Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Réunion du 6 juillet 2016 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à seize heures vingt.

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Nous reprenons nos auditions dans le cadre de la commission d'enquête sur les conditions d'abattage dans les abattoirs français. Nous auditionnons cet après-midi M. Franck Ribière, producteur et réalisateur de films.

Vous êtes, monsieur, issu d'une famille d'éleveurs et l'auteur du film Steak (R)évolution, sorti en salle en 2014, et qui a donné lieu à l'édition d'un livre du même nom. Vous réalisez actuellement un film intitulé Steak in France, en collaboration avec Interbev.

Vous avez également créé la société Le Boeuf éthique, dont l'objectif est d'être un nouvel acteur de la filière bovine, répondant à des impératifs de qualité, de prix et de bien-être animal. À cette fin, cette entreprise a mis en place un partenariat avec la société suédoise de Britt-Marie Stegs, qui a développé un camion d'abattage mobile, dans lequel peuvent travailler cinq opérateurs et un vétérinaire, capable d'abattre six bovins à l'heure, avec un stockage maximal par jour de cinquante-cinq carcasses. De plus, votre société souhaite travailler avec des éleveurs qui répondent aux critères d'une charte éthique précise, et dont les produits qui en résulteraient seraient commercialisés sous une marque spécifique.

Je vous rappelle, monsieur, que nos auditions sont ouvertes à la presse et diffusées en direct sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d'enquête, je vais vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Franck Ribière prête serment.)

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis effectivement issu d'une famille d'éleveurs puisque ma famille élevait des vaches de race Charolaise dans le centre de la France. J'ai toujours voulu savoir et comprendre comment améliorer le goût de notre viande, car je me suis rendu compte, grâce à mes nombreux voyages, que la France n'était pas spécialement l'endroit où la viande avait le plus de goût. Si la France est le pays de la gastronomie, et la viande en fait partie, elle n'a pas une culture de la viande pure, contrairement à l'Argentine par exemple.

Je suis donc parti à la recherche du meilleur steak du monde, pour faire un tour du monde et essayer de combler une forme d'absence de curiosité de la part des éleveurs et des professionnels de la filière que je connais bien : ils ne cherchent pas trop à savoir ce que font les autres, de peur de mal faire ou pas assez bien. En voyageant et en visitant un grand nombre d'éleveurs, de bouchers et de restaurateurs, j'ai pu me faire une idée de ce qu'était la bonne viande et de la façon dont on pouvait l'améliorer en France. Or une des conditions, qui m'a paru assez étonnante mais qui a été la force du film et du livre, c'est que pour faire un bon steak, il faut une vache heureuse. Heureuse tout au long de son processus, c'est-à-dire de sa naissance à sa mort.

Je me suis beaucoup intéressé à l'alimentation, à l'élevage, aux différentes races, à leur amélioration, aux croisements, à leur adaptation ou non à leur territoire et je suis parvenu à la conclusion que pour obtenir une bonne viande, il fallait effectivement répondre à toutes ces questions, parmi lesquelles la problématique de l'abattage. J'ai visité et filmé des abattoirs dans le monde entier, y compris en France, et rencontré des abatteurs d'à peu près partout ; j'ai ainsi pu considérer que, d'une manière générale, l'abattage ne posait pas forcément problème. Je n'ai pas vu de choses ignobles, seulement des gens qui travaillaient et qui étaient plutôt professionnels, même si j'ai bien conscience que la mort d'un animal est un moment difficile, délicat. Grâce aux différents lanceurs d'alerte dont nous avons tous entendu parler, nous nous sommes aperçus que certains actes y étaient commis, mais je n'ai pas d'autre avis personnel là-dessus. Je pense qu'il y a des idiots et des méchants partout, y compris dans les abattoirs. Toutes les solutions que votre commission voudra bien imaginer iront dans le sens d'une meilleure surveillance.

J'insisterai toutefois sur un point : dans tous les abattoirs du monde que j'ai visités, j'ai constaté une vraie dévalorisation du travail de ces gens. Ils sont souvent fatigués, stressés, honteux ou mal à l'aise avec le métier qu'ils exercent. Je me suis notamment demandé ce que peut répondre un enfant d'abatteur à un professeur qui lui demande quel est le métier de son papa ou de sa maman. Je me suis rendu compte que l'on était face à des gens qui n'ont pas été traités correctement, alors qu'ils effectuent un travail que vous et moi serions bien incapables de faire. Il y a là quelque chose qui fragilise le système : ils sont sous pression, ils font un sale métier, pour des rémunérations relativement modestes, quelle que soit leur expérience. Ma relation à l'abattage en reste là.

