Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Mercredi 25 mai 2016
Bonjour à toutes et à tous. Je suis très heureux d'accueillir le collège de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il vient rendre compte devant l'Office, pour la neuvième fois consécutive, de son rapport annuel sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Cette présentation est prévue par la loi du 13 juin 2006.
Cette audition avait d'abord été fixée au 17 mai 2016. Mais comme la proposition de loi sur le centre de stockage géologique profond des déchets radioactifs, déposée par MM. Gérard Longuet et Christian Namy, était débattue simultanément au Sénat, nous avons décalé cette rencontre. La première lecture du texte de nos collègues a été votée par trois cent trente-trois voix pour et dix voix contre. J'espère qu'elle pourra être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale au mois de juin.
Je suis reconnaissant à l'ASN d'avoir accepté ce report. Je remercie de leur présence le président de l'ASN, M. Pierre-Franck Chevet, ainsi que ses collègues commissaires. Je salue également le directeur général de l'ASN par intérim, M. Alain Delmestre et les collègues qui l'accompagnent. En avril 2015, M. Pierre-Franck Chevet nous avait présenté le précédent rapport annuel. Nous l'avions auditionné également en juin concernant la cuve de l'EPR de Flamanville. Nous évoquerons certainement ce point.
La fréquence des contacts entre l'ASN et la représentation nationale me semble essentielle pour assurer la transparence de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Je me réjouis de nos échanges. L'actualité récente ne manquera pas de susciter de nombreuses questions.
Même si c'est la loi de 2006 qui impose cette démarche, je précise que l'OPECST avait souhaité la création d'une autorité administrative indépendante comme l'ASN. Dans des domaines comme la santé, nous avons des agences qui ne sont pas des autorités administratives indépendantes et que nous ne parvenons pas a contrario à auditionner. Je profite de la présence de M. Bernard Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale, qui a rejoint l'OPECST, pour solliciter son aide à ce propos.
– Je souhaite la bienvenue au Sénat à tous les membres de l'Office, de l'ASN et de la CNE2. Je salue particulièrement la présence de M. Bernard Accoyer qui connaît bien les sujets scientifiques et dont la contribution sera précieuse à nos travaux. Cette présentation prévue par la loi, effectuée pour la neuvième année consécutive, illustre bien l'intérêt porté par l'Office à la question cruciale de la sûreté nucléaire. À noter d'ailleurs que les relations entre l'autorité et l'Office ont toujours été excellentes. Celle-ci a toujours apporté à l'Office l'assistance requise pour ses multiples travaux ainsi que les éclairages indispensables. Permettez au premier vice-président de l'Office de vous dire, au nom de tous les sénateurs et députés présents aujourd'hui, tout le plaisir et tout l'intérêt que nous éprouvons à vous accueillir au Sénat.
Pour la première fois, nous recevons le même jour le rapport de l'Autorité de sûreté nucléaire et celui de la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs, dite CNE2. Cela est particulièrement opportun dans les circonstances présentes, puisque la filière nucléaire en général est l'objet d'articles quotidiens dans la presse et d'échos pluriquotidiens dans les médias audiovisuels. Nos concitoyens s'alarment de différents aspects, sur lesquels, Monsieur le président, vous nous éclairerez au travers de l'impressionnant rapport que vous nous remettez officiellement aujourd'hui. Auparavant, je souhaite brièvement rappeler mes principales préoccupations en matière de sûreté nucléaire.
La filière nucléaire doit être au-dessus de tout soupçon et garantir la meilleure sûreté pour de très longues années. Le choix des hommes à la tête des structures de ce secteur est essentiel. Force est de reconnaître que certaines erreurs ont été commises dont il convient maintenant de tirer des leçons. Au-delà de ces choix, la pérennité des formations d'excellence dans le nucléaire doit constituer une priorité nationale pour que ce secteur continue d'attirer les meilleurs. À cet égard, et en complément des formations, la recherche liée au nucléaire doit demeurer à un niveau d'excellence, ce qui risque d'être compromis par les coupes budgétaires annoncées ces derniers jours, affectant les grands organismes de recherche, alors même que la recherche est reconnue comme un secteur prioritaire pour l'année prochaine.
Je tiens à revenir sur l'initiative récente de la proposition de loi déposée par deux membres de l'Office, MM. Gérard Longuet et Christian Namy, débattue le 17 mai 2016, et votée par tous les groupes politiques, à l'exception de dix sénateurs. Grâce à ce texte, nous disposons enfin de la définition législative de la réversibilité, essentielle à la poursuite du projet Cigéo de stockage des déchets nucléaires de haute activité et moyenne activité à vie longue. À plusieurs reprises, ce texte accorde un rôle à l'OPECST dans ce domaine. Espérons qu'il soit adopté le plus rapidement possible par l'Assemblée nationale. Gageons que les députés membres de l'Office auront à coeur de garantir cette bonne fin. J'adresse, d'ores et déjà, mes félicitations à l'ASN pour l'excellente qualité de son travail sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France.
– Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les parlementaires, je suis heureux d'avoir l'occasion de rendre compte de notre vision de la radioprotection et de la sûreté nucléaire. J'assure cette tâche pour la quatrième fois. Vous avez souligné que l'ASN est une autorité administrative indépendante. Il nous revient effectivement de rendre compte aux parlementaires de la sûreté nucléaire lors de la remise de ce rapport annuel et chaque fois que vous le sollicitez. Le nucléaire constitue un enjeu public. Il justifie l'accomplissement de cette tâche auprès de nos concitoyens.
Ce rapport est volumineux, mais exhaustif. Il va être adressé en format papier à environ mille cinq cents personnes. Il sera mis en ligne après cette audition. Je donnerai demain une conférence de presse nationale pour répondre aux questions des médias. Ce rapport sera décliné dans les nouvelles régions au travers de dix-huit conférences.
