aux États-Unis, qui a modifié l'équation économique du marché électrique : les centrales américaines les plus anciennes, qui auraient eu besoin d'engager de lourds travaux de mise à niveau, hésitent maintenant à le faire, l'investissement risquant de n'être pas rentable.
On évoque souvent dans la presse plusieurs dizaines de milliards d'euros pour le marché mondial du démantèlement, mais il faut là encore relativiser : cette somme correspond à une activité étalée sur plusieurs dizaines d'années. Par exemple, sur le site de Sellafield, au Royaume-Uni, le plan de démantèlement court jusqu'à 2100 – mais il est vrai que c'est un cas particulier. Le démantèlement des installations du cycle du combustible dure en général plus longtemps que celui des réacteurs.
Si l'on transpose en flux annuels les dizaines de milliards des projets identifiés, le marché réel est bien plus réduit, d'autant que, comme je l'ai dit, 40 à 60 % des coûts provisionnés ne sont pas accessibles aux industriels, mais sont consommés par le site lui-même ou par la gestion des déchets. En outre, il est bien évident que l'on a tendance à s'adresser de façon privilégiée à la chaîne de sous-traitance locale, présente autour des sites, de manière à limiter l'impact social de l'arrêt de l'exploitation. Il est dès lors difficile pour une société étrangère de pénétrer ces marchés.
Il s'agit donc d'un marché extrêmement restreint, qui nécessite un niveau de valeur ajoutée élevé.
Plusieurs entreprises membres du groupe de travail sont actives à l'international : AREVA est présent aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et au Japon, Vinci au Royaume-Uni ainsi que dans les pays de l'Est où est également actif le groupe Onet, tandis que les sociétés d'ingénierie comme Assystem et Technip ont des implantations partout dans le monde. On peut espérer qu'il sera possible de développer une activité dans les pays concernés en s'appuyant sur cette présence locale. Ailleurs, il faudra probablement passer par des partenariats ; une des clefs pour accéder à ce marché extrêmement compétitif sera d'apporter de la valeur ajoutée.
Voilà les conclusions auxquelles a abouti le groupe de travail. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Pour ma part, j'en ai trois.
Peut-on faire cohabiter sur un même site la construction d'un nouveau réacteur et le démantèlement d'un précédent ?
Est-il concevable de réaliser des démantèlements partiels, en sanctuarisant un site une fois les éléments les plus contaminés évacués ?
La durée d'un démantèlement peut-elle être prolongée sans que cela présente de risques – autres que ceux, financiers, qui résulteraient de l'étalement de la dépense ?
Activités de démantèlement et d'exploitation cohabitent déjà sur certains sites. Par exemple, à La Hague, on est en train de démanteler UP2 400, la première usine de retraitement, alors que deux installations continuent de fonctionner juste à côté : cela ne pose aucune difficulté, sinon de bien définir les interfaces entre les différentes unités. Je ne vois pas en quoi un chantier de construction aurait un impact différent ; a priori, il n'existe pas d'incompatibilités entre les deux activités.
Quant aux démantèlements partiels, d'un point de vue strictement technique, on peut imaginer de poser des jalons d'activité et de définir des moyens de surveillance ad hoc qui permettront de laisser l'installation dans un état donné. C'est d'ailleurs plus ou moins ce qu'envisagent de faire les industriels américains.
Tout dépend du dispositif de surveillance mis en place. Si on laisse l'installation en l'état, il faut conserver celui qui existait au moment de l'arrêt, mais il serait probablement possible de l'adapter au fur et à mesure que le démantèlement progressera.
L'option retenue aujourd'hui est le démantèlement immédiat. Toutefois, techniquement, rien ne s'opposerait à un autre choix. Il faudrait alors déterminer des états intermédiaires, avec des moyens de surveillance adaptés de manière à maintenir l'installation en situation de sûreté durant un certain temps – qui dépendra aussi des moyens financiers requis.
Du coup, on peut prolonger autant que l'on veut la durée de ces opérations. La question est plutôt de savoir si cela est acceptable réglementairement et si l'on parviendra à définir des moyens de surveillance économiquement efficaces ; en effet, si le maintien en sûreté de l'installation coûtait plus cher qu'un démantèlement complet, il serait préférable du point de vue économique de mener à terme l'ensemble des opérations.
