La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de la ville, mes chers collègues, je ne voudrais pas que mon intervention pèse sur la suite des débats, mais vous comprendrez que nous voudrions avoir des explications sur le deuxième chamboulement de l’ordre du jour intervenu cette semaine.
L’ordre du jour de l’Assemblée nationale a été modifié mardi, en Conférence des présidents – je crois que cela veut encore dire quelque chose dans cette maison – pour inscrire le présent texte à la suite du projet sur les retraites qui devait se terminer hier après-midi, ce qui a été le cas. Or à notre grande surprise il a été ensuite annoncé que l’examen du projet sur la ville était décalé à vendredi. Or, il n’y a pas eu de séance hier après-midi ni cette nuit et nous siégeons aujourd’hui.
Cela n’enlève rien au plaisir d’être avec vous, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mais des rumeurs ont couru que ce serait sous pression du groupe majoritaire.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Sourires.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur Saddier, vous marquez, au nom de votre groupe, une forme d’indignation quant à un changement de calendrier qui aurait été intempestif. Or il était prévu depuis bien longtemps que cette séance concernant la politique de la ville se déroule en plénière le vendredi.
Il se trouve que la Conférence des présidents a émis une autre hypothèse mais que le groupe majoritaire a considéré que la politique de la ville méritait sa journée.
Je confirme que ce point avait été établi pour nos travaux de ce matin.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, les maux dont souffrent nos quartiers populaires exigent une réponse structurelle forte et une mobilisation permanente de toutes les politiques publiques.
Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que j’ai l’honneur de présenter devant votre assemblée constitue le cadre indispensable permettant à l’ensemble des acteurs publics de se déployer avec le maximum d’efficacité, pour remédier bien entendu aux conséquences mais également aux causes des graves difficultés auxquelles les habitants de nos quartiers populaires ont à faire face.
Si personne ne doute que nos quartiers populaires n’auraient pas tenu sans la politique de la ville, chacun peut également constater qu’elle n’a pas suffi à résorber les difficultés rencontrées par leurs habitants. Pendant des années, on a donné moins à ceux qui avaient le moins, au point de traduire ces fractures sociales en de trop nombreuses fractures territoriales.
Je constate comme vous, tout au long de mes déplacements sur le terrain, que les phénomènes de relégation dans lesquels sont plongés de nombreux quartiers n’ont cessé de s’accentuer malgré le formidable travail mené par les élus locaux et un monde associatif pourtant durement éprouvé ces dernières années.
Il nous fallait donc réagir non pas en cherchant délibérément à marquer les esprits par une succession d’annonces fortement médiatisées sans lendemain, mais en définissant les modalités d’action qui nous permettent de commencer enfin à changer la vie de nos concitoyens dans ces quartiers.
C’est ce qu’ils attendent de nous, de vous : que leurs quartiers soient des quartiers comme les autres.
Ce projet de loi, dont les principes ont été posés par le comité interministériel des villes du 19 février dernier et qui a fait l’objet d’une large concertation en amont, est la première vraie réforme d’ampleur de la politique de la ville depuis plus de dix ans.
Au regard de la situation, cette loi n’est pas un simple aménagement des dispositifs de la politique de la ville accumulés depuis bientôt trente ans, elle marque un changement profond de logique, par les objectifs qu’elle s’assigne, par la méthode qu’elle propose et par les exigences qu’elle contient.
Elle répond en cela au constat de la Cour des comptes qui, dans son rapport de juillet 2012, démontrait l’illisibilité de l’accumulation des zonages et des dispositifs engagés au cours des dernières années.
Elle vise à corriger l’inefficacité du saupoudrage des crédits et l’incompréhensible séparation entre les actions sur l’urbain et les dispositifs de cohésion sociale.
Elle prend en compte les actions qui ont fait leurs preuves – je pense bien évidemment aux chantiers du programme de rénovation urbaine engagé par Jean-Louis Borloo – mais elle ambitionne de repenser le rôle et la place de la politique de la ville.
Ce texte répond à une ambition, celle de la promesse d’égalité. Il permet le diagnostic, la reconnaissance des fractures territoriales en milieu urbain. Il s’appuie sur un principe, celui de la mobilisation renforcée et conjointe de tous les acteurs. Il se fixe une exigence, celle de la participation des habitants.
Par la qualité des travaux menés en commission, par l’investissement constant des députés, nous avons ainsi pu préciser et enrichir les dispositions législatives qui le nécessitaient.
Durant tous ces échanges, l’implication du rapporteur du texte, François Pupponi,…
…a été particulièrement déterminante. Je tiens à le remercier pour le travail entrepris au cours des derniers mois
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Mesdames et messieurs les députés, je parlais de promesse d’égalité parce que ce projet de loi met la question sociale au coeur de la politique de la ville.
Conformément aux préconisations des membres de la grande concertation nationale, il vous est proposé de recentrer la géographie prioritaire sur les territoires qui répondent à un critère social incontestable, celui de la concentration de pauvreté, et, par là-même, d’en finir, par la création de l’unique quartier prioritaire, avec la multiplication des zonages qui constituaient un frein évident à l’efficacité et à la visibilité de l’action publique.
C’est un souci de justice sociale auquel répond le choix d’une nouvelle méthode statistique – le carroyage – et d’un critère unique, celui de la part de population à bas revenus.
Avec cette nouvelle méthode, partout où, sur le territoire national, il y aura des concentrations spatiales de pauvreté, donc des difficultés sociales, l’État répondra présent par la levée du droit commun et par les crédits spécifiques de la politique de la ville qui vont retrouver ainsi leur mission initiale de levier.
