…chers collègues, l’examen ultime de ce projet de loi par l’Assemblée nationale est l’occasion de dresser le bilan d’une discussion parlementaire qui a incontestablement enrichi le texte initial, malgré le choix du Gouvernement d’agir de façon précipitée en choisissant la procédure accélérée.
Je signalerai néanmoins l’encadrement de la procédure de passage des chaînes de la TNT gratuite à la TNT payante, qui paraît nécessaire pour préserver les équilibres en place, ou encore la procédure de tuilage, permettant aux nouveaux présidents des sociétés de se familiariser avec le fonctionnement de celles-ci.
Mais nous regrettons la précipitation du Gouvernement, parce que nous avons le sentiment d’être passés à côté des vrais enjeux du secteur audiovisuel public, qui ne pouvaient être traités par les dix articles du texte initial et qui ne le sont pas davantage par les amendements adoptés, aussi pertinents soient-ils.
Car, au fond, quel objet ultime un texte comme celui-ci devrait-il viser, si ce n’est de permettre au secteur public de l’audiovisuel d’exercer pleinement sa mission ?
Cette mission, c’est la question des publics et de la démocratisation. C’est la diffusion des oeuvres de l’esprit vers le plus grand nombre. C’est l’enjeu de l’émulation et de la vitalité de la création. C’est le contraire des grandes féodalités publiques, qui permettent rarement l’émergence de grands talents. C’est la capacité du secteur audiovisuel public à être un passeur solide de talents, en dehors de critères de choix trop souvent éloignés de l’exigence culturelle.
Voilà la belle vocation humaniste et démocratique de notre secteur audiovisuel public. Et j’oserais dire qu’il faut parvenir à honorer ce postulat optimiste selon lequel les oeuvres de qualité, même les plus exigeantes, ont par nature un vaste public.
Aucune traduction de cela dans ce projet de loi, qui se réduit ici à un Meccano qu’on révise, mais qu’on ne repense pas.
Nous aurions préféré examiner la grande loi sur l’audiovisuel que l’on nous promet pour 2014, plutôt qu’un texte initialement assez modeste, sans message de fond, mais assorti de quelques slogans habituels, notamment celui de l’indépendance.
Sur l’objectif d’indépendance de l’audiovisuel que vous affichez, reconnaissons qu’en prévoyant que la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel par le Président de la République serait soumise pour avis aux commissions de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat et en accordant aux chaînes de télévision la possibilité de détenir des parts de coproduction, nous faisons un pas. Mais permettez-nous de vous faire part de notre inquiétude en voyant que quatre-vingt-dix emplois de journalistes doivent être supprimés, et que toute l’antenne de l’Agence internationale d’images de télévision dédiée à l’actualité africaine a été jugée non prioritaire.
Il faut des moyens humains pour assurer l’indépendance. Or le COM, on le sait, impose à France Télévisions une diminution des dotations de l’État de 42 millions d’euros d’ici à 2015.
Et si nous sommes favorables sur le fond à un retour sur investissement pour les chaînes du service public, amendement introduit par le sénateur Jean-Pierre Plancade, il nous semble bien prématuré de voter ces dispositions par cette voie, notamment parce qu’elles ne sont pas sans conséquences dans le contexte de forte concurrence internationale que nous connaissons.
Quant au nouveau mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programmes par le CSA, qui vise à lever toute suspicion de favoritisme, c’est un choix qui rappelle simplement les modalités de nomination mises en place en 1982 pour ce qui était alors la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. Et finalement, ce mode de nomination obéit toujours à une logique purement institutionnelle : elle dépend toujours des pouvoirs en place, de ceux qui jusqu’ici prenaient la décision, et qui la prendront encore demain.