À l’heure de cette nouvelle lecture sur le cumul des mandats, nos objections demeurent les mêmes. Vous vous contentez d’un constat superficiel et vous vous trompez de diagnostic. Le cumul des mandats est assurément un problème, mais pourquoi perdure-t-il chez nous depuis si longtemps ? D’abord, parce qu’il est mal posé. Si le cumul des mandats est un vrai problème, à l’aune des comparaisons européennes, vous êtes-vous demandé les raisons de cette exception française ? Nous avons, en effet, 80 % de députés et 77 % de sénateurs en situation de cumul, alors qu’ils sont moins de 20 % en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne et que l’Allemagne en compte même moins de 10 %. De fait, tous ces pays ont une organisation territoriale et institutionnelle différente de la nôtre, parce qu’ils ont tous mis en oeuvre des réformes profondes qui leur ont permis, au terme d’une décentralisation assumée, de transférer une partie du pouvoir législatif et une partie encore plus importante du pouvoir réglementaire ou normatif aux territoires, qu’on les appelle Länder ou comunidades, que l’on parle de l’Écosse ou du Pays de Galles. Aussi, qu’il s’agisse d’accompagnement des entreprises ou de formation professionnelle, d’urbanisme, d’éducation voire de santé, légifère-t-on dans toutes ces régions alors que l’on réglemente à peine dans les nôtres.
Car c’est bien notre système qui est en cause, en continuant de privilégier une centralisation inavouée par rapport à une décentralisation inachevée. On fabrique en France, contrairement à nos voisins européens, la quasi-totalité des règles au niveau national – assemblées, Gouvernement et administration centrale. On voit ainsi de plus en plus de lois, « idéales » à Paris, qui s’avèrent inapplicables en Province. En un mot, on légifère trop et on légifère mal.