L'inscription du terme « race » dans notre législation est non seulement scientifiquement infondée et juridiquement inopérante, mais surtout humainement inadmissible et choquante.
Polysémique et foisonnant, le mot « race » est dangereux par son indétermination, mais aussi par son rôle de support idéologique. Du fait de la classification qu'il induit, son utilisation historique et politique a trop longtemps permis de présenter un ordre des valeurs justifiant, soi-disant scientifiquement, l'inacceptable.
À l'heure où la peur de l'autre comme les assimilations grossières et insultantes font florès, à l'heure où les nouveaux réactionnaires banalisent un discours justifiant les inégalités de tous types, ce texte ne se contente pas de détruire une expression historiquement dépassée, il marque une véritable rupture en affirmant que le mot « race » n'a pas de place dans notre République car nous ne connaissons qu'une seule race, une seule famille, la famille humaine.
La suppression de ce terme s'inscrit par ailleurs dans la droite ligne de notre tradition constitutionnelle républicaine qui vise depuis 1789 à nier le concept même de différence naturelle, de différence par la naissance ou par la généalogie. L'apparition subreptice de ce terme dans le droit positif, puis dans la Constitution, est purement conjoncturelle et historiquement datée. Aujourd'hui, en 2013, je suis fière d'appartenir à une majorité qui met fin à cet anachronisme durement ressenti par certains et qui proclame à nouveau l'égalité entre les hommes.
En 2003 puis en 2007, des propositions de loi ont été déposées par la gauche, mais à chaque fois la droite a refusé de les voter, arguant que cette suppression risquerait de faire régresser la lutte contre les discriminations. Je dis aujourd'hui à cette droite que, même si ce terme avait une importance juridique dans notre arsenal législatif, tout juge pourrait et devrait toujours condamner les comportements ou actes à caractère raciste.
Je suis naturellement consciente que ce texte ne supprimera malheureusement pas les discours et actes xénophobes. Je suis cependant fière qu'il ôte au mot « race » toute la légitimité qu'il pourrait puiser dans notre droit positif car en effet, lorsque la loi interdit d'établir une distinction selon « la race », elle légitime paradoxalement, par simple raisonnement à rebours, l'opinion selon laquelle il existe des « races distinctes ».
C'est donc en tant que républicaine que je tiens à remercier les parlementaires de la majorité qui ont enrichi et consolidé ce texte lors de leurs travaux en commission.
J'aimerais que l'on aille plus loin que l'acte symbolique et crucial que notre assemblée s'apprête à prendre aujourd'hui en exprimant mon souhait que notre Parlement et notre gouvernement aillent, dans les prochains mois, au bout de leur logique. J'espère en effet que le terme de « race » sera au plus vite, et conformément aux engagements du Président de la République, ôté de notre Constitution.
On comprend aisément les raisons pour lesquelles, au lendemain de l'horreur de la seconde guerre mondiale, le préambule du projet de Constitution de 1946 avait introduit ce mot. On comprend beaucoup moins que le constituant de 1958, puis le législateur, aient conservé ce terme. Si nous le supprimons de notre législation, il me semble naturel, logique et important de le supprimer du texte qui fonde les bases de nos valeurs communes et de notre démocratie.
Je suis heureuse que ce texte soit voté au mois de mai, mois du souvenir chez nous, période de grande commémoration en outre-mer, mois durant lequel nous, descendants d'esclaves, nous célébrons les grandes avancées démocratiques et humaines de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)