Ce document résulte du travail quotidien des agents de l'ASN. Nous réalisons environ deux mille inspections annuelles. Une dizaine sont en cours en ce moment même. Elles sont soit prévues, soit consécutives à un accident, soit effectuées inopinément. Je salue le travail de nos agents, ainsi que l'action menée par le directeur général, M. Jean-Christophe Niel. Je me réjouis de sa nomination en qualité de directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Notre jugement sur la situation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France est le suivant: dans le domaine de la sûreté des installations nucléaires et de leur exploitation, la situation est plutôt globalement bonne, mais dans un contexte préoccupant pour l'avenir. Dans le domaine de la radioprotection, notamment dans le secteur médical, la vigilance reste de mise, compte tenu des indicateurs à notre disposition.
En matière de sûreté nucléaire, des incidents surviennent nécessairement. Leur déclaration et leur traitement font partie des processus normaux d'amélioration de la sûreté. Compte tenu de leur nature et de leur nombre, nous n'en avons pas connu de majeurs, qui toucheraient la sécurité nucléaire en exploitation. C'est pourquoi la situation est « bonne ». J'ai précisé qu'elle était « globalement » bonne, car nous rencontrons des difficultés sur certains points.
Citons le cas de la Franco-belge de fabrication du combustible (FBFC) à Romans-sur-Isère. Il y a deux ans, nous avons placé ce site sous surveillance renforcée. Nous avons observé depuis une amélioration de la qualité d'exploitation. Néanmoins, le processus de mise aux normes n'a pas encore atteint son terme. Nous maintiendrons donc sa surveillance jusqu'à ce que nous obtenions pleine satisfaction.
Pour les centrales nucléaires, nous essayons d'établir des comparatifs annuels. En 2015, nous saluons la qualité d'exploitation de trois sites : Penly, Saint-Laurent-des-Eaux et Fessenheim. À l'inverse, nous distinguons négativement Cruas et Gravelines. La situation n'y est pas inacceptable. Si tel était le cas, nous aurions le pouvoir de les mettre à l'arrêt. Néanmoins, ces installations nécessitent une amélioration des pratiques au quotidien.
L'installation CIS Bio de Saclay pose également problème. Elle était très en retard en matière de protection contre l'incendie. Voilà plusieurs mois ou années que nous demandons une mise à niveau de ce site. Nous sommes probablement sur le point d'aboutir. Cette situation illustre néanmoins les difficultés que connaissent certaines installations en termes de sûreté.
L'avenir, disais-je, est préoccupant. Ce contexte résulte de trois constats.
Les enjeux auxquels les installations nucléaires auront à faire face sont sans précédent depuis quinze ans. Pour le parc des réacteurs nucléaires d'EDF, la question se pose de la prolongation, ou non, de leur fonctionnement au-delà de quarante ans. C'est un enjeu majeur pour l'industrie et la sûreté. Autant que possible, nous avons choisi d'améliorer leur sûreté pour nous rapprocher des standards de la troisième génération de l'EPR de Flamanville.
Nous sommes engagés dans un processus d'instructions techniques très lourd, sur l'ensemble des tranches, notamment les plus anciennes, de neuf-cents mégawatts. En mars-avril 2016, nous avons rendu publique une première lettre d'orientation sur le sujet. Nous sommes attachés à ce que ce document et ses orientations fassent l'objet d'une participation renforcée du public.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu que le passage au-delà de quarante ans d'un réacteur fasse l'objet d'une enquête publique. Puisque l'examen générique en cours servira de base aux décisions futures, nous avons décidé d'associer le public à ce processus, même si la législation ne l'impose pas.
Nous estimons pouvoir nous prononcer sur la prolongation au-delà de quarante ans des réacteurs d'EDF à la fin de l'année 2018 ou au début de l'année 2019. Le calendrier est tendu. Pourquoi cet enjeu est-il majeur ? Une soixantaine de réacteurs a été mise en service dans les années 1980. Ils atteindront donc leurs quarante ans à l'horizon 2020.
Nous nourrissons les mêmes préoccupations pour toutes les autres installations, pour les sites dédiés au combustible ou pour les réacteurs de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Toutes ont été mises en service en support du parc nucléaire français, préalablement ou simultanément à son lancement. Elles ont globalement le même âge et posent les mêmes interrogations.
Des réexamens de sûreté étaient prévus tous les dix ans pour les réacteurs mais pas pour les autres installations. Cet examen sera le premier pour elles. Nous comptons un stock d'une vingtaine de demandes de réexamen. Avant la fin de l'année 2017, ce stock devrait être de cinquante.
À la suite de Fukushima, une série de mesures mobiles et flexibles a été mise en oeuvre sur l'ensemble des installations, pas seulement les réacteurs. Les dernières ont été instaurées à la fin de l'année 2015. Elles doivent être développées « en dur ». Par exemple, nous avons installé de petits diesels non protégés. Ils devront être remplacés par de gros diesels disposés dans des bunkers. Ces mesures interviendront dans les cinq à dix prochaines années.
La contrepartie de la prolongation de certains réacteurs sera la construction de nouvelles installations : ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor, en français : réacteur thermonucléaire expérimental international), le réacteur de recherche Jules-Horowitz et le réacteur EPR. Sur la plupart de ces chantiers, nous connaissons des difficultés industrielles et des retards. D'ordinaire, celles-ci n'ont pas de conséquences en termes de sûreté. Je mettrai néanmoins à part les anomalies rencontrées sur la cuve de l'EPR. Elles pourraient toucher sa sûreté interne lors de sa mise en activité.
