Mission d'information relative au paritarisme

Réunion du 8 juin 2016 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mission d'information SUR LE PARITARISME

Mercredi 8 juin 2016

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de M. Arnaud Richard, président)

La mission d'information sur le paritarisme examine, à huis clos, le rapport d'information sur le paritarisme (M. Jean-Marc Germain, rapporteur) puis procède au vote.

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Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner et approuver le rapport établi par Jean-Marc Germain. Si l'on en juge par l'état d'esprit qui a animé nos auditions, auxquelles les participants ont été beaucoup plus nombreux que ce que l'on voit habituellement dans le cadre des missions d'information, et par la durée de nos travaux, cette séance ne devrait pas poser de problème.

Nous avons beaucoup travaillé : nous nous sommes réunis vingt-trois fois pour effectuer soixante-et-une auditions et entendre plus de cent cinquante personnes ; cela représente près de soixante-dix heures d'auditions.

Je vous précise que le délai accordé pour déposer des contributions au nom des groupes politiques a été repoussé à lundi, 17 heures, au lieu de vendredi comme prévu précédemment. Vous voudrez bien faire parvenir ces contributions directement au secrétariat, qui les intégrera au rapport définitif.

Enfin, je vous informe qu'il est prévu que la mission remette officiellement son rapport à M. le président de l'Assemblée nationale la semaine prochaine, à une date qui reste à fixer – jeudi, certainement. Afin de ne pas dénaturer le caractère officiel de cette remise et la conférence de presse qui suivra, je vous demande de ne pas diffuser le projet de rapport dont vous disposez.

C'est le groupe de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) qui a souhaité la création de cette mission d'information. L'honneur de la présider qui m'a été donné s'est doublé du plaisir de l'émulation intellectuelle suscitée par la vigueur et l'exigence constantes de notre rapporteur, Jean-Marc Germain. Je tiens à le remercier très chaleureusement pour ce véritable cheminement, cet acte de liberté. Je veux lui témoigner toute ma gratitude quant au résultat obtenu, qui constitue à partir d'aujourd'hui une véritable référence, à partir de laquelle toute réflexion sur l'éventuelle évolution de notre modèle paritaire devient possible.

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Je salue à mon tour, monsieur le président, la façon dont nous avons conduit ces travaux, la liberté que nous nous sommes respectivement accordée et l'ampleur du travail accompli. Je remercie votre groupe d'avoir initié cette mission, nécessaire et utile, mais aussi les administrateurs et fonctionnaires de l'Assemblée nationale qui, comme toujours, ont fait un travail extraordinaire, fidèle aux personnes que nous avons auditionnées. C'est ce qui fait sa force, au-delà des propositions que nous pourrons en tirer : ce rapport constitue une somme d'informations et d'expression des acteurs tout à fait importante. Enfin, je voudrais vous remercier, chers collègues, d'avoir pris de votre temps pour participer à ces travaux, malgré un agenda parlementaire chargé.

J'en viens aux propositions du rapport. Celui-ci aura pour première vertu d'offrir un panorama du paritarisme – qui n'existait pas jusqu'alors. Ce panorama, sans être totalement exhaustif, permet d'appréhender de manière à la fois synthétique et complète, avec une profondeur historique, l'originalité de ce modèle. Très peu de pays ont en effet confié à la cogestion des employeurs et des salariés une part aussi importante de la protection sociale. Nous avons aussi fait une tentative de quantification : la somme des moyens gérés par les organismes paritaires s'élève à 150 milliards d'euros, soit un quart de la protection sociale. Ces organismes regroupent environ 100 000 salariés, ce qui représente autant que l'ensemble des effectifs de police et de gendarmerie. Soulignons aussi la diversité des domaines traités : beaucoup d'éléments de la vie quotidienne sont gérés de façon paritaire.

Le président de la mission et moi-même partageons une double conviction, explicitement exprimée en introduction de notre rapport. Nous croyons aux corps intermédiaires. Nous pensons que le paritarisme est un lieu de confrontation des intérêts et des visions des organisations d'employeurs et de salariés. Nous sommes donc des défenseurs de cette gestion paritaire. D'autre part, nous avons constaté qu'au fil du temps, un tri naturel s'était opéré entre ce qui relevait de l'État et de la solidarité nationale et ce qui relevait plutôt de droits liés à des salaires différés – droits gérés dans la plupart des domaines par les partenaires sociaux. L'histoire de la sécurité sociale est à cet égard emblématique puisqu'au terme d'une phase au cours de laquelle les partenaires sociaux ont eu beaucoup de responsabilités – y compris la capacité de fixer le montant des cotisations –, nous sommes revenus à un système où ils sont très présents dans la gouvernance des caisses de sécurité sociale mais où la décision relève essentiellement de l'État. Pour autant, nous ne remettons pas en cause leur présence dans les conseils d'administration des caisses, bien au contraire. Les auditions nous ont montré que les partenaires sociaux y sont tout à fait utiles, même sans réel pouvoir de décision sur les montants des prestations et des cotisations.

Si le paritarisme est plus que jamais nécessaire, il est aussi plus que jamais nécessaire de le réformer. Nous avons rencontré, chez les femmes et les hommes qui gèrent les différents organismes de protection sociale complémentaire, une capacité à innover et à se moderniser. Ces organismes n'ont à cet égard rien à envier au fonctionnement de l'État ou des collectivités locales. Mais nous avons le sentiment que, si chaque élément pris isolément fonctionne plutôt correctement, le système dans son ensemble est dans l'incapacité de se réformer et d'évoluer pour prendre en compte les transformations des modes de production, la mondialisation, les enjeux écologiques et numériques et les problèmes financiers issus des déséquilibres démographiques ou du chômage de masse.

