Intervention de Virginie Duby-Muller

Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 9h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller :

Monsieur le ministre, je regrette l’absence de Mme Filippetti, mais le fait qu’elle soit représentée par un membre du Gouvernement d’origine savoyarde est un moindre mal ! (Sourires.)

Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur et madame les rapporteurs, chers collègues, nous voici réunis ce matin pour clore le débat sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public. Avant toute remarque sur le fond, je souhaiterais faire plusieurs remarques sur la méthode. En première lecture à l’Assemblée nationale, notre groupe déplorait déjà à la fois le périmètre restreint de la loi, et le choix qu’a fait le Gouvernement de déclarer l’urgence sur ce texte. La suite de son examen nous a donné raison.

Le Gouvernement a choisi de faire voter une petite loi, dans l’attente d’une loi plus importante que nous ne voyons toujours pas venir. À cause de ce choix, les députés de la majorité ont eu la tentation de déposer des amendements élargissant considérablement l’objet de ce texte. C’est ainsi qu’ont été votées à la sauvette et sans étude d’impact préalable des mesures aussi importantes que les conditions de passage d’une chaîne du secteur payant au secteur gratuit et inversement. C’est également ainsi que ce texte, qui portait principalement sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public, est devenu un texte sur les pouvoirs du CSA.

Mais il y a plus grave : les sénateurs ont cédé à la même tentation que les députés. En vertu de la procédure accélérée, nous nous prononcerons donc dans quelques minutes sur un texte dont certaines dispositions n’ont pas même été débattues à l’Assemblée. Je pense notamment aux mesures sur la coproduction, sur lesquelles le statu quo s’est imposé en commission mixte paritaire, un peu par défaut. Cette disposition sera inscrite dans la loi alors que nous manquons de recul et de temps pour évaluer ses effets, faute d’avoir pu mener les consultations qui s’imposaient. Cela ressemble peu à une réforme réfléchie ! De même, les dispositions relatives aux services de médias audiovisuels à la demande ont été inscrites dans le texte à l’insu des députés et au mépris de la procédure de consultation actuellement menée par la direction générale des médias et des industries culturelles.

On ne peut s’empêcher de penser que ces nouvelles dispositions sont des mesures d’appel qui seront nécessairement revues à l’occasion d’un prochain texte. Cela décrédibilise l’initiative parlementaire. Cela démontre également que ce projet de loi, comme la plupart des textes présentés par le Gouvernement, a été insuffisamment préparé.

Me voilà donc, jeune députée, un peu déçue par cette manière de légiférer au lance-pierre. Si le Gouvernement avait pris ses responsabilités en présentant une réforme d’envergure, ainsi que le rapport Lescure le laissait espérer, nous n’aurions pas eu le sentiment d’avoir été privés de débat. Mais on peut comprendre que l’échéance prochaine des mandats de l’un des présidents de l’audiovisuel public ait quelque peu pressé le Gouvernement. Dès la promulgation de ce projet de loi, son article 5 rendra possible une chasse aux sorcières, en permettant de mettre fin aux fonctions des actuels présidents de sociétés de l’audiovisuel public : nous le regrettons.

Sur le fond, l’examen du texte par les sénateurs et les décisions prises en commission mixte paritaire ne changent pas la position de notre groupe sur ce texte. Au cours de nos débats, nous avons bien compris que la notion d’indépendance est, contre toute attente, source de clivage entre la majorité et l’opposition. Et pour cause : pour nous, parler de l’indépendance de l’audiovisuel public, c’est parler de l’indépendance financière des sociétés du secteur public. Pour vous, garantir l’indépendance de l’audiovisuel public, c’est revenir à un mode de nomination qui était déjà en vigueur en 1982. En effet, vous confiez ce pouvoir de nomination au collège du CSA. Mme Filippetti soutient que le changement du mode de nomination des membres du CSA, incluant une procédure d’avis conforme des commissions compétentes des deux assemblées, est une révolution.

Le raisonnement est le suivant : l’indépendance du collège garantira l’indépendance des nominations auxquelles il procède. Mais il y a un petit grain de sable qui vient enrayer cette chaîne vertueuse de l’indépendance : le président du collège reste nommé par le Président de la République.

Pour aller au bout de votre logique, et je ferai mienne cette remarque de Jacques Legendre : il aurait fallu laisser le CSA élire lui-même son président.

Nous sommes donc au milieu du gué : l’avis conforme des commissions ressemble à un lot de consolation pour le Parlement, qui ne pourra plus exercer son pouvoir de contrôle des nominations des présidents de l’audiovisuel public.

Si le lien avec la présidence de la République avait été rompu, cet avis conforme des commissions aurait ressemblé au gros lot, c’est certain.

Mais ce n’est pas le cas : en l’état actuel des choses, votre loi s’apparente à un énième petit détricotage, qui rendra les nominations des présidents de l’audiovisuel public moins transparentes, mais en aucun cas moins politiques.

En outre, cela mérite d’être redit, les prochaines nominations seront effectuées par un CSA qui ne sera pas encore auréolé d’une indépendance incontestable – du moins au sens où vous l’entendez. En effet, en mai 2014 prochain, date de la fin de mandat de M. Hees, le collège n’aura pas été nommé avec avis conforme de nos commissions.

Cette absence de parallélisme des formes, que vous avez évacuée tout au long du débat, prouve bien que nous avons affaire à une énième loi d’affichage.

La prétendue révolution que vous nous proposez méritait bien une petite révolte de notre part.

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