C'est en Espagne que j'ai pu goûter la meilleure viande du monde. Entre trois et six mois avant la mort de l'animal, l'éleveur le trimbalait dans son camion, deux ou trois fois par semaine, afin de l'habituer. Je me suis donc intéressé au transport. J'ai rencontré des Canadiens qui m'ont dit que leurs vaches parcouraient 700 kilomètres pour aller à l'abattoir, j'ai discuté avec des gens qui se plaignaient de la disparition de certains abattoirs de proximité et qui devaient faire des trajets de plus en plus longs. Ils m'ont dit qu'il était de plus en plus compliqué d'amener les bêtes au bon moment, car les abattoirs commencent à être un peu encombrés, si bien que les animaux passent plus de temps qu'auparavant, les uns derrière les autres, à attendre la mort. Un animal dans son environnement, avec ses congénères, en présence de son éleveur, n'a pas du tout la même attitude qu'un animal qui a voyagé sur quatre-vingts kilomètres, glissé trente fois, entendu parler trois ou quatre personnes différentes, et qui, après avoir entendu les cris des porcs et les moutons, comprend très vite que quelque chose de désagréable va lui arriver.

Quand j'ai commencé à réfléchir, avec mes partenaires, à une chaîne complète qui permettait de réduire les intermédiaires pour passer directement de l'étable à la table, il m'a paru incohérent que l'abattage ne fasse pas partie de ce concept. La seule façon de limiter le stress de l'animal avant sa mort, c'est de l'empêcher de voyager. C'est donc à l'abatteur de venir sur place. Cela correspond à l'idée générale des films que j'ai réalisés et à la position que je défends : le retour au bon sens paysan, à ce que faisaient les bouchers avant, c'est-à-dire venir au bon moment à la ferme pour abattre l'animal, le stocker assez longtemps pour que la viande puisse maturer et ainsi être de bonne qualité, et la confier ensuite au boucher qui la préparera correctement et continuera le processus de maturation jusqu'à sa consommation finale.

Le système industriel a changé la donne et mis en avant une nouvelle conception, tout à fait valable : proposer une nourriture accessible et saine. Mais il faut bien faire la différence entre une viande saine et une viande bonne. Je considère que l'on ne peut trouver de la bonne viande que si une charte éthique implique l'éleveur à tous les niveaux, de la naissance à la mort de l'animal. Cela suppose de demander à l'agriculteur de ne plus pratiquer l'insémination artificielle, de nourrir les animaux uniquement à l'herbe, d'éviter tout médicament, d'essayer les médicaments alternatifs. Tous les éleveurs que j'ai interrogés m'ont répondu : tout ça, c'est bien beau, on a essayé des tas de choses, mais il y en a une où il faut que cela change, sinon cela ne marchera jamais, c'est l'abattage. Un contrôle sur l'abattage, c'est-à-dire un abattage à la ferme, permettrait de garantir le côté éthique et le respect de l'animal. Dès lors, les éleveurs seraient capables de s'engager à fournir des animaux éthiques à tous les niveaux, pour peu qu'ils soient abattus dans des conditions acceptables, à défaut d'être agréables.

Comme je ne voyais pas particulièrement de problèmes en France, je me suis intéressé à ce qui se passait à l'étranger. Sur Internet, on trouve beaucoup de bêtises, des méthodes étranges. Aux États-Unis et en Suisse, certains abattent les animaux au fusil, et quelques abatteurs tuent une bête sur place et se dépêchent ensuite de l'emmener à l'abattoir le plus proche dans un camion frigorifique… Bref, tout était envisageable. Mais la société suédoise que nous avons rencontrée a développé un business model très au point et qui répond à toutes les normes européennes : autrement dit, sur le plan technique, leur camion pourrait opérer en France dès demain matin. Reste un problème, celui de la présence des vétérinaires. Les services vétérinaires qui délivrent les homologations des carcasses et l'autorisation de leur commercialisation auraient-ils la possibilité de venir travailler dans un camion ? Ils seraient rémunérés aux lieu et place de l'État puisque le modèle que je propose est une société privée. Cela permettrait de revenir à une chose que les vétérinaires demandent beaucoup : la discussion directe avec l'éleveur. Le modèle suédois que je vous présenterai montre que l'animal reste dans son environnement et que l'éleveur est en permanence avec lui.

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Nous allons le voir dans quelques minutes, puisque je vais suspendre la séance le temps que mes collègues et moi-même nous rendions dans l'hémicycle pour un vote solennel.

La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.

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Monsieur Ribière, vous allez maintenant pouvoir nous présenter les photos de ce système d'abattage particulier.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Pour élaborer notre produit, le boeuf éthique, de l'étable à la table, il fallait trouver le moyen d'éviter la dernière partie très compliquée de la vie de l'animal, c'est-à-dire son transport et tout ce qui peut lui arriver juste avant d'être abattu, quand il change d'endroit et se retrouve dans des groupes différents alors qu'il aurait besoin de calme.

Après avoir écarté les méthodes un peu étranges, comme l'abattage au fusil, pratiquées dans certains pays, nous avons rencontré une Suédoise, fermière de son état, qui a décidé il y a dix ans de construire une chaîne complète correspondant exactement à ce que nous cherchons : faire naître, élever correctement, nourrir et accompagner l'animal jusqu'au bout. Elle l'a fait d'abord pour sa ferme, avec ses animaux, avant de s'apercevoir qu'il y avait une demande, sachant que la Suède est l'un des rares pays européens où la consommation de viande augmente et que les Suédois sont attachés au bien-être animal, à l'écologie et aux dimensions éthiques.

L'image ci-dessous illustre le modèle qui existe partout : la vache est élevée dans un pré. Avant de se retrouver chez le boucher ou en grande surface, elle est transportée par camion jusqu'à l'abattoir.