Sur le fondement de ce constat, nous formulons plusieurs propositions : j'évoquerai simplement celles qui sont présentées dans l'introduction du rapport.

S'il fallait ne retenir qu'une seule de ces propositions, je souhaiterais que ce soit la première. Cette proposition – que j'espère la plus consensuelle possible – n'est pas simplement un élément d'un puzzle d'ensemble : elle a vocation à constituer la clef de voûte du paritarisme. Elle vise à la création d'un Haut conseil de la négociation collective et du paritarisme. Il nous semble qu'il manque un lieu permettant de formaliser les négociations interprofessionnelles et la mise en cohérence des différents domaines gérés par le paritarisme. Ce Haut conseil de la négociation collective et du paritarisme serait une sorte de chambre haute sociale ou de parlement du dialogue social. Dans mon esprit, ce Haut conseil n'aurait pas la décision finale, qui resterait bien sûr au Parlement, mais on pourrait aller jusqu'à un système de « navette » entre le Parlement et cet organisme. Celui-ci serait une forme d'aboutissement de la réforme Larcher prévoyant la possibilité pour les partenaires sociaux de négocier avant que le législateur ne se prononce dans le domaine social. On a bien vu, avec le projet de loi El Khomri, que l'absence de structuration de ce dialogue avait permis à l'État, sur une partie du projet – notamment sur le rapport de M. Jean-Denis Combrexelle –, de solliciter les partenaires sociaux sans que ceux-ci ne rendent une réponse formelle. Les uns ont alors affirmé qu'on leur avait demandé de négocier et qu'ils avaient refusé de le faire, tandis que d'autres nous ont dit qu'ils avaient accepté mais qu'il leur aurait fallu des années pour arriver à un résultat – ce qui n'était pas possible dans le temps imparti par le processus législatif. Il nous semble donc indispensable de structurer la négociation collective et le paritarisme.

J'ai proposé que le Haut conseil comprenne quatre commissions. La première serait consacrée à la prévoyance et à la vie quotidienne. La deuxième, à la sécurité sociale professionnelle – chargée de l'emploi, de la formation, du chômage et peut-être de la santé et de la qualité de vie au travail et s'adressant donc essentiellement à des actifs. La troisième, à l'innovation, à la nouvelle économie, au numérique, aux questions écologiques et aux plateformes collaboratives. Nous avons en effet constaté que si les acteurs étaient très conscients des conséquences de l'ubérisation de la société, en termes de ressources des régimes de protection sociale et de défense des droits des travailleurs, aucun d'eux ne s'était vraiment saisi de la question de manière opérationnelle – à l'exception peut-être d'une organisation syndicale ayant récemment organisé un congrès sur le sujet. L'administration ne l'a pas fait non plus, à l'exception de l'URSSAF qui a récemment souhaité imposer un redressement à Uber. Enfin, il nous semble essentiel que le système se dote de moyens de contrôle et d'évaluation. Cette mission pourrait être confiée à ce Haut conseil mais aussi à la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) ou encore à des corps de contrôle de l'État. Cela étant, si l'on veut adresser un signe de confiance aux partenaires sociaux dans un rapport qui, quoi qu'il en soit, les bousculera, il nous semble opportun de leur confier cette responsabilité. Car si l'idée de créer une commission de contrôle est fortement défendue par la CFTC et la CGT, les autres organisations n'y ont certes pas été opposées mais l'on a bien senti que leurs habitudes en seraient chamboulées. Ce que le président de la mission et moi-même recherchons, c'est une rigueur de gestion mais pas la remise en cause de la place des acteurs sociaux dans le pays.

Le Haut conseil aura une double fonction : la négociation collective dans le cadre de l'article L. 1 du code du travail et la structuration du paritarisme par grands domaines d'activité. Il ne s'agira pas d'un conseil de plus mais de la clef de voûte d'une nouvelle architecture.

La deuxième proposition vise à développer la culture du dialogue social. Il faut que les acteurs apprennent à se parler, à se connaître et à comprendre la valeur du dialogue et du compromis. Nous suggérons donc la création d'un Institut des hautes études du dialogue social. C'est une proposition du président que j'ai reprise bien volontiers, car cela me paraît tout à fait essentiel. Certains ont participé à ce type de formations, que ce soit à l'Institut des hautes études de défense nationale ou dans le cadre du dialogue social – puisque l'Institut national du travail (INT) organise déjà des séquences de formation annuelles au profit des syndicalistes, des dirigeants d'entreprise et des fonctionnaires.

Troisième proposition, nous invitons les partenaires sociaux et les pouvoirs publics à une réforme importante de la formation professionnelle et de l'emploi, domaines dans lesquels on a besoin de passer d'une logique d'assurance du risque à une logique d'ingénierie des parcours. L'objectif est de prendre les individus en considération tout au long de leur vie et pas simplement à un moment donné. Il nous semble à cet égard que l'on pourrait procéder par étapes. J'ai eu à ce sujet des discussions avec le président et certains d'entre vous : je suis le tenant, à terme, d'un régime unique de sécurité sociale professionnelle chapeauté par un organisme unique de type Unédic gérant l'ensemble des questions liées au parcours professionnel. Paritaire, cet organisme serait agréé ou bien soumis à une convention d'objectifs et de gestion – outil qui nous a paru très utile au fil de nos auditions. Alors qu'un agrément fonctionne selon une logique du tout ou rien, une convention d'objectifs permet de planifier dans une perspective pluriannuelle. Quelles que soient les modalités juridiques retenues, cet organisme unique gèrerait à la fois la formation professionnelle, les parcours professionnels, l'emploi et le chômage grâce à un opérateur intégré – idée qui, aux yeux du directeur général de Pôle Emploi, a paru pertinente mais difficilement envisageable à court terme. Cette solution permettrait d'aider au mieux les individus tout au long de leur vie. Les travailleurs pourraient ainsi, lorsqu'ils sont salariés, anticiper le moment où ils risqueraient d'être au chômage. Et lorsqu'ils seraient au chômage, ils pourraient suivre les formations dont ils rêvaient lorsqu'ils étaient salariés – formations qui, au fond, dédramatisent le passage au chômage. Dans un système parfaitement cohérent, la période de chômage peut devenir une opportunité pour rebondir ailleurs au lieu d'un moment où l'on tombe au fond du trou.