L'ASN préconise un démantèlement le plus rapide possible après la mise à l'arrêt définitive des installations, pour que les compétences des exploitants puissent être utilisées. Est-ce également votre position ? Constatez-vous, dans les chantiers, ce besoin de compétences ? Comment cela se traduit-il concrètement ?
On dit souvent que les activités de démantèlement sont plus dangereuses que celles liées à l'exploitation et qu'elles exigeraient des précautions particulières, notamment pour l'intervention des personnels. Qu'en pensez-vous ? Peut-on imaginer de robotiser une partie de la filière ?
S'agissant des effectifs de la filière, pourriez-vous préciser si les chiffres que vous avez cités – 10 à 20 % de l'activité d'exploitation et 17 500 emplois – concernent le démantèlement stricto sensu ou s'ils incluent des activités connexes, comme le gardiennage ?
Qu'adviendra-t-il si la rentabilité n'est pas au rendez-vous ou si les besoins financiers se révèlent plus élevés que ce qui était prévu ?
Quel est votre retour d'expérience concernant l'écart entre le coût réel du démantèlement et ce qui avait été prévu dans les devis et provisionné ?
Enfin, quand le démantèlement de Superphénix sera-t-il achevé ? Avant celui de Sellafield ?
Serait-il concevable d'organiser une filière industrielle française du démantèlement ? Qu'en est-il aux niveaux européen et mondial : en existe-t-il, et si oui, dans quels pays ? En Allemagne, par exemple, la décision de sortir du nucléaire a-t-elle débouché sur la formation d'une telle filière ?
Vous appelez de vos voeux une adaptation du cadre réglementaire, mais quels seraient, concrètement, les points à modifier ? D'autre part, j'ai trouvé vos propos opposant la sûreté opérationnelle et la sûreté sur le papier quelque peu inquiétants ; pourriez-vous préciser votre pensée ?
Qui se charge de la formation aujourd'hui : sont-ce les opérateurs du nucléaire ou existe-t-il des formations publiques ? Dans ce domaine, n'y aurait-il pas des mesures à prendre dans la perspective d'une mise en oeuvre des annonces présidentielles sur la diminution de la part du nucléaire ?
J'ajouterai deux autres questions.
Disposez-vous d'informations sur le démantèlement des réacteurs en Allemagne ?
Les provisions pour démantèlement sont-elles suffisantes ?
Dans le cadre du passage de l'activité d'exploitation à celle de démantèlement, il est fondamental d'assurer le transfert de la connaissance de l'installation, et la meilleure façon de le faire est d'établir un lien entre celui qui l'a exploitée et celui qui est chargé de la démanteler. Dans la phase de démarrage du démantèlement, il est fort utile de disposer directement des compétences de ceux qui ont assuré l'exploitation – c'est ce qui se passe sur plusieurs de nos chantiers ; mais, progressivement, les choses se simplifient et les personnes qui ont participé au fonctionnement et au début du démantèlement peuvent quitter le chantier en laissant l'installation entre de bonnes mains.
Par nature, l'activité de démantèlement ressemble à celle de maintenance : il s'agit souvent des mêmes opérations, quoique plus inhabituelles. Leur dangerosité est-elle plus importante ? Oui et non. Oui, précisément parce qu'elles sont inhabituelles ; non, parce que les niveaux de radioactivité diminuent avec le temps. Là où ils sont élevés, on opère à distance et les individus ne sont pas particulièrement en danger.
Les reportages sur le démantèlement de Brennilis montrent quand même les difficultés à atteindre le coeur du réacteur, zone où l'on intervient rarement pour des opérations de maintenance. N'est-ce pas plus compliqué ?
Je ne connais pas le cas de Brennilis, mais quand il s'agit d'opérations à risque, on procède en général sous eau, à distance, avec des outils robotiques ; c'est notamment le cas pour le démantèlement de l'intérieur des cuves et des cuves elles-mêmes des réacteurs de puissance à eau pressurisée en Allemagne. Pour le reste, c'est-à-dire la décontamination des ouvrages de génie civil, le risque est plus raisonnable. L'avantage de travailler sur une filière de réacteurs, c'est que les configurations des coeurs se ressemblent : les solutions techniques sont donc transposables une fois qu'on a démantelé un réacteur type. C'est moins vrai pour le démantèlement des installations du cycle du combustible, où il faut à chaque fois adapter les solutions.
