Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, suite à l'abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, nous examinons aujourd'hui un texte visant à définir à nouveau ce délit. Pour faire face rapidement au vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel, ce projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée. C'est juste et légitime. Il y a urgence, puisque toutes les procédures en cours sont annulées ou requalifiées, et qu'il est interdit d'engager de nouvelles poursuites sur le fondement du texte abrogé.
J'aborderai un aspect du sujet dont j'ai assez peu entendu parler au cours des débats. Quand on parle de harcèlement sexuel, on pense souvent aux femmes, mais les hommes subissent aussi, dans une proportion surprenante, des pressions à caractère sexuel de la part de leurs collègues. Ce phénomène a récemment été mis en lumière par une étude menée par des chercheurs de l'université de Lausanne.
On estime que les hommes représentent 10 % des victimes de harcèlement sexuel. Pour les experts, ce chiffre est probablement minoré du fait du tabou qui entoure ce sujet. Les hommes ont plus de mal à admettre qu'ils ont été, ou se sont sentis, harcelés par les avances d'un ou une collègue. Ils peuvent aussi ne pas être pris au sérieux, comme c'est également trop souvent le cas pour ce qui est des violences conjugales.
D'une manière plus générale, quelques bonnes initiatives méritent d'être évoquées, comme la mise en place d'un numéro vert et d'une cellule de prise en charge des victimes de harcèlement sexuel par les services de psychiatrie des hôpitaux Tenon et Saint-Antoine à Paris. C'est une première en France dont on peut espérer que d'autres établissements s'en inspireront.
Après un mois d'existence, une trentaine de femmes ont déjà composé ce numéro vert. Les témoignages rapportés dans le cahier de liaison tenu par la secrétaire médicale chargée de prendre les appels révèlent leurs souffrances. J'en mentionnerai quelques-uns : celui de Cécile, professeur ayant subi des menaces et des allusions sexuelles de la part d'un collègue ; celui de Denise, harcelée par son voisin depuis qu'elle est veuve ; d'Anne, infirmière de nuit, harcelée sexuellement par un collègue ; de Marie, cadre dans une grande entreprise, ayant subi, comme certaines collègues, des attouchements de la part de son patron, et qui pleure de rage, une fois rentrée chez elle, face au mur du silence et à l'impossibilité de se rebeller ; le témoignage de Camille, aussi, qui a perdu son travail suite à un harcèlement sexuel et a fait trois tentatives de suicide...
Perte de l'estime de soi, troubles du sommeil, anxiété, dépression, idées, voire gestes, suicidaires, les victimes de harcèlement sexuel présentent des symptômes proches de ceux associés au stress post-traumatique. Agression souvent répétée, le harcèlement sexuel est une pathologie grave, qui peut détruire.
Je ne reviens pas sur les détails du texte que mes collègues ont longuement rappelés. Je suis globalement satisfait. Ce texte condamne aussi bien le chantage sexuel que les propos graveleux ou misogynes visant un ou une collègue. Ces situations peuvent devenir invivables pour certains de nos concitoyens, qui n'ont d'autre choix que de se taire, étant même considérés, dans le cas de propos prétendument humoristiques, comme des rabat-joie manquant d'humour.
Cette protection est également étendue aux stagiaires et personnes en formation. C'est une très bonne chose, car leur situation de précarité dans les entreprises ou les administrations les rend encore plus vulnérables.
J'ai déposé, avec certains collègues, des amendements de précision ou de clarification. Le texte précédent a été jugé trop flou : gardons-nous donc de retomber dans des formules trop générales.
J'estime, toutefois, que les atteintes à la dignité n'ont pas à être qualifiées. Le juge est tout à fait capable d'apprécier la réalité de ces atteintes, d'autant plus qu'il est déjà souvent difficile pour les victimes de harcèlement sexuel de prouver ce qu'elles supportent.
La référence à l'âge de quinze ans est également une erreur, à mon sens, bien que cet âge soit souvent un palier dans notre droit pénal. Les victimes mineures doivent toutes être considérées de la même manière : ce n'est pas parce qu'on a atteint la majorité sexuelle qu'on a moins de difficulté à se défendre face à un maître d'apprentissage, un professeur ou un autre élève.
Ce texte est indispensable, je le voterai donc, tout en vous suggérant de donner un avis favorable aux amendements de mes collègues Philippe Goujon et Jean-Frédéric Poisson. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)