Nous demandons donc aux partenaires sociaux de construire, par étapes, un système permettant d'y parvenir. Une étape pourrait consister à poursuivre la réforme de 2014 et à aboutir à un système d'assurance-formation. Une Agence nationale de l'évolution professionnelle gèrerait l'ensemble des conseils en évolution professionnelle. Nous demandons aussi aux partenaires sociaux de se saisir de la question de la transférabilité des droits relatifs à la gestion du temps. Une « banque du temps », interprofessionnelle, gèrerait de façon paritaire la possibilité de transférer les comptes épargne temps d'une entreprise à l'autre, cela n'étant possible aujourd'hui que partiellement et dans des conditions limitées. On peut, par exemple, consigner des jours de congé à la Caisse des dépôts et consignations mais cela est plafonné, notamment en termes fiscaux. Nous demandons aux partenaires sociaux d'aller au bout de cette logique et d'intégrer cette transférabilité dans le compte personnel d'activité. Il nous faut une organisation qui permette de passer d'une logique d'assurance du risque à une logique de suivi des parcours, en mobilisant toutes les capacités de formation, d'assurance-chômage, de transfert de droits liés à la pénibilité et au temps.

Le rapport consacre un long développement à la prévoyance et aux complémentaires santé – point essentiel à côté duquel nous ne pouvions passer. C'est l'un des sujets sur lesquels nos positions diffèrent. Je propose pour ma part, a minima, de réfléchir à un système permettant de gérer de manière collective des éléments de solidarité au sein d'une branche professionnelle. Pourquoi d'ailleurs ne pas créer, à partir des branches, un système de retraite complémentaire obligatoire ? Un tel système est un objectif de long terme qui ne sera sans doute pas partagé. En revanche, la remise en cause des clauses de désignation a conduit à une situation très délicate, porteuse d'un risque d'inégalité au regard de la possibilité d'être couvert par des assurances complémentaires. Il faut donc agir. J'ai envisagé, d'une part, un système de garantie, par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), des organismes désignés par les branches professionnelles et, d'autre part, la création d'un statut juridique de convention collective de sécurité sociale. Je précise d'ailleurs, par rapport au texte que vous avez sous les yeux, que ce sont pour moi des conventions collectives de sécurité sociale complémentaire : il ne s'agit pas de remettre en cause la sécurité sociale pour en faire un outil conventionnel. D'après les juristes qui ont travaillé sur la question, Maître Jacques Barthélémy ou M. Dominique Libault, des régimes de prévoyance de branche semblent compatibles avec les règles européennes, même si la constitutionnalité d'un tel dispositif reste incertaine. J'ai souhaité que le rapport soulève cette question, sachant que la prévoyance complémentaire représente 12 milliards d'euros, les retraites complémentaires, 75 milliards, et l'Unédic, 35 milliards. La capacité des branches professionnelles à définir des régimes complémentaires me semble essentielle.

Nous évoquons aussi le paritarisme d'entreprise et préconisons la présence d'un tiers de salariés dans les conseils d'administration, dans les entreprises de 300 salariés et plus, ainsi que la présence des salariés dans l'ensemble des comités du conseil d'administration, notamment au comité des rémunérations, et – pourquoi pas, comme en Allemagne – la présence de représentants désignés par les branches professionnelles dans les entreprises de plus de 5 000 salariés. L'objectif est de répondre à un besoin complémentaire de celui de la négociation collective : l'employeur et les salariés pourraient discuter, chacun avec leurs propres intérêts, de la stratégie de l'entreprise. Il me paraît fondamental que les salariés soient au coeur des conseils d'administration et que les branches professionnelles, dans les très grandes entreprises de notre pays, soient associées à la stratégie de ces dernières.

Enfin, nous nous sommes intéressés à la question du numérique, comme d'autres l'ont fait ces derniers temps. Nous avons constaté que les acteurs – organismes paritaires et État – se saisissaient insuffisamment rapidement du sujet et qu'il n'existait que très peu de données relatives à l'emploi et aux pertes de cotisations, pour la Sécurité sociale comme pour les régimes paritaires, occasionnées par l'économie numérique et l'ubérisation de la société. Nous demandons donc aux pouvoirs publics de se saisir de toute urgence de cette mission de production d'informations. D'autre part, nous reprenons la conclusion du rapport de notre collègue Pascal Terrasse, considérant qu'il n'y a pas urgence à créer un troisième statut, ce qui ferait courir le risque évident de créer un salariat dégradé. Il convient d'abord d'essayer de rattacher ces différentes activités aux statuts existants – auto-entrepreneuriat et salariat – et de faire en sorte qu'elles restent compatibles avec l'idée d'une économie de partage de frais, ce qui nous paraît acceptable en cette période d'activité naissante. En revanche, il nous semble extrêmement important que des négociations soient organisées sur ces questions dans chaque secteur d'activité et qu'au niveau interprofessionnel, les partenaires sociaux puissent discuter du type d'activités autorisées, de la notion de partage de frais ou de ce qui peut être considéré comme de l'autoentreprise. Il me semble dangereux que le législateur fixe des critères avant que n'ait eu lieu une consultation approfondie organisée par les pouvoirs publics. Nous proposons donc la tenue de ce que j'ai appelé une « COP 21 du numérique », c'est-à-dire un processus de discussion associant tous les acteurs concernés. Nous appelons aussi l'État et les partenaires sociaux à réfléchir aux principes fondamentaux de droit du travail qui pourraient s'appliquer à l'ensemble des travailleurs économiquement dépendants, à l'exclusion bien sûr des salariés qui sont couverts par le code du travail. Ces principes pourraient notamment s'appliquer aux travailleurs de l'économie collaborative. Le rapport soulève plusieurs questions, comme savoir à quelles conditions une plateforme collaborative peut décider de déréférencer un collaborateur, quelles possibilités a ce dernier de se défendre et de contester cette décision et auprès de qui. Nous évoquons aussi les systèmes de notation, pour lesquels il faut poser des règles de transparence et ouvrir des moyens de défense puisque ce sont les rémunérations des travailleurs concernés qui sont en cause, derrière ces systèmes.