Le démantèlement nécessite-t-il de développer une robotique particulière ? Dans le cas des réacteurs de puissance, on bénéficie déjà d'un retour d'expérience, notamment en provenance d'Allemagne, d'Espagne et d'Italie ; il reste à le qualifier et à l'adapter. Par contre, face à des prototypes ou à des installations uniques, il faudra développer des solutions spécifiques.
Quand je dis que les besoins en effectifs correspondent à 10 à 20 % de l'activité générée sur le site en phase d'exploitation, cela inclut les personnels de surveillance qui assurent la sécurité et la sûreté du site, ainsi que les personnels d'encadrement et les intervenants. En revanche, le chiffre de 17 500 correspond à tous les emplois directs et indirects, bien au-delà du travail sur site.
Par exemple, un total de 100 personnes travaillent au démantèlement de la centrale de Chooz A, qui est bien avancé puisqu'on est en train de démanteler le circuit primaire principal : 25 agents d'EDF sont chargés de l'exploitation, de la surveillance et de la coordination générale – c'est-à-dire de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre – et un peu moins de 80 personnes participent aux opérations de démantèlement et de conditionnement des déchets.
S'agissant de la rentabilité de l'activité, mon sentiment personnel est que le système n'étant pas encore industrialisé, on n'atteint pas un niveau de performance qui permettrait d'obtenir une rentabilité suffisante. Notre groupe de travail avait précisément pour mission d'identifier les points de faiblesse. Si nous parvenons à remédier à ceux-ci, nous atteindrons un niveau de fiabilité dans l'activité qui permettra de dégager une meilleure rentabilité ; les chantiers ne porteront pas sur des montants fondamentalement différents, mais ils s'en trouveront fluidifiés. Il faut le faire en impliquant les sous-traitants ; cela aura-t-il pour conséquence d'augmenter le montant des devis ? Je ne le crois pas, dans la mesure où il existe une réserve importante d'efficacité dans le système actuel.
Pour ce qui est de l'écart entre les provisions pour démantèlement et le coût réel de celui-ci, il me semble que le sujet échappe à la compétence du CSFN. Il m'est donc difficile de me prononcer, car nous n'avons pas du tout travaillé sur ces questions. Je vous invite à interroger sur ce point les représentants d'AREVA, d'EDF et du CEA lorsque vous les auditionnerez.
Vous évoquez un chiffre d'affaires de 800 millions d'euros et vous n'auriez pas regardé si cela correspondait aux provisions ? J'ai du mal à le croire !
Nous nous sommes intéressés au niveau d'activité engendré par le démantèlement pour regarder s'il existait un marché potentiel, mais pas à l'efficacité des provisions : ce sujet regarde les donneurs d'ordres. C'est à ceux-ci qu'il faut vous adresser.
Il s'agit pourtant d'une question importante ! Il est difficile d'imaginer que vous ne l'ayez pas du tout examinée…
C'est pourtant le cas. Pour ce qui concerne AREVA, vous avez prévu d'auditionner M. Pierre Aubouin la semaine prochaine : je pense qu'il se fera un devoir de vous répondre.
Nous n'avons pas examiné la question dans le cadre du CSFN ; dans le cadre d'EDF, il s'agit d'un autre exercice, monsieur le président.
Je ne suis pas forcément qualifié, ni autorisé pour le faire. Tout au plus puis-je rappeler qu'en janvier 2012 la Cour des comptes a rendu sur le sujet un rapport très complet qui n'a pas remis en cause les méthodes de travail et les provisions d'EDF, tout en indiquant que celles-ci se situaient plutôt dans le bas de la fourchette par comparaison avec d'autres pays.
Notre question ne porte pas sur l'avenir, mais sur votre retour d'expérience des chantiers en cours : ceux-ci coûtent-ils, oui ou non, plus cher que prévu ? Je ne peux pas croire que vous n'ayez pas cette information !
Ce n'est pas un sujet que nous avons abordé dans le cadre du CSFN ; c'était hors de question, ce comité réunissant à la fois les donneurs d'ordre et les industriels qui travaillent pour eux.
Aux représentants d'EDF, d'AREVA et du CEA, dans le cadre des auditions que vous avez prévues avec eux.
Ce sujet ne concerne pas le CSFN.
