Déposé le 4 juin 2016 par : M. Lellouche, M. Olivier Marleix, M. Fromion, M. Martin-Lalande, M. Terrot, M. de La Verpillière, M. Perrut, M. Myard, M. Le Mèner, M. Gilard, M. Ledoux, M. Hetzel, M. Viala, Mme Grosskost, M. Morel-A-L'Huissier, M. Scellier, M. Tétart, Mme Vautrin, M. Gandolfi-Scheit, M. Cochet, M. Thévenot, M. Furst, M. Gérard, M. Decool, M. Moreau, M. Voisin.
La loi n° 68‑678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères est ainsi modifiée :
1° Après l'article 2, il est inséré un article 2bis ainsi rédigé :
« Art. 2 bis. – Lorsque des personnes physiques ou morales françaises, ou qui résident habituellement ou exercent habituellement une activité sur le territoire français, doivent, en application d'un accord qu'elles ont passées avec une autorité étrangère ou suite à une condamnation prononcée par une juridiction étrangère, communiquer à une autorité étrangère, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique, cette communication est faite avec l'accord et par le biais de l'autorité administrative. »
2° L'article 3 est ainsi rédigé :
« Art. 3. – Sans préjudice de l'application d'autres dispositions de la loi pénale, les infractions aux dispositions de la présente loi sont punies d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 125 000 euros. Lorsque la condamnation est prononcée à l'encontre d'une personne morale, l'article L. 131‑38 du code pénal et les peines complémentaires prévues à l'article L. 131‑39 du même code sont applicables. En outre, l'amende peut être portée au millième du chiffre d'affaires, ou le cas échéant du produit net bancaire, moyen annuel de la personne morale sur les trois derniers exercices connus à la date de la condamnation. Lorsque la personne morale établit des comptes consolidés ou appartient au périmètre de consolidation d'une autre personne, c'est le chiffre d'affaires, ou le cas échéant le produit net bancaire, consolidé part du groupe qui est pris en compte pour la détermination de l'amende. »
Les autorités judiciaires et administratives américaines ont depuis longtemps des lois mais aussi des pratiques agressivement extraterritoriales. Elles ont ainsi pris l'habitude, dans le cadre de procédures judiciaires, de solliciter directement le concours de personnes ou d'entreprises étrangères, qu'elles contraignent à coopérer sous menace de poursuites ou de sanctions administratives, plutôt que de recourir à l'entraide judiciaire interétatique classique. Cela a amené la France à adopter en 1968 et renforcer en 1980 une loi dite de « blocage » interdisant à nos entreprises de céder à ces pressions. Plus récemment, les États-Unis ont adopté en 2010 la loi dite FATCA qui oblige les banques étrangères à leur transmettre directement, à des fins fiscales, les données des comptes des citoyens américains : là-aussi la démarche unilatérale a été préférée à la coopération interétatique classique et les « accords FATCA » bilatéraux passés depuis n'ont fait que donner un vernis de coopération interétatique à cette situation. C'est ainsi que la France a signé en 2013 un accord qui retranscrit mot à mot les obligations de la loi FATCA, cela sans réciprocité réelle pour l'administration fiscale française : celle-ci est donc transformée en annexe du fisc américain.
Par ailleurs, là-aussi en s'appuyant sur leurs législations extraterritoriales, les autorités américaines ont imposé à nombre d'entreprises européennes, non seulement de lourdes amendes, mais en outre de se soumettre pour plusieurs années à des programmes de monitoring impliquant la transmission à ces autorités de nombreux renseignements relatifs à la vie interne de ces entreprises. Ainsi, au nom de la morale et d'objectifs louables, comme la lutte contre la corruption, un système d'espionnage économique organisé est institué !
Face à l'unilatéralisme et à l'extraterritorialité agressive des États-Unis, l'Union européenne avait en 1996 réagi elle aussi en adoptant une sorte de règlement de blocage interdisant aux entreprises européennes de se soumettre à deux lois américaines abusivement extraterritoriales concernant Cuba, l'Iran et la Libye. Le rapport de force établi grâce à ce texte (et à une saisine de l'OMC) avait conduit à un compromis où le gouvernement américain neutralisait de fait l'essentiel des dispositions extraterritoriales les plus gênantes.
Les « lois de blocage » constituent une réaction qui peut être efficace non seulement pour des raisons politiques, mais aussi juridiques : elles donnent aux entreprises pressées par des administrations ou la justice américaines une « excuse de légalité » leur permettant de refuser de céder à leurs demandes, au motif que ce serait contraire à leur loi nationale. Encore faut-il que ces lois soient crédibles, notamment en prévoyant des sanctions dissuasives.
Le présent amendement vise donc à renforcer substantiellement les sanctions prévues en cas de non-respect de la loi de blocage française, actuellement plafonnées à six mois de prison et 18 000 euros d'amende. L'amende pourrait notamment être portée, pour les entreprises, au millième de leur chiffre d'affaires, donc à plusieurs dizaines de millions d'euros pour les plus importantes.
Par ailleurs, l'amendement vise à encadrer le monitoring imposé dans le cadre des transactions pénales américaines : toute transmission de données doit se faire par le biais de l'administration française.
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