Voilà, monsieur le président, chers collègues, un résumé très schématique des propositions de ce rapport.

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Je salue ces propositions aussi sages qu'ambitieuses. Manifestement, le système est à bout de souffle ou, du moins, il est à refonder. Pour autant, il est issu de l'histoire de notre pays. Le Parlement ne s'était, je crois, jamais vraiment penché sur le sujet, le dernier rapport sur la démocratie sociale datant de 2000 et ne faisant qu'une vingtaine de pages. Dans une France en démembrement, le rôle du Parlement est bien de fixer des objectifs. L'indépendance des partenaires sociaux, que l'on pourrait qualifier de cinquième pouvoir, n'empêche pas à mon sens que leurs missions soient contrôlées. D'où l'intérêt de la première proposition. Il ne s'agira pas d'un haut conseil de plus. L'idée est d'avoir, pour chacun des « tuyaux d'orgue », des objectifs et une cabine de pilotage. Et, à mon avis, il est nécessaire que ce Haut conseil rende des comptes tous les ans aux représentants de la nation. J'aurai peut-être des détracteurs sur ce point. Mais le contrôle n'est pas la méfiance. Il est temps que le paritarisme sorte de l'entre soi. Ce geste de confiance est un moyen pour la représentation nationale de dire l'importance qu'elle accorde aux partenaires sociaux. Mais il est aussi nécessaire que le Parlement joue son rôle.

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Comme l'ont souligné le président et le rapporteur, ce rapport est en quelque sorte une somme sur le sujet – travail à la fois diachronique et synchronique qui, bizarrement, n'avait jamais été fait. Il pourrait être intéressant que ce document fasse l'objet d'une restitution en présence des partenaires sociaux.

Ce matin, le rapport sur les minima sociaux de notre collègue Christophe Sirugue a été présenté en commission des Affaires sociales. Ce n'est apparemment pas le même sujet mais, en fait, si. Je me demande de plus en plus si l'on ne devrait pas opter pour un système comportant un socle forfaitaire commun à l'ensemble des publics, assorti d'assurances complémentaires liées aux différents risques et gérées par les partenaires sociaux avec une plus grande souplesse.

Je suis plus nuancé quant à la création d'un grand opérateur intégrateur qui organiserait tout. Il me semble préférable d'envisager la reconnaissance d'un droit opposable à l'accompagnement. Il conviendrait, au contraire de ce que vous proposez, que cet accompagnement soit relativement décentralisé tout en ayant un cadre national. Il existe déjà un grand opérateur chargé de la formation et du chômage : il a de nombreuses qualités mais il est lourd à gérer et bureaucratique.

Quoi qu'il en soit, je félicite les auteurs de ce rapport, qui mérite d'être valorisé.

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Je ne suis pas certaine que ce rapport sera de nature à faire évoluer la situation actuelle de notre pays. Je salue votre travail mais vos propositions me laissent sur ma faim. Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, il est nécessaire de réformer le système – même si ce sera difficile. Mais avec la création d'agences, je ne vois pas ce que vos propositions ont de révolutionnaire. Vous ne proposez rien concernant la représentativité de ceux qui négocient et de ceux qui gèrent, et rien concernant les financements – qui sont le nerf de la guerre. Vous n'évoquez pas la nécessité d'un diagnostic partagé comparable à celui qui avait été établi par le Conseil d'orientation des retraites (COR) avant la réforme de ces dernières. Le COR ayant associé tous les acteurs, la réforme a fini par aboutir, alors qu'elle était difficile.

Il est vrai que notre système de gestion paritaire est original – il n'y en a de comparable nulle part en Europe. Mais à l'Assemblée nationale, on se pose régulièrement la question de la démocratie sociale lorsque le Gouvernement enjoint aux partenaires sociaux de négocier, le pistolet sur la tempe – comme par exemple pour la convention d'assurance-chômage. Aujourd'hui, le problème est que, dans notre pays, la culture de la négociation est tout à fait inadaptée aux défis économiques et sociaux qui sont les nôtres.

Ce rapport sera utile. Vous avez effectué un travail d'audition considérable et passionnant. Mais j'ai envie de vous dire : tout ça pour ça ! Je ne suis pas certaine qu'un tel rapport nous permettra de relever les défis actuels de notre pays et de faire évoluer tous les blocages et les corporatismes qui demeurent. Ce rapport est publié dans le contexte précis que nous connaissons aujourd'hui et au moment où nous n'avons pas été capables de voter en première lecture à l'Assemblée nationale un texte pourtant très important sur le dialogue social. N'est pas non plus mentionnée dans ce rapport la nécessité de s'interroger sur les rôles respectifs du Parlement, du Gouvernement et des partenaires sociaux.