Ces enjeux en termes de sûreté ne sont pas nouveaux mais doivent être gérés. À l'inverse, les entreprises en charge de les traiter rencontrent des difficultés économiques ou budgétaires, comme c'est le cas pour le CEA. Le décalage entre l'accroissement des enjeux et les problèmes financiers crée potentiellement un risque pour la sûreté. C'est pourquoi il est nécessaire de procéder à des réorganisations industrielles. Il existe un risque que les investissements de sûreté ne soient pas opérés ou soient retardés.
Une mutation industrielle est en cours. Ses schémas ont été arrêtés au plus haut niveau de l'État. Entre leur adoption et leur mise en oeuvre, une transition doit avoir lieu. Ses phases peuvent être à risque en termes de sûreté. C'est pourquoi nous appelons à ce qu'elles soient les plus réduites possibles. Quelle sera l'organisation du nucléaire à terme ? Nous serons vigilants à ce que les personnes clés, disposant des compétences idoines, soient présentes et affectées aux bons endroits.
Nous-mêmes, autorité de contrôle, ne disposons pas de la totalité des moyens nécessaires pour accomplir notre tâche. Nous avions déclaré que nous nous dirigions vers une impasse en termes de charge. Nous estimons, avec l'IRSN, que notre effectif pour assurer le contrôle représentait mille personnes. Nous devrions passer à mille deux cents à terme. Le Gouvernement nous a accordé trente emplois. Je l'en remercie.
Au regard des enjeux, il reste un fossé à franchir. Nous espérons des renforcements en 2017. Il existe actuellement un décalage entre nos moyens et le nombre de dossiers qui nous parviennent. Par exemple, nous venons de recevoir la documentation concernant le nouveau modèle d'EPR. Ma priorité va aux installations en fonctionnement. Je ne peux pas classer autrement les priorités. J'en appelle une nouvelle fois à un changement de paradigme de fonctionnement, afin que nous disposions de moyens adaptés et adaptables.
Nous avons enregistré dix incidents de niveau 2 suivant l'échelle INES (International Nuclear Event Scale, en français : échelle internationale des événements nucléaires). La quasi-totalité concerne le domaine médical, essentiellement la radiothérapie. Ces incidents sont extrêmement sérieux, même ils n'ont rien à voir avec les événements vécus à Épinal, il y a une dizaine d'années. Les derniers en date ne sont pas très techniques mais ont des conséquences lourdes sur les malades. Récemment, une patiente a reçu un traitement sur le sein non-affecté par la maladie durant vingt-cinq séances sur vingt-huit. Nous devons maintenir la vigilance sur ce point.
Trois grands domaines doivent faire l'objet d'une vigilance renforcée. Le premier est celui de la radiologie interventionnelle. Avec cette technique, l'acte opératoire est guidé par une radiographie. Cette méthode est positive pour le patient qui peut plus rapidement rejoindre son domicile. Néanmoins, si des précautions ne sont pas prises, ces mesures sont « dosantes » non seulement pour le patient, mais également pour le personnel. Le développement de cette pratique induit des risques en termes de radioprotection. Le deuxième domaine porte sur le développement des techniques hypofractionnées pour le traitement des cancers par radiothérapie. Au lieu de délivrer à la tumeur de petites doses de radiation au cours de très nombreuses séances, on préfère appliquer une dose très importante en très peu de séances. Cette méthode est plus efficace et confortable. Toutefois, en cas d'erreur sur l'endroit à traiter ou sur le dosage, les conséquences sont plus importantes. Le troisième domaine concerne la bonne maîtrise d'outils de plus en plus complexes. Les machines employées sont de plus en plus performantes, mais aussi plus complexes. Leur bonne maîtrise par le personnel constitue un enjeu central. Avec nos experts, nous avons identifié de bonnes pratiques. Nous travaillons actuellement à leur déclinaison auprès des différents professionnels.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a apporté nombre d'innovations positives pour conforter la sûreté nucléaire et la radioprotection. Elle a renforcé nos missions et également la participation du public. Les enjeux nucléaires sont sans précédent. Il était important que le dispositif s'adapte. Ces évolutions concernent l'ASN, mais aussi l'IRSN. Les commissions locales d'information (CLI) pourront solliciter la visite d'un site après un incident. Dans les zones frontalières, les membres étrangers pourront y participer de droit. Nous avons introduit le principe d'enquêtes publiques pour la prolongation des sites au-delà de quarante ans.
L'ASN a vu ses responsabilités et ses pouvoirs renforcés. Nous manquions de sanctions intermédiaires entre la fermeture et la mise en demeure. Il n'est jamais positif qu'une autorité ne dispose pas d'une palette de mesures pour répondre à l'ensemble des situations. La loi nous a donné la capacité d'infliger des amendes quotidiennes tant qu'une situation ne rentre pas dans l'ordre. En période de difficultés économiques, cette mesure est adaptée car la tentation peut être grande de reporter des investissements.
Parmi les nouveaux domaines que nous prenons en charge, citons les sources radioactives. Celles-ci sont utilisées dans le domaine industriel, par exemple pour effectuer la radiographie des tuyaux. Ce sujet était globalement orphelin en termes de prise en charge administrative. La loi comble cette lacune. L'ASN est, à présent, chargée de ce sujet. Avec les ministères concernés, nous préparons actuellement les textes d'application dans la perspective d'une mise en oeuvre de nos contrôles en 2017.
