Déposé le 4 novembre 2013 par : M. Rousset, Mme Pichot, M. Terrier, Mme Zanetti, Mme Pochon, M. Nauche, Mme Adam, M. Aboubacar, M. André, M. Bays, M. Boisserie, M. Bridey, Mme Bruneau, M. Cathala, Mme Chabanne, M. Chambefort, M. Ciot, Mme Coutelle, M. Delcourt, M. Fougerat, Mme Gosselin-Fleury, Mme Gueugneau, Mme Hoffman-Rispal, M. Jalton, M. Kalinowski, M. Le Bris, M. Le Déaut, M. Le Roux, M. Léonard, M. Maggi, M. Perez, Mme Poumirol, M. Pueyo, Mme Récalde, M. Rihan Cypel, M. Rouillard, M. Villaumé.
Modifier ainsi les crédits de paiement :
Cet amendement de crédit a pour objet de permettre la prolongation de deux ans du délai par lequel les combattants ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France peuvent formuler une demande d'alignement du nombre de points d'indice de leur pension.
Une modification de l'article 211 de la loi n°2010‑1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, se révèle nécessaire pour permettre une prolongation du délai de forclusion.
En application des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, il est proposé une diminution des crédits de l'action 167-01 «Journée défense et citoyenneté », qui doivent pouvoir être rationalisés. Ces crédits seraient transférés vers l'action 169-01 «Administration de la dette viagère».
C'est une affaire d'honneur, de respect, de simple justice. De la défaite de 1940, à Monte Cassino avec la 4ème division marocaine, en passant par les rives du Rhin et du Danube, et jusqu'aux indépendances des anciennes colonies, les combattants originaires des États antérieurement liés à la France furent envoyés en première ligne au service d'un pays dont ils n'avaient, pour la plupart d'entre eux, jamais foulé le sol. Ils furent 173 000 soldats maghrébins et originaires d'Afrique occidentale et équatoriale dans l'armée d'Afrique, soit près de la moitié des soldats de celle-ci.
Traumatisés, blessés, prisonniers, torturés ou laissés pour morts, ils vécurent, au même titre que leurs frères d'armes français, les affres et les horreurs de la guerre. Beaucoup sont morts aux côtés de leurs frères d'armes, de leurs compatriotes, pour libérer la France et l'Europe du joug de la barbarie.
Mais jusqu'en 2002 et depuis la loi du 26 décembre 1959, ils ne bénéficiaient pas des mêmes prestations que celles servies aux militaires français ayant combattu à leurs côtés. Malgré leur indiscutable contribution aux conflits du 20ème siècle, les Gouvernements successifs ont adopté une attitude ambiguë à l'égard de ces anciens combattants.
Si cette contribution est reconnue, une loi de cristallisation des pensions, adoptée par le parlement le 26 décembre 1959 au titre de l'article 17, crée une inégalité de traitement entre anciens combattants français et anciens combattants des anciennes colonies.
Dans ce contexte de décolonisation, plusieurs lois successives transforment les pensions et les retraites perçues par les militaires des anciennes colonies en indemnités non indexables sur le coût de la vie. Ces soldats de l'armée française perdent le droit aux prestations perçues par les militaires français.
Il faudra plus de 40 ans pour que ces oubliés de République reviennent progressivement à la lumière avec le film Indigène, il faudra plus de 40 ans pour que la reconnaissance de longues années d'engagement dans l'armée leur soit reconnue.
Cette situation inique s'accompagne d'un système tout aussi pervers qui conduit à des drames humains intolérables. Faute de pension militaire décente, des milliers de personnes âgées ont émigré au début des années 1990 pour bénéficier de minima sociaux auxquels ils pouvaient prétendre dans la mesure où la loi Pasqua leur donnait droit à une carte de séjour en tant qu'anciens combattants. C'est pour pouvoir faire vivre leurs familles que paradoxalement ils les ont quittées et se sont retrouvés en France sans accueil adapté, isolés, clochardisés, et ignorés de tous. Ils mènent leur dernier combat pour que la République leur reconnaisse les mêmes droits que leurs compagnons d'armes français.
Le 30 novembre 2001, une décision du Conseil d'État confirme que la loi du 26 décembre 1959 est contraire à l'article 14 de la déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'Homme qui condamne la discrimination à raison de la nationalité. Dans le cadre de la loi de finances pour 2002, le Gouvernement sera ainsi contraint d'appliquer le critère de parité des prestations. Néanmoins, il diminuera le montant des prestations en appliquant un coefficient négatif dit « de parité de pouvoir d'achat », spécifique au pays de résidence du bénéficiaire.