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Dans tous les pays, il existe des systèmes de base gérés par l'État – qu'il s'agisse de systèmes de « charité » très limités ou de systèmes beaucoup plus généreux comme en Europe. La question porte sur les systèmes complémentaires : doivent-ils être gérés par des assurances privées ou parapubliques – comparables à nos complémentaires santé, rendues obligatoires par la loi mais placées dans un contexte concurrentiel de marché – ou bien de façon collective par les acteurs de l'entreprise eux-mêmes ? Cette gestion peut être déléguée aux syndicats de salariés, comme en Suède, ou assurée de manière conjointe par les employeurs et les salariés, comme chez nous. En réalité, les employeurs sont devenus prépondérants dans cette gestion quand on a commencé à leur demander plus d'argent. Le choix est entre ces deux systèmes. En Suède, lorsque les niveaux d'indemnisation du chômage ont été réduits, des systèmes d'assurance complémentaire ont été créés – assortis de tarifs moins élevés pour qui adhère à un syndicat. Si bien que lorsqu'on empile le système général, le système complémentaire géré par les syndicats et les assurances privées, l'indemnisation des cadres est plus élevée qu'avant – environ 95 % de leur salaire est garanti – et celle des plus modestes est, au contraire, plus faible.

Quant à la représentativité, depuis la réforme de 2008, elle ne me semble pas un sujet déterminant pour ce qui concerne la négociation collective – même si nous avons rediscuté de la représentativité patronale. Concernant la présence de représentants des cinq organisations syndicales et des organisations patronales au sein des organismes paritaires, on peut faire évoluer les choses mais ce n'est pas l'essentiel. Le fait que ces organisations soient toutes présentes est important dans un système où il y a encore cinq organisations syndicales, mais je ne suis pas opposé intellectuellement à ce que les votes puissent être pondérés en fonction de l'audience des différentes organisations. Encore une fois, c'est une question importante mais qui, dans la pratique, ne me semble pas déterminante.

L'ampleur de la réforme proposée a été minimisée. Au-delà de la question de savoir si l'on continue à confier la gestion des organismes aux partenaires sociaux ou pas, nous proposons quand même une évolution très profonde – qui n'apparaît pas de manière très explicite dans le rapport car il s'agit d'un travail de fourmi auquel les partenaires sociaux devront s'atteler. D'abord, le Haut conseil de la négociation collective et du paritarisme n'est pas un conseil de plus : il a vocation à se substituer à dix, vingt, trente conseils : le COPANEF (comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation), les COPAREF (comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l'emploi et la formation), les comités de négociation paritaire existant dans les différents domaines, etc. Je le précise car cela n'est pas indiqué dans le rapport. La création du Haut conseil aurait vocation à faire converger tous les systèmes vers trois grandes fonctions : la sécurité sociale complémentaire, la retraite complémentaire, et tout ce qui concerne l'emploi, la formation et la sécurité sociale professionnelle.

S'agissant du diagnostic partagé, j'ai indiqué que le Haut conseil devrait avoir quatre commissions permanentes et que serait créée une fonction de contrôle et d'évaluation – qui sera assurée par l'État ou les partenaires sociaux. Le rapport aborde aussi le financement du paritarisme. Nous avions évoqué avec le président l'idée de demander aux partenaires sociaux d'aller au bout de la réforme du financement du paritarisme, qui a été engagée avec le fonds paritaire et qui mériterait d'être approfondie. Le Haut conseil comprendra une commission permanente de la sécurité sociale professionnelle qui sera chargée de toutes les discussions et négociations stratégiques sur les parcours professionnels. Une autre commission permanente sera consacrée à la prévoyance et aux complémentaires santé. Enfin, une commission sera consacrée à l'innovation, à l'économie numérique et à l'écologie – questions dont ne se saisissent pas du tout les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel. Ce Haut conseil sera donc le lieu du diagnostic, de la définition d'une stratégie et ensuite du regroupement des différents organismes. Il est vrai que nous aurions pu proposer un big bang et décider qu'il n'y aurait plus que trois organismes au 1er janvier 2017. Nous avons fait le choix d'inviter à la discussion avec les partenaires sociaux. Mais plus cette discussion ira vite, mieux ce sera.

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Je vous remercie tout d'abord du travail effectué, extrêmement important en termes tant quantitatifs que qualitatifs.

J'exprimerai tout d'abord une demande. Nous avons eu la chance, au cours de cette mission, que nos auditions fassent systématiquement l'objet de comptes rendus – ce qui est loin d'être le cas dans toutes les missions d'information. Si ces comptes rendus ne sont pas regroupés en annexe au rapport, nous les perdrons. Or, certaines auditions furent très riches, voire drôles, comme celle de M. Raymond Soubie. Ce matériau très dense mérite d'être conservé, d'autant que le travail est fait. Cela pose peut-être un problème matériel mais qui ne me paraît pas insurmontable.

Ensuite, j'ignore s'il est encore possible de modifier le texte du rapport à ce stade, mais je formulerai quelques propositions.

Un point de détail : lorsque vous proposez que le Haut conseil de la négociation collective et du paritarisme entretienne avec l'Assemblée nationale une navette consultative, vous me semblez anticiper la réforme des institutions et postuler que le Sénat aurait disparu. Mieux vaudrait viser le Parlement. Je le précise car la question de l'existence du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental se pose véritablement.

J'entendais Isabelle Le Callennec dire que ce rapport n'est pas révolutionnaire, mais les membres de la Commission nationale de la négociation collective ne seront pas forcément très heureux de voir ce Haut conseil reprendre les fonctions de celle-ci. Par ailleurs, il est proposé d'institutionnaliser un jury citoyen, ce qui ne correspond pas vraiment au fondement de nos institutions.