Britt-Marie Stegs a décidé de supprimer le transport et l'abattage dans un abattoir fixe pour garantir une viande éthique, ethical meat, de la vie à la mort de l'animal. Cela passe par la mise en place d'un outil performant d'abattage qui correspond aux normes sanitaires d'abattage imposées à tous les pays européens, ce qui fait que ce camion aujourd'hui est european sensibility, autrement dit qu'il peut opérer partout, y compris en France.

Il a fallu choisir, dans un premier temps, un vecteur qui puisse supporter l'intégralité de la chaîne d'abattage, c'est-à-dire un camion de transport qui comprend un générateur, un épurateur d'eau – il est autonome en électricité et en eau –, l'atelier et tous les espaces nécessaires à l'abattage d'un animal, comme les vestiaires, les toilettes spécifiques à un abattoir et ce qu'il faut pour nettoyer tous les instruments. Le dispositif se compose au total de deux camions et deux remorques. Cet abattoir peut être installé partout, dans un pré notamment.

Sur la photo ci-dessous, on peut voir le dispositif installé, en état de marche. Les deux camions sont accolés à leurs deux remorques.

Sur la photo ci-dessous, vous apercevez à droite une porte avec une grille : c'est le piège. Avant de venir tuer les animaux, les abatteurs sont passés au préalable pour étudier la situation de la ferme – étable, écoulement des eaux usagées, traitement des déchets – et prévoir tout ce qui facilitera la mise en place et la stabilité du camion.

Sur la photo ci-dessous, l'animal est dans l'étable. Ce système de demi-spirale a été inventé pour sélectionner l'animal, si l'on constate qu'il commence à ne pas se tenir tranquille, et l'isoler un moment avant de passer à l'étape suivante.

Sur la photo ci-dessous se déroule la partie la plus étonnante du processus, celle dans laquelle c'est l'éleveur lui-même qui emmène sa bête à la mort. L'animal croit aller de l'étable au pré. Il n'a qu'une chose dans son axe de vision : ce qu'il croit être une porte qui donne sur un environnement qui lui est familier, où il va manger. À chaque fois que j'ai filmé, je n'ai jamais vu un animal faire demi-tour. Il n'a aucun stress. Et dans le pré, d'autres animaux attendent : il faut être malin, et lui faire croire qu'il va rejoindre ses copains.

À partir de ce moment, l'animal n'a plus aucun moyen de faire demi-tour. Dès l'instant où il passe par la petite porte, la grille arrière remonte et il est aussitôt étourdi. Car l'abatteur l'attend à l'intérieur de la remorque et est en train de viser cette pièce de deux euros située juste au-dessus de la tempe. L'animal a juste le temps de se rendre compte que la porte est fermée, autrement dit qu'elle ne donne pas directement dans le pré. Mais c'est trop tard pour lui : c'est fini.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Effectivement, il a été bluffé !

Il n'y a donc pas de piège de contention, juste la main de l'opérateur. À ce moment-là, l'animal tombe, les grilles se lèvent et le travail commence.

Le camion est conçu pour abattre six animaux à l'heure, avec un maximum de cinquante-cinq animaux par jour. Le camion est rentable à partir de douze animaux abattus. En dessous de douze animaux, c'est faisable, mais plus compliqué. Il y a un vétérinaire en permanence dans le camion et quatre opérateurs. Le travail est le même que dans un abattoir fixe. L'abatteur tue l'animal après l'avoir étourdi. Il ne le confie à son collègue qu'après vérification par le vétérinaire. Ensuite, il est découpé avec des instruments auto nettoyés avec de l'eau purifiée.

Enfin, l'animal est stocké dans la dernière partie du camion, la chambre froide, qui peut contenir cinquante-cinq carcasses coupées en quatre. Cette partie pourra se déplacer, à différents moments de la journée, et emmener les carcasses à l'atelier de découpe. La chaîne du froid est bien respectée afin que la carcasse ne soit jamais au-dessus de 7 °C. Lorsqu'elle est entrée dans l'atelier de découpe, la bête est stockée pendant quinze jours ; elle est découpée et commercialisé sous leur propre marque, Etiskt Kött, « Viande éthique ». Sur la photo ci-dessous, vous pouvez voir que toutes les inscriptions de traçabilité sont respectées et que l'étiquette est signée. Le flash code permet à n'importe quel porteur d'un iPhone ou d'un téléphone Android d'obtenir des informations sur l'éleveur, le lieu, la race consommée, etc.

Lorsque j'entre dans un restaurant et que je demande quelle est l'origine de la viande, on me répond seulement que la viande est française. Lorsque je regarde la carte des vins et que je me contente de demander un vin français, on me demande de préciser mon choix… À cela, je réponds : comment pouvez-vous ne pas avoir de respect pour un animal et en avoir pour le vin ? Il y a là quelque chose d'illogique. C'est cette absence d'échange entre le consommateur et l'éleveur qui justifie la charte éthique.

