Intervention de Ségolène Neuville

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSégolène Neuville, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, il existe un très grand décalage entre la réalité quotidienne du harcèlement sexuel et le nombre de plaintes déposées, sans parler du nombre de celles qui aboutissent. Rendez-vous compte : chaque année, pour 2 % des femmes actives victimes de harcèlement – et je prends le chiffre le moins élevé cité dans les études –, soit près de 300 000 personnes, seules mille plaintes sont déposées et 80 condamnations prononcées.

Dans ces conditions, le premier objectif de la délégation est de faciliter l'action des victimes car porter plainte pour harcèlement sexuel et faire aboutir cette plainte relève d'un vrai parcours du combattant. De ce point de vue, la délégation est satisfaite du texte tel qu'il est présenté aujourd'hui.

Nous avions proposé de supprimer dans la définition du délit assimilé les mots « ordres », « menaces » et « contraintes », car ils nous paraissaient trop proches des éléments constitutifs d'une agression sexuelle ou d'un viol. Cela faisait courir un risque – les associations nous avaient alertés – de déqualification des agressions sexuelles ou des tentatives de viol en simple harcèlement sexuel. Notre travail commun avec la commission des lois a permis que notre analyse soit prise en compte, ce qui nous satisfait.

Je me réjouis de ces avancées car nous sommes sur le point d'adopter un nouveau texte de loi, trois mois seulement après l'abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel. Nous ne devons cependant pas en rester là. Le texte de loi seul ne permettra pas de venir à bout du harcèlement sexuel.

J'en viens au deuxième objectif de la délégation : la prévention, l'information, l'éducation.

La priorité, mes chers collègues, c'est de faire évoluer les mentalités. Je ne vous citerai qu'un seul exemple, celui d'un magistrat qui, dans un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence de septembre 2011 – je dis bien 2011 car vous serez tentés de penser qu'il date d'il y a plus de trente ans – indiquait : « Cependant il est constant que ne sont pas considérés comme des actes de harcèlement sexuel des propos grivois à connotation sexuelle, la vantardise d'exercer un droit de cuissage, une simple tentative d'embrassade ou des plaisanteries lourdes dites gauloiseries ». Oui, mes chers collègues, la plaisanterie grivoise, décrite par certains comme une spécificité de la séduction à la française, qui peut devenir un véritable cauchemar si elle se répète et met toujours en cause la même personne.

Si nous voulons aller plus loin, il nous faudra parler des stéréotypes sexués, ces codes sociaux imposés aux femmes et aux hommes dès l'enfance. Car dans notre société, vous ne pouvez pas le nier, on demande aux petites filles d'être douces et jolies, et aux petits garçons d'être forts et entreprenants. Quelle femme ne cherche pas, à l'âge adulte, à être jolie, et quel homme à être fort ? Ces stéréotypes de genre imprègnent ensuite notre vie d'adulte et aboutissent aux inégalités que l'on connaît entre les femmes et les hommes.

Mes chers collègues, si nous voulons aller plus loin, si nous voulons diminuer efficacement et durablement le harcèlement sexuel et l'ensemble des violences faites aux femmes, il nous faut, dès l'école, déconstruire ces préjugés. Il nous faut former les professionnels, magistrats, policiers, professionnels de santé, travailleurs sociaux, à la réalité du harcèlement sexuel et des violences faites aux femmes. Il nous faut lutter contre les ambiances sexistes au travail. Il nous faut informer le grand public sur la réalité du harcèlement car beaucoup de victimes ne savent pas qu'elles peuvent porter plainte et certains harceleurs ne se doutent pas qu'ils commettent un délit. C'est pourquoi nous approuvons pleinement la campagne de sensibilisation sur les violences au travail prévue par la ministre des droits des femmes dès l'automne.

Comme vous pouvez le voir, mes chers collègues, la tâche est immense. Aujourd'hui, avec ce texte, nous franchissons une première étape. La délégation aux droits des femmes s'engage à poursuivre ce travail, notamment en dressant d'ici à quelques semaines un bilan de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes. De la même façon, dans un an, dans deux ans, dans trois ans, nous établirons un bilan de cette nouvelle loi sur le harcèlement que nous sommes sur le point de voter aujourd'hui, afin de vérifier que ce texte aura atteint ses objectifs, c'est-à-dire simplifier le parcours des victimes.

Madame la ministre des droits des femmes, je terminerai en vous disant, après Catherine Coutelle, que nous avons confiance en vous : vous pouvez compter sur nous, nous serons à vos côtés. Nous vous avons tellement attendue ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

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