La réunion

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L'audition débute à dix heures dix.

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Les auditions que nous menons aujourd'hui sont consacrées au retraitement du combustible et à la filière MOX, ainsi qu'aux réacteurs de quatrième génération et à leurs performances en matière de réduction des déchets ultimes. Le retraitement et la production de MOX constituent l'un des piliers industriels d'AREVA. En 2013, le secteur aval a représenté un peu moins de 20 % du chiffre d'affaires total du groupe et a contribué à hauteur de 308 millions d'euros à son résultat opérationnel ; le montant des commandes s'élevait à 6 milliards d'euros, soit trois années d'activité. Cette même année, la production de l'usine de La Hague a été la plus élevée depuis dix ans. La filière est donc bien installée dans le paysage industriel français.

En réponse à une question du rapporteur, le représentant d'EDF que nous avons auditionné a estimé qu'il n'était guère pertinent de comparer des coûts en faisant comme si cette filière n'existait pas, alors qu'elle est un fait acquis. Selon lui, il serait absurde de se priver d'une industrie désormais performante ; nous devrions, au contraire, nous employer à la perfectionner. Néanmoins, d'autres pays ont fait le choix du cycle ouvert, c'est-à-dire d'un passage unique de la matière fissile en réacteur.

Nous avons bien compris que le MOX usé n'avait pas vocation à être retraité, mais qu'il pourrait éventuellement être réemployé dans les réacteurs de quatrième génération. Quel est votre avis sur ces réacteurs ? AREVA est-elle partie prenante dans le projet ASTRID – Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration ? Est-ce la seule solution pour l'avenir ? Est-ce la plus performante ?

La Chine semble intéressée par l'expérience française en matière de retraitement. Quelles sont les perspectives de cette forme de recyclage ?

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Philippe Knoche prête serment.)

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Pour commencer, je souhaite insister sur les apports du recyclage pour la France : aujourd'hui, environ 15 % de l'électricité produite en France l'est à partir de combustible recyclé, ce chiffre variant d'une année sur l'autre. Ce recyclage permet une économie en matières premières, telle que la plupart des industries cherchent à en réaliser actuellement, et contribue à limiter les importations d'EDF à hauteur de 150 millions d'euros par an. Il est donc, en soi, vertueux.

De plus, en recyclant, nous conditionnons les déchets et réduisons leur volume et leur toxicité par dix environ, ce qui facilite leur gestion à long terme. Comme vous avez pu l'observer en visitant le site de La Hague, les produits de fission sont placés dans une matrice comparable à l'obsidienne, très durable. Le volume total de déchets ainsi vitrifiés et compactés s'élève à environ 300 mètres cubes par an pour l'ensemble du parc d'EDF. Ils sont ensuite stockés à l'intérieur de colonnes de protection en béton, dans des halls d'entreposage qu'il est possible de visiter sans prendre de précautions particulières, comme vous avez pu le constater à La Hague.

Ainsi que l'a indiqué l'intervenant précédent, M. Sylvain Granger, toutes les études réalisées montrent que le coût du recyclage des combustibles usés et celui du cycle ouvert sont équivalents, à supposer que le pays considéré ne dispose pas déjà d'installations de retraitement. Selon une étude de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) de l'OCDE publiée en 2013, les coûts de production de l'électricité se situent entre 6 et 8 dollars par mégawattheure, que l'on aille de la mine au réacteur, pour le cycle ouvert, ou du combustible usé au réacteur, pour le cycle fermé. Si l'on décompose les coûts, ceux de l'extraction et de l'enrichissement de l'uranium naturel sont nettement plus élevés dans le cas du cycle ouvert et, inversement, ceux du recyclage et de la fabrication du MOX sont sensiblement supérieurs dans le cas du cycle fermé. Avec un taux d'actualisation de 0 % – ce qui n'est pas l'hypothèse la plus favorable au retraitement –, le total des coûts est de 7,45 dollars par mégawattheure pour le cycle ouvert, contre 7,89 dollars pour le cycle fermé avec des réacteurs à eau légère et 7,73 dollars pour le recyclage multiple avec des réacteurs à neutrons rapides.

L'étude de l'AEN indique également que, toutes choses étant égales par ailleurs, les coûts de stockage sont plus élevés pour le cycle ouvert que pour le cycle fermé : 0,58 dollar par mégawattheure contre 0,45 dollar. Cela tient au volume plus important des déchets, qui, en cycle ouvert, ne sont pas conditionnés dans une matrice. En outre, plus le coût de construction des installations de stockage est élevé – je renvoie au débat que vous avez eu avec M. Granger sur le montant de la facture du projet Cigéo –, plus l'écart entre les coûts de stockage s'accroît à l'avantage du cycle fermé.

D'une manière générale, la prévisibilité des coûts est plus grande pour le cycle fermé, en raison du meilleur conditionnement des déchets.

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Je souhaite faire une remarque de méthode. Notre commission a longuement débattu de l'opportunité de rendre ses auditions publiques. J'avais quelques hésitations à cet égard, et ce que nous venons d'entendre tend à montrer qu'elles étaient justifiées : votre exposé, monsieur le directeur général, n'aurait peut-être pas été aussi cohérent avec celui de l'intervenant précédent si vous ne l'aviez pas écouté, comme chacun peut le faire.