Le flash code donne aussi des indications sur la qualité. Les viandes sont en effet notées de zéro à cent, comme le café, pour faire comprendre aux consommateurs quels sont les niveaux de goût et les caractéristiques globales des viandes de chaque race afin de déterminer la qualité la plus élevée. Cela permet de comprendre quelles pourraient être les variations de prix. Une viande de Black Angus sera certainement plus chère qu'une Charolaise, pour une raison de rapport entre la taille, le poids et la carcasse, mais surtout en raison de ses qualités gustatives. Nous avons aussi défini une grille d'arômes, comme le café. L'éleveur également aura en retour des informations sur la qualité de la viande qu'il a produite.

L'autre avantage de ce système est de mettre en contact deux personnes qui en général ne se parlent pas : l'éleveur et le vétérinaire. L'éleveur est libre de monter dans le camion pour suivre tout le processus, à l'exception de l'atelier de découpe. Tout est transparent. Il voit surtout la bête au stade final, et il peut discuter avec le vétérinaire des problèmes détectés sur l'animal. Grâce au système de notation que nous avons mis en place, il pourra aussi, à l'avenir, faire des calculs pour savoir si ses méthodes d'élevage se sont améliorées, si la qualité gustative a progressé, et si le prix de la viande éthique est justifié pour le consommateur, puisque celui-ci a la possibilité, par le biais de l'application sur son smartphone, de donner son avis sur la viande qu'il mange. Ce qui manque à toute la filière, dans le monde entier, c'est de savoir si la viande est bonne ou non. On revient donc au bon sens paysan, à ce qui se faisait auparavant, d'une certaine manière, mais en l'adaptant aux conditions sanitaires requises en Europe et en France.

Une seule interrogation demeure : comment faire entrer, en France, un vétérinaire dans le camion ? Qui va nous donner la possibilité de saisir un vétérinaire pour lui demander de venir, à tel endroit, à tel moment de l'année ? Comment seront garantis tous les éléments nécessaires à son travail ?

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Je vous remercie pour votre présentation.

Lorsque vous avez évoqué la phase d'étourdissement, vous avez dit qu'il n'y avait pas de piège à contention. Une fois que l'opérateur a étourdi l'animal avec le pistolet matador, comment est pratiquée la saignée, à quel endroit, et par qui ?

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Tout à l'heure j'ai dit effectivement qu'il n'y avait pas de piège de contention ; en réalité, il y en a un, que l'opérateur peut actionner au cas où. Il l'utilise souvent pour éviter qu'un animal un peu gros ne s'écrase trop lourdement. Quand il n'en a pas besoin, le piège à contention se lève. Il accroche l'animal par la jambe gauche, et il le monte immédiatement, comme le ferait n'importe quel abatteur. C'est à ce moment qu'est pratiquée la saignée, de manière classique.

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Lorsque l'animal est étourdi, il tombe sur le côté. Comment est vérifié l'étourdissement ?

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Les vétérinaires se positionnent différemment selon les bêtes. Le vétérinaire se tient à côté de l'étourdisseur. Lorsque l'animal est tombé, la première chose que fait le vétérinaire, c'est de donner l'ordre de lever. L'abatteur ne touche pas la bête tant qu'elle n'est pas levée. Une fois la bête levée, il la découpe de manière on ne peut plus classique. Le vétérinaire participe activement à toutes les étapes – en Suède, c'est traditionnellement lui qui enlève les joues.

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Nous avons remarqué que, dans les abattoirs, les inspecteurs vétérinaires étaient présents aux postes ante mortem et post mortem, c'est-à-dire à chaque bout de la chaîne, mais peu présents lors de la phase d'abattage.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Dans un abattoir mobile, il est là en permanence. Et surtout, c'est le premier à donner les informations à toute la chaîne pour que les animaux suivent correctement tout le processus et à laisser entrer l'éleveur dans la partie commune pour lui expliquer s'il y a eu un problème sur la bête ou, au contraire, si tout va bien.

Tous les vétérinaires que nous avons rencontrés dans les camions refusent obstinément de retourner dans un abattoir classique. Ils considèrent que c'est une façon beaucoup plus humaine, chaleureuse de travailler, et que cela participe à l'esprit d'équipe d'opérer en même temps que les abatteurs. De leur côté, les abatteurs sont fiers de partager ce moment avec le vétérinaire, car s'ils se sentent contrôlés, ils se sentent aussi épaulés à tout moment, ils ne sont pas seuls. Quand c'est la vétérinaire qui est dans le camion, ils l'appellent « maman »… Cela montre à quel point ils ont besoin de cette présence qui rassure tout le monde.

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Vous avez dit que le camion pouvait abattre au maximum cinquante-cinq bêtes.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Le camion peut stocker cinquante-cinq bêtes dans une journée.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

On ne peut pas déplacer le camion pour moins de douze à quatorze animaux par jour. On ne va pas chez l'éleveur juste pour rendre service. C'est une véritable opération éthique, mais qui répond aussi à des nécessités commerciales fortes. Il n'a pas été très dur de convaincre les éleveurs à ce système ; ce qui est le plus difficile, c'est le travail de programmation. Il faut demander à un éleveur qui abat une bête par semaine, soit environ soixante bêtes par an, s'il serait d'accord pour en abattre davantage dans les prochaines années, par exemple quatre-vingt-dix, quatre fois par an, et quinze bêtes à chaque fois. Cela suppose de le « travailler » pour l'amener à changer ses habitudes, sachant que les éleveurs qui produisent de la viande de qualité font souvent aussi de la vente directe. Du coup, s'il accepte de nous vendre la quantité voulue de viande, nous lui rendrons le service de tuer pour lui la vache qu'il va garder : c'est aussi un échange de bons procédés.