Pour conclure, je souhaite évoquer deux points d'actualité en lien avec l'anomalie de la cuve de l'EPR que vous souligniez. Lorsque l'anomalie a été détectée en avril 2015, nous nous sommes engagés dans son traitement. Nous avons demandé à EDF et Areva d'apporter des justifications. À la fin de l'année 2015, nous avons été amenés à valider leur premier programme d'essais. Les premiers tests, réalisés en début d'année 2016, n'étaient guère positifs. Nos interlocuteurs ont été amenés à nous proposer une extension de leurs contrôles. Leur calendrier pour l'ensemble des analyses destinées à montrer l'acceptabilité de la cuve en termes de sûreté est attendu pour la fin de l'année. Après examen, nous aurons besoin de quatre à six mois pour nous prononcer. Quand l'anomalie de la cuve est survenue, c'est-à-dire un excès de carbone qui fragilise le métal, elle nous a conduits à formuler deux questions. D'une part, sur l'existence d'autres pièces, pour l'EPR ou dans le parc en exploitation, qui souffrent de cette anomalie de taux de ségrégation du carbone. La réponse est positive. Nous en avions identifié un certain nombre, il y a quelques mois. Les recherches se poursuivent dans les historiques de fabrication. Nous discutons avec EDF pour mesurer l'impact de ces anomalies sur la sûreté. D'autre part, sur la façon dont cette anomalie a-t-elle été découverte. Nous avons demandé à Areva, sur de nombreuses années, d'étendre ses contrôles à des zones qu'elle n'examinait pas auparavant, jugeant cette démarche inutile.
En résumé, ce ne sont pas les contrôles internes qui ont amené à détecter une anomalie mais les contrôles externes. J'ai demandé à Areva d'engager une revue historique de la qualité des fabrications, qui aille au-delà du problème de la ségrégation du carbone. Nous étions effectivement en présence d'une défaillance d'organisation. Des audits ont donc été menés.
Ils ont récemment mis en évidence des irrégularités sur des dossiers de fabrication et sur des pièces du Creusot. Elles sont en nombre assez significatif. Sur dix mille dossiers examinés, remontant au début des années 1960, les responsables ont identifié quatre cents pièces présentant potentiellement une irrégularité. J'emploie le terme « irrégularité » à dessein. Quand un écart de fabrication est détecté, ce qui est fréquent, cette anomalie doit être déclarée et un dossier ouvert. Cet incident fait l'objet de discussions avec le client ou l'autorité de sûreté.
En l'occurrence, le processus de détection fonctionnait, mais le dossier n'était pas transmis. Il était néanmoins archivé. Nous avons demandé à nos interlocuteurs de nous apporter des justifications sur ces soixante cas. Ils ont commencé à le faire, mais le processus d'expertise est en cours. Je considère ces pratiques industrielles comme inacceptables. Areva a déclaré y avoir mis fin en changeant l'organisation à partir de 2012. Le travail d'audit doit se poursuivre au Creusot, à Saint-Marcel et à Jeumont.
Le management a pris, ces derniers mois, des décisions fortes pour mener à terme cette revue. Ce point est positif. Néanmoins, du temps sera nécessaire pour identifier d'autres anomalies éventuelles et les actions rétroactives à mener.
Nous vous remercions pour cette présentation et ce rapport volumineux.
Au cours des derniers mois, certains de nos voisins ont émis des protestations concernant la sûreté des centrales nucléaires de Fessenheim et de Cattenom. Vous nous avez indiqué que vous aviez classé Fessenheim parmi les sites présentant un bon niveau de sûreté en 2015. Vous ne vous êtes pas prononcé sur le cas de Cattenom. Cette centrale n'est donc distinguée ni par l'excellence des installations, ni par les difficultés qu'elle pourrait rencontrer ?
Qu'est-ce qui peut expliquer ce regain d'inquiétude de la part de nos voisins ? Disposent-ils d'informations ? La proximité géographique est-elle en cause ? Comment les pays frontaliers sont-ils assurés du suivi de la sûreté de nos centrales nucléaires ? C'est une question d'actualité que je relaie en tant que député lorrain.
– Je souhaite vous poser une question d'actualité. La CGT a brandi la menace de grèves, d'arrêts ou de ralentissements partiels de centrales nucléaires. De tels mouvements sont-ils possibles vu les exigences de sûreté de ces installations ? Des gestes, des comportements techniques ne risquent-ils pas d'être commis, qui pourraient mettre en danger la sûreté des centrales ?
– Vous indiquez dans votre rapport que l'ASN devra, avant la fin de l'année 2017, engager le réexamen d'une cinquantaine de dossiers des autres grandes installations nucléaires. Ce sont notamment celles dédiées au cycle du combustible et à la recherche. Avez-vous d'ores et déjà établi le calendrier ou le plan de charge de cette démarche ?
À la fin de ce document, vous précisez que l'ASN et l'IRSN n'ont pas obtenu pour l'exercice 2016 les renforts d'effectifs nécessaires afin de faire face à un certain nombre d'enjeux. Quelles sont vos demandes pour 2017 ? Nous sommes en mai 2016. Dans peu de temps débuteront les préparations budgétaires pour 2017.
Un certain nombre de membres de l'OPECST s'est déjà inquiété des manques de moyens budgétaires de la recherche, spécialement pour le CNRS et le CEA. Cette situation peut avoir des répercussions sur l'ASN. Vous y faites explicitement référence pour 2016. Pouvez-vous nous fournir des éléments ? Ces sujets sont suffisamment stratégiques. Nous disposons en France d'une filière nucléaire performante. L'ASN a pour mission de veiller à la sûreté.
Les deux points de ma question sont liés. Il existe une corrélation entre le plan de charge pour 2017 et vos besoins.
– J'avais eu l'occasion, voici deux ans, d'exercer un contrôle et de produire un rapport d'information, au sein de la commission des finances du Sénat, sur le financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. J'avais constaté qu'il était nécessaire, pour que l'ASN assume ces enjeux, de créer cent quatre-vingt-dix emplois. Vous en avez obtenu trente.
Le Gouvernement a essayé de répondre aux questions soulevées dans mon rapport. Il n'avait pas pris soin d'évaluer les charges nouvelles, présentes et à venir, de l'IRSN et de l'ASN. Nous avons l'impression de nous trouver dans une impasse. Des besoins s'expriment et les réponses se font attendre.
