Déposé le 15 juillet 2013 par : Mme Boyer.
Supprimer cet article.
Le présent article, maintes fois remanié, instaure une nouvelle procédure obligatoire de recherche d'un repreneur pour les entreprises de 1 000 salariés et plus en cas de fermeture d'un établissement employant 50 salariés et plus. Cet article constitue le cœur de cette proposition de loi visant à « redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel ».
La nouvelle procédure (phase d'information puis phase judiciaire) prévue par cet article est présentée comme le complément opérationnel de l'article 19 de la loi relative à la sécurisation de l'emploi qui avait posé le principe de la recherche d'un repreneur en cas de fermeture d'un site, que les partenaires sociaux avaient préalablement négocié dans le cadre de l'ANI du 11 janvier 2013.
Mais sur la forme comme sur le fond, ce dispositif va totalement à l'encontre des objectifs de l'ANI. Tout d'abord parce qu'il introduit une phase judiciaire (à disposition du CE) quand l'ANI ne mentionnait que l'information du CE. La phase d'information du CE dans le cadre de l'offre de reprise n'est pas articulée avec les délais préfix prévus pour le PSE, ce qui laisse entendre que les deux procédures s'enclencheront dans les faits l'une après l'autre, au mépris de l'encadrement des délais prévus par l'ANI. Enfin, il substitue l'appréciation du juge à celle du chef d'entreprise pour déterminer à sa place ce qui constitue une « offre de reprise sérieuse ». Une sanction manifestement disproportionnée (20 fois le SMIC par emploi supprimé) est prévue en cas de refus par le chef d'entreprise d'une offre dite sérieuse, pénalité qui s'ajoute aux obligations de revitalisation existantes.
Sans compter les nombreuses questions juridiques que le texte suscite. Doit-on par exemple considérer que la pénalité sera également encourue lorsque, dans le cadre d'une restructuration, l'entreprise ferme l'un de ses établissements et en transfère les emplois, sans en supprimer aucun, dans un autre de ses établissements ?
La nature juridique de cette pénalité est également sujette à caution. Prononcée par une juridiction civile, elle ne peut en aucun cas être analysée comme une sanction pénale ou administrative. Mais elle doit néanmoins fixer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont elle sanctionne le manquement. Le fait générateur de la pénalité, à savoir le refus d'une offre jugée « sérieuse », sans que ce critère du sérieux de l'offre de reprise ne soit précisément défini, pose problème.
Délais flottants, insécurité juridique et logique punitive, telles sont les conséquences de ce texte aux antipodes des objectifs de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, promulguée il y a un mois à peine.
Au-delà du fait de contredire aux objectifs de l'ANI, ce nouveau dispositif pose surtout un problème de principe pour les entreprises car il constitue une atteinte évidente à la liberté d'entreprendre, même dans sa version actuelle qui ne prévoit plus de possibilité de cession forcée. En effet, cette liberté doit aussi se comprendre comme celle de ne pas vouloir céder une activité à ses concurrents ou celle de restructurer territorialement ses établissements. La loi ne peut déposséder le chef d'entreprise de son pouvoir d'appréciation en lui substituant celle du CE et du tribunal de commerce, car cela consacre l'immixtion du juge dans les processus de restructuration économique et spatiale des entreprises alors que les entreprises concernées ne connaissent pas de difficultés économiques. Sans parler de la pénalité dont le caractère extrêmement élevé et dissuasif s'apparente à une forme de cession forcée indirecte.
L'ensemble de ce dispositif représente en réalité une erreur de raisonnement révélateur d'un état d'esprit totalement défensif et malthusien car il insinue que l'entreprise in bonis qui décide la fermeture d'un site est d'emblée suspecte, que la recherche d'un repreneur ne s'effectuera pas de bonne foi. Il convient de ne pas oublier qu'il existe aussi des logiques industrielles à la fermeture des sites comme l'illustre le plan de sauvetage US de l'industrie automobile.
Le plus grave réside enfin dans l'inévitable effet repoussoir qu'un tel dispositif ne manquera pas de créer auprès des investisseurs étrangers, sachant qu'aucun autre au monde ne s'est doté d'une telle procédure. La dégradation de l'image de marque de notre pays sera forte.
Même pour les repreneurs potentiels, l'effet d'une telle procédure sera dissuasif car ceux-ci ne voudront pas se voir appliquer cette procédure. Un tel dispositif tuera donc dans l'œuf les éventuelles tentatives de reprise et sera en réalité contre-productif pour les bassins d'emploi concernés.
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