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... Si on lui avait garanti que quelqu’un l’accompagnerait, elle aurait vécu deux ou trois ans de plus. Ces propos me font douter du suicide assisté – et nous sommes certainement nombreux dans ce cas. Pourra-t-on assurer l’universalité de cette pratique, faire en sorte que tout le monde soit à égalité, alors qu’aujourd’hui, nous n’assurons déjà pas à chacun d’entre nous la possibilité de mourir sans souffrance ? Je ne le pense pas. En tout cas, cela n’est pas garanti. La mise en oeuvre de ce qui serait incontestablement un droit individuel nouveau pose des difficultés considérables. Or notre rôle consiste à légiférer pour l’ensemble de nos concitoyens, non pour des cas particuliers. Ce texte, qui a attendu dix ans, émane de la volonté du Président de la République. Il a été accepté en première lectur...
...hées. Au contraire, ils ont essayé de trouver la manière la plus équilibrée possible de répondre à l’invitation du Président de la République et à la mission qu’il leur avait confiée. J’ai entendu qu’il fallait soulager la douleur et délivrer les patients d’un traitement que, pour une raison ou une autre, ils ne supportent plus. J’ai entendu que la pratique de la sédation servirait à empêcher la souffrance des patients, en cas de douleurs réfractaires. Mais tout cela figure déjà dans la loi. Que modifie cette proposition par rapport à la loi de 2005 ? Trois éléments se trouvent modifiés, qui avaient justifié ma position lors du vote en première lecture. La première modification concerne le caractère irréversible de la sédation. La sédation, bien que n’étant pas en elle-même une pratique à caractè...
...i, il n’en est plus de même. On parle « d’altération profonde et continue jusqu’au décès, associée à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation afin de ne pas prolonger inutilement la vie ». Il s’agit en fait de faciliter l’accès à une forme d’euthanasie passive. Au-delà de l’impossibilité de définir juridiquement l’ « utilité » ou de la « dignité » d’une vie, le fait que le texte englobe les souffrances physiques et psychiques ouvre la voie à de graves dérives. Avons-nous envisagé l’intolérable pression qui s’exercera demain sur beaucoup d’autres personnes vulnérables qui, face à leur perte d’autonomie, auront le sentiment d’être une gêne pour leur entourage ? Ne seront-elles pas poussées à demander la mort devant le reflet que leur renvoie une société les considérant comme « inutiles » ou « i...
Il ne s’agit plus de soulager la souffrance mais bien de provoquer ou d’accélérer la mort. Si cette loi est votée aujourd’hui – et j’en prends date avec vous –, on s’attaquera demain, comme c’est le cas dans d’autres pays, à l’euthanasie des enfants atteints d’une maladie incurable, puis, ce sera le tour des handicapés dont la vie n’est pas immédiatement menacée mais dont la dignité et l’utilité sont remises en cause par la société au mêm...
... de garder le contact avec les siens tout en étant apaisé. Les soins palliatifs, marginalisés dans votre proposition, sont pourtant la meilleure solution afin de préserver cette dignité qui nous est chère sur ces bancs. Les services palliatifs sont encore trop peu développés en France, tout le monde s’accorde à ce propos : 80 % des médecins ne sont pas formés aux techniques de soulagement de la souffrance et les unités de soins palliatifs se concentrent dans seulement cinq régions métropolitaines. Le texte, néanmoins, ne propose rien pour pallier ces carences. Votre proposition de loi n’a pas choisi cette voie mais celle de la généralisation de la sédation profonde qui, conséquemment, entraîne l’accélération de la mort. C’est la voie de la facilité et des économies qui triomphe de la solidarité l...
...ncées indéniables, mais mesurées. Nous pouvons remercier les rapporteurs, car chaque terme a été pesé et soupesé. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis 1999, avec la loi de 2002, puis celle de 2005. Mais il demeure dans notre pays une insupportable distorsion entre les textes et la réalité, et le phénomène prend de l’ampleur : une personne sur trois, en France, traverse une fin de vie dans la souffrance et ne bénéficie d’aucun traitement sédatif ou antalgique. Force est de reconnaître que les inégalités face à la fin de vie reflètent les inégalités sociales et les inégalités territoriales du pays. Chacun pressent bien qu’une nouvelle étape doit être franchie. Devant cette situation, le Président de la République a fait le choix, que je salue, d’un débat approfondi et de la recherche d’un rasse...
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, penser la fin de vie nous amène à la redoutable question du rapport de l’homme à la souffrance et à la douleur, pour soi et pour autrui. Que de questions sur le sens de la vie et de la mort ! La fin de vie est un temps hors du temps qui n’a plus de mesure, trop court pour certains, car on ne veut pas se séparer, trop long pour d’autres puisque la mort est certaine et qu’il faut en finir. La question de sens ou de l’absence de sens de ces derniers moments de vie nous interpelle. Il n’y a pa...