Cette nouvelle méthode ne laissera pas de place au doute et permettra aussi de rappeler à certains que l’objectif d’un quartier n’est pas d’être ou de rester en politique de la ville mais bien d’en sortir. Nous revenons ainsi à l’essence de ce qu’est la politique de la ville : une politique de cohésion et de solidarité urbaines au service des territoires les plus paupérisés.
Effective en 2015, cette réforme de la géographie prioritaire permettra de concentrer nos moyens sur les quartiers réellement prioritaires tout en mobilisant les crédits de droit commun sur les territoires qui resteront en veille active.
En articulation étroite avec les acteurs locaux, un dispositif spécifique sera instauré pour les collectivités d’outre-mer car, si elles présentent des problématiques de développement et des caractéristiques urbaines et sociales malheureusement communes, elles appellent des réponses différenciées et adaptées à chaque territoire.
Par ailleurs, je veux affirmer avec force qu’il ne s’agit en aucune manière d’une refonte de la géographie prioritaire commandée par la nécessité de réaliser des efforts budgétaires…
…mais bien par le souci de redonner sa pleine ambition à la politique de la Ville.
En retenant un seul critère, nous privilégions une méthode transparente et objective qui nous permettra de mieux cibler nos actions mais aussi d’en assurer la bonne évaluation.
Retenir le seul critère de concentration de pauvreté, c’est reconnaître et faire jouer la solidarité nationale dans les territoires où les difficultés et les besoins sociaux sont les plus importants.
C’est admettre que des villes situées dans les anciens bassins miniers, dans les territoires ruraux ou périurbains ont autant de difficultés dans leurs quartiers et moins de moyens pour agir que d’autres qui ont vu leur situation profondément évoluer.
C’est considérer que la politique de la ville n’a pas seulement pour vocation de s’adresser aux seuls grands ensembles mais qu’elle doit intervenir sur tous les territoires urbains, où qu’ils se situent, dès qu’ils cumulent des difficultés sociales.
C’est mettre en oeuvre l’égalité des territoires, mission que le Président de la République a confiée à Cécile Duflot et à moi-même.
L’État a pris la pleine mesure de ces inégalités qui caractérisent nos territoires en choisissant de se doter d’un outil administratif unique pour renforcer son action. Sous l’impulsion du Premier ministre et de Cécile Duflot, le futur Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, regroupera ainsi la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, le secrétariat général du Comité interministériel des villes et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.
À l’intérieur de ce CGET, le pôle ville sera parfaitement identifié pour ne pas diluer ou perdre l’expérience et le savoir-faire acquis depuis de nombreuses années par les personnels.
Pour répondre à ce souci d’égalité qui se traduit par la réforme de la géographie de la politique de la ville, j’ai souhaité que nous puissions nous appuyer sur un principe, celui d’une mobilisation conjointe des pouvoirs publics. Au fil des années, la politique de la ville a été progressivement marginalisée par les politiques de droit commun. Trop souvent, lorsqu’elle s’est installée dans un quartier, les autres administrations s’en sont précisément écartées.
Il fallait sortir de cette logique de substitution entre les différents crédits pour, au contraire, les articuler au profit des territoires concernés. C’est précisément l’un des objectifs du contrat de ville unique et global proposé par ce projet de loi.
Ce contrat de ville permettra de mobiliser l’ensemble des politiques publiques de droit commun d’éducation, de transports, de santé, d’emploi, de justice, de sécurité, de logement ou de culture, afin de rétablir l’égalité d’accès aux services aux publics dans les quartiers prioritaires.
C’est le sens des conventions d’objectifs qui ont été signées avec les ministères et les opérateurs de l’État, afin de territorialiser spécifiquement le droit commun dans les quartiers.
Onze conventions sont déjà signées et viendront nourrir la participation de l’État à ces contrats de ville avec des engagements concrets pour les quartiers : 20 000 emplois d’avenir cette année et 12 500 supplémentaires dès le premier semestre de 2014 ; 2 500 créations de postes pour la scolarisation des enfants de deux et trois ans ; un ciblage des 100 000 nouvelles places de crèche vers les territoires prioritaires ; le fait que soixante-quatre des soixante-cinq zones de sécurité prioritaires recouvrent un quartier ; le développement des centres et maisons de santé ; le désenclavement des quartiers avec des subventions bonifiées dans le nouvel appel à projet pour les transports en commun en site propre.
S’y ajoutera prochainement un plan de soutien à la création d’entreprises qui sera proposé au conseil des ministres.
Le contrat de ville unique et global aura vocation à traiter l’ensemble des politiques publiques et à articuler, dans un même cadre, les actions de cohésion sociale et les actions de cohésion urbaine.
C’est dans le cadre de cette nouvelle géographie prioritaire, et en lien avec les contrats de ville, que nous lancerons au cours de la période 2014-2024 un nouveau programme de renouvellement urbain, doté à hauteur de 5 milliards d’euros pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ces 5 milliards lèveront près de 20 milliards d’euros d’investissements mobilisés en faveur des quartiers prioritaires venant entre autres des bailleurs et des collectivités. Dans le même temps, nous mènerons à bien et à terme le Programme national de rénovation urbaine qui n’en est actuellement qu’à la moitié de sa réalisation.
Ce nouveau programme ne mettra pas en concurrence les projets. Il visera les territoires présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants en favorisant la mixité de l’habitat, la qualité de la gestion urbaine de proximité, les objectifs de développement durable et de lutte contre la précarité énergétique.