Je suis favorable à l'institution d'une banque interprofessionnelle du temps. Mais la portabilité du compte épargne temps pose une vraie difficulté : les salariés auront des créances opposables à des employeurs chez lesquels les droits n'auront pas été accumulés. J'ignore si cette question est traitée dans le rapport mais elle peut avoir un impact sur l'embauche, un employeur étant susceptible de vouloir savoir quels sont les droits accumulés par un individu avant de le recruter. Comment gérer cette portabilité ? Faudra-t-il distinguer entre différentes tailles d'entreprises ? Là est la question, la banque du temps relevant plutôt de la gestion que de la politique.

Je suis parfaitement d'accord avec vous quant à la nécessité d'une « révision » – si je puis dire – de la jurisprudence constitutionnelle sur la force obligatoire des clauses conventionnelles de désignation. Le Conseil constitutionnel a annulé une disposition du code de la sécurité sociale en se saisissant d'une des mesures de la loi Sapin qui transposait l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, mettant à terre un dispositif qui avait fait ses preuves et qui était fondé sur une forme de solidarité. Toutes les institutions de prévoyance sont ainsi remises en cause – et elles ne sont pas les seules. Il est nécessaire de revenir sur cette annulation. Le Conseil constitutionnel n'était pas obligé de faire cette analyse. Il l'a faite et nous n'arrivons pas à trouver de dispositif alternatif. Ce qui est en jeu ici est la possibilité d'avoir des tarifs accessibles et acceptables pour les petites entreprises.

J'ai du mal à apprécier la réforme consistant à prévoir que l'AGS soit le réassureur des assureurs désignés ou recommandés par les partenaires sociaux. Notamment parce que les limites de garantie de l'AGS vis-à-vis des créances salariales en cas de redressement ou de liquidation judiciaire d'une entreprise ont été très sévèrement diminuées par un décret qui a dû être publié un 14 août – est-ce un hasard ? Je ne suis pas sûr que l'AGS doive être le réassureur en cette matière.

Vous proposez d'introduire dans le droit national, le cas échéant en levant les éventuels obstacles constitutionnels, un nouveau vecteur juridique. Cela me paraît extrêmement intéressant mais il me semble que l'obstacle n'est pas de nature constitutionnelle mais bien communautaire. Vous l'expliquez parfaitement aux pages 140 à 149 du rapport. La question est de savoir si nous avons la capacité de faire modifier les directives applicables en la matière, bien plus que de modifier la Constitution qui, de mon point de vue, n'a pas du tout empêché, avant les arrêts Albany, d'adopter des conventions collectives de sécurité sociale. Les institutions de prévoyance – les fameuses institutions « L. 63 », en référence à l'ancien article L. 63 du code de la sécurité sociale – existaient et la Constitution n'a jamais empêché leur développement. C'est clairement le droit communautaire qui a limité leur essor. L'obstacle n'est constitutionnel que parce que le Conseil constitutionnel s'est cru bien inspiré en censurant la loi Sapin. Le jour où le droit communautaire nous permettra de faire ce que nous voulons, le Conseil constitutionnel pourrait revenir sur sa jurisprudence.

S'agissant de l'économie numérique, je ne suggèrerai pas, comme vous le faites, d'« engager une réflexion en vue de formaliser » les grands principes protecteurs applicables à l'ensemble des travailleurs économiquement dépendants, mais bien de « formaliser » directement ces principes. Autrement, on n'est pas près de le faire. Si nous sommes d'accord sur la nécessité d'édicter des principes protecteurs, affirmons-le plus nettement.

Vous proposez aussi d'« inviter les partenaires sociaux à engager une négociation de long terme sur les droits et obligations des travailleurs des plateformes ». L'un des apports de votre rapport est précisément de montrer la nécessité de reconnaître, en ce qui concerne les plateformes numériques, d'autres partenaires sociaux que ceux qui sont classiquement identifiés à ce jour. Vous dites que l'UNSA et la CGT Spectacles s'intéressent à ces questions. En outre, la CFDT n'est pas citée mais il me semble que Mme Véronique Descacq avait affirmé que ce syndicat incitait à l'adhésion des travailleurs du numérique. Mais, formellement, il peut y avoir des syndicats complètement indépendants des grandes confédérations – la difficulté étant que ces travailleurs ne sont pas reconnus comme salariés. Je suggère donc de conserver votre proposition mais de la compléter en évoquant la nécessité d'identifier des organisations syndicales ou professionnelles représentatives de ces travailleurs. Ces organisations pourraient être associées ou consultées à l'occasion des négociations. J'ai ici une rédaction que je peux vous transmettre pour mettre en valeur, dans vos propositions, cet aspect important du rapport. Pour savoir qui sont les partenaires sociaux dans l'économie dite numérique, nous avons besoin d'identifier les travailleurs des plateformes numériques, les donneurs d'ordres et les plateformes elles-mêmes.

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Je vous remercie ainsi que toutes les personnes qui ont participé à l'élaboration de ce rapport. Mon intervention portera sur la lecture du rapport et de ses conclusions, bien que le rapporteur nous ait informé tout à l'heure qu'il n'avait pas tout indiqué dans ce document.

Tout d'abord, vous prônez la création de plusieurs agences, conseils ou comités, ce qui va à l'encontre de la volonté d'en réduire le nombre. Vous avez certes précisé entre-temps que ces nouvelles instances viendraient en remplacer d'autres mais cela n'est pas explicité dans le rapport. Ne faudrait-il pas plutôt faire confiance aux partenaires sociaux ? À mon sens, la création d'un Haut conseil compliquerait encore davantage le fonctionnement du paritarisme. Et pourquoi confier les missions que vous avez citées à cette instance plutôt qu'au Conseil économique, social et environnemental (CESE) ? Sauf erreur de ma part, lors de l'audition du président du CESE, cette question avait été posée.