...nce qui lie le médecin et le patient. Le dialogue et la concertation sont indispensables. J’attache aussi beaucoup d’importance au statut du témoignage de la personne de confiance et de la famille. La mort doit être un moment qu’il faut préparer, puis vivre et partager avec ses proches. Vous créez un droit à la sédation profonde jusqu’au décès, avec pour but de soulager le malade en situation de souffrance insupportable, en phase avancée ou terminale. Une telle disposition appelle toutefois à la vigilance dans sa mise en oeuvre. On peut aussi s’interroger sur l’article 3 du texte et cette phrase : « À la demande du patient (…) de ne pas prolonger inutilement sa vie ». Comment définir ce mot « inutilement » ? Comment juger si une vie est utile, et jusqu’où ? L’utilité d’une vie est-elle le critère ...
...acun sera confronté dans sa vie, qu’il s’agisse de lui-même, de sa famille ou de ses amis. C’est un fait : s’il est question de choix de société, il est aussi question d’intime et d’inconnu. Personne ne peut avoir de certitude inébranlable avant d’affronter la fin de sa vie. Personne ne peut planifier froidement le moment où ses derniers contacts avec l’autre seront conjugués et subordonnés à la souffrance. Parce qu’il s’agit d’une épreuve face à laquelle chacune et chacun d’entre nous réagit à sa manière, nos concitoyens n’attendent pas de nous un choc exacerbé entre deux positions qui seraient caricaturales : d’une part, ceux qui voudraient médicaliser et légaliser un droit au suicide et d’autre part ceux qui voudraient que la vie ne tienne aucun compte de souffrances insupportables. Ce que nos ...
La fin de vie est en soi une épreuve suffisamment difficile pour qu’elle ne soit pas alourdie par le mal mourir. Le développement de la médecine ne doit pas être destiné à accroître le nombre de jours de souffrance. Mais il ne doit pas non plus amputer la personne malade de derniers instants, lorsque ceux-ci peuvent être apaisés. La seconde garantie, c’est le respect de la parole et de la situation du malade. C’est le sens du droit à la sédation profonde et continue proposé dans le texte, avec des garde-fous : pour que le traitement cesse, il faut que le malade subisse des symptômes réfractaires et que tou...
...ons des droits nouveaux. Ce point peut nous paraître à juste titre évident, mais ne banalisons pas l’évidence. Ouvrir des droits nouveaux est toujours un acte fort, qui mérite le respect. Je tenais à le dire ici avec solennité et fraternité. Soyons réalistes : nos concitoyens souhaitent avant tout mourir dans l’apaisement, conformément à leur volonté, accompagnés jusqu’au bout, soulagés de leurs souffrances, et surtout en restant le plus possible maîtres de leur vie. L’ouverture de ces droits nouveaux, qui revient aussi à « faire du droit », était devenue nécessaire, pour des raisons déjà parfaitement démontrées par les précédents orateurs : les effroyables inégalités qui existent entre les Français en fin de vie, à domicile, en établissement hospitalier ou en établissements d’hébergement pour per...
La question qui nous réunit aujourd’hui est une question délicate, qui nécessite beaucoup d’humilité et qui suppose de rester apaisé, à l’écoute de l’autre et de ses souffrances. Méfions-nous des coups de projecteur braqués sur telle ou telle situation individuelle que l’on voudrait généraliser, car chaque vie est singulière. Cela étant, nous voici au pied du mur : faut-il revoir la loi Leonetti, dont je salue ici l’auteur ? Pour ma part, je reste très attaché à cette loi de 2005, loi d’équilibre qui autorise déjà la sédation sous certaines conditions et reconnaît déj...
...est présentée : garantir à chaque personne, lorsqu’elle achève sa vie, d’être entendue et de voir son choix jusqu’au bout respecté – c’est un principe de liberté. Veiller à ce que les personnes en fin de vie, quels que soient le territoire où elles résident, leurs ressources et l’affection dont elles souffrent, puissent accéder aux mêmes soins – c’est un principe d’égalité. Apaiser et épargner la souffrance physique et psychologique des personnes en fin de vie – c’est un principe de fraternité. Liberté, égalité, fraternité, disais-je : oui, ce texte s’inscrit dans ce qui fonde notre République. Il constitue une réforme ambitieuse, en commençant par organiser mieux le recueil et la prise en compte des directives anticipées qui, alors qu’elles doivent exprimer la volonté de la personne quant à sa fin...