Des moyens importants seront engagés pour développer l’activité économique dans ces territoires et assurer le désenclavement des quartiers. De plus, et conformément aux échanges étroits que j’ai eus avec les élus locaux, un effort spécifique sera engagé en direction des copropriétés dégradées et de l’habitat indigne, notamment en outre-mer.
Pour prendre toute la mesure des enjeux de territoires, le contrat unique s’élaborera non plus à l’échelle du quartier mais à celle de l’intercommunalité.
Ce contrat deviendra ainsi un véritable outil de solidarité locale et d’insertion des quartiers prioritaires au sein de leur bassin de vie. Ce niveau territorial de contractualisation a été au coeur de nos débats, que ce soit lors de la concertation ou en commission. L’évolution de la structure administrative de notre pays et l’obligation d’envisager le devenir des quartiers prioritaires au sein de leurs agglomérations nécessitent de mener la réflexion globale sur le contrat de ville à l’échelle intercommunale. Le désenclavement des quartiers jusqu’à présent relégués passe en effet par leur intégration dans une dynamique plus large, celle du territoire intercommunal. C’est à ce niveau que doivent s’exercer des mécanismes de solidarité financière, comme le prévoient les dispositions inscrites dans le projet de loi. C’est aussi à cette échelle que nous trouverons les capacités d’agir concrètement dans le domaine du logement, pour favoriser la mixité sociale en fixant des objectifs partagés en matière d’attribution de logements, de mutations comme d’accompagnement social des locataires.
Je sais également que rien ne pourra se faire au niveau local sans une reconnaissance du rôle du maire qui reste, le Premier ministre l’a rappelé au congrès de l’Association des maires de France, le premier interlocuteur des habitants et le responsable, en dernier ressort, de la mise en oeuvre concrète des engagements. Un amendement gouvernemental vous sera d’ailleurs présenté, pour préciser le rôle de chacun dans la conduite de la politique de la ville. N’est-ce pas, monsieur Goua ?
Déployé dans les agglomérations comptant des quartiers prioritaires, ce nouveau contrat de ville aura également vocation à l’être dans les territoires placés en veille active. Mesdames et messieurs les parlementaires, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine se devait de mettre la question sociale au coeur des préoccupations de la politique de la ville. Il lui fallait aussi fixer un cadre d’action rénové mais souple permettant de mobiliser de manière coordonnée et à la bonne échelle, les moyens nécessaires au rétablissement de l’égalité entre tous les territoires, mais il se devait aussi de répondre à une exigence bien plus profonde encore, liée au regard même que la société porte sur les habitants des quartiers prioritaires.
Nos quartiers populaires subissent, en vérité, une double injustice. À l’accumulation des difficultés économiques et sociales, s’ajoutent des discriminations et des stigmatisations qui sont tout aussi violentes.
Un député du groupe SRC. Eh oui !
Il nous fallait donc compléter les dispositions législatives en accueillant favorablement l’amendement de Daniel Goldberg et plusieurs parlementaires, visant à reconnaître le lieu de résidence comme nouveau critère légal de discrimination.
La discrimination en fonction du lieu de résidence deviendra ainsi, si vous votez en ce sens, le vingtième critère juridiquement opposable. Il s’agit d’une discrimination majeure des habitants, en particulier de certains jeunes, qui ne comprennent pas pourquoi la réputation de leur quartier est un tel frein à l’emploi ou à l’accès au logement. À chacun de mes déplacements, quelqu’un témoigne de cette injustice insupportable, mise en évidence par de nombreuses études. Désormais introduite dans le code pénal et le code du travail, cette reconnaissance de la discrimination à l’adresse représente une avancée juridique réelle pour l’égalité des droits. Son adoption à l’unanimité en commission des affaires économiques, en renforce la portée politique, car les millions de concitoyens qui résident dans les quartiers populaires, ne sont pas des citoyens de seconde zone. S’ils subissent plus que d’autres les effets de la crise, ils constituent aussi des ressorts dont notre pays a besoin.
Oui, mesdames et messieurs les parlementaires, le regard sur ces territoires doit changer. Et nos institutions elles-mêmes doivent remettre au premier plan de leurs préoccupations l’association et la reconnaissance des habitants des quartiers. Trop souvent, des projets de rénovation urbaine se sont affranchis de toute consultation réelle des locataires. Trop souvent, des actions ont été engagées sans tenir compte de ceux qui allaient en bénéficier. Comme si la concentration de pauvreté devait inévitablement s’accompagner d’une concentration d’indifférence ! Il nous fallait donc, conformément aux travaux de la mission que j’ai confiée à Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacque, poser cette exigence de reconnaissance et de participation des habitants des quartiers au coeur de la politique de la ville.
Par un travail spécifique à engager sur la mémoire et l’histoire des quartiers populaires, tout d’abord. Le recueil de la mémoire des habitants contribue à leur reconnaissance sociale, à celle de leurs quartiers, à la lutte contre les discriminations, donc au bien vivre ensemble. Ainsi, et à l’initiative de plusieurs parlementaires – je veux saluer ici le travail de Pascale Boistard au sein de la commission de Pascal Blanchard –,
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
les contrats de ville tiendront spécifiquement compte de cette question. Cela permettra également de mettre en relief le rôle et l’importance de cette immigration qui a tant contribué à notre développement économique et qui continue encore à le faire, et de rendre hommage à ceux qui nous ont permis de retrouver nos libertés.
Pour la première fois, le principe de co-construction des politiques publiques avec les habitants est reconnu par la loi. Des conseils citoyens, constitués dans chaque quartier, seront associés à l’ensemble des étapes du contrat de ville. Ces conseils seront tout à la fois des lieux de dialogue, de formation, d’interpellation, d’amendement des projets locaux et de participation au sein des quartiers prioritaires. La personne qui réside dans nos quartiers passera du statut d’habitant à celui de citoyen associé aux choix qui le concernent.
