Amendement N° CL251 (Tombe)

Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

Déposé le 23 mai 2016 par : M. Lellouche, M. Olivier Marleix, M. Bussereau, M. Ciotti, M. Daubresse, M. Decool, M. Devedjian, Mme Dion, M. Fenech, M. Geoffroy, M. Gérard, M. Gibbes, M. Gosselin, M. Goujon, Mme Guégot, M. Houillon, M. Huyghe, Mme Kosciusko-Morizet, M. Larrivé, M. Morel-A-L'Huissier, M. Philippe, M. Poisson, M. Vannson, M. Verchère, M. Warsmann, Mme Zimmermann.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 
Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Après l'article 41-1-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-1-2 ainsi rédigé :

«  Art. 41-1-2. – Tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, le procureur de la  République peut proposer à une personne morale mise en cause pour les délits prévus aux articles 435-3, 435-4, 435-9 et 435-10 du code pénal, pour des faits de complicité, recel ou blanchiment des délits précités ainsi que pour des délits connexes de conclure une convention de compensation d'intérêt public imposant la ou les obligations suivantes :
«  1° Verser une somme d'argent au Trésor public dont le montant, qui ne peut excéder celui de l'amende encourue, sera fixé en fonction de la gravité des manquements constatés en tenant compte, le cas échéant, des gages de bonne conduite présentés par la personne morale. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé dans la convention, à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;
«  2° Se dessaisir au profit de l'État de l'intégralité des avantages tirés des manquements constatés. Cette obligation porte sur tous les biens susceptibles de confiscation en application de l'article 131-21 du code pénal, qu'ils aient été ou non préalablement saisis dans le cadre de l'enquête, dans la limite de ceux qui ont été recensés au jour de la conclusion de la convention de compensation d'intérêt public. La convention dresse la liste desdits biens et fixe les modalités d'exécution de cette obligation. En tant que besoin, la convention peut prévoir un échéancier à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;
«  3° Réparer le dommage résultant des manquements constatés. La convention fixe les modalités d'exécution de cette obligation ainsi que le délai imparti qui ne peut être supérieur à un an ;
«  4° Se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle du service institué par l'article 1er de la loi n°    du     relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, à un programme de mise en conformité destiné à s'assurer de l'existence et de la mise en œuvre en son sein des mesures et procédures mentionnées au II de l'article 8 de la même loi.
«  Les frais occasionnés par le recours par le service institué par l'article 1er de la loi n°    du    relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique à des experts, personnes ou autorités qualifiées, pour l'assister dans la réalisation des analyses juridiques, financières, fiscales et comptables nécessaires à sa mission de contrôle sont supportés par la personne morale mise en cause dans la limite d'un plafond fixé dans la convention.
«  La conclusion d'une convention de compensation d'intérêt public avec la personne morale est sans effet sur la situation de ses organes ou représentants qui relève de l'appréciation du procureur de la République conformément à l'article 40-1.
«  Lorsque la personne morale mise en cause donne son accord à la convention proposée, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal de grande instance aux fins de validation.
«  Le président du tribunal de grande instance peut désigner, aux fins de validation de la convention, tout juge du tribunal.
«  La convention de compensation d'intérêt public est jointe à la requête. Elle contient un exposé précis des faits, circonscrits dans l'espace et dans le temps, ainsi que la qualification juridique susceptible de leur être appliquée.
«  Lors d'une audience publique, le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui constate l'acceptation par la personne morale mise en cause des termes de la convention.
«  Lorsque la convention prévoit le versement d'une somme d'argent au Trésor public, le président ou le juge délégué vérifie que son montant est conforme au plafond défini au 1°. Le président ou le juge délégué vérifie également que la nature et l'étendue des obligations imposées au titre de la convention sont proportionnées au regard de la gravité des manquements constatés, du volume des avantages retirés et de l'importance du dommage causé d'une part et des éventuels gages de bonne conduite présentés par la personne morale d'autre part.
«  La personne morale dispose, à compter du jour de la validation de la convention, d'un délai de dix jours pour exercer son droit de rétractation. Le cas échéant, la rétractation est signifiée au procureur de la République par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
«  L'ordonnance de validation n'a pas les effets d'un jugement de condamnation.
«  L'ordonnance de validation n'est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire.
«  L'ordonnance de validation et la convention sont rendues publiques.
«  Lorsque la personne morale s'est vue imposer au titre de l'obligation visée au 3° de verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci peut, au vu de l'ordonnance de validation, en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile.
«  L'exécution des obligations fixées dans la convention éteint l'action publique. Le constat de l'extinction de l'action publique est notifié par le procureur de la République à la personne morale mise en cause. L'extinction de l'action publique ne fait pas échec au droit de la victime de poursuivre la réparation de son préjudice devant la juridiction civile. L'examen de toute plainte avec constitution de partie civile visant des faits ayant donné lieu à une convention de compensation d'intérêt public est suspendu pendant la durée de mise en œuvre des mesures prévues par ladite convention. À l'issue du délai fixé par ladite convention et sous réserve que le procureur de la République constate que la personne morale mise en cause a dûment exécuté les mesures prévues par celle-ci, les éventuelles plaintes avec constitution de partie civile déposées sur le fondement des mêmes faits sont déclarées irrecevables.
«  Si le juge refuse de valider la convention, ou si la personne morale décide d'exercer son droit de rétractation ou si, dans le délai convenu dans la convention, la personne morale ne justifie pas de l'exécution intégrale des obligations mises à sa charge, le procureur de la République retrouve alors la possibilité de mettre en mouvement l'action publique.
«  À peine de nullité, la révocation de la convention par le procureur de la République pour cause d'inexécution des obligations y figurant est notifiée à la personne morale mise en cause. Cette décision ne peut faire l'objet d'aucun recours et prend effet immédiatement. Le cas échéant, la révocation de la convention entraîne de plein droit la restitution des sommes d'argent versées au Trésor public en application de l'obligation prévue  au 1° ainsi que des biens dont la personne morale s'était dessaisie au titre de l'obligation prévue au 2° à l'exclusion de ceux qui avaient été saisis préalablement à la conclusion de la convention qui se retrouvent de plein droit placés sous main de justice. Elle n'entraîne cependant pas la restitution des frais supportés par la personne morale et occasionnés par le recours par le service institué par l'article 1er de la loi n°    du    relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique à des experts, personnes ou autorités qualifiées, pour l'assister dans la réalisation des analyses juridiques, financières, fiscales et comptables nécessaires à sa mission de contrôle. La révocation de la convention est également sans effet sur les mesures de réparation qui auraient été exécutées en application de l'obligation prévue au 3°.
«  La prescription de l'action publique est suspendue durant le délai fixé dans la convention.
«  Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Exposé sommaire :