Notre commission est chargée d'évaluer ce que coûte la filière nucléaire ; par conséquent, nous avons besoin de savoir ce qu'il en est pour le poste du démantèlement. Et vous, vous nous répondez que vous examinez si le démantèlement est faisable et avec qui, mais que vous ne savez pas combien cela coûte et que vous ne voulez pas le savoir. Admettez que c'est fâcheux !
Tout ce que je peux vous dire concernant EDF, c'est que ce qui apparaît dans les comptes consolidés de l'exercice 2012 reste d'actualité.
Au cours des exercices successifs entre 2001 et 2012, il a été procédé à des réajustements. Du fait que nous ne disposions d'aucun retour d'expérience concernant le démantèlement du parc de la première génération, la méthode retenue fut de réviser régulièrement les estimations. Aujourd'hui, la dernière estimation, qui remonte à l'exercice 2012, est confirmée par les informations dont nous disposons.
Posons la question différemment : on dit que le démantèlement de Brennilis coûterait 26 % de plus que les devis initiaux. Est-ce vrai ?
Les éléments de réponse figurent dans le rapport de la Cour des comptes.
Alors, quelles sont les causes de ce dépassement ? Est-il lié aux procédures que vous avez évoquées ? Avait-on sous-estimé les difficultés ? Les compétences ou les outils ont-ils fait défaut ? Ou est-ce parce que le chantier dure plus longtemps que prévu ?
Il est difficile de répondre de manière simple à ces questions...
D'abord, EDF a changé de stratégie. Jusqu'en 2000, l'option retenue était l'attente : après l'arrêt des premières installations – celui de Chinon A1 remonte à 1973, il y a plus de quarante ans –, le combustible était évacué, les installations étaient mises en situation de sûreté après des démantèlements partiels, la plupart restant sous surveillance. En 2001, changeant de stratégie, EDF a décidé d'engager la phase suivante et d'aller jusqu'au démantèlement complet. Pour ce faire, certaines conditions doivent être réunies ; il faut notamment disposer de filières de gestion des déchets générés. Selon les hypothèses retenues à l'époque, et que l'on retrouve dans la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, plusieurs dispositions devaient être prises en ce sens, notamment la création en 2013 d'un centre de stockage des déchets de faible activité à vie longue – principalement destiné à accueillir le graphite entreposé dans les caissons des centrales UNGG. Ce centre n'a pas été ouvert et l'on sait aujourd'hui qu'il ne le sera pas de sitôt. Cela a nécessairement des conséquences sur le programme !
Du coup, il a fallu revoir le planning et l'on se heurte à quelques difficultés, mais tout est sous contrôle : les hypothèses de départ restent valables même si elles ont été actualisées en 2012.
Avez-vous auditionné les opérateurs chargés des démantèlements, pour qu'ils vous fassent part des difficultés qu'ils ont rencontrées et qu'ils retracent l'évolution des coûts ?
Notre mission était, en partant d'un état de la situation actuelle, d'identifier les outils susceptibles d'être développés afin d'améliorer la performance du système. C'est ce que nous avons fait. Nous avons abouti à la conclusion qu'il existait trois principaux leviers – le levier social, le levier réglementaire et le levier contractuel – et qu'il serait également nécessaire de mieux caractériser les états initiaux. Nous avons travaillé dans l'optique de trouver, ensemble, des solutions globales plutôt que d'éplucher les coûts. D'ailleurs, ce n'était pas le lieu : les industriels n'avaient pas forcément envie d'en parler.
S'agissant de Superphénix, précisons que l'on parle du réacteur, et que l'achèvement du démantèlement de celui-ci est prévu à l'horizon 2030. Une étape importante vient d'être franchie, dans le respect du planning arrêté il y a quelques années, avec la vidange de la cuve principale et le traitement du sodium qu'elle contenait. Il s'agit d'une opération atypique, qui a mobilisé beaucoup de ressources et des équipements particuliers.
Cela signifie-t-il que le démantèlement de Superphénix ne pourra pas servir de référence pour les autres chantiers ?
En effet : l'opération qui vient de s'achever est spécifique à cette filière.
Mais cela pourra servir à l'export !