Si ces moyens ne sont pas mis à disposition, vous expertiserez en priorité les équipements existants, au détriment des projets et de la recherche, avez-vous dit. Pouvez-vous nous fournir davantage d'éléments que ceux dont j'ai pu prendre connaissance à la page 87 de votre rapport ? Quel dialogue doit s'instaurer entre l'ASN et l'IRSN, d'une part, et les ministères de l'environnement et des finances, d'autre part ? Le projet avance-t-il ? Dans le cas contraire, les parlementaires ne manqueront pas d'apporter leur concours pour régler cette question.
– Je nourris une grande inquiétude personnelle pour trois raisons. Premièrement, j'habite à dix-neuf kilomètres et demi à vol d'oiseau de la centrale de Gravelines. Son périmètre de plan particulier d'intervention (PPI) a été étendu, le mois dernier, de dix à vingt kilomètres. Je me retrouve à présent à l'intérieur de celui-ci.
Deuxièmement, en 2006-2007, j'ai fait part à un haut responsable d'EDF de mes inquiétudes sur le fait que ce site se trouve dans une zone de wateringues. Ces polders réunissent quatre cent cinquante mille habitants sur quatre-vingt-cinq mille hectares au niveau, voire sous le niveau de la mer. À l'époque, Xynthia et Fukushima n'avaient pas eu lieu. Mon interlocuteur m'a ri au nez, affirmant qu'il ne peut rien arriver à Gravelines.
Malgré tout, les changements climatiques existent et le niveau de la mer s'élève. Dans les zones de polders, il existe des phénomènes de rétraction par temps sec. Xynthia peut parfaitement se produire chez nous. Il suffit d'avoir un vent du nord et des surcotes marines. Dans ma région, elles avoisinent fréquemment les deux mètres trente, alors que Xynthia n'atteignait pas deux mètres.
Troisièmement, nous sommes également confrontés à des tremblements de terre. Le dernier a eu lieu il y a un an. L'épicentre était situé dans le Kent. La magnitude était de 4,4. J'ajoute que M. Pierre-Franck Chevet a déclaré à l'instant que le fonctionnement de Gravelines n'était pas satisfaisant.
– Concernant les moyens de contrôle, vous souhaitez rapidement obtenir deux cents postes supplémentaires. Pouvez-vous nous indiquer la répartition que vous envisagez entre l'ASN et l'IRSN ? Quels sont les secteurs dans lesquels les besoins se font plus particulièrement sentir ? S'agit-il de missions nouvelles ? Si vous n'obteniez pas rapidement les moyens espérés, quels problèmes précis poserait leur non-obtention ?
– Ma question porte sur l'urbanisation à proximité des sites nucléaires. Les agglomérations concernées se sont constituées en association : l'ARCICEN (Association des représentants des communes d'implantation de centrales et établissements nucléaires). Monsieur le président de l'ASN, vous avez animé, aux côtés de l'autorité ministérielle, un groupe de travail pour préciser les modalités de maîtrise des activités autour des installations nucléaires de base.
Vous avez proposé un projet de guide permettant de préserver l'opérabilité de secours, de répondre aux besoins de la population et de ses élus. Des travaux complémentaires se sont déroulés depuis la consultation publique dont a fait l'objet ce projet de guide. Pouvez-vous nous éclairer sur l'évolution de ces travaux permettant de répondre aux attentes des communes ? Elles sont parfois confrontées à un phénomène de quasi-inconstructibilité dans les zones d'alerte d'urgence des plans particuliers d'intervention des sites nucléaires.
– J'aurai plusieurs questions. La première concerne le quotidien. Où en sommes-nous en termes de distribution de pastilles d'iode aux populations voisines des sites nucléaires ? Où en sommes-nous en termes de renouvellement, d'approvisionnement et de présence éducative en direction des populations concernées ? Vous n'avez pas évoqué l'effondrement d'une partie d'un tunnel du projet Cigéo. Il me semble important d'en parler. Quel dispositif d'information comptez-vous mettre en place sur ces deux points ?
Ma deuxième question porte sur le recrutement de compétences. Vous avez chiffré les besoins entre cent trente et deux cents personnes. Je m'interroge, non pas sur les nouveaux recrutements, mais sur le renouvellement des compétences actuelles, à la suite des départs en retraite. Dans un contexte médiatico-politique de défiance, qu'en est-il de ce vivier ? Les jeunes peuvent-ils mettre leur espoir dans une vie professionnelle de haut niveau dans le secteur nucléaire français ?
Troisièmement, quel est le provisionnement pour charge et pour inquiétude ? Ce phénomène alourdit considérablement la facture nucléaire française. Elle la rend « indécidable », en termes économique et politique. Je voudrais connaître votre avis sur la prudence nécessaire dans ce domaine.
Enfin, nous passons en permanence dans des portiques dans les aéroports. Ces dispositifs sont-ils surveillés, du point de vue de leur impact éventuel sur la santé humaine, d'autant plus qu'il est question d'en placer aussi dans les lycées ?
– Je souhaite parler de Fessenheim. Vous avez salué son niveau de sûreté or il est de plus en plus question de démanteler cette centrale. Bien sûr, l'ASN n'a pas à juger de l'opportunité de la fermeture. Néanmoins, quelle charge de travail supplémentaire celle-ci risque-t-elle de créer pour l'ASN alors même que vous manquez de personnel ? Par ailleurs, interviendrez-vous dans l'évaluation de l'indemnisation à accorder à EDF ?
Vous avez parlé du réacteur en construction Jules-Horowitz. Je l'ai récemment visité avec des membres de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Nous avons cru comprendre que sa construction avait pris du retard. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ?