Nous avons rencontré de nombreux responsables d'abattoirs, parce que nous avons besoin d'être rassurés en ce qui concerne le traitement des déchets. De leur côté, les abattoirs qui n'abattent que trois ou quatre jours par semaine demandent à avoir davantage de travail. Aussi sont-ils très intéressés de pouvoir utiliser un camion. Construire leur propre camion, serait compliqué, mais se servir de l'abattoir à la ferme comme un travail complémentaire est possible.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Une unité, dans sa version finale, capable d'abattre six bêtes par heure et cinquante-cinq bêtes par jour, coûte 1,5 million d'euros.

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Au vu de votre connaissance du marché français et du nombre de bêtes à abattre chaque année en France, quelle part de ce marché pensez-vous qu'un tel système pourrait absorber à terme ?

Quel est le coût de l'abattage avec ce système par rapport à un abattage classique ? Est-il beaucoup plus élevé ?

Vous avez dit avoir visité beaucoup d'abattoirs. Que pensez-vous des conditions d'abattage en France par rapport aux autres pays ? Que pensez-vous de la différence qu'il peut y avoir entre les conditions d'abattage dans les abattoirs de petite taille et de proximité et les abattoirs industriels de grande taille, donc plus éloignés des élevages ?

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Je résumerai le public que nous visons par cette formule : ce sont les 10 % de gens qui vont arrêter de consommer de la viande. Pour ces gens-là, le problème n'est pas de savoir si la viande est saine : ils en sont persuadés. Mais ils ne sont plus sûrs du tout qu'elle soit bonne. Ils ont intégré des données morales, sociétales, lies au bien-être animal qui leur posent désormais un vrai problème. Les informations qui nous ont été données par rapport à certaines études de marché montrent que ces gens-là représentent à peu près 10 % de la consommation de viande. De toute façon, la filière les a déjà perdus. Lors des avant-premières de mon premier film, j'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont dit qu'ils allaient peut-être se remettre à consommer de la viande après avoir regardé mon documentaire ; ils avaient arrêté d'en manger parce qu'ils n'avaient pas d'informations claires et nettes sur la viande et découvraient qu'il y avait enfin moyen de manger de la bonne viande. Car il n'y a aucune bonne raison de manger de la viande, si ce n'est pour en éprouver du plaisir. Se battre pour dire qu'il faut à toute force manger de la viande n'a pas beaucoup d'intérêt.

Pour être rentable, le coût d'abattage ne doit pas être supérieur à deux fois le coût d'abattage dans un abattoir fixe. C'est ce que les Suédois ont réussi à faire. En France, le coût d'abattage dans un abattoir fixe se situe autour de 0,40 euro le kilo. Après avoir commencé avec un coût d'abattage à 1,40 euro, les Suédois ont réussi à le ramener à 1 euro, puis à 0,80 euro. Ce coût est d'autant plus envisageable que nous nous engageons à payer la carcasse à un prix supérieur à celui du marché : entre 25 et 40 % plus cher qu'une carcasse bio. Ensuite, il est possible de négocier le prix de l'abattage des animaux que nous achetons, dans la mesure où, ne l'oublions pas, l'éleveur économise le coût du transport. Tout cela modifie beaucoup l'approche de l'éleveur.

Sur les conditions d'abattage en France par rapport aux autres pays et entre petits et grands abattoirs, je serai tenté de vous faire une réponse de Normand.

S'agissant de la différence entre les petits et grands abattoirs, je n'ai jamais vu quelque chose qui puisse me gêner : que vous soyez dans un abattoir Bigard ou dans un abattoir de proximité, le métier est exactement le même, et d'une certaine manière effectuée avec la même qualité. C'est au niveau de la relation avec les éleveurs qu'il y a une différence. Le petit abattoir de proximité ou l'abattoir moyen cherche avec l'éleveur à modifier et à améliorer l'approvisionnement en proposant des races différentes, des produits plus adaptés au marché local, tandis que la finalité dans les grandes entités est d'une autre nature : il faut bien que quelqu'un tue nos vaches laitières. Quand les végans nous demandent d'arrêter de manger de la viande, je leur réponds d'arrêter de boire du lait. Il faut être logique : dès lors que l'on élève des vaches laitières, on va forcément les manger… On ne va pas les jeter ! Le bon sens a disparu… Le travail effectué sur les vaches laitières est de qualité, mais son prix de vente ne peut pas être celui d'un produit sur lequel on aura imposé une charte éthique compliquée, sachant qu'il n'est pas évident de proposer une charte éthique après des labels, des appellations d'origine protégées (AOP), des Indications géographiques protégées (IGP), qui n'ont pas, dans l'absolu, rendu tout le monde heureux. Ce qui plaît aux éleveurs, c'est la cohérence de notre proposition.