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Les intervenants auraient très bien pu se concerter avant.

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En l'espèce, l'argumentaire est le même, au mot près.

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Inversement, l'intervenant suivant, présent dans la salle, pourra ajuster son discours en fonction du mien.

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Je ne vous fais aucun procès, monsieur le directeur général. Nous avons décidé collectivement que les auditions seraient publiques, et j'assume ce choix.

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Nous sommes capables aujourd'hui de recycler plusieurs fois du combustible MOX usé : nous l'avons fait pour certains clients étrangers. Cependant, ce n'est possible que pour des quantités limitées, le MOX réutilisé devant être mélangé à plusieurs reprises avec d'autres combustibles usés. Cela ne correspond donc pas à un optimum technique avec les réacteurs à eau légère dont nous disposons actuellement. De ce point de vue, les réacteurs de quatrième génération ouvrent des perspectives plus favorables.

AREVA travaille avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sur le projet ASTRID, de même que nous avions participé précédemment à Phénix et Superphénix. ASTRID est porteur d'avancées technologiques intéressantes, mais il n'est pas le seul projet de réacteur de quatrième génération. Comme souvent en matière de recherche, nous nous interrogeons sur l'opportunité de développer un concept distinct ou au contraire cohérent avec ceux de nos partenaires étrangers. Dans les grands pays nucléaires qui sont avancés dans leurs politiques de recyclage et de recherche sur les réacteurs de quatrième génération – Inde, Chine, Russie et États-Unis, où le modèle est néanmoins différent –, la filière privilégiée est celle des réacteurs au sodium.

Nous devons réaliser certaines avancées par rapport à Superphénix, et AREVA y contribue. L'horizon pour le déploiement industriel d'ASTRID est la deuxième moitié de ce siècle.

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Quelles sont ces avancées ? Une sûreté et une sécurité accrues ? Une réduction de la quantité de combustibles et de déchets ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Elles concernent essentiellement la sûreté. Il s'agit en particulier d'éviter tout risque d'interaction entre le sodium et l'eau, point qui a posé problème dans le projet Superphénix, notamment pour ce qui est des dispositifs techniques de manipulation du combustible. Nous travaillons avec le CEA sur ces sujets.

Par nature, les réacteurs de quatrième génération utiliseront la ressource de manière plus efficiente et produiront moins de déchets : ils seront capables de régénérer leur propre combustible, grâce à une usine de recyclage. Nous sommes d'ores et déjà très confiants sur ce point : il a été prouvé que les réacteurs à neutrons rapides fonctionnaient très efficacement avec de l'uranium appauvri et du plutonium.

J'en viens aux performances industrielles du recyclage et de la filière MOX. Depuis l'origine, AREVA a traité 29 000 tonnes de combustible, dont 10 000 pour des clients étrangers. Nous avons donc exporté un tiers de la production de la filière et ce, dans de très bonnes conditions de fiabilité. En outre, nous avons su innover : au cours de la dernière décennie, nous avons mis en service un nouveau procédé de vitrification, qui permet de conditionner les déchets de manière encore plus efficace, notamment les effluents. Nous avons fourni du MOX à presque autant de réacteurs étrangers que français, respectivement vingt et vingt-deux. La filière emploie aujourd'hui 12 500 personnes, principalement sur le site de La Hague, dans l'usine MELOX et pour le transport. Ce chiffre n'inclut pas les effectifs de tous les prestataires.

Sur les cinq à sept dernières années, nos prestations de recyclage nous ont rapporté environ 600 millions d'euros par an à l'exportation. Le retraitement permettant, en outre, de réduire les importations d'EDF de l'ordre de 150 millions par an, l'effet net sur la balance commerciale de la France est positif à hauteur de 750 millions. Cela fait du retraitement une filière d'excellence française. C'est pourquoi nous avons été contactés par la Chine, qui souhaite réaliser des installations analogues aux nôtres, compte tenu de la croissance de son parc nucléaire.

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S'agissant de « l'excellence » de la filière nucléaire française, plusieurs éléments relatifs notamment à la construction de l'EPR devraient inciter à une certaine prudence. Quant à votre exposé sur la réutilisation du MOX, il m'a paru quelque peu idyllique. Lorsque nous avons visité le site de La Hague et l'usine MELOX à Marcoule, nous avons été frappés par le nombre de dispositifs de surveillance mis en place par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), compte tenu des risques de prolifération et de la dangerosité du plutonium. En outre, les questions de sécurité ne paraissent pas résolues : les missiles sol-air déployés à proximité du site de La Hague après les attentats du 11 septembre 2001 ont été retirés, sans que, semble-t-il, d'autres mesures soient prises. Dès lors, il est légitime de s'interroger : cela vaut-il la peine de prendre autant de risques ?

D'autant que cela ne rapporte rien : selon les études que le représentant d'EDF et vous-même avez citées – vous nous l'aviez d'ailleurs déjà dit lorsque nous avons visité le site de La Hague –, le stockage direct des déchets ne coûterait pas plus cher que leur retraitement et la fabrication du MOX. Si le choix entre ces deux options n'a pas d'impact sur la production d'électricité ni sur son coût, et que, dans votre vision même, l'économie française dans son ensemble ne retire aucun gain du retraitement et de la filière MOX – même si j'ai bien noté les implications non négligeables en termes de développement industriel et d'emploi –, la question des risques mérite d'être posée. EDF a d'ailleurs confirmé la dangerosité du MOX et les difficultés liées à son utilisation. Elle affirme maîtriser ces risques mais, malheureusement, cela ne s'est pas toujours aussi bien passé dans d'autres pays.