Le présent amendement a pour objet de réintroduire la forme de transaction pénale dénommée « convention de compensation d'intérêt public » que comprenait l'avant-projet, tout en tenant compte des observations du Conseil d'Etat. En particulier, cette transaction ne serait possible que pour les cas de corruption à l'international, pour lesquels le Conseil d'Etat a admis dans son avis que « les avantages résultant de la mise en œuvre de cette procédure paraissent (…) l'emporter sur les inconvénients ».

En effet, l'exercice de poursuites pénales « classiques » se heurte, dans les dossiers internationaux, à la difficulté de rassembler les preuves. Il existe certes des mécanismes de coopération judiciaire internationale qu'il faut, dès qu'on le peut, activer en priorité, car ils sont plus respectueux des souverainetés nationales et de l'égalité entre les Etats. Mais il faut aussi admettre qu'ils sont inopérants dans certains cas : imaginons une entreprise mise en cause pour avoir versé plus de 100 millions de dollars, de manière récurrente sur plusieurs années, à la fille du président « inamovible » (réélu avec des scores « soviétiques » depuis un quart de siècle) d'un pays d'Asie centrale. Qu'il existe ou non une convention d'entraide judiciaire avec un tel pays, qui peut penser qu'une commission rogatoire destinée à y recueillir des éléments déboucherait sur des résultats concrets ? Mais d'autres méthodes, reposant sur la coopération de l'entreprise elle-même dans sa propre incrimination et sa reconnaissance des faits dans le cadre d'une transaction, ont fait dans ce cas de figure la preuve de leur efficacité : il y a quelques mois, les administrations américaine et néerlandaise se sont partagé une amende transactionnelle proche de 800 millions de dollars acceptée par l'entreprise Vimpelcom pour avoir précisément commis les faits susmentionnés.

Un autre argument pratique plaide en faveur d'un tel dispositif : le présent projet de loi, que l'on en soit ou non satisfait, représente une forme d'alignement sur le système américain de répression de la corruption, d'une part pour des raisons d'efficacité, d'autre part dans l'espoir d'établir pragmatiquement un modus vivendi avec les autorités américaines et leur pratique agressivement extraterritoriale dans ce domaine – rappelons que quatre grandes entreprises françaises ont été contraintes, depuis 2010, à verser aux autorités américaines des amendes pour corruption internationale, pour un total de plus de 1,6 milliard de dollars ainsi prélevés sur la collectivité « France » au profit de la collectivité « Amérique ». Or, des exemples montrent que ces autorités américaines, lorsqu'elles constatent que telle ou telle justice européenne agit efficacement dans un dossier, sont prêtes, soit, exceptionnellement, à renoncer à leurs propres poursuites au bénéfice de celles du pays européen en cause, soit, plus souvent, à agir conjointement de sorte de se partager en quelque sorte l'amende finale. Mais pour que ces pratiques coopératives soient possibles, il faut un certain parallélisme des délais de procédure, des sanctions encourues et des méthodes employées : cela n'est possible qu'avec l'établissement d'une forme de système transactionnel.

Ajoutons enfin que, pour le meilleur ou pour le pire, le système transactionnel est déjà largement utilisé en France à la place de procédures pénales dans un domaine, celui du contentieux fiscal et douanier, et il s'agit en l'espèce de transactions administratives non publiques. Il est donc excessif d'affirmer que le système transactionnel serait étranger à notre système juridique. La « convention de compensation d'intérêt public » ici proposée présentera au moins l'avantage d'être établie dans un cadre judiciaire, validée par un magistrat du siège et rendue publique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.

Inscription
ou
Connexion