La persistance de discriminations est confirmée le 9 octobre 2006 par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances (HALDE). Elle signale également la discrimination faite à l'encontre des personnels civils. Dans sa délibération la HALDE recommande au Gouvernement « de prévoir un dispositif de revalorisation des pensions civiles et militaires de retraites, de la retraite du combattant, des pensions civiles et militaires d'invalidité et des pensions de reversions supprimant toute discrimination à raison de la nationalité ».
Depuis 2007, les retraites du combattant et les pensions militaires d'invalidité, dites « prestations du feu » ont été revalorisées mettant enfin à égalité les anciens combattants quelle que soit leur nationalité.
Ainsi, la loi prévoit la revalorisation des retraites du combattant et des pensions militaires d'invalidité à compter du 1er janvier 2007. La décristallisation de la retraite du combattant à laquelle ont droit les anciens combattants âgés de plus de 65 ans et titulaires de la carte du combattant, est automatique depuis la loi de finances du 21 décembre 2006. La décristallisation de la pension d'invalidité qui est destinée aux anciens combattants justifiant de séquelles reçus à l'occasion du service est acquise depuis la loi de finances du 21 décembre 2006 pour peu que l'intéressé en fasse la demande, même si en Gironde, cette décristallisation a été faite automatiquement.
Mais cette victoire est amère car elle a permis à l'État d'occulter les plus grandes injustices qui persistent pour les anciens militaires ayant servi plusieurs années dans l'armée française : leurs pensions varient de 1 à 8 selon qu'ils sont français, tunisiens, camerounais ou cambodgiens. La coordination décristallisation (collectif bordelais d'associatifs et de bénévoles soutenus par la région Aquitaine) a ainsi focalisé sa bataille juridique sur ce thème et a obtenu le 15 octobre 2008 une décision historique du tribunal administratif de Bordeaux qui donnait un avis favorable à la revalorisation des pensions militaires de six anciens combattants marocains. Mais cette décision, qui fait jurisprudence, reste insatisfaisante dans la mesure où la décision est juridique et non politique et où elle est fondée sur un accord international signé avec le Maroc.
Jusqu'en 2011, les pensions militaires de retraites, qui reviennent aux anciens combattants ayant servi plus de 15 ans dans l'armée française, - ils furent nombreux à quitter l'armée française avant ce laps de temps- sont restées des indemnités non-indexables sur le coût de la vie.
Pendant près de cinquante ans les anciens combattants « indigènes » ont été soumis à un régime discriminatoire quant à leurs pensions : quand un ancien combattant français percevait environ 600 €, un ancien combattant sénégalais touchait 159 €.
Avec le dispositif voté en 2010 pour la loi de finances de 2011, la décristallisation de ces pensions a pu enfin avoir lieu. Mais cette décristallisation reste à de nombreux points de vue, injuste, inégale, inique.
En effet, jusqu'aujourd'hui, une décristallisation des pensions, si elle est possible, n'est pas automatique, il s'agit d'une demande personnelle, formulée par des anciens combattants aujourd'hui très âgés, et pour la majorité analphabète. Et ces demandes doivent être formulées avant le 31 décembre 2013, en application du décret n° 2010‑1691 du 30 novembre 2010.
Or compte tenu du faible nombre de demandes enregistrées à ce jour au regard du nombre de bénéficiaires potentiels, il est nécessaire que cette date butoir soit reculée de deux ans au moins permettant à ces derniers oubliés de la République de voir reconnaitre leur sens du sacrifice et du devoir. Nous ne pouvons laisser les anciens combattants issus des anciennes colonies retomber dans une discrimination que nous ne pouvons plus tolérer.
Au même titre que leurs frères d'armes français ils ont combattu sous nos drapeaux. Ils ne doivent plus vivre ou plutôt survivre dans l'ombre d'une histoire à laquelle ils ont pourtant contribué.
Il est de la responsabilité des Parlementaires de la République de s'assurer que ces anciens combattants, qui ont connu dans leur chair les affres de la guerre, puissent avoir l'opportunité d'être reconnus, pour le devoir et le sacrifice accompli. L'attitude de la République à l'égard de ceux qui se sont battus pour elle doit être digne des valeurs qu'elle entend porter.
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