Vous évoquez aussi la représentation des salariés dans les conseils d'administration. Or, le dialogue social est en général satisfaisant dans les grandes entreprises mais plus compliqué dans les TPE-PME. Il n'est pas nécessaire d'imposer à celles-ci de nouvelles contraintes alors que les chefs d'entreprise doivent déjà supporter le poids de nombreuses réglementations.

Vous préconisez la présence d'un tiers de représentants des salariés dans les organes dirigeants des entreprises. Je considère pareille représentation comme inadaptée, voire trop importante. Ne vaudrait-il pas mieux favoriser l'actionnariat salarié et assurer une formation économique des représentants de salariés afin de leur transmettre une vision plus large de la concurrence et des contraintes auxquelles les entreprises doivent faire face ?

L'Agence nationale de sécurité sociale professionnelle et la Banque interprofessionnelle du temps auraient, à mon sens, dû faire l'objet d'une réflexion lors du débat – si débat il y avait eu – sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

Dans vos conclusions, vous souhaitez, monsieur le rapporteur, que des modes de régulation nouveaux soient inventés. Cette formule est très vague. Que proposez-vous plus précisément ?

Bref, comme ma collègue Isabelle Le Callennec, je reste assez sceptique quant aux résultats de vos recommandations : je ne suis pas sûre que celles-ci soient favorables à l'intérêt général.

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Je remercie à mon tour le président et le rapporteur pour la qualité de nos échanges, la richesse des auditions et le travail produit. Je n'ai pas assisté à toutes les réunions de la mission mais celles auxquelles j'ai participé font partie des moments stimulants de la vie parlementaire – moments qui ne sont guère fréquents actuellement.

Au contraire de ce qui a pu être dit tout à l'heure, je pense que certaines propositions, si elles étaient appliquées rapidement, bouleverseraient de façon positive la situation démocratique et économique de notre pays. Je suis en désaccord avec ce que vous venez de dire, Mme Schmid, quant à la présence des représentants des salariés dans les conseils d'administration. Je considère que cette réforme est absolument indispensable à la qualité de la négociation et à la bonne santé économique et démocratique de notre pays. Je serais assez favorable à titre personnel à un système de cogestion à l'allemande – avec près de 50 % de représentants des salariés dans les conseils d'administration des entreprises de plus de 2 000 salariés. On peut néanmoins considérer votre proposition comme un premier pas, monsieur le rapporteur.

Je suis tout à fait favorable à vos propositions relatives au régime unifié de sécurité sociale professionnelle. J'ai néanmoins du mal à saisir l'articulation entre l'Agence nationale pour la formation professionnelle, la Banque interprofessionnelle du temps et l'Agence nationale de sécurité sociale professionnelle. L'idée est-elle bien, à terme, que la dernière intègre les deux dispositifs précédents ? Si oui, peut-être faudrait-il le préciser. Je m'interroge également sur la gouvernance de l'Agence nationale de sécurité sociale professionnelle : quelle y sera la place des partenaires sociaux ?

Enfin, s'agissant de l'économie numérique, je suis tout à fait d'accord pour dire que créer un statut intermédiaire pour les nouvelles formes d'emploi est une fausse bonne idée. On risque de dégrader les conditions d'emploi de nombreux travailleurs. Il faut surtout faire en sorte que les nouvelles formes d'emploi des travailleurs non-salariés soient pleinement intégrées à la sécurité sociale professionnelle que l'on mettra en place demain. Les systèmes existants sont pensés pour les salariés classiques. Au-delà de la question des travailleurs non-salariés se pose celle des autoentrepreneurs, des intermittents et des travailleurs de l'économie sociale. Il conviendrait donc de faire apparaître plus distinctement le lien entre les deuxième et troisième volets de vos propositions.

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Paraphrasant Winston Churchill, je dirai à ceux de nos collègues qui restent sur leur faim que, pour moi, le paritarisme est le plus mauvais des systèmes, à l'exception de tous les autres, pour élaborer de subtils compromis et piloter des régulations. C'est peut-être la raison pour laquelle le rapporteur a souhaité formuler des propositions peu nombreuses mais extrêmement fortes – et qui le sont beaucoup plus qu'elles n'en ont l'air. Ce Haut conseil sera vraiment une cabine de pilotage à la main des partenaires sociaux, compte tenu de l'importance de leur rôle. Le Parlement connaissant mal le paritarisme – d'où l'intérêt d'en faire un panorama –, il est bien qu'il prenne sa place dans ce dispositif au regard des évolutions et des réalités du monde du travail. Le rôle du Parlement consiste aussi à évaluer et à se trouver en amont et en aval des négociations, le Gouvernement donnant le cap de celles-ci. Si j'ai qualifié le paritarisme de cinquième pouvoir, il me semble bénéfique que tous les pouvoirs de notre pays travaillent de concert.

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Partageant la plupart des remarques de Denys Robiliard, je les intégrerai sans difficulté au rapport. Il me semble utile de conserver l'idée d'une réassurance privilégiée pour les complémentaires santé à court terme, mais pas de nous prononcer sur l'instance qui doit s'en charger. Si ce devait être l'AGS, elle le ferait au détriment d'autres instances ou bien les cotisations devraient augmenter. Cet aspect ne change rien au fait qu'il faille trouver des solutions à court terme pour aider à faire de la mutualisation et, à plus long terme, des solutions juridiques, que ce soit sur le plan européen ou constitutionnel. Je ne fais pas la même analyse que vous, mais je crois qu'il faut agir aux deux niveaux. Je suis prêt à défendre une réforme constitutionnelle disposant que pour créer un régime de conventions collectives de sécurité sociale, on peut restreindre la liberté d'entreprendre. On ne l'écrira pas ainsi mais c'est l'idée. On peut également agir au niveau européen. Mais j'ai cru comprendre que c'est parce que nous nous y étions mal pris, en abordant les choses à partir des clauses de désignation et non des régimes de protection sociale, que de telles conclusions avaient été tirées au niveau européen.

