Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le harcèlement sexuel est une survivance contemporaine du droit de cuissage, profondément intolérable dans une grande démocratie moderne. Il s'inscrit dans le champ, malheureusement plus large, des violences faites aux femmes, ce véritable fléau qui mine notre société. Évidemment, d'un point de vue juridique, la censure du Conseil constitutionnel s'avérait un mal nécessaire. Mais, au motif, d'ailleurs fort légitime, que la rédaction en vigueur ne définissait pas avec une précision suffisante les éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel, le Conseil constitutionnel a opté pour la forme la plus brutale d'abrogation. Sa décision a pris effet immédiatement et totalement, et elle s'applique à toutes les affaires non jugées à la date de sa publication. En fait, c'est un véritable remède de cheval qui a été appliqué au texte jugé malade. Les sages avaient su adopter une position infiniment plus souple sur la censure de certaines dispositions de la loi sur les OGM. Oserait-on en déduire que les plantes transgéniques méritent plus de considération que les victimes du harcèlement ? Bien évidemment, je force le trait !
On mesure le désarroi et le sentiment d'injustice que ressentent toutes les victimes qui avaient eu le courage de prendre la décision, souvent difficile, de porter plainte pour harcèlement sexuel et qui s'étaient engagées dans un long et pénible parcours judiciaire dans l'espoir que justice leur soit rendue. Une telle situation nous oblige à réagir en urgence, notamment envers toutes celles, mais aussi tous ceux, qui se retrouvent privés de recours et de protection. Aussi, je me réjouis que le nouveau gouvernement tout juste nommé se soit montré à la hauteur de l'enjeu en s'appuyant sur la procédure accélérée pour combler au plus vite ce terrible vide juridique. Je ne doute pas que nous parvenions, avec toute la bonne volonté qui se manifeste autour de ce grave problème, à un règlement non seulement rapide, mais aussi satisfaisant en termes juridiques.
Cela dit, nous ne pouvons pas nous en tenir là, car, quelle que soit l'efficacité du futur dispositif répressif que nous mettrons en place, il est patent, au vu des éléments épars issus des rares enquêtes sur le sujet, que l'ampleur du harcèlement sexuel dépasse de très loin les quelques centaines d'affaires qui connaissent une traduction judiciaire chaque année. Le phénomène est très largement sous-estimé et personne ne peut, en effet, sérieusement penser, madame la garde des sceaux, madame la ministre des droits des femmes, que seules quelques centaines de femmes sont harcelées sexuellement chaque année en France, aujourd'hui.
À ce titre, l'absence d'une politique publique nationale d'évaluation en ce domaine n'est plus tolérable. Comment combattre ces agissements sans se donner les moyens de mieux les cerner ? C'est pourquoi je me joins à tous ceux et celles qui, sur les bancs de cette assemblée, au sein du Gouvernement, souhaitent la mise en place d'un observatoire national des violences envers les femmes. Cela nous permettrait de prendre, enfin, la mesure réelle du phénomène. Je me réjouis, donc, que vous-même, madame la ministre des droits des femmes, vous soyez récemment déclarée ouverte à la création d'un tel observatoire national.
Je vous félicite également de votre projet de lancement d'une campagne de sensibilisation sur le sujet qui nous mobilise aujourd'hui. Il nous faut impérativement mieux informer, mieux alerter et mieux sensibiliser. C'est ce que l'on peut appeler également la prévention, cette même prévention qui nous permettra de faire reculer ce fléau. Je vous suggère de lancer cette campagne autour de la date du 25 novembre, qui est, comme chacun le sait, la journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes. Je rappelle qu'aux termes de la loi du 9 juillet 2010, et sous l'impulsion du sénateur Courteau, le 25 novembre a, en effet, été institué comme journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes.
C'est bien la société dans son ensemble qu'il faudra faire évoluer sur ces questions. Et quel meilleur moyen de s'attaquer à ces causes que de sensibiliser dès le plus jeune âge, c'est-à-dire dès l'école, puis au collège et au lycée, les jeunes à la notion de respect et d'égalité entre garçons et filles et à la nécessité de lutter contre les préjugés sexistes, les discriminations et les violences faites aux femmes. Je rappelle, d'ailleurs, que de telles dispositions figurent bien dans la loi du 9 juillet 2010. Peut-être faudrait-il donner des instructions en ce sens aux chefs d'établissements scolaires pour que cette mesure soit véritablement appliquée. Il est regrettable que de telles instructions n'aient pas été données, par le passé, par le précédent gouvernement.
Pour conclure, ma conviction, vous l'aurez compris, c'est que la prévention est plus qu'un dispositif complémentaire et subordonné. Elle est le coeur de la lutte, la seule solution pour sortir durablement les victimes de l'ornière du silence et de l'isolement, terreau de tous les agissements méprisables évoqués aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)