Pour le suivi plus spécifique des opérations de renouvellement urbain, le Gouvernement proposera, par voie d’amendement, d’instaurer des maisons du projet, conformément aux voeux exprimés par plusieurs parlementaires, notamment des parlementaires du groupe écologiste.
L’État entend jouer pleinement son rôle dans la mise en place de ces outils de participation citoyenne, et assumer ses responsabilités pour en garantir la pleine autonomie. Il participera aux besoins de fonctionnement de ces structures, et valorisera les expérimentations les plus prometteuses. Ces mesures seront accompagnées d’un renforcement de la formation des habitants, des associations, des élus et des professionnels au pouvoir d’agir. Compte tenu du rôle essentiel joué par le tissu associatif dans la vie des quartiers, les démarches administratives et le financement des associations vont être simplifiés, notamment avec la mise en place des financements sur trois ans pour les actions structurantes, car un soutien dans la durée est toujours un atout pour la réussite des projets.
Si la concentration des moyens publics peut constituer une réponse à la désespérance sociale, je suis convaincu que c’est en imposant de nouvelles exigences démocratiques que nous pourrons répondre à la désespérance politique. Il y a trente ans maintenant, la marche pour l’égalité et contre le racisme donnait un visage à des quartiers, à des habitants que la République avait jusqu’alors décidé d’ignorer. C’est de cette mobilisation citoyenne, qui doit retrouver sa juste place dans notre mémoire collective, que les principes de la politique de la ville ont émergé. Ce sont ces mêmes principes d’égalité, de lutte contre les discriminations, de mobilisation collective et citoyenne qui forgent le socle du projet de loi de programmation qui vous est aujourd’hui proposé.
Vous l’avez compris : cette réforme ne concerne pas les seuls crédits spécifiques du ministère de la politique de la ville, parce qu’elle engage l’ensemble des leviers publics dans ce combat pour l’égalité. Cette réforme ne s’adresse pas seulement à certains territoires identifiés, parce qu’elle interpelle l’ensemble de la communauté nationale dans sa capacité à assurer la cohésion de nos territoires. Cette réforme ne recherche pas seulement à combattre les inégalités dont sont victimes certains habitants de nos quartiers, elle revendique aussi un regard différent sur des territoires et des populations qui constituent des viviers de ressources, d’atouts, de créativité et de talent indispensables sur le chemin du redressement de notre pays. Cette loi de programmation n’est donc pas un aboutissement : c’est un point de départ d’une mobilisation collective en faveur des quartiers.
Certains voulaient les nettoyer. Moi, je veux leur redonner leur place au sein de la communauté nationale,
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC
pour que l’égalité devienne une réalité dans tous les territoires, pour que les valeurs de notre République s’inscrivent dans le quotidien de chacun, et pas seulement au fronton de nos mairies et de nos écoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le constat dont nous partons est accablant, c’est celui de l’échec des politiques publiques à propos de ces territoires depuis maintenant plus de trente ans. Ce n’est pas l’échec de la politique de la ville : elle a fait ce qu’elle pouvait, dans ces périodes troubles et difficiles, c’est surtout un échec dû à l’absence du droit commun. C’est aussi le résultat du saupoudrage trop longtemps pratiqué dans ces territoires et un peu partout, y compris dans des territoires qui ne justifiaient pas qu’on vienne les aider particulièrement. C’est aussi, monsieur le ministre, l’échec dû à une absence d’évaluation ; le drame de la politique de la ville, c’est qu’elle fixait peu d’objectifs et qu’elle n’évaluait pas les résultats.
Bien sûr, des choses ont été faites, et heureusement ! Heureusement que la politique de la ville était là, durant ces trente dernières années, pour éviter des catastrophes encore plus importantes que celle que nous connaissons ! Permettez-moi de citer trois ministres qui auront marqué ces trente dernières années : Michel Delebarre, Claude Bartolone et Jean-Louis Borloo, dont je salue la présence, aujourd’hui, parmi nous.
Devant ce constat accablant, vous avez préféré, monsieur le ministre, contrairement à d’autres qui, régulièrement, nous annonçaient des plans Marshall pour les banlieues, travailler discrètement, dans la concertation, écouter les acteurs, qui, depuis tant d’années, ont eu des choses à dire pour essayer de trouver des solutions. Vous avez écouté les gens, et, les ayant entendus, vous avez décidé de nous proposer le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Ce texte permet de répondre à des questions simples.
De quoi parle-t-on ? Vous nous proposez de redéfinir la politique de la ville, de bien dire quels en sont les axes prioritaires et quels sujets il est indispensable de prendre en compte pour s’occuper des populations concernées.
Deuxième question, de qui parle-t-on ? Quels sont les quartiers prioritaires sur lesquels la République doit enfin pouvoir travailler de manière coordonnée et efficace ? Vous avez entendu, monsieur le ministre, je le salue, les questions légitimes d’un certain nombre de nos collègues sur les fameux territoires sortants de cette géographie prioritaire, et vous avez proposé, par voie d’amendement, que l’on mette en place une veille active, pour faire en sorte que la sortie, justifiée, de certains ne soit pas trop brutale, pour qu’on puisse les accompagner.
Troisième question, comment fait-on ? Vous nous proposez un contrat unique pour qu’ensemble les acteurs se mettent d’accord, sous la forme d’un même et unique document, sur ce qu’il faudrait faire pour ces quartiers et définissent comment, avec le droit commun de chacun, parvenir à une plus grande efficacité.