Madame Massat, le fait de créer au sein du CSFN un groupe de travail sur le démantèlement et la reprise des déchets était bien une façon de s'interroger sur la possibilité de créer une filière spécifique. La conclusion à laquelle nous aboutissons, après plus d'un an de travail avec les organisations syndicales, les donneurs d'ordre, les sous-traitants, l'ANDRA et les représentants de l'État, est qu'il y a un réel intérêt à se rencontrer pour évoquer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés et pour réfléchir ensemble à des solutions. N'est-ce pas là l'embryon d'une filière ?
La formation participe également à la constitution d'une filière. Or il existe des formations universitaires au démantèlement, notamment des masters 2 à Montpellier, à Cherbourg et à Avignon, ainsi que des formations interentreprises, avec un fonds de formation commun.
Au-delà, il existe un réseau d'entreprises, qui participent au groupe de travail. Doit-on en conclure qu'il existe une filière du démantèlement en France ? Ce serait peut-être aller vite en besogne, car celle-ci n'est pas encore formalisée en tant que telle, mais les éléments constitutifs sont présents.
Quant au cadre réglementaire, peut-être ai-je été un peu abrupt. Je vais nuancer mon propos. Aujourd'hui, la sûreté nucléaire repose sur une description précise des opérations à mener et sur une approche déterministe : il s'agit d'empêcher la survenue de tout imprévu dans le cadre du référentiel qui a été adopté. Autrement dit, il faut décrire avec précision, dix ans à l'avance, les interventions qui auront lieu dans une installation où l'on n'a pas encore commencé à travailler. En général, lorsque le chantier démarre, on s'aperçoit que la réalité physique n'est pas celle qu'on attendait. Dans le cadre réglementaire actuel, cela impose d'arrêter le chantier, de reprendre le dossier d'étude et de déposer une nouvelle demande d'autorisation. Cela ne favorise pas l'efficacité !
Il serait préférable d'avoir un système qui permette de gérer de multiples configurations sans figer la solution technique trop en amont ; il faudrait, en outre, renforcer la responsabilité opérationnelle en matière de sûreté, de façon qu'un plus grand nombre de personnes ait la capacité de réagir et d'adapter les scénarios en fonction des contraintes observées.
Elles ne sont pas encore formalisées : ce sera la prochaine étape de notre travail. Nous allons soumettre au comité de pilotage plusieurs thématiques sur lesquelles nous pensons qu'il conviendrait de faire des recommandations, et il faudra ensuite formuler celles-ci, ce qui ne pourra pas se faire sans l'aide de l'ASN – qui n'est pas représentée au sein du CSFN.
S'agissant de l'Allemagne, nous disposons d'informations puisque le responsable de la branche « Démantèlement réacteurs » chez AREVA est allemand. C'est là que nous avons de l'expérience et que le marché est susceptible de décoller ; mais c'est aussi un exemple de « glissement » du calendrier. Au départ, tout le monde disait que c'était merveilleux, qu'il y aurait beaucoup de centrales à démanteler et que cela engendrerait une activité qui prendrait naturellement le relais de l'exploitation. Or on s'est aperçu que, la décision ayant été prise quelque peu abruptement, les industriels n'étaient pas prêts au démantèlement et il a fallu tout reprendre à zéro, en lançant des études stratégiques et en définissant les schémas industriels. On en est encore à ce stade ; les demandes d'autorisation de démantèlement n'ont toujours pas été déposées.
Il doit l'être à peu près. Il s'agit d'un financement par les industriels pour lequel chaque entreprise a dû provisionner. En revanche, comme un certain nombre d'installations ont été arrêtées prématurément, il y a des conflits entre les industriels et l'État, les premiers indiquant qu'ils n'ont pas eu le temps de provisionner. On estime qu'il faudra encore deux ou trois ans avant que les opérations de démantèlement sur site puissent démarrer.
Quant au niveau des provisions, la question rejoignant celle sur l'écart entre coût prévu et coût réel, je vous invite à la poser aux représentants des donneurs d'ordres lorsque vous les auditionnerez.
Messieurs, merci d'avoir répondu à quelques-unes de nos questions… Pour les autres, nous nous adresserons ailleurs !
L'audition s'achève à quinze heures quarante-cinq.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire
Réunion du mercredi 26 mars 2014 à 14 h 30
Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, Mme Sandrine Hurel, Mme Frédérique Massat
Excusés. - Mme Françoise Dubois, Mme Sylvie Pichot, M. Franck Reynier, M. Stéphane Travert