Si nous ne parvenons pas à obtenir des réponses détaillées sur tous ces points aujourd'hui, je vous propose de nous les fournir par écrit.
Tenant compte du retard du réacteur de recherche Jules-Horowitz, n'aurions-nous pas pu maintenir Osiris plus longtemps ? Nous allons nous retrouver en rupture de technétium et rencontrer de grandes difficultés en termes de médecine nucléaire. La balance entre les bénéfices et les risques n'aurait-elle pas pu être étudiée, dans la mesure où nous allons perdre du temps ?
Le basculement du générateur de vapeur usé de la centrale nucléaire de Paluel, haut de vingt-cinq mètres et pesant quatre cent cinquante-cinq tonnes, a-t-il eu des conséquences ? Si tel est le cas, quelles sont-elles ?
Concernant Cigéo, ce chiffre de 25 milliards d'euros me semble ridicule. Il me paraît difficile de chiffrer le coût d'une installation, dont il conviendra d'assurer la maintenance jusqu'au bout de l'exploitation, sans connaître le terme de celle-ci. Comment parvenons-nous à ce chiffrage ? Ne devrions-nous pas estimer les travaux sur vingt ans, en précisant que ceux-ci devront se poursuivre au-delà ? Pensez-vous que ce débat soit établi sur des bases solides ?
Au début de la discussion sur la transition énergétique, vous aviez indiqué que l'ASN veillerait à ce que les moyens de production soient suffisamment dimensionnés pour faire face, sans perturbation, à une décision inopinée de l'arrêt d'un ou plusieurs réacteurs. Quelle est votre position dix mois après ?
Je m'interroge également sur les moyens du CEA aujourd'hui. Vous avez dit que les entreprises en charge de gérer un certain nombre de moyens subissent des difficultés. Vous faisiez référence au gel des crédits de recherche, à hauteur de 64 millions pour le budget du CEA. J'ai personnellement indiqué au Président de la République, oralement et par des notes, que je trouvais cette situation anormale. Pensez-vous que ce gel affectant le CEA obérera la sûreté ? Si tel est le cas, je demanderai à mes collègues que l'OPECST adopte une motion sur ce sujet.
Nous répondrons effectivement par écrit aux questions pour lesquelles je n'ai pas d'éléments de réponse à cet instant.
Vous parliez, Monsieur le Président, des attaques contre Fessenheim et Cattenom. Bugey fait également l'objet d'un contentieux de la part des Suisses. D'expérience, j'ai toujours connu de telles attaques. En l'occurrence, il convient simplement de noter qu'elles sont simultanées. J'ai vécu la polémique des Luxembourgeois à l'encontre de Cattenom. J'ai été délégué territorial de l'ASN, il y a quinze ans. Ce phénomène ne constitue pas une nouveauté. Il existe simplement un effet de convergence que je me garderai bien d'expliquer.
Ces pays riverains sont associés. La loi améliorera la possibilité, pour ces pays, pas seulement pour les élus, de participer aux réunions. Ils sont déjà invités aux commissions locales frontalières ; les mêmes informations sont fournies aux populations française et étrangères.
Concernant les grèves, un certain nombre de règles encadrent leur condition d'exercice en termes de sûreté et nous pouvons contrôler leur respect au travers d'inspections. Il existe notamment des critères sur les effectifs minimaux. Bien évidemment, les consignes habituelles de conduite du fonctionnement d'un réacteur doivent continuer d'être respectées. Si tel n'était pas le cas, nous serions amenés à prononcer des sanctions. À ce stade, nous devons être vigilants mais ce sujet ne m'inquiète pas.
Sur nos demandes de moyens, j'ai parlé de discussions en cours avec le ministère de l'Écologie pour 2017. En 2014 nous avions produit ce chiffre de deux cents personnes. Depuis, nous avons connu différents événements comme le retard de l'EPR de Flamanvielle, le problème de la cuve, l'incident du Creusot ou le nouveau modèle d'EPR. En fonction des contraintes budgétaires, nous avons réactualisé ce chiffre à cent quarante ou cent cinquante personnes. L'emploi de dix personnes supplémentaires est prévu chaque année. Pour 2017, nous souhaiterions obtenir vingt collaborateurs en sus des dix accordés.
À quel emploi destinons-nous ces salariés ? Nous avons engagé un travail pour générer des gains d'efficience. Nous essayons de travailler sur nos méthodes pour opérer un contrôle plus proportionné. En d'autres termes, toute installation dont le responsable ne se comporte pas bien ou dont les enjeux sont importants mérite un contrôle renforcé. À l'inverse, d'autres sites, à moindre enjeu, pourraient bénéficier d'un contrôle allégé. Nous estimons pouvoir obtenir des gains d'efficience de l'ordre de 5 %. Ce travail est en cours. Il est facilité par un certain nombre de dispositions de la loi de transition énergétique.
L'affectation de ces ressources serait destinée aux enjeux nouveaux. Quoi qu'il en soit, nous interviendrons sur la question de la prolongation de la durée de vie des centrales. Cette procédure prévoit une enquête publique. Cette tâche devra donc être accomplie en temps et en heure.
À l'inverse, nous sommes déjà très en retard pour les réexamens habituels. Par exemple, lorsqu'une centrale atteint trente ans, nous sommes amenés à nous prononcer trois à cinq ans après cette échéance. En l'absence d'enquête publique, nous ne sommes pas confrontés à une date butoir. Nous utilisons donc ce délai. Cela n'est pas satisfaisant. Nous ne pourrons pas agir ainsi pour l'inspection des quarante ans, car les enjeux sont majeurs. Je m'y engage. Pour les installations nouvelles comme l'EPR et Cigéo, nous pouvons décaler et prendre plus de temps. Nous devons faire face aux priorités.