Quatrième question, qui fait quoi, et avec quels moyens ? Vous proposez de réordonner, de modifier complètement la gouvernance, tant au niveau national qu’au niveau local. Au niveau national, c’est bien sûr la création d’un commissariat général, fruit de la fusion de la DATAR, de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et du secrétariat général du comité interministériel des villes. Mon collègue Dominique Baert, qui a beaucoup travaillé sur la gouvernance au niveau national, a beaucoup oeuvré pour que l’on aille dans ce sens. Vous proposez également que les choses soient réorganisées au niveau local, qu’il soit bien précisé ce que doit faire l’intercommunalité et ce que doit faire le maire. Vous avez vraiment entendu les inquiétudes des élus locaux, des maires, des élus territoriaux, qui, depuis tant d’années, mettent en oeuvre les politiques locales et qui ne voudraient pas que le maire soit ainsi sorti de la politique de la ville ; Marc Goua a été très actif dans ce domaine-là. Vous avez rassuré tout le monde, et un certain nombre d’amendements que nous proposons viendront confirmer l’existence d’un axe intercommunalité-commune au service d’une plus grande efficacité.
En ce qui concerne les moyens, monsieur le ministre, vous m’aviez fait l’honneur, dans le cadre de la concertation nationale, de me confier la rédaction d’un rapport sur la péréquation dans ces territoires, et nous avions constaté qu’il n’existait pas, contrairement à ce que nous pouvions imaginer, de dotation particulière pour la politique de la ville. Il existe des dotations pour les villes pauvres, qu’elles soient urbaines ou rurales, il existe de la péréquation en faveur de territoires en difficulté, mais il n’existait pas de dotations pour les territoires particuliers de la politique de la ville, sauf peut-être la dotation de développement urbain, mais celle-ci est plus une subvention qu’un fonds de péréquation. Vous nous proposez donc de créer cette fameuse dotation politique de la ville, qui sera le bras armé financier de l’État dans ces territoires.
Il faut aussi – un amendement a été adopté en commission, qui le précise – que les territoires autour des quartiers prioritaires soient aussi exemplaires. Nous avons malheureusement trop d’exemples de territoires riches, qui comptent en leur sein des quartiers difficiles et ne sont tout simplement pas solidaires, ou ne le sont pas suffisamment. Certes, il y a des territoires vertueux – on peut parler de Toulouse, du Grand Lyon, du Nord –, il y a des territoires où, effectivement, on prend en compte les difficultés d’un certain nombre de quartiers, mais il y a malheureusement encore trop souvent des territoires où les égoïsmes locaux font que ces quartiers sont abandonnés à la solidarité nationale, les acteurs locaux ne voulant pas trop les aider. Le pacte financier proposé dans ce texte va, je le crois, dans le bon sens : il faudra que les intercommunalités s’engagent. Elles sont maintenant parties prenantes de la politique de la ville. Il faudra qu’elles prennent des engagements financiers, pour aider les quartiers les plus en difficulté.
Cinquième question, que fait-on ? Vous arrivez à faire enfin ce que nous espérions tous depuis longtemps, que nous nous occupions, en même temps, de l’urbain et de l’humain. L’urbain, c’est bien entendu le fait que le programme national de rénovation urbaine 1 soit enfin financé complètement. L’inquiétude était grande parmi les élus locaux : ce PNRU serait-il financé jusqu’au bout ? On craignait tous, depuis de nombreuses années, la fameuse « bosse » de l’ANRU. Vous apportez une réponse très concrète en finançant la fin du PNRU et en créant ce NPNRU, ce nouveau programme national de renouvellement urbain, qui va permettre, pour les années à venir, de terminer l’oeuvre importante commencée par l’ANRU. Celle-ci est reconnue unanimement par les acteurs locaux et vous proposez de lui donner un plus grand rôle. En effet, elle pourra à la fois agir dans le domaine économique et celui des commerces, avoir une expertise internationale, et être impliquée dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. C’est là une reconnaissance de cette agence, qui a fait un travail exceptionnel, que chacun salue.
Vous répondez aussi, monsieur le ministre, aux questions « pour qui ? » et « avec qui ? ». C’est aussi une grande avancée de ce texte. Tout le monde en parle depuis de nombreuses années, je n’ai jamais rencontré un élu, un acteur, qui ne me dise qu’il faut associer les habitants, tout le monde le dit, mais les expériences sont diverses ; certains y arrivent, d’autres n’essaient même pas. Un débat s’est tenu en commission, en particulier avec notre collègue Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, mais aussi d’autres députés, notamment du groupe écologiste, qui ont fait de nombreuses propositions. Nous aurons encore l’occasion d’en discuter aujourd’hui, puisque le sujet n’est pas clos.
Vous avez raison, mon cher collègue ! Je suis d’ailleurs convaincu que vous allez participer, comme d’autres, au débat d’aujourd’hui, et vous avez raison de me le rappeler.
On constate également que ce travail n’est pas abouti, car c’est un sujet sensible. Les élus ont peur d’être dépossédés de leur légitimité. Certains voudraient aller beaucoup plus loin. Nous devons continuer à travailler. Je proposerai au président Bartolone de créer un groupe d’études, nous permettant ainsi de continuer à progresser collectivement sur cette question cruciale. Oui, nous devons travailler avec et pour les habitants. Oui, nous devons travailler avec et pour les acteurs locaux. Nous devons aussi respecter la légitimité populaire et électorale des élus et poser des règles. Nous ne devons pas créer une usine à gaz, comme certains le craignent.
