Cet amendement correspond à un vrai sujet, que nous avons déjà abordé tout à l'heure, celui de l'échelle des peines dans l'ensemble du code pénal, donc de l'importance – j'allais presque dire de la pondération, du coefficient – que nous accordons à la protection de la personne et à celle des biens.
Nous avions le choix entre deux niveaux de cohérence possibles. Nous pouvions envisager les choses du point de vue de la cohérence d'ensemble du code du pénal, auquel cas il aurait fallu fixer une peine supérieure à toute atteinte aux biens, ou en tout cas à peu près équivalente dans l'échelle des peines. L'autre choix, c'est celui que nous avons retenu, était la cohérence à l'intérieur des agressions sexuelles.
Si nous avions choisi la cohérence dans l'ensemble du code pénal, nous nous serions heurtés à une difficulté que j'illustrerai par deux exemples de textes récents. La loi du 15 juillet 2008 a aggravé la peine maximale punissant la dégradation d'un bien dans un lieu dépendant d'une personne publique, en la portant de trois à sept ans. La loi du 14 mars 2011 a aggravé la peine maximale punissant le vol commis dans un local destiné à l'entrepôt de fonds – c'est une circonstance touchant à des biens, qui précise un délit touchant lui aussi à des biens – en la portant de trois à cinq ans. C'est cela, le désordre dans le code pénal dont je parlais tout à l'heure !
Mais alors, si je considère – et je considère – que le harcèlement sexuel est, en raison des effets dévastateurs qu'il a sur la victime, d'une gravité bien supérieure à la dégradation d'un bien dans un lieu dépendant d'une personne publique, je devrais, si je me plaçais du point de vue de la cohérence d'ensemble du code pénal, le punir d'une peine de plus de sept ans.
Sauf que votre amendement ne réaménage pas toutes les peines d'infraction sexuelle. Si vous faisiez cela, on pourrait peut-être dire que c'est intempestif, mais au moins ce serait cohérent. Mais ce n'est pas ce que vous faites. Vous aggravez la peine uniquement pour le harcèlement sexuel. Or je vous rappelle l'échelle des peines en ce qui concerne les infractions sexuelles : l'exhibition sexuelle, c'est un an d'emprisonnement : le harcèlement, c'est deux ou trois ans, selon qu'il y a ou non des circonstances aggravantes ; les agressions sexuelles ou les atteintes sexuelles sur mineur, c'est cinq, sept ou dix ans ; et le viol, c'est quinze, vingt ou trente ans, selon qu'il y a ou non des circonstances aggravantes. Autrement dit, vous demandez aujourd'hui que seule la peine sanctionnant le harcèlement sexuel soit alourdie, sans considérer les agressions sexuelles plus graves.
Je le répète, il y a un travail de fond à faire, non pas simplement sur la base mécanique de l'échelle des peines, mais sur la base de la conception que nous avons de la gravité des atteintes aux personnes et des atteintes aux biens. Nous ne pouvions pas faire ce travail de cohérence sur l'ensemble du code pénal, comme le montrent ne serait-ce que les deux exemples que je vous ai cités. Nous avons choisi de le faire à l'intérieur des infractions sexuelles.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le député, malgré la bonne intention qui est la vôtre, nous émettons un avis défavorable à votre amendement.