Par ailleurs, selon le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le retraitement et la fabrication du MOX n'ont de sens que si l'on construit un jour des réacteurs de quatrième génération. À cet égard, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'IRSN nous ont indiqué qu'ils n'imaginaient pas de quatrième génération sans des améliorations en matière de sûreté, non seulement par rapport à Superphénix, dont les problèmes de sûreté n'avaient pas été résolus, mais aussi par rapport à la troisième génération et à l'EPR. Ainsi, selon une note qu'elle nous a transmise, « l'ASN considère que cette quatrième génération doit apporter un gain de sûreté significatif par rapport à la troisième génération et qu'ASTRID doit permettre de tester effectivement des options et dispositions de sûreté renforcée ». Quelles sont ces options et ces dispositions ?

De même, l'IRSN écrit à propos des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, dont fait partie ASTRID : « Des avancées notables sont nécessaires pour permettre une inspection en service des structures importantes pour la sûreté, les possibilités dans ce domaine se heurtant à la difficulté liée à l'opacité du sodium. » De telles inspections n'étaient pas possibles au sein de Superphénix. En outre, de nombreuses hypothèses d'accidents n'ont pas encore été discutées et, selon l'IRSN, il convient d'approfondir « la coulée des matériaux fondus ; la possibilité de les maintenir en cuve ; le déclenchement d'une explosion de vapeurs de sodium et son ampleur ; les transferts de radionucléides issus du combustible fondu au sodium du réacteur, à l'enceinte de confinement et à l'environnement ; la prévention des accidents d'endommagement sévère du coeur, notamment sa fusion ; les risques liés à la réactivité chimique violente du sodium avec l'air et avec l'eau ». Je suppose que vous travaillez sur ces questions avec le CEA, mais pouvez-vous nous en dire plus sur les réponses que vous pensez apporter ?

Dans la mesure où les réacteurs de quatrième génération devront permettre de recycler les matières et de réaliser un saut qualitatif en matière de sûreté, pourront-ils être compétitifs par rapport aux moyens alternatifs de production d'électricité ? Et à quelle échéance pourraient-ils voir le jour ? Le directeur général de l'IRSN a évoqué hier la fin du siècle en cours. Votre calendrier est-il plus « optimiste » que le sien ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

En ce qui concerne le risque terroriste, nous avons pris de nombreuses mesures de protection en liaison avec les autorités compétentes, en particulier avec le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère chargé de l'énergie. Il convient de mettre en place des dispositifs protégés par le secret défense, mais aussi d'informer de manière transparente sur les risques et, dans la mesure du possible, sur les dispositions que nous prenons. Ainsi, nous faisons état sur internet des stocks de matières – uranium, plutonium, combustible usé – dont nous disposons, ce qui n'empêche pas ces stocks d'être très étroitement surveillés. Nous avons également répondu à toutes les demandes de rapport concernant les risques, s'agissant notamment des piscines d'entreposage.

Pour ce qui est du risque de prolifération, nous avons pris toutes les mesures nécessaires en France, et AREVA n'a jamais été mise en cause sur ce point. Les problèmes de prolifération que le monde a connus à ce jour étaient sans lien avec l'activité de recyclage.

Je suis surpris, monsieur le rapporteur, que vous affirmiez, à propos du recyclage et de la filière MOX, que « cela ne rapporte rien » en contraposition du fait que le stockage direct « ne coûte pas plus cher ». C'est un raisonnement un peu rapide. Ce que rapporte le recyclage, c'est une économie de ressources, le conditionnement des déchets dans une matrice adaptée et la réduction de leur volume par dix.

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Tout cela n'est-il pas déjà pris en compte dans votre calcul ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Ce sont des apports non économiques.

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Ce n'est pas qu'une question d'argent, monsieur le rapporteur !

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Je l'ai bien noté. Cependant, j'ai rencontré le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère chargé de l'énergie, M. Vincent Mazauric, et ses collaborateurs ; ils n'étaient pas aussi optimistes que vous sur les questions de sécurité, notamment en ce qui concerne le site de La Hague.

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Je n'ai pas dit que tout était parfait ; on peut toujours s'améliorer. Il s'agit d'ailleurs d'une logique de base dans l'industrie nucléaire.

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Il y a, d'un côté, les auditions menées par la Commission et, de l'autre, celles que conduit le rapporteur. Évitons de citer des personnes qui ne se sont pas exprimées sous serment devant la Commission. Ou alors, si l'on souhaite les faire parler, invitons-les pour une audition par la Commission dans son ensemble. Il faut être clair sur ce principe.

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Des dispositions très précises ont été prises sur le site de La Hague pour faire face à la menace terroriste. Elles sont adaptées en permanence, en liaison avec les autorités compétentes.

