Cet amendement vise à créer les crimes d'esclavage et de servitude, et à les introduire dans le code pénal français. Il y a plusieurs raisons à cela : une obligation négative, à l'égard de l'État français, et une obligation positive.
Ce que j'appelle l'obligation négative, c'est le constat que le droit français est actuellement insuffisant. Les deux dispositions pouvant éventuellement traiter des situations en lien avec l'esclavage sont les articles 225-14 et 225-13 du code pénal. Le premier concerne le travail et l'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, le second la fourniture de services non rétribués à la hauteur du travail fourni. Il faut prouver la vulnérabilité et l'état de dépendance de la victime ; c'est un niveau d'exigence relativement élevé, s'agissant qui plus est d'un délit, avec une peine assez faible de cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
Avec l'esclavage et la servitude, nous passons dans le domaine du crime. L'article 2 du présent texte fait désormais référence à l'esclavage, puisqu'il transpose la directive européenne concernant la traite des êtres humains, mais sans le définir précisément, ce qui contrevient au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, fragilisant ainsi le texte et l'exposant à un risque de question prioritaire de constitutionnalité.
Enfin, et surtout, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, de manière honteuse pour nous, récemment encore, puisque le dernier arrêt remonte à octobre dernier, la Cour ayant considéré que la législation française était insuffisante au regard des exigences du droit européen et du droit international, car notre code pénal ne comporte que les dispositions précitées concernant les conditions de travail ou d'hébergement.
Pour l'ensemble de ces raisons juridiques, sans même parler des raisons politiques et symboliques, je vous saurai gré, madame la garde des sceaux, d'accepter d'intégrer dans le code pénal français ce crime d'esclavage.