...sédation profonde et continue jusqu’au décès est limité. Celle-ci reste un traitement exceptionnel, réservé au malade atteint d’une maladie incurable, avec un pronostic vital engagé à court terme et souffrant de symptômes physiques ou psychologiques réfractaires, qui ne peuvent donc être soulagés autrement. Ce traitement exceptionnel a vocation à soulager et non à tuer. Seul un soulagement de la souffrance est recherché, excluant donc la provocation intentionnelle de la mort. Il s’agit de dormir avant de mourir, pour reprendre l’expression employée par Jean Leonetti, et de dormir plutôt que de souffrir. Le caractère contraignant des directives anticipées n’est pas absolu. Le médecin peut décider de ne pas les appliquer, en cas d’urgence vitale ou si elles sont manifestement inappropriées. Dans ce ...
...la sédation profonde qui est prévue dans le texte ; il ne s’agit pas non plus de l’imposer à qui que ce soit : il s’agit simplement de proposer une voie supplémentaire, un choix plus large afin que, encore et toujours, le patient puisse réellement choisir entre l’ensemble des moyens qui s’ouvrent à lui. Les Français sont très nombreux à réclamer que la loi autorise les médecins à mettre fin sans souffrance à la vie des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables. Cette demande est légitime et c’est notre devoir de législateur que d’ouvrir et d’encadrer les possibilités de choix. Chacun ici connaît des histoires dans son entourage, chacun a sa propre expérience. Il n’est pas question ici de légiférer pour des cas individuels ou de personnaliser le débat, mais il est essentiel que c...
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, nous abordons ce soir un phénomène universel, dans le sens où il advient à tous et en tout temps. C’est aussi un fait divers, on l’a encore constaté ce matin, qui, s’il se produit chaque jour, n’en reste pas moins à chaque fois une tragédie et une souffrance, pour les familles mais aussi pour ceux qui sont dans cette phase agonique, et c’est ce que nous voulons combattre ce soir. Je voudrais tout d’abord vous remercier l’un et l’autre, messieurs les rapporteurs, vous qui, de sensibilités politiques différentes, avez su faire preuve d’une compréhension mutuelle assez rare pour être soulignée. C’est elle qui vous a permis de cheminer, sans fuir les pe...
...vrez-le de cette crainte, et vous le rendez libre. » Comme tout homme, je souhaite partir sans souffrir, sans m’en rendre compte et, bien sûr, le plus tard possible. Est-ce que, face à la douleur, à l’angoisse de l’au-delà, à la perte d’autonomie, je ne demanderai pas à en finir ? Est-ce que, confronté de nouveau à l’agonie douloureuse d’un proche, je ne demanderai pas à ce qu’on mette fin à ses souffrances ? Je n’ai presque que des incertitudes à opposer à ces questions, mais j’ai néanmoins une certitude : nous ne pouvons pas demander à un médecin d’utiliser ses compétences pour abréger la vie. La médecine n’est pas un bien de consommation dont le patient pourrait user à sa guise, même au prix de demandes réitérées. Depuis 1999, trois lois réglementent la fin de vie des patients. La dernière, la...
...des, mais aussi pour soulager la douleur. Je crois en votre sincérité, chers collègues Leonetti et Claeys, quand vous affirmez que la sédation profonde est un soin d’apaisement. Je m’opposerai en revanche à toutes les dérives visant à faire de ce texte un texte euthanasique. Que nos collègues médecins me permettent de citer ces phrases du serment d’Hippocrate : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. » Ce sont elles qui me serviront de guide tout au long de nos débats.
...n pas douter, l’objet de longs débats ? Certains le pensent, d’autres pas. Je lui consacrerai mon intervention. Mérite-t-il la place la place cardinale qu’on lui attribue ? Je le crois et je m’appuierai pour le démontrer sur la lecture de ses deuxième et troisième alinéas. Un patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme, qui présente une souffrance réfractaire à l’analgésie, peut demander, pour éviter toute souffrance et ne pas prolonger inutilement sa vie, la mise en oeuvre d’une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie. Notre lecture de cet article doit être particulièrement attentive car tous l...
...ir des choix faits, des risques pris par les médecins. On couvre des praticiens, mais on s’inquiète aussi à la lecture des réactions et commentaires de certains. Notre inquiétude à nous aussi doit être prise en compte. L’alinéa 3 de l’article 3 a été évoqué, qui envisage la sédation pour le patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé et qui présente une souffrance réfractaire à l’analgésie. Mais que les rapporteurs m’autorisent à dire mon inquiétude à la lecture de l’alinéa suivant : elle serait possible aussi « lorsque la décision du patient, atteint d’une affection grave et incurable, d’arrêter un traitement, engage son pronostic vital à court terme. » Si je lis bien cette disposition, chers collègues, il s’agit d’arrêter un traitement parce que le pron...