On ne peut pas dire que le recyclage du papier ou de l'acier ne rapporte rien. Pourtant, le papier et l'acier recyclés coûtent plus cher que leurs équivalents non recyclés. S'agissant du recyclage du combustible usé, son coût n'est pas plus élevé, mais du même ordre que celui du stockage direct. Et il a des avantages : outre ceux que j'ai déjà cités, il améliore l'acceptation de la filière nucléaire par la société.

J'en viens à la dangerosité du MOX. Il convient de distinguer les différentes étapes de la vie de ce combustible. Sa fabrication, d'abord, se fait à l'usine MELOX dans des « boîtes à gants ». Compte tenu du niveau de radioactivité du plutonium et de sa nocivité pour la santé – que nous ne contestons pas –, nous prenons des mesures de protection renforcées par rapport à celles qui s'appliquent pour la fabrication du combustible à l'uranium. Nous le faisons sous l'autorité de l'ASN, à laquelle nous adressons des rapports spécifiques. L'assemblage du MOX, ensuite, ne diffère pas fondamentalement de celui du combustible à l'uranium. Il est possible de s'approcher du produit ainsi obtenu. Par ailleurs, quand vous utilisez du combustible à l'uranium dans une centrale, vous obtenez de toute façon du MOX : le plutonium apparaît au bout de quelques heures d'irradiation dans le réacteur.

S'agissant du projet ASTRID, si tous les points soulevés par l'ASN et l'IRSN à propos des réacteurs de quatrième génération étaient réglés, nous en construirions déjà aujourd'hui. Il est tout à fait sain de se poser les questions dont vous avez rappelé la liste. J'ai déjà parlé des risques d'interaction du sodium avec l'eau et avec l'air. Pour ce qui est des possibilités d'inspection en service compte tenu de l'opacité du sodium, nous pouvons aussi simplifier les structures internes de façon à modifier les exigences d'inspection en service. Cela fait partie du processus d'amélioration technologique. Il est tout à fait bon de prendre le temps de ce débat. Quant au déploiement d'ASTRID, il pourrait intervenir, comme je l'ai indiqué, dans la deuxième moitié de ce siècle. Cela implique que nous mettions au point, au cours des décennies qui viennent, des prototypes qui nous permettront d'affiner les réponses aux questions posées.

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Le dossier pour le projet ASTRID devait être présenté en 2014. Cela signifie-t-il qu'il reste encore beaucoup d'hypothèses pour lesquelles vous n'avez pas de réponses ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Sur le projet ASTRID, nous en sommes au stade de l'avant-projet. L'échéance pour l'avant-projet sommaire est 2014, celle pour l'avant-projet détaillé 2017. Les études doivent se poursuivre au cours de cette période. Il n'est pas du tout question de commencer la construction en 2014.

Pour ce qui est de la compétitivité, nous aurions intérêt à pousser plus loin la convergence en matière d'exigences internationales. La France n'est pas le seul pays à développer un projet de réacteur de quatrième génération : l'Inde, la Russie, la Chine avancent sur leurs propres projets, sur la base de nos savoir-faire ou de savoir-faire indépendants. Nous appelons de nos voeux un échange au sein des instances multilatérales – l'AIEA ou l'Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d'Europe de l'Ouest (WENRA) – de façon à harmoniser progressivement les exigences, comme cela se fait pour d'autres installations à risques, aéroportuaires ou chimiques. C'est dans ce cadre que nous pourrons traiter la question de l'équilibre entre réduction des risques et compétitivité.

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Je me suis beaucoup intéressé à la filière du papier. Bien que la production du papier recyclé consomme davantage d'énergie que celle du papier neuf et que son coût soit plus élevé, il est indispensable de recycler le papier. Il ne suffit pas de s'intéresser aux coûts, même si c'est là l'objet principal de notre enquête ; il convient d'avoir une approche d'ensemble du recyclage. Certes, « comparaison n'est pas raison », mais ce raisonnement peut être conduit pour toutes les filières industrielles.

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La question que nous devons nous poser est la suivante : quelles sont les externalités qui devraient être internalisées dans le coût économique du recyclage ? Le papier recyclé présente un intérêt par rapport au papier neuf, parce que nous estimons que le recyclage crée des externalités intéressantes : moindre consommation de bois, réduction de la pollution et des déchets. Or je ne suis pas du tout certain que les externalités créées par le recyclage du combustible nucléaire usé soient positives, compte tenu de la dangerosité des matières radioactives et des risques associés. Il est légitime de se poser ces questions. À ma connaissance, l'AIEA ne s'intéresse guère aux usines de recyclage de papier !

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Bien que vous ayez rappelé l'objet de notre commission d'enquête, monsieur le président, le débat devient vite politique : le rapporteur défend souvent une idéologie plutôt que de travailler à établir des coûts. J'en profite donc pour donner, moi aussi, mon avis sur la transition énergétique.