Concernant notre capacité d'embauche et notre attractivité, nous parvenons à recruter. Nous ne rencontrons pas de difficultés majeures en ce domaine. L'intérêt de la mission, que je vous confirme personnellement, constitue un élément de motivation pour tous les agents. En revanche, nous devons effectivement former ces professionnels. C'est pourquoi nos demandes anticipent nos besoins. Six mois à un an de formation intensive sont nécessaires.
Concernant nos moyens, des discussions sont en cours. Le financement de l'ASN est entièrement assuré par le budget de l'État. Je comprends très bien que celui-ci subisse des contraintes mais nous aurons besoin de moyens supplémentaires dans l'avenir. L'une des suggestions, reprises par le sénateur Michel Berson, consisterait à revoir les règles de financement. De plus, une partie de nos missions, dans le domaine médical, relève aussi de l'État.
Nous pourrions compléter le budget par une taxe, payée par les exploitants et affectée au système de supervision, sous le contrôle du Parlement. Cette idée a été évoquée par le rapport du Gouvernement au Parlement à la fin de l'année dernière. Je n'en partage pas beaucoup les conclusions. Pour confier une taxe affectée à l'ASN, celle-ci devrait devenir une autorité administrative publique indépendante. Or le Gouvernement estime que cela n'est pas possible, car une loi serait nécessaire tandis que je considère qu'il ne serait pas nécessaire d'adopter un tel texte. Quoi qu'il en soit, nous devons trouver une solution pérenne au-delà de 2017, car nous subissons une montée en charge importante.
Nous avons travaillé sur ces chiffrages et leur révision avec l'IRSN. À chaque fois, nous avons une chronique dans le temps de l'examen de chacun des sujets. Nous avons mené cet exercice le plus rigoureusement possible. Nous sommes parfois confrontés à des surprises en termes de planification. Par exemple, pour l'EPR, nous ne pouvions pas prévoir ses retards en 2014. Moyennant les mises à jour nécessaires, j'estime néanmoins que nos prévisions sont robustes.
Concernant la campagne de distribution d'iode, elle doit être accomplie. Les pastilles sont des produits pharmaceutiques avec une date de péremption. Les anciens comprimés, pour lesquels nous engageons la cinquième campagne, arrivent à échéance. Il est également urgent d'informer sur le risque suivant les règles actuelles, ce que nous avons prévu de faire. La campagne se passe raisonnablement bien. Les comprimés doivent être récupérés en pharmacie par les personnes concernées, sinon on les leur envoie au bout de quelques mois. La dernière fois, seuls 50 % des personnes concernées se sont rendues en pharmacie. Pourquoi ? Elles avaient une double vision de l'accident : le déni et l'inutilité. Si nous n'engageons pas une campagne d'information, nous serons confrontés à ce type de réaction.
Par ailleurs, nous sommes favorables à l'élargissement à terme des périmètres de protection des populations. Mme Ségolène Royal a porté cette idée. Cependant, ce travail nécessite une préparation et implique d'imaginer un dispositif complet. Il existe déjà des dispositifs au-delà de dix kilomètres. Des stocks départementaux peuvent notamment être mobilisés en cas d'accident plus large. L'objectif est d'opérer la distribution nécessaire, selon les conditions actuelles, tout en travaillant sur cette extension. Des réunions sont prévues sur ce sujet avec le ministère de l'Intérieur.
Concernant Gravelines, nous avons connu un incident d'inondation après la tempête de 1999. À la suite de ce processus, nous avons opéré un retour d'expérience. Nous avons examiné tous les phénomènes liés à l'eau. Ce travail a conduit, au Blayais mais également à Gravelines, à augmenter la hauteur des digues pour faire face aux événements que vous évoquez. Parallèlement, nous réexaminons tous les dix ans toutes les agressions externes, comme les séismes. Nous mettons à jour nos mesures par rapport aux connaissances acquises. Ainsi nous tenons compte de l'impact du réchauffement climatique.
S'agissant de la maîtrise de l'urbanisation, nous avons publié un guide renouvelé. Je ne suis pas certain d'aller dans votre sens. Actuellement, nous avons un système en termes de « porté à connaissance ». Il invite les élus à faire ce qu'il convient en termes de maîtrise du plan d'urbanisme. Une telle invitation ne conduit pas nécessairement à l'engagement de ces procédures. Dans un certain nombre de cas, nous devrions passer à un système plus contraignant, pour éviter concrètement que l'urbanisme ne se développe dans des zones de danger. Nous n'évoquons cette problématique qu'après un accident. Notre doctrine doit évoluer pour disposer d'outils juridiques contraignants afin que les mauvaises démarches ne s'accomplissent pas.
Concernant les 25 milliards d'euros de Cigéo et le provisionnement en général, l'esprit de la loi veillait à ce qu'une difficulté majeure relative à une entreprise n'engage pas l'État à prendre en charge la totalité du processus : le démantèlement, le traitement du combustible et le stockage des déchets. Un fonds devait être abondé pour y pourvoir. Il convenait donc de dresser une chronique des travaux à engager et de placer les fonds nécessaires pour pouvoir en disposer le moment venu.
L'esprit de la loi me semble positif, y compris en termes de sûreté. Le rôle de l'ASN consiste à vérifier que tous les types de travaux correspondent à nos critères en termes de sûreté technique. L'ANDRA a mené une étude statistique, car il est effectivement très difficile d'estimer le coût du travail et de l'énergie dans cent cinquante ans. Un certain nombre d'hypothèses techniques nous semblaient assez optimiste, ainsi que les chiffres retenus. Ainsi que je l'ai indiqué à la ministre et au Gouvernement, il me semble important que des sommes soient provisionnées et revues.
Au fur et à mesure que le projet Cigéo avance, nous disposons de plus d'informations et de données concernant les coûts. Je conçois que ce chiffre de 25 milliards d'euros puisse être critiqué. Il constitue cependant un point zéro. L'arrêté du Gouvernement prévoit, à chaque fois que Cigéo franchira une étape, de revoir cette évaluation. Cette démarche me semble simple et robuste. C'est la seule manière de progresser vers un chiffrage qui s'affine.
Concernant Fessenheim, nous avons l'expérience d'un certain nombre de démantèlements. Pour surveiller la centrale en exploitation et gérer le dossier d'un démantèlement, les ordres de grandeur sont similaires. Nous n'avons pas été consultés sur les dernières propositions. Nous avons autorisé Fessenheim 1 et 2 à aller globalement jusqu'à leur prochain réexamen de sûreté, respectivement en 2021 et 2022. À partir de là, il pourra être procédé à des calculs d'indemnisation, mais qui ne relèvent pas de l'ASN.
Depuis de nombreuses années, le CEA s'était engagé à fermer Osiris en 2015. Il nous avait soumis des dossiers de sûreté tenant compte de cette hypothèse. À partir de 2013, il a indiqué qu'il devrait procéder à une prolongation. Nous lui avons demandé d'étudier la mise en oeuvre de moyens de sûreté pour assurer une prolongation sur dix ans. Le CEA n'a pas été en mesure de formuler des propositions qui « tiennent la route ». In fine, le Gouvernement a pris une décision négative.
L'ASN a rendu un avis plus nuancé. Il est globalement négatif, sauf si une pénurie de production de radionucléides était confirmée par le ministère de la santé. Pour Osiris, notre avis public tenait compte d'une possibilité de fonctionnement exceptionnelle pour faire face à la pénurie. La décision du Gouvernement a toutefois été négative.
Cette décision est-elle bonne dans la mesure où le réacteur de recherche Jules-Horowitz va être retardé ?
Le ministère de la santé a été consulté. L'avis a considéré que gérer une telle pénurie ne posait pas problème.
Concernant les marges électriques, j'ai affirmé que nous pouvions être amenés, en cas d'anomalie, à arrêter une dizaine de réacteurs en l'espace d'une semaine. Le dispositif global de production d'énergie devait tenir compte de ce cas de figure pour pouvoir l'absorber d'une manière ou d'une autre.
Différentes modalités sont possibles : développer des marges de production en France, réserver des capacités de production en France ou à l'étranger, prévoir des mesures de baisse de la consommation avec des clients choisis, etc. Je ne suis pas sûr que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) soit totalement disponible. J'ai pris connaissance d'études sur les énergies renouvelables et nucléaire. En l'espèce, ce problème renvoie à la question de l'assemblage de tout le réseau électrique.
Concernant les moyens du CEA, l'exploitant est confronté maintenant, de manière passive, au problème du démantèlement. Il dispose de beaucoup d'installations anciennes, civiles et militaires. Il a commencé à procéder à leur démantèlement, ou tel devrait être le cas. Nous avons constaté que les calendriers sont distendus, qu'il existe des situations qui posent question en termes de sûreté, notamment pour des installations très anciennes.
Nous avons discuté conjointement avec l'autorité de sûreté en charge de la défense, pour demander au CEA une remise à plat de ses engagements en termes de démantèlement. Ce processus prend un temps certain. Nous reviendrons vers le Gouvernement, au vu des différents scénarios, pour dire ce que nous en pensons. En l'état des budgets, les capacités du CEA à démanteler en temps et en heure sont limitées. Même en ne tenant pas compte du gel du budget sur une année, le sujet est majeur.
En France, dans les aéroports, nous ne procédons pas à des radiographies. Ce ne sont que des détecteurs de métaux, contrairement à ce qui existe aux États-Unis d'Amérique.
Monsieur le Président, nous vous remercions. Les nombreuses questions des parlementaires montrent la nécessité de cet exercice. Ils s'inquiètent plus particulièrement, à juste titre, du devenir des centrales situées dans leurs circonscriptions électorales. Vous avez apporté des réponses. Le dialogue entre l'OPECST et l'ASN est permanent. Quand nous n'échangeons pas assez, nous vous le disons. Dans certains cas, nous aurions souhaité disposer de certaines informations avant qu'elles ne se retrouvent dans la presse. Cela étant, nos relations sont bonnes.
En conclusion, je souhaiterais que l'OPECST adopte la motion suivante :
« L'OPECST a auditionné le 25 mai l'ASN qui s'est inquiétée des effets des réductions budgétaires de certains organismes de recherche ayant en charge des installations nucléaires en fonctionnement ou en phase de démantèlement. Celles-ci pourraient avoir des conséquences en termes de sûreté. Il demande au Gouvernement de rétablir ces crédits, par tous les moyens dès 2016, si ces coupes budgétaires avaient pour effet de réduire le niveau de sûreté. »
Cela concerne la sûreté. Par ailleurs, la loi de 2013 confie à l'OPECST une compétence concernant les organismes de recherche. Nous aurons un rapport sur ce sujet à rendre l'année prochaine. Une première audition du Commissariat général à l'investissement (CGI) est prévue à la fin du mois de juin concernant les investissements d'avenir. Plus généralement, nous ne voulons pas voir peser sur les seuls organismes de recherche les gels budgétaires demandés à un ministère englobant l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche. Parce que l'on n'a pas voulu impacter une partie du budget de l'éducation nationale, seuls les organismes de recherche sont touchés.
La fin de la motion serait la suivante :
« L'OPECST souhaite également que cent cinquante postes soient affectés sur trois ans (2017-2019) à l'ASN et à l'IRSN, qui demandent ce renforcement depuis 2014. »
Voilà la proposition que je vous ferai. Je viens de la rédiger. Elle me semble consensuelle par rapport à ce qui a été dit.
La séance est levée à 18 h 45