Cela étant, nous proposons un produit alternatif, non un produit de remplacement. Je n'imagine pas l'abattage mobile comme une solution à l'abattage, mais comme un modèle supplémentaire qui peut résoudre beaucoup de problèmes dans les abattoirs en général. Une fois qu'il y aura 600 ou 800 camions d'abattage sur les routes, les problèmes de contrôle ne risquent-ils pas d'être les mêmes que dans les abattoirs fixes ? Y faudrait-il des référents et des caméras ? Je ne le sais pas. J'espère seulement que notre démarche est comprise et que le poids global que représentera notre boeuf éthique ne sera un frein pour personne. Nous ne cherchons pas à prendre des parts de marché à quelqu'un, seulement à apporter quelque chose à des gens qui, de toute façon, vont arrêter de manger de la viande.

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Les photos ne montrent que l'abattage des bovins. Abattez-vous aussi des ovins et des porcs ?

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Non.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Non. Je dirai même que le camion peut être pour les ovins une solution extrêmement intéressante. Je parle des bovins car je considère que c'est l'aliment roi et qu'il mérite le camion. Mais les ovins et les porcins le méritent aussi. Cela dit, je n'ai pas vu d'abattoir mobile qui pratiquait l'abattage des porcins et des ovins.

Cela dit, je refuserai toujours d'abattre autre chose que du boeuf avant le boeuf. Je considère que le boeuf doit passer en premier. Or on le fait souvent passer en dernier alors que les autres animaux sont plus bruyants, plus énervés, plus stressants. Ajoutons à ce propos que le camion a l'avantage d'émettre un bruit très limité, à l'extérieur comme à l'intérieur, et d'évoluer dans une ambiance de ferme. On entend le coq, on voit d'autres animaux, bref, on est à la campagne. C'est sympathique.

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Je vous ai posé cette question car nos abattoirs de proximité sont multi-espèces, c'est-à-dire qu'ils abattent des ovins, des caprins, etc. Si le fermier n'élève pas que des bovins, il ne pourra pas faire abattre ses ovins ou ses porcins dans votre abattoir mobile.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Il devra les faire abattre ailleurs.

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Combien de personnes travaillent dans le camion ?

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Cinq personnes, en comptant le vétérinaire.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

En Suède, c'est une société extérieure mandatée, et qui fait partie de la programmation, qui s'en occupe : elle passe dans la ferme pour ramasser les déchets. Tous les déchets sont expurgés dans des bacs en dehors du camion : bacs à eau, bacs à sang, bacs à peaux, bacs à boyaux blancs et rouges – les rouges sont les boyaux utilisables. Les Suédois ont résolu le problème en n'utilisant ni les boyaux rouges ni les boyaux blancs. Ce n'est donc pas le camion proprement dit qui gère les déchets. Le camion est mis en place, nettoyé, et propre quand il repart. Mais tous les déchets générés ont été traités.

Ce n'est pas le déplacement, le logement des abatteurs la veille pour qu'ils soient en forme le lendemain matin pour abattre – il faut les loger à l'hôtel –, mais le traitement des déchets qui est le poste le plus coûteux du camion d'abattage. D'où l'intérêt que notre camion d'abattage soit associé à un abattoir fixe qui prendrait en charge la gestion des déchets, des abats, du stockage et de la découpe.

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Les abattoirs de proximité sont souvent des circuits courts, la découpe étant comprise : le producteur amène sa bête vivante à l'abattoir et repart avec la viande rangée en cagettes.

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Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique

Nous voudrions, dans un partenariat avec un abattoir fixe, ajouter les deux ou trois machines nécessaires à la commercialisation de nos produits. Mais ce sont des investissements que les abattoirs ne font pas parce que cela correspond à un marché qui n'existe pas encore en France et que nous sommes en train d'essayer de créer. Car notre idée n'est pas de vendre en carcasse ce que nous avons fabriqué, mais un produit prêt à consommer dont les informations nécessaires à sa cuisson sont diffusées. Le flash code fournit en effet des informations sur l'épaisseur de la viande, la température à laquelle elle doit être cuite si la cuisson se fait au four, etc. Il faut savoir que 40 % de la viande est bousillée à la cuisson…

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Combien de temps faut-il pour installer le camion ?

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Notre objectif est de réaliser le premier abattage en camion au mois de mai 2017. La procédure d'homologation est assez longue et la fabrication du camion demande un peu de temps.

Le camion sera français – je pense que nous allons travailler avec Renault – alors que les Suédois ont un camion américain. Notre camion aura de la gueule et un beau logo. Cela fera joli sur les routes…

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Je ne pense pas que ce camion pourra emprunter certaines routes de nos Cévennes pour se rendre dans une ferme, même s'il y a la place nécessaire pour l'installer. Votre système semble idyllique, mais certaines fermes sont situées sur des terrains pentus, et les éleveurs ont du mal à y construire des bergeries.