L'intérêt du recyclage apparaît évident : il permet de réduire de 15 % la consommation de matières en amont du cycle. En outre, au début de nos travaux, nous avons fait le point sur la durée des réserves de charbon, de pétrole, de gaz et d'uranium. S'agissant de l'uranium, il nous a été indiqué que cette durée serait de cent trente ans avec les réacteurs de troisième génération, mais qu'elle passerait – c'était d'ailleurs une grande surprise pour moi – à cinq mille ou sept mille ans avec la quatrième génération. En d'autres termes, la ressource deviendrait illimitée. Par ailleurs, personne n'a encore proposé de solution qui permettrait d'arrêter les centrales nucléaires du jour au lendemain en les remplaçant par des modes de production alternatifs : éoliennes, panneaux photovoltaïques, barrages hydroélectriques. On le voit bien, cela ne peut pas marcher. Pour ma part, je suis assez convaincu que la transition énergétique se fera au moyen du nucléaire, grâce au développement des réacteurs de quatrième puis de cinquième génération, avec une étape intermédiaire par une génération III+. Dans tous les cas, il vaut la peine d'étudier cette solution, qui réglerait la question de la durée des réserves de combustible. Mais il s'agit moins, dès lors, d'un problème de sûreté ou de calcul de coûts : la décision sera de nature politique.

En 1972, on dénombrait 17 000 morts par an sur les routes en France. Nous sommes descendus aujourd'hui à 4 000, alors que la circulation a augmenté. Cela tient au fait que les voitures se sont transformées : grâce notamment à la ceinture de sécurité et à l'airbag, on sort de sa voiture vivant.

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Je souscris en partie aux remarques de M. Gorges. Malgré vos efforts pour recentrer le débat, monsieur le président, nous nous éloignons trop souvent de l'objet de notre commission d'enquête. Chacun peut avoir un avis, mais que vient faire dans nos travaux une plaidoirie antinucléaire a priori, surtout devant des intervenants qui viennent nous apporter un éclairage sur une filière essentielle pour l'avenir de notre pays ? En outre, je suis très étonné d'entendre un responsable des Verts nous expliquer que la question des déchets est secondaire et qu'il faudrait arrêter le retraitement ! Si l'on souhaite préserver l'environnement, il est nécessaire de recycler les déchets existants. Je comprends d'autant moins la position du rapporteur que le coût du retraitement est équivalent à celui du cycle ouvert. En outre, les enjeux en matière de développement industriel et d'emploi sont considérables, la France restant un des leaders mondiaux de la filière. Il conviendrait plutôt de s'interroger sur les coûts et sur les moyens de la faire progresser encore, tout en respectant des critères environnementaux. Cessons de nous accrocher à des vieilles lunes qui ne nous mènent nulle part !

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Inévitablement, dans une commission d'enquête, le débat est aussi politique.

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Il ne devrait pas l'être : nous sommes là non pas pour entendre une plaidoirie, mais pour recueillir des éléments factuels et des chiffres.

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Le débat est bien sûr technique, mais il est aussi fondamentalement politique : il n'y a rien d'anormal à ce que chacun se forge un avis en fonction de ses convictions éthiques ou idéologiques, surtout au Parlement.

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La France est en pointe en matière d'industrie nucléaire : celle-ci fournit 85 % de son électricité. Or, pour des raisons idéologiques, certains cherchent à tout arrêter brutalement, y compris la recherche. Selon la Cour des comptes, la France consacre, depuis cinquante ans, un milliard d'euros par an à la recherche dans le domaine nucléaire, ce qui est modeste rapporté aux 1 100 milliards de dépenses publiques annuelles. La Cour relève toutefois que cet argent a pu servir à occuper des chercheurs dans des laboratoires. Je souhaiterais donc disposer de chiffres plus précis. Compte tenu des enjeux que j'ai rappelés en matière de durée des réserves de combustible, quelle somme dépensons-nous chaque année pour accélérer le passage aux réacteurs de quatrième génération ? À combien ce montant devrait-il s'élever, selon vous ? Combien de personnes travaillent sur ce sujet ?

Quant à la date de déploiement de ces réacteurs, le directeur général de l'IRSN a évoqué hier la fin de ce siècle. Vous parlez, monsieur le directeur général, de la deuxième moitié du siècle. D'autres ont dit : « dans quinze à vingt ans ». En réalité, tout dépend des investissements que l'on y consacre et s'il existe ou non une forte volonté politique, comme cela a été le cas lorsqu'on a décidé de créer la filière nucléaire en France. Si, après avoir constaté qu'il n'est guère possible de développer les énergies renouvelables au-delà de 15 à 20 % de la consommation nationale, un gouvernement décidait de s'engager résolument dans le développement de la filière nucléaire, avec toutes les garanties de sécurité nécessaires, cela deviendrait un projet d'État.

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Encore une fois, je souhaite que nous nous en tenions, les uns et les autres, aux déclarations qui ont été faites devant la Commission sous serment. Or je n'ai pas entendu le directeur général de l'IRSN évoquer la fin du siècle. Ne rapportons pas de propos tenus en dehors de cette enceinte, même s'ils sont tout à fait sérieux. Nous devrons d'ailleurs trouver une solution pour intégrer à nos travaux le contenu des auditions que mène le rapporteur, comme il en a parfaitement le droit. À défaut, notre rapport contiendra des informations de statut différent : certaines auront été recueillies sous serment, d'autres non.

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Une centaine d'ingénieurs d'AREVA travaillent actuellement sur les réacteurs de quatrième génération. Cet effort a plutôt été réduit au cours des dernières années, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent notamment sur le CEA, avec lequel nous travaillons. C'est le CEA qui a une vision globale des investissements consacrés à ces projets.