La gestion du temps est précisément l'objet de la Banque interprofessionnelle du temps. Quel que soit le nom retenu, le dispositif a vocation à n'être qu'une étape. Si l'on n'introduit pas aujourd'hui la notion de temps dans le compte personnel d'activité (CPA), c'est parce que la question de sa transférabilité n'est pas réglée. J'ai donc voulu traiter ce sujet de façon spécifique. Nous avons réglé le problème de la transférabilité des droits à formation via le compte personnel de formation. Reste à décider comment transférer des jours d'une entreprise à une autre et à décider qui les paie. Dans mon esprit, l'idée est lorsque vous transférez des jours, ils soient payés par l'entreprise à cette banque du temps – qui serait naturellement la Caisse des dépôts et consignations, compte tenu des choix qui ont été faits pour le CPA. Lorsque le salarié prendrait des jours de congé acquis dans les entreprises où il a travaillé antérieurement, ces jours seraient donc payés par celles-ci. Il faut néanmoins que les entreprises apprennent à remplacer les salariés qui prendront un « congé CPA » tout comme elles remplacent les femmes qui prennent un congé maternité. Bref, la création d'une banque du temps permettra de régler la question du financement – celui-ci étant aujourd'hui incomplet en raison de certains plafonnements et de règles de fiscalisation qui limitent la possibilité de transférer des jours. Reste effectivement à traiter la façon de concilier cette liberté avec un bon fonctionnement de l'entreprise, question dont, à nos yeux, les partenaires sociaux doivent se saisir.

S'agissant de la navette entre le Haut conseil et le Parlement, nous corrigerons évidemment la rédaction de la proposition de façon à la faire coïncider avec ce qui est écrit dans le corps du texte.

Eu égard à la simplification, j'ai voulu éviter l'écueil d'un raisonnement manichéen consistant à vouloir faire entrer cinquante-huit organismes dans trois cases. J'ai préféré montrer la direction et laisser les partenaires sociaux faire le travail. Nous indiquons clairement dans le rapport que le Haut conseil de la négociation collective doit être hébergé par le Conseil économique et social et que sa création ne saurait se substituer à une nécessaire réflexion sur le CESE et le Sénat ainsi que sur l'articulation entre ces instances.

Mme Fanélie Carrey-Conte a elle-même répondu à sa question concernant l'Agence nationale de sécurité sociale professionnelle : le système se construira évidemment par étapes. Il faut déjà achever la réforme de la formation professionnelle : le nombre d'organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) a été réduit mais le système n'est pas encore unifié. Nous avons vu au cours de nos auditions que, lorsqu'il s'agit par exemple d'octroyer un congé individuel de formation, pour une formation longue, c'est un parcours du combattant : les organismes doivent aller chercher de l'argent sur le compte personnel de formation, sur le congé individuel de formation (CIF), dans les OPCA de la branche, et lorsqu'aucune branche n'est concernée, dans le FPSPP. La première étape consistera donc à achever cette réforme pour que l'on ait un conseil en évolution professionnelle, c'est-à-dire un accompagnement et un système de financement, unifié. La deuxième étape consistera à créer la banque du temps. La troisième étape sera celle de la fusion de toutes ces instances en un seul organisme.

Nous avons vu au cours de nos auditions de nombreux modèles paritaires. Ce n'est pas celui où le conseil d'administration comprendrait quatre parties – salariés, employeurs, État, régions – que je privilégie. Car je ne sais pas comment décider combien pèsera l'État par rapport aux partenaires sociaux, ni combien pèseront les régions par rapport à l'État. Je penche pour un système dont les partenaires sociaux soient co-gestionnaires et qui soit régulé – que ce soit par un droit de veto, une procédure d'agrément ou des conventions d'objectifs et de gestion. L'organisme pourrait signer une convention avec l'État et une autre avec les régions. Cela me paraîtrait plus clair ainsi, mais le fait de savoir si l'on opte pour le quadripartisme ou un paritarisme assorti de relations bilatérales avec l'État d'une part, et les régions d'autre part, n'est pas déterminant.

Enfin, je n'ai pas compris la remarque de Mme Claudine Schmid sur les nouveaux modes de régulation. À quel passage du rapport faites-vous référence ?

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À la page 318, on peut lire la phrase suivante : « aujourd'hui, des modes de régulation nouveaux doivent être inventés, qui doivent combiner des notions aussi diverses que liberté, autonomie, responsabilité, mutualisation, etc. ». Qu'entendez-vous par là ?

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Cette phrase est un résumé de ce qui précède. Nous pensons que l'économie numérique apporte des services nouveaux que nous ne voulons pas « tuer » en considérant ces activités comme du salariat. Il faut donc trouver le moyen de créer des protections au profit des travailleurs exerçant leur activité dans ce cadre sans remettre en question l'existence de ces services. Cela correspond à un champ nouveau de la protection sociale. Il convient de déterminer les cotisations qui devront être versées par ces travailleurs aux régimes de protection sociale et quelles règles de protection leur seront applicables.

J'ai oublié de dire que je suis tout à fait d'accord avec la remarque de Denys Robiliard concernant le numérique. Je l'intègrerai dans le rapport.

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Je salue la capacité du rapporteur à embrasser tous nos travaux. Nous avions comme mission de trouver des pistes afin de conférer une nouvelle légitimité au paritarisme, dans une société française de plus en plus complexe. Jean-Patrick Gille a qualifié ce rapport de « somme ». Je crois que celle-ci sera très utile à la réforme du modèle social français.

À présent, il revient à notre mission, en application de l'article 145 du Règlement, de voter sur le rapport qui vous est soumis.

La mission d'information adopte le rapport, autorisant ainsi sa publication conformément aux dispositions de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.