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Pour avoir tourné mes deux films dans beaucoup de fermes qui élèvent des bovins, j'ai constaté que le camion passait partout, même dans l'Aubrac où cela peut être compliqué. Cela dit, certains élevages ovins sont plus inaccessibles que d'autres. Il ne faut pas oublier que la taille du camion peut varier : tout à l'heure, j'ai dit que le camion pouvait traiter jusqu'à cinquante-cinq bêtes par jour, mais ce n'est pas forcément ce que nous recherchons. Nous sommes en train de nous demander s'il ne serait pas plus simple d'avoir deux camions qui traiteraient chacun trente bêtes, de façon à accélérer les rotations et pouvoir se déplacer plus facilement pour un plus petit nombre de bêtes.

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À Mme Britt-Marie Stegs. C'est la même personne qui négocie, qui achète la bête à l'éleveur et vend la viande au consommateur.

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Effectivement. Le prix que paie le consommateur n'est pas le même que pour un produit classique. Il s'agit de s'adapter à cette nouvelle catégorie de consommateurs de viande, c'est-à-dire à ceux qui vont bientôt arrêter d'en manger ou qui veulent vraiment commencer à manger de la bonne viande, sans avoir pour autant à dépenser 80 ou 100 euros pour acheter de la viande japonaise.

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Par qui sera géré l'abattoir mobile qui sera en France ?

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Par notre société, Le Boeuf éthique.

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Ce seront toujours les mêmes salariés qui circuleront dans le camion ?

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Techniquement, oui, sous réserve de l'accord ou du partenariat que nous pourrions passer avec un abattoir existant. Dans ce cas-là, nous pourrions aussi utiliser les abatteurs de l'abattoir fixe. Les opérateurs auront besoin d'une petite formation, d'une revalorisation de leur travail car nous voulons dans notre camion une bande de passionnés qui a envie d'exercer ce métier.

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Le même problème se pose pour les abattoirs fixes. Mais lorsque vous parlez d'abattage éthique à la ferme, dans un camion, qu'il faut voyager 250 jours par an, qu'il y a des indemnités de déplacement, un salaire revalorisé et une formation incluant des méthodes dans tous les domaines – commercial, marketing, découpe –, je pense que l'on peut attirer les gens. Ceux que j'ai rencontrés en Suède sont motivés. Lorsqu'ils sortent en ville le soir pour aller boire une bière, ils gardent leurs tee-shirts sur lequel est imprimée la marque et où figure la mention : « je suis un abatteur ». Ils en sont fiers.

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Certes. De surcroît, ils sont très impressionnants puisqu'ils mesurent tous quasiment deux mètres, femmes comprises. Parmi eux, il y a une abatteuse… C'est assez surprenant.

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Ce sont des forces de la nature.

Qui délivrera une formation à ces futurs salariés ?

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Nous avons acheté aux Suédois un savoir-faire qui inclut tous les éléments économiques, technologiques et techniques, y compris d'éducation pour les abatteurs et les conducteurs. Dans un premier temps, nous allons mandater deux ou trois personnes en Suède pour qu'elles reçoivent cette formation en anglais – Il n'y a pas beaucoup d'abatteurs qui parlent anglais. Nous allons chercher des communicants ; il peut s'agir de gens qui travaillent dans l'éducation nationale, dans des écoles et qui peuvent réexpliquer les données nouvelles du camion.

Cela étant, lorsqu'un abatteur d'un abattoir fixe regarde comment travaille son collègue qui est dans le camion, il comprend très vite ce qui est fait et ce qui peut être amélioré, il voit tout de suite quelles sont les conditions de travail. En général, tous ceux que nous avons emmenés sont prêts à signer. Il en est de même pour les vétérinaires : ils auront du mal à s'arrêter de travailler dans un camion.

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Non, mais au vu des contacts que j'ai pu avoir à droite et à gauche, je pense que l'agrément sanitaire ne posera pas de problème, à moins que certaines décisions ne me dépassent. J'attends juste que soit réglé le problème de la présence du vétérinaire. C'est pour moi le dernier écueil.

Le Parlement suédois a voté l'agrément sanitaire à l'unanimité. Tout le monde était debout. L'abattage à la ferme était devenu pour les Suédois une nécessité impérative, car ils ne voulaient pas être le pays où l'on abat encore les animaux dans des conditions terribles. Ils en ont fait un enjeu politique fort. De toute façon, si ce n'est pas nous qui mettons en place ce système, il se fera tout de même. Personne ne luttera contre quelque chose qui, à mon avis, est inéluctable, au vu des conditions actuelles de la filière et de l'abattage. Tôt ou tard, le camion arrivera.

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Je veux rebondir sur l'aspect strictement réglementaire, puisqu'en France ce sujet relève du domaine réglementaire. Où en êtes-vous de la démarche ?

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Tant que nous n'avons pas arrêté le plan final, il est très difficile de commencer les démarches. Les techniciens travaillent dessus.

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Sur le plan administratif, vous allez vous présenter comme un investisseur dans un outil d'abattage qui demande un agrément sanitaire. Le fait qu'il soit sur roues n'est qu'une particularité intéressante et importante pour le modèle économique et éthique que vous défendez : l'administration devrait regarder comment sont respectées les différentes contraintes réglementaires dans l'outil.

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Si nous nous associons à un abattoir qui a déjà un agrément sanitaire, je pense que nous n'avons pas besoin de le demander pour le camion.

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N'étant pas le représentant de l'administration, il m'est difficile de vous répondre. De toute façon, l'outil doit être agréé. Ce que je retiens, c'est que vous ne l'avez pas encore demandé.

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Non. Sinon, vous le sauriez.

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Nous avons reçu ici des personnes qui revendiquent aussi l'abattage la ferme, mais dans des conditions assez différentes de celles que vous envisagez, et qui se situent de façon volontaire en dehors de la norme sanitaire. Ne pensez-vous pas qu'il serait important d'établir une distinction entre l'abattage à la ferme, qui a un caractère un peu improvisé, et l'abattoir à la ferme qui consiste à amener à la ferme un outil professionnel ?

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Il pourrait être intéressant de faire la différence, car nous nous rapprochons tous les deux du même principe. Je suppose que vous faites référence à Jocelyne Porcher qui a été auditionnée par votre commission. Mais quel serait l'impact pour le consommateur ? Cela serait-il réservé à la vente directe ?

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En France, l'abattage à la ferme fait référence à une pratique agricole traditionnelle : l'éleveur avait l'habitude de tuer un cochon ou un veau de temps en temps pour sa propre consommation. Nous ne sommes pas du tout dans le même registre…

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Ce n'est pas pareil

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Vous ne proposez pas du tout la même chose puisqu'il s'agit de commercialiser de la viande, avec les garanties qui s'y rattachent, et même davantage de garanties que la filière classique, puisque vous recherchez un caractère éthique.

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Tout à fait.

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Vous faites la démonstration qu'il est techniquement possible d'abattre des animaux dans des conditions identiques à celles qui existent dans un abattoir fixe, même s'il reste quelques interrogations, comme le traitement des eaux. Mais ce genre de question peut se résoudre puisqu'on peut très bien prévoir des bacs de rétention, conclure un marché avec un vidangeur. Sans oublier les équarrisseurs, qui pourraient se charger du cinquième quartier.

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Exactement.

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Nous avons vu que beaucoup de petits outils de proximité ont un problème de point mort économique, qui est fonction du tonnage. Pour les collectivités qui portent en général ce genre d'outil, le coût fixe d'une installation est parfois bien supérieur à ce que pourrait représenter celui d'un camion qui viendrait un jour ici et un autre jour ailleurs.

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C'est là tout l'intérêt d'un travail en amont. Nous partons du principe que nous pouvons vraiment améliorer la qualité de la viande en France. On doit expliquer aux éleveurs qu'ils seront davantage rémunérés, et que l'on fera gagner de l'argent à tout le monde, mais que les règles économiques s'appliqueront, que le camion ne se déplacera pas pour le plaisir et pour abattre seulement trois animaux virgule quatre… Les éleveurs devront nous proposer des dates d'abattage susceptibles d'être rentables, faute de quoi nous ne viendrons pas : nous ne le pourrons pas. D'où la différence avec l'abattage à la ferme. Mais il faut savoir que le concept que nous proposons est très vite rentable. Il faut juste changer les mentalités et les méthodes, organiser une programmation annuelle plus intelligente.

Les Suédois ont cette qualité de savoir fort bien mélanger l'aspect folklorique et écologique tout en restant des business men. Ils ont clairement créé une machine pour faire de l'argent, à tous les niveaux de la chaîne : ils achètent plus cher, qu'ils donnent plus d'argent aux éleveurs, ils ont dégagé tous les intermédiaires – il n'y a plus de maquignons –, et au final, ils vendent plus cher que le marché une viande de qualité.

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Vous avez dit payer l'éleveur entre 25 et 40 % plus cher…

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Non, c'est le prix de vente qui sera de 25 à 40 % plus élevé que le bio, grâce à la réduction de certains coûts. Nous essayons d'être dans un business model qui donnerait 1 euro de plus au kilo à l'éleveur. Et cela change tout.

Le prix mis en avant par tout le monde correspond à un certain type de viande. Dans notre démarche, la problématique du prix de la viande n'est pas la même. Soucieux de rester éthiques et équitables jusqu'au bout, notre idée est de faire en sorte qu'une famille qui veut se nourrir de viande et se faire plaisir puisse le faire au lieu d'en acheter un peu plus, mais de moins bonne qualité, chaque semaine. C'est le calcul que tout le monde fait aujourd'hui. La meilleure chose qui arrive à la viande, ce sont les végétariens : plus il y a de végétariens, meilleure sera la viande…

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Ce sera la conclusion de cette audition, mais aussi du travail de la commission d'enquête puisque vous étiez la dernière personne à être auditionnée. Cette phrase entrera dans l'histoire, mais je n'imaginais pas qu'elle devienne la conclusion de cette commission d'enquête… Je ne suis pas sûr qu'elle soit reprise dans notre rapport !

En tout cas, je tenais à vous remercier pour cette présentation éclairante qui nous a permis de connaître un peu mieux quelque chose dont on entendait beaucoup parler, l'abattage à la ferme suscitant plus de controverses que l'abattoir à la ferme pour les raisons exposées par le rapporteur. Votre audition nous a permis de mieux comprendre le système. Sachez que ce sera un des points abordés dans le rapport de notre commission d'enquête parlementaire. Nous allons maintenant nous atteler à sa rédaction : il sera présenté début septembre.

La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.