L'horizon que j'ai mentionné – la deuxième partie de ce siècle, c'est-à-dire à partir de 2050 – correspond au déploiement industriel des réacteurs. Le démonstrateur ASTRID pourrait être déployé plus tôt, au cours de la décennie 2020, en fonction de l'évolution du débat avec les autorités de sûreté et des financements qui seront alloués au projet. En matière de réacteurs à neutrons rapides, la France était historiquement le pays le plus avancé, mais l'Inde – où de tels réacteurs sont déjà en service –, la Russie et la Chine progressent aujourd'hui plus rapidement qu'elle.

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Un certain retard a été pris par rapport au calendrier de recherche initial sur les réacteurs de quatrième génération. Pouvez-vous nous rappeler quel était ce calendrier ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Comme je l'ai indiqué, s'agissant d'ASTRID, l'échéance pour la fin de l'avant-projet détaillé est 2017.

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Mais à combien d'années évaluez-vous le retard pris par rapport au calendrier initial ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

L'étalement des dépenses a conduit à un décalage d'environ deux ans.

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En réalité, le retard par rapport aux échéances initialement prévues est assez limité, en tout cas pour le projet ASTRID.

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Ma question ne portait pas uniquement sur le projet ASTRID.

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

D'une manière générale, le moment choisi pour déployer tels ou tels réacteurs est aussi une question d'optimum technico-économique : il serait plus urgent de passer à la quatrième génération si l'uranium se raréfiait et que son prix était de 75 dollars par livre, et non inférieur à 50 dollars comme aujourd'hui. L'État, qui prend les décisions en la matière, doit procéder à des arbitrages en fonction de la maturité des technologies considérées et des contraintes technico-économiques. Actuellement, la construction de réacteurs de génération III+ retarde le déploiement de la quatrième génération. Il y a donc différents horizons possibles.

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Il existe au moins trois ou quatre concepts de réacteurs de quatrième génération dans le monde. Pour la France, il s'agit du projet ASTRID.

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Tout à fait.

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Le calendrier fixé il y a quelques années pour les réacteurs de quatrième génération était plus resserré que celui dont nous parlons aujourd'hui. Pourriez-vous nous le rappeler ?

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Je suis les questions nucléaires depuis une dizaine d'années et je ne me souviens pas avoir entendu parler d'échéances plus rapprochées que celles qui viennent d'être évoquées.

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En 1997, Mme Voynet a arrêté deux grands projets en France : le canal Rhin-Rhône, pour des raisons environnementales, et Superphénix. L'arrêt de Superphénix a-t-il été une erreur pour la recherche française ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Si votre question est : « Aurions-nous pu effectuer des recherches sur Superphénix entre 1997 et aujourd'hui ? », la réponse est oui.

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Depuis plusieurs années, plus particulièrement depuis le discours de politique générale de Lionel Jospin en 1997, la filière nucléaire, qui est l'un des fleurons et l'une des fiertés technologiques et industrielles de notre pays, est mise à mal par un mouvement d'idées qui agit avec des méthodes problématiques, dont l'analyse montrerait à quel point elles surfent sur les peurs, les contrevérités et les amalgames. En 1997 a été prise la décision purement politique de fermer et de démanteler Superphénix, un réacteur expérimental de quatrième génération. L'un des arguments avancés par les idéologues qui réclamaient cette fermeture – dont beaucoup étaient d'ailleurs des étrangers – était que le réacteur n'avait pas été raccordé suffisamment longtemps au réseau. S'agissant d'un réacteur expérimental, c'était pourtant bien normal ! Ce projet devait permettre à la France de rester à la pointe dans le domaine énergétique. Il était d'ailleurs visionnaire, puisqu'il s'agissait alors de la seule énergie décarbonée dont la puissance était déjà exploitée. Le mal fait par cette décision idéologique, impulsive, de convenance politicienne, fruit d'accords électoralistes, est considérable. Je viens d'entendre que la France a commencé à prendre du retard précisément à ce moment-là dans son programme de recherche et d'innovation dans ce domaine phare pour notre science, notre technologie, notre rayonnement et notre histoire. Avec un recul de dix-sept ans, pouvez-vous nous dire quelles ont été les conséquences réelles de cette décision ? Et quelles pourraient être les conséquences pour l'avenir énergétique, industriel, économique et social de notre pays du discours démagogique, partisan et dogmatique qu'assène, dans un but uniquement militant, le rapporteur au fil des réunions de la Commission, et des coups qu'il porte ainsi à la filière nucléaire ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Nous devons désormais nous tourner vers l'avenir de la filière. Il nous faut poursuivre le développement des réacteurs à neutrons rapides, voire l'accélérer en fonction des partenariats internationaux que nous pourrons nouer. Le recyclage, je le rappelle, emploie directement plus de 12 000 personnes et crée des externalités positives : réduction du volume de déchets et conditionnement fiable de ceux-ci dans une matrice adaptée. Le groupe AREVA consacre plus de 800 millions d'euros à la recherche et développement pour améliorer ses technologies, y compris en matière de conditionnement des déchets, ce qui lui permet de remporter des contrats à l'exportation et, ainsi, de contribuer positivement à la balance commerciale de la France. Nous devons poursuivre dans cette voie. Les montants consacrés à cette recherche sont très importants, mais ils sont en partie financés par les contrats que nous avons conclus tant avec EDF qu'avec les électriciens étrangers.

