Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun ici est parfaitement convaincu de l'importance des mots et de l'influence du verbe sur la nature des relations sociales, sur le bien-vivre ensemble, tout simplement. Tout autant qu'une expression bien sentie a la force d'apaiser un climat social, une expression inopportune a le pouvoir de mettre le feu aux poudres et de détruire en quelques instants ce qu'un temps long aura été nécessaire à construire.
Puisque notre majorité – comme elle s'y est engagée – se fait fort de construire, pas à pas, un climat social empreint de justice et respect, il nous revient de ne rien laisser de côté, de ne rien minimiser qui puisse nuire à cet impératif consistant à vivre ensemble : harmonieusement et justement.
Le sujet qui nous mobilise aujourd'hui est de ceux-ci : il est grand temps de supprimer le mot « race » de notre législation. Au-delà du fait qu'il s'agit du strict respect de nos engagements, cette suppression est tout aussi nécessaire politiquement que juridiquement.
Nécessaire politiquement et, j'ose le dire, légitime, parce qu'il faut combattre les comportements viciés qui tentent d'empoisonner notre pays : violences racistes, actes antisémites, discriminations à l'embauche. Chaque jour enrichit un bréviaire de la haine ordinaire.
Nous ne devons laisser subsister ni dans l'esprit de nos textes ni dans leur forme la prétendue existence de races. Notre éducation, notre culture, nos métissages et les moyens qui sont les nôtres pour communiquer et échanger devraient nous prémunir de la peur et de l'ignorance. Ce n'est pas le cas, et le texte que nous nous apprêtons à voter doit être tout autant un symbole qu'un outil du combat contre ces deux fléaux. Il renforcera nos convictions.
Nécessaire juridiquement ensuite, car l'application du droit sera d'autant plus efficace et juste que ses références, ses attendus, seront en phase avec la société qu'elle a pour ambition d'encadrer.
Nous combattons la xénophobie avec force, nous disposons de lois antiracistes, et pourtant nos textes ne montrent pas l'exemple. Parler de « race », c'est catégoriser et hiérarchiser. C'est admettre implicitement que certains ont des caractéristiques physiques et morales supérieures en raison du soleil sous lequel ils sont nés. Nettoyer notre législation de ce mot, c'est ainsi démontrer par l'exemple que la lutte contre le racisme se mène contre les théoriciens et les théories du racisme. Ainsi, nous contribuons à lever toute ambiguïté : les « races » n'existent pas, notre loi n'en reconnaît aucune.
Les forces républicaines de notre pays, celles qui ne fondent pas leur action et leur discours politique sur la haine de l'autre et l'amalgame, se battent à chaque instant contre la xénophobie. Cette proposition de loi, si elle est adoptée, ce dont je suis sûre, sera leur victoire, comme l'ont été les lois de lutte contre les discriminations de 2001.
Cette loi est pour ces forces l'occasion de démontrer qu'elles ne céderont rien sur le plan de leurs exigences démocratiques ni de leurs valeurs.
Notre majorité ne saurait tolérer que les mots blessent, que les mots heurtent ou divisent. Si notre préoccupation permanente est d'initier et voter des politiques et dispositifs qui oeuvrent à plus d'harmonie et de justice sociale, il convient de porter une grande attention aux mots qui sont le bras pacifiquement armé de notre philosophie politique.
Habitant une ville qui a donné à son centre social et culturel le nom d'Aimé Césaire, j'aurais pu terminer mon propos en le citant, mais je reprendrai plutôt les mots de Jean Jaurès : « Au fond, il n'y a qu'une seule race, l'humanité. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)