Je suis convaincu que le débat parlementaire qui s’ouvre aujourd’hui nous permettra d’apporter un certain nombre de précisions. Monsieur le ministre, nous attendions ce texte et nous l’approuvons. Je suis convaincu que, s’il est enfin adopté à la fin du débat parlementaire, dans quelques années, grâce à vous, à ce texte et au travail parlementaire, la République sera enfin présente sur ces territoires qu’elle a oubliés. Elle sera, de ce fait, plus forte, car une République absente des territoires est une République faible. Ces territoires et leurs habitants seront, enfin, des territoires et des habitants ordinaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, il y a, me semble-t-il, un paradoxe de la politique de la ville. Mal aimée des politiques publiques, elle fait souvent l’objet de critiques récurrentes. Au mieux, on lui reproche son manque de moyens, qui n’en ferait que l’accessoire des politiques de droit commun, au pire, on la considère inefficace et certains appellent à sa disparition pure et simple.
Dans son rapport d’évaluation d’une décennie de politique de la ville, publié en 2012, la Cour des comptes, plus mesurée, a néanmoins dressé un constat sévère : elle regrette une politique insuffisamment pilotée, un éclatement entre des zones prioritaires trop nombreuses, des opérations de rénovation urbaine mal articulées avec le soutien social, un financement sous-dimensionné du programme national de rénovation urbaine, des objectifs économiques imparfaitement pris en compte, l’absence de contrats cohérents et globaux pour l’aménagement de la ville, et j’en passe.
Pourtant, et là réside le paradoxe, il est sans doute peu de politiques publiques qui aient été poursuivies, avec une telle constance par des majorités politiques successives. Il est donc impératif et urgent de transformer, repenser, réviser et moderniser. Il faut donc transformer, repenser, réviser, moderniser. Dans le même temps, nous devons conserver des principes, des méthodes, des acteurs qui ont progressivement trouvé leur place dans un système institutionnel complexe et qui, au fil du temps, ont fait la preuve de leur efficacité. Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, et qui a fait l’objet d’une très large concertation saluée, je le crois, sur tous les bancs, s’essaie avec succès à ce difficile exercice.
Vous n’avez pas eu beaucoup de temps, mais vous n’avez pas beaucoup travaillé non plus !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Les dispositions qu’il comprend se déploient en trois axes : tout d’abord, inscrire la politique de la ville dans une géographie prioritaire resserrée et unique pour concentrer les moyens publics sur les territoires les plus en difficulté et sortir d’un zonage archaïque et vécu comme stigmatisant ; ensuite, réaffirmer ces principes structurants de la politique de la ville que sont le partenariat de l’État et des collectivités locales ainsi que la mobilisation prioritaire des politiques de droit commun dont la territorialisation nécessite d’être renforcée ; enfin, favoriser une articulation entre les dimensions urbaine et sociale de cette politique, ce qui suppose notamment de renforcer les liens entre les personnes et les lieux, entre les habitants et leurs quartiers.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de ce texte et je souhaiterais, en quelques mots, revenir sur ses principaux apports. S’agissant de la définition de la politique de la ville, notre commission a souhaité compléter et étendre le périmètre couvert en intégrant, notamment, une série d’enjeux fondamentaux comme l’emploi, l’éducation et la culture, la lutte contre la précarité énergétique ou encore le maillage urbain par les transports en commun.
Elle a plaidé pour une pérennisation, au-delà de la simple observation des réalisations de la politique de la ville, de la fonction d’évaluation de cette politique dans le cadre d’une structure indépendante telle que le comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine dont les compétences auraient pu être étendues à l’ensemble de la politique de la ville.
Notre commission s’est également beaucoup intéressée aux modalités de participation des habitants à la définition de la politique de leur quartier. La nécessité d’un renforcement de cette participation fait, me semble-t-il, consensus : le débat a donc plutôt porté sur ses modalités, comme l’a rappelé le rapporteur.
C’est ainsi qu’ont été adoptés des amendements sur la participation citoyenne des habitants à l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des actions conduites dans les quartiers populaires, avec la création, à l’initiative de nos collègues du groupe écologiste, des « maisons de projet » permettant de rendre cette participation plus effective, nous y reviendrons au cours du débat, ou encore les modalités de la concertation dans le cadre d’un projet local de renouvellement urbain.
Je suis heureux que ces propositions aient pu trouver un écho dans plusieurs amendements du Gouvernement et de notre collègue François Pupponi, rapporteur au fond. Je ne doute pas que nos débats permettront d’approfondir encore cette question, laquelle est au coeur du rapport qui vous a été récemment remis, monsieur le ministre, par Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache.
La question du statut des territoires, également abordée par François Pupponi, appelés à sortir de la géographie prioritaire de la politique de la ville a été largement débattue au regard des risques que la suppression de certains dispositifs de soutien pourrait faire courir à des quartiers demeurant encore fragiles. Je crois que de nombreux députés attendent de vous, monsieur le ministre, des éléments de nature à apaiser leurs inquiétudes.
Par ailleurs, la commission du développement durable a voté la suppression de l’article 6 du projet de loi relatif aux contrats spécifiques créés pour réaliser le Grand Paris. Je pense que nous aurons, là encore, l’occasion d’y revenir lors de notre débat.