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J'assume totalement mes convictions. Je ne pense pas que l'on puisse dénoncer le caractère « politique » de mon discours, tout en qualifiant d'« apolitique » celui de M. Accoyer, qui est tout en nuances et dénué d'idéologie ! Nous avons été, les uns et les autres, élus pour défendre des convictions, mais cela ne nous empêche nullement de mener un travail sérieux dans le cadre de cette commission d'enquête. Nous auditionnons des intervenants – beaucoup d'entre eux travaillent d'ailleurs dans le secteur nucléaire – et recueillons des éléments d'appréciation susceptibles d'éclairer l'ensemble des élus.

Monsieur Baumel, je m'intéresse de près à la question des déchets et de leur impact : nous nous sommes rendus la semaine dernière sur les sites de La Hague et de Marcoule, et j'ai également visité le laboratoire de Bure. Simplement, nous n'avons pas nécessairement les mêmes convictions, ce qui est tout à fait respectable. Si l'on pouvait trouver des solutions qui permettent de rendre les déchets beaucoup moins nocifs et leur gestion beaucoup moins coûteuse pour la collectivité, je m'en réjouirais.

À propos de Superphénix, il me semble utile d'apporter des éléments d'information complémentaires. Cette installation a coûté plus de 9 milliards d'euros en investissement et plus de 1 milliard chaque année en fonctionnement. En 1994, elle a été déclassée en laboratoire de recherche et de démonstration par le gouvernement Balladur. Cette décision a d'ailleurs été annulée ultérieurement par le Conseil d'État, car les formes de l'enquête publique n'avaient pas été respectées. Plus tard au cours de l'année 1994, un nouvel incident majeur s'est produit sur Superphénix. Son démantèlement est aujourd'hui en cours et devrait coûter près de 65 % de plus qu'initialement prévu. Cela jette d'ailleurs un certain éclairage sur la question de l'évaluation des coûts de démantèlement.

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Nous avons déjà eu à plusieurs reprises les échanges auxquels nous assistons ce matin. Le débat s'écarte souvent de la question des coûts pour s'engager sur un terrain politique. Je souhaiterais connaître votre position, monsieur le président : le débat politique a-t-il ou non sa place dans le cadre des auditions ? Si la réponse est non, chacun doit s'en tenir à cette règle. Si la réponse est oui, il convient d'accorder la même place à chacun. Or certains condamnent le discours politique des autres, tout en se prévalant de cette dénonciation pour défendre leurs propres positions.

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Ma position est claire et je l'ai exprimée à plusieurs reprises. Notre commission d'enquête réalise une expertise sur les coûts de la filière nucléaire, dans l'absolu et en termes relatifs par rapport à ceux des autres modes de production d'électricité, en France et à l'étranger. L'Assemblée nationale est une institution fondamentalement politique et démocratique, où s'exprime une pluralité d'opinions. Si les travaux de notre commission d'enquête se déroulaient à huis clos, les guerres de position ne présenteraient guère d'intérêt et nous nous concentrerions sans doute davantage sur les aspects techniques. C'est pourquoi j'avais suggéré que nous adoptions ce mode de travail. Mais, dans la mesure où nos auditions sont publiques, il n'est pas anormal ni incongru que chacun fasse part de sa position en préalable ou au détour des questions qu'il pose. Cela ne me choque pas. Cela prend un peu plus de temps, c'est parfois redondant et ce n'est pas toujours pédagogique pour ceux qui suivent nos travaux, mais il s'agit de la vie politique du pays. Il ne m'appartient pas de censurer l'expression de femmes et d'hommes qui ont été élus sur des bases politiques, quelle que soit leur sensibilité.

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Je me retrouve parfaitement dans votre réponse, monsieur le président. Dès lors, nous devrions nous écouter les uns les autres. Le fait que deux positions différentes s'expriment ne devrait pas susciter d'agitation, et il n'y a pas de raison que certains élèvent la voix plus que d'autres. Nous gagnerions à débattre dans des conditions plus sereines, d'autant que nous sommes regardés et écoutés.

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Ce qui se passe est grave, monsieur le président : cela pose le problème du droit de tirage en matière de commissions d'enquête octroyé aux groupes minoritaires et d'opposition par la réforme du règlement de 2009.

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Vous avez soutenu cette réforme, monsieur Accoyer.

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Oui, tout à fait, mais nous constatons aujourd'hui une dérive dans l'utilisation qui en est faite. D'un côté, les personnes que nous invitons à nos auditions sont tenues de comparaître devant nous – la force publique peut être mobilisée pour les y contraindre – et de déposer sous serment. De l'autre, la parole des parlementaires est libre – il ne saurait en être autrement – et ils peuvent donc s'écarter du sujet, exprimer leurs convictions, voire dire des contrevérités, sciemment ou non. Mais il est de votre responsabilité, monsieur le président, de nous ramener à l'objet de notre commission d'enquête : les coûts de la filière nucléaire et du démantèlement de la centrale de Fessenheim. Les longues déclarations et les questions ciblées de notre rapporteur conduisent naturellement les autres membres de la Commission, quelle que soit leur sensibilité, à regretter la dimension politique de ses interventions et à faire valoir leur propre point de vue. D'autant que le rapport de notre commission sera un document public. L'erreur a été commise d'offrir à M. Baupin une tribune en le désignant rapporteur, ce qui était d'ailleurs l'objectif de son groupe politique.

