Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous sommes sur le point de voter en dernière lecture un texte important pour l’indépendance de l’audiovisuel public. Ce texte marque clairement la fin d’une tradition française obsolète, je veux parler de l’ingérence du pouvoir politique dans les médias.
Depuis 1944, de nombreux responsables politiques ont considéré que l’organisation de la presse ou de l’audiovisuel relevait naturellement de leurs prérogatives, effrayés sans doute de voir éclore une liberté de pensée et de réflexion mise à la portée de chaque citoyen, d’où qu’il vienne. Nous pouvons être fiers de la rupture que nous opérons aujourd’hui, en votant ce texte, avec les habitudes précédentes. Il s’agit aussi d’une rupture – cela a déjà été noté – avec la réforme de 2009 voulue par le président Nicolas Sarkozy. Cette réforme s’apparentait à ce qui se fait chez nos voisins européens – pour n’en citer qu’un, le gouvernement italien contrôle à 99 % le principal groupe audiovisuel public. In fine, cela ressemblait plus à une dangereuse tentative d’instaurer une dictature des idées, qu’à une démarche pour encadrer de manière responsable les libertés collectives.
Que le pouvoir en place – quelle que soit, d’ailleurs, sa couleur politique – puisse influer sur le traitement des informations, leur lecture, leur hiérarchisation, ou puisse critiquer la ligne éditoriale d’une chaîne, n’est absolument pas compatible avec les principes de pluralisme et de séparation des pouvoirs qui permettent le débat démocratique. Au-delà de ces principes, la chose n’est tout simplement plus tolérable. Oui, il était bien d’une impérieuse nécessité d’en finir avec ce que d’aucuns ont appelé « radio-Sarkozy » et « TV-Élysée », tout en se gardant bien d’user des méthodes utilisées précédemment, qui s’apparentaient trop souvent à une véritable chasse aux sorcières. Revenir sur la loi du 5 mars 2009 va ainsi, à l’évidence, dans le bon sens.
En effet, cette loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a retiré au CSA le pouvoir de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public pour le confier au Président de la République, consacrant ainsi la mainmise du chef de l’État sur ce service public. Cela a logiquement eu pour effet de faire peser sur ces dirigeants d’entreprise publique une présomption de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif. Cette présomption était encore aggravée par le fait que les ressources de l’audiovisuel public, composées de la redevance et des nouvelles taxes destinées à se substituer à la publicité, dépendaient exclusivement des pouvoirs publics.
Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui, après plusieurs mois de débats, confie au CSA le soin de désigner les présidents des trois sociétés nationales de programme : France Télévisions, Radio France, et France Médias Monde. De plus, une seconde avancée en faveur de l’indépendance de cette autorité est réalisée : la nomination de ses membres s’appuiera sur des critères de qualification, afin de s’assurer que les personnalités ainsi nommées aient une compétence et une expérience indiscutables. Désormais, le Président de la République nommera uniquement le président de l’institution, et non trois de ses membres comme c’est actuellement le cas. La nomination des six autres membres – trois choisis par le président du Sénat, trois par celui de l’Assemblée – devra recevoir l’avis conforme des commissions des affaires culturelles à la majorité des trois cinquièmes. La représentation nationale, opposition comprise, sera ainsi étroitement associée au choix des gardiens de la liberté audiovisuelle.
Nous pouvons nous satisfaire également des mesures prises en faveur de l’adaptation de la régulation à l’ère numérique et aux mutations du secteur audiovisuel, encouragées par le rapport Lescure.
Ce texte est d’abord symbolique : il traduit l’engagement no 51 du candidat François Hollande. Il s’inscrit également dans un ensemble cohérent. Avec la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, nous redonnerons de l’indépendance aux magistrats et à la justice. De même, un texte tendant à renforcer la protection du secret des sources des journalistes est actuellement en préparation. Notre volonté est donc de redonner confiance à ces « chiens de garde de la démocratie » que sont les acteurs du monde de l’information et de l’audiovisuel dans son ensemble.