Monsieur le président, mes chers collègues, au terme de ses travaux, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption d’un projet de loi aussi attendu que nécessaire, marquant la volonté du Gouvernement de donner de la clarté, de la transparence et surtout de l’efficacité à une politique inscrite au coeur de nos territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, juste avant de nommer le Premier ministre de la ville, Michel Delebarre, François Mitterrand, le 4 décembre 1990, disait à Bron : « Il faut absolument un membre du Gouvernement qui soit l’animateur, le pourfendeur, l’avocat, l’intervenant permanent ». Concentration démographie et urbaine, dégradation du bâti et de la cohésion sociale, émeutes, l’époque était à l’inquiétude alors qu’approchait l’an 2000. Depuis trente ans, la politique de la ville aura été de presque tous les gouvernements. Elle se sera traduite par bien des dispositifs, bien des organismes, bien des dénominations de zones, bien des sigles.
Elle n’aura pas manqué, pour autant, d’avoir des effets positifs. Elle a apaisé des plaies sociales, soutenu des associations, engagé des péréquations de solidarité favorables aux communes à faibles ressources. Elle a redessiné en profondeur certains quartiers en détruisant barres et tours sinistres, en réhabilitant des logements, en ramenant commerces et services publics dans des quartiers qui en étaient dépourvus. Elle a des acquis incontestables et nul ne songe, je le crois, à les mésestimer. Mais elle a aussi des insuffisances.
Chaque année, vous le savez, je pointe, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, le contraste existant entre l’ampleur des missions du ministère chargé de la politique de la ville et la modicité des crédits budgétaires qu’il gère en propre, contraint qu’il se trouve ainsi de s’appuyer pour mener ses actions sur des opérateurs externes, l’ANRU et l’ACSé, notamment. Pour la lisibilité de l’action publique, mais aussi pour aussi pour éviter de donner à penser qu’elle n’est qu’une politique de second rang, la politique de la ville mériterait, sans doute, d’afficher des financements au-delà des seules dotations budgétaires spécifiques du programme 147 « Politique de la ville ».
En outre, les quartiers qui bénéficient des interventions financières de la politique de la ville sont très nombreux, peut-être trop, au point que d’aucun – et ce n’est pas à tort – n’hésitent pas à parler de saupoudrage. On compte, en effet, 1 015 zones éligibles aux interventions de l’ANRU et 751 zones urbaines sensibles. Le programme ANRU 1 se termine ; c’est le moment de prendre du recul sur la politique de la ville, de tirer les conséquences de ses insuffisances et de chercher à la rendre plus efficace. L’enjeu clé d’une véritable politique de la ville ne se résume pas à doter des programmes d’intervention sociale à un niveau suffisant pour mettre du liant social dans le tissu associatif et la vie quotidienne des habitants.
Il ne peut s’agir seulement d’éteindre un incendie, de répartir un onguent de quelques milliers ou de quelques dizaines de milliers d’euros à destination d’un acteur social d’un quartier pour faire s’arrêter une crise ponctuelle. Vous l’avez bien compris, monsieur le ministre, la politique de la ville suppose que l’ensemble des politiques de droit commun, que toutes les politiques publiques privilégient aussi l’intervention sur ces quartiers et zones géographiques. Qui n’a pas rêvé d’une politique de la ville qui transcende toutes les compétences ministérielles, tous les budgets et qui sache mobiliser pour la cause de cités ou de quartiers où se concentrent de grandes difficultés des moyens à la hauteur de ces difficultés ?
Imaginons que, affirmée comme priorité des priorités et comme clairement interministérielle, la politique de la ville pourrait réunir son autorité et mobiliser des lignes budgétaires qui relèvent aujourd’hui de l’éducation nationale, du logement, de la santé, de l’économie, entre autres, et se doter ainsi d’un budget consistant, d’une assise financière solide ! Imaginons qu’au lieu d’être une politique « chapeau » en « complément » des politiques définies par ailleurs, la politique de la ville soit conçue comme un « socle » de l’action publique pour les quartiers prioritaires socle sur lequel s’érigeraient toutes les autres politiques de droit commun !
Même si tel n’est pas le schéma de la nouvelle politique de la ville du Gouvernement, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que vous portez, monsieur le ministre, est une étape très importante. Il crée un nouveau cadre, assez consensuel, me semble-t-il, afin de clarifier les objectifs et les moyens d’intervention de la politique de la ville. Il précise les objectifs poursuivis par cette politique, redéfinit utilement les principes guidant la redéfinition de sa géographie d’intervention et clarifie l’ensemble des outils qu’elle mobilise : en particulier, un nouveau programme de renouvellement urbain et une nouvelle dotation conçue comme un véritable instrument au service des quartiers défavorisés.
En réduisant le nombre de quartiers prioritaires, cette loi saura mieux concentrer les moyens là où c’est nécessaire. En structurant les interventions au niveau de l’intercommunalité avec un contrat ville unique, elle fera gagner en cohérence, donc en efficacité. Enfin, en mobilisant les crédits des autres politiques, dites de droit commun, sur les mêmes sites que ceux de la politique de la ville, elle saura agir plus puissamment. Pour que la nouvelle politique de la ville réussisse, son organisation financière, sa gouvernance aux échelons national et local et l’évaluation de sa mise en oeuvre sont essentielles.
Le Gouvernement a compris qu’il ne fallait plus baisser la garde budgétaire, qu’il fallait réorganiser les structures, les procédures, les gouvernances et la géographie prioritaire. Tout cela va dans le bon sens. Il vous faut réussir également, monsieur le ministre, le pari de la mobilisation interministérielle de toutes les politiques publiques.
Les premières conventions que vous avez préparées et signées avec plusieurs de vos collègues sont de bon augure, pour autant qu’eux-mêmes et leurs administrations comprennent bien, au moment de concrétiser les engagements, leur importance. Dans les villes, les cités, les quartiers, dans celles de nos banlieues qui sont plus fortement touchées par la crise économique et sociale, il y a de la pauvreté, de la désespérance. La peur de l’avenir y nourrit non seulement les votes extrêmes et protestataires, mais aussi les menaces à la cohésion sociale et au pacte républicain.
