C’était une belle aventure – partis à dix-sept de Marseille, ils sont arrivés 100 000 à Paris – une aventure fraternelle pour une France fraternelle, comme le dit le curé des Minguettes, qui nous laissera en héritage – car c’est bien là qu’elle est née – ce que l’on appelle aujourd’hui la politique de la ville. Cette politique, à laquelle François Mitterrand donnera corps, se matérialisera d’abord par cette espèce d’OVNI institutionnel, un ministère sans administration, auquel beaucoup ne donnèrent que peu d’avenir. C’était il y a plus de vingt ans. La démonstration de son utilité et de la pertinence de la vision qui avait alors conduit à sa création est désormais faite. Cependant, les gouvernements successifs ont complexifié cette politique, jusqu’à la rendre quelque peu inaudible et incompréhensible. C’est ce qu’indique la Cour des comptes, qui dresse un sévère bilan des dix dernières années en matière de politique de la ville. Elle insiste en particulier sur « la très grande complexité des zonages et la multiplication des procédures mal articulées ».
Le constat est donc clair : la politique de la ville, celle menée en particulier cette dernière décennie, n’a pas porté ses fruits et n’a pas permis de réduire les inégalités territoriales, sociales et économiques dans notre pays. Par conséquent, aujourd’hui, dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est le double de la moyenne nationale, un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, un sur quatre renonce à se soigner pour des raisons financières et les jeunes sont particulièrement victimes de discriminations. L’urgence est donc là : rétablir l’égalité républicaine entre tous les territoires, améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés et concentrer les moyens là où ils sont le plus nécessaires. C’est l’objet de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui s’articule autour de plusieurs axes ambitieux, mais dont le premier mérite est sans aucun doute d’être, en soi, un grand choc de simplification.
Il se donne pour objectif de refonder la politique de la ville ; de réformer sa géographie prioritaire ; de renforcer sa dimension partenariale ; de mener à bien un nouveau programme national de renouvellement urbain ; enfin, de renforcer la solidarité nationale et territoriale. Je voudrais développer quelques-uns de ses aspects qui me semblent fondateurs.
S’agissant de la réforme de la géographie prioritaire, organisée autour d’un nombre minimal d’habitants et de l’écart de développement économique et social, selon le critère du revenu des habitants par rapport à une référence locale et nationale, il était essentiel d’identifier des critères simples et transparents, comme l’est celui-ci. Nous serons néanmoins attentifs à la nature des dispositions transitoires pour les quartiers sortant du dispositif, afin que l’action de l’État, notamment dans les domaines éducatifs, de la santé et de la prévention de la délinquance, se poursuive sans relâche, car nous savons tous que, sur ce sujet, seuls les efforts de long terme paient.
Mon deuxième point est relatif à la mobilisation effective des moyens de droit commun de l’État : le ciblage des emplois d’avenir, la création de postes dans l’éducation nationale, l’affectation de fonctionnaires expérimentés, la création des ZSP, soit autant de moyens dont nous pouvons nous réjouir et qui fixent les moyens humains et financiers mobilisés au titre des politiques de droit commun.