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Notre groupe politique serait-il moins légitime que les autres ?

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Le rapporteur a fait le forcing pour que les auditions ne se déroulent pas à huis clos. Cela nous met dans une situation très ambiguë, alors que notre tâche est de réunir des chiffres pour alimenter la réflexion des responsables politiques et éclairer leurs choix, en vue du prochain débat sur la transition énergétique. Je vous demande, monsieur le président, d'exiger que le rapporteur s'en tienne au sujet. C'est aussi une question de respect pour les personnes que nous entendons.

D'autre part, à la demande expresse du rapporteur, nous avons auditionné à plusieurs reprises des militants, dont certains – je pense à Greenpeace – ne respectent pas les règles de la République : ils s'introduisent par la force dans des équipements pourtant hautement sécurisés et ont fait, il y a quelques années, une intrusion dans l'hémicycle, elle aussi violente. L'institution parlementaire est au coeur de la République et de la démocratie. Il vous revient, monsieur le président, d'en faire respecter les principes.

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Je vous prie de nous excuser, monsieur le directeur général, de nous éloigner du sujet pour lequel nous vous avons invité. J'ai, en effet, la difficile tâche de présider cette commission d'enquête et de tenter de ramener les uns et les autres à son objet. Il existe une technique assez simple pour remédier à ce problème : limiter le temps de parole et interrompre les orateurs quand ils l'ont épuisé, ce qui les oblige à se concentrer sur le sujet. Vous avez vous-même employé cette méthode, monsieur Accoyer, lorsque vous étiez président de l'Assemblée nationale, notamment avec le temps législatif programmé. Je prends bonne note de vos remarques. Si, dans la suite de nos travaux, la tonalité de nos échanges, bien que je n'en réprouve pas le fond, l'exige, je minuterai le temps de parole de chacun, comme je le fais à la commission des affaires économiques.

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Y compris celui du rapporteur, en exigeant qu'il s'en tienne au sujet.

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Dans les commissions d'enquête, le rapporteur est toujours celui qui interroge, à titre principal, les personnes auditionnées. Telle est la règle, et elle est tout à fait logique. Chaque membre de la commission peut ensuite poser ses propres questions.

Nous nous sommes un peu écartés du sujet, mais il est bon, de temps en temps, de soulever le couvercle de la cocotte-minute, pour pouvoir reprendre ensuite nos travaux en toute sérénité.

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Je suis d'accord avec Mme Buis : tout le monde doit pouvoir exprimer ses idées, et la confrontation est utile. Mais l'erreur a été de créer une commission d'enquête sur ce sujet.

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C'est un droit prévu par le règlement : chaque groupe politique a un droit de tirage annuel en matière de commissions d'enquête. Ne remettons pas sans cesse en cause les règles que nous avons adoptées !

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Tel n'est pas mon propos. Selon moi, cela n'a guère de sens de demander à des scientifiques de jurer que tel ou tel chiffre est vrai. L'outil adapté pour un sujet de cette nature aurait été un travail du Comité d'évaluation et de contrôle (CEC) ou de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC). J'ai moi-même été corapporteur pour le CEC sur le dispositif de promotion des heures supplémentaires prévu par l'article 1er de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) et pour la MEC sur le crédit d'impôt recherche. Même si j'avais souvent une opinion divergente de celle de l'autre corapporteur, nous sommes parvenus à réaliser notre évaluation en toute sérénité, à objectiver la situation et, in fine, à nous mettre d'accord. Il aurait été plus facile à M. Baupin de mener un tel travail, et il aurait pu intervenir de la même manière au cours des auditions. En constituant une commission d'enquête sur un sujet qui fait débat, vous avez suscité de la suspicion et créé une situation conflictuelle. C'est maladroit.

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Ce n'est pas maladroit, c'est un droit. Par ailleurs, je nuancerais votre propos : à deux reprises, l'intervenant précédent a préféré ne pas répondre, parce qu'il ne connaissait pas le chiffre exact. S'il n'avait pas prêté serment, il aurait peut-être cité des chiffres approximatifs. Le cadre de la commission d'enquête peut donc avoir son utilité, même sur des sujets très précis. Pour le reste, il est plutôt normal que nos débats soient passionnés.

Monsieur le directeur général, avez-vous le sentiment d'avoir répondu à toutes les questions que nous vous avons posées ?

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Philippe Knoche, directeur général délégué d'AREVA

Pour autant qu'un sentiment puisse être exprimé sous serment, oui.

L'audition s'achève à onze heures vingt.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du jeudi 10 avril 2014 à 10 heures

Présents. - M. Damien Abad, M. Bernard Accoyer, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Baumel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Frédérique Massat, M. Patrice Prat, M. Michel Sordi, Mme Clotilde Valter

Excusés. - Mme Sylvie Pichot, M. Franck Reynier, M. Stéphane Travert