Ce projet de loi est donc pertinent. Il arrive au bon moment. Il propose une nouvelle méthode qui rationalise en profondeur la politique de la ville. Voilà pourquoi ce texte a obtenu un avis favorable de la commission des finances. Je remercie la commission des affaires économiques et son excellent rapporteur François Pupponi…
…d’avoir accepté nos amendements. Ce n’est pas surprenant car, à l’évidence, nous partageons les mêmes ambitions pour la politique de la ville.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Martial Saddier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, mes chers collègues, je ne serai pas trop long.
Monsieur le président Brottes, j’ai bien pris de note de votre réponse à la question que j’ai posée au début de la séance, lors de mon rappel au règlement. Je répète que l’ordre du jour du Parlement a bel et bien changé deux fois cette semaine.
Les députés du groupe UMP avancent deux autres hypothèses pour expliquer le report de l’examen de ce texte, qui devait débuter hier et a été repoussé à ce matin. Je crois que les députés du groupe UDI partagent cet avis. Peut-être le groupe socialiste avait-il besoin d’un peu plus de temps de réflexion avant de voter la motion de renvoi en commission que je vais vous présenter ? Peut-être M. le ministre avait-il besoin de l’après-midi d’hier et de la nuit pour trouver la liste des quartiers éligibles et de ceux qui ne seront pas retenus ?
J’ai trouvé cette liste, mais dans sa version de 2009 !
Vous n’aurez pas manqué de remarquer que le groupe UMP n’a pas déposé de motion de rejet préalable. Nous nous en tenons à une motion de renvoi en commission que je vais maintenant étayer sur le fond. J’espère que nous obtiendrons d’autres réponses – je vous dis cela en toute amitié – que les attaques médiocres sur le thème : « vous n’avez pas travaillé, vous n’étiez pas présent en commission. »
Nous étions un certain nombre de députés UMP présents aux réunions de la commission du développement durable, tous les mercredis matins jusqu’à quatorze heures, et le jeudi après-midi, où j’étais moi-même présent aux côtés d’Arnaud Richard, de Jean-Marie Tetart ou encore de Valérie Lacroute.
Monsieur le président Brottes, chers amis de la majorité, nous souhaitons que nos travaux se déroulent dans un bon état d’esprit : c’est pour cela que nous n’avons pas déposé de motion de rejet préalable.
Vous ne pouvez donc pas, ce matin, critiquer ce qui a été fait avant vous en parlant de saupoudrage des aides, et dans le même temps saluer – comme je le fais – l’action exemplaire de Jean-Louis Borloo lorsqu’il était ministre de la ville et de la rénovation urbaine. M. Borloo est un des grands pères de la politique de la ville dans notre pays.
Rires sur les bancs du groupe SRC.
M. Pupponi a dit : heureusement qu’il y a eu la politique de la ville dans notre pays. Vous ne pouvez pas saluer cette politique, saluer l’ANRU, et en même temps justifier ce texte en disant que rien n’a été fait jusqu’ici !
Ce que je n’ai pas fait !
Je sais que vous ne l’avez pas fait, M. le ministre.
Je tenais à préciser à nouveau aux membres de la majorité que nous voulons être constructifs tout au long de cette journée.
L’examen du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine avait bien commencé, pour une fois. Je vous en ai remercié lors des travaux de la commission, monsieur le ministre, et je vous renouvelle mes remerciements, car vous avez été jusqu’à présent le seul membre du Gouvernement à inviter, le 11 juin dernier, l’ensemble des parlementaires – dont ceux de l’opposition – pour leur présenter la méthodologie définissant la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville, et pour leur annoncer les grandes lignes de ce futur projet de loi. Cette réunion a eu lieu dans votre ministère ; j’étais présent ce soir-là. Je tiens à saluer cette démarche constructive, même s’il est bien dommage que nous soyons contraints, quelques mois plus tard, d’examiner votre texte selon un programme de travail particulièrement court, s’étalant sur neuf jours.
Neuf jours ! Tel le délai très resserré qui nous a été imparti pour travailler sur votre projet de loi. Commencé en commission du développement durable saisie pour avis le 13 novembre dernier, l’examen de ce texte s’est poursuivi dès le lendemain en commission des affaires économiques. Nous sommes à présent réunis pour l’examiner en séance publique en fin de semaine, un vendredi : je pense que ce texte aurait mérité mieux.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je ne dis pas que c’est votre intention, mais en tout cas, c’est le sentiment que vous donnez. Le Gouvernement a pourtant qualifié ce texte de nouvelle étape de la politique de la ville pour la période 2014-2020, ce qui n’est quand même pas rien. Il aurait donc mérité mieux que la procédure d’urgence, et mieux qu’une séance un vendredi.
De l’aveu même de M. Bies, rapporteur pour avis, les délais de travail qui nous ont été impartis sont relativement courts. Ce n’est pas moi qui l’ai dit, mais lui, en commission du développement durable.
Les membres de la commission du développement durable ont eu moins de 15 jours pour étudier ce projet et déposer des amendements, entre les différents ponts du mois de novembre et l’examen intense des projets de loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale. Nous sommes au coeur de l’examen du projet de loi finances ; de plus, le congrès des maires a eu lieu cette semaine – c’est symbolique. Eh bien, le vendredi de cette même semaine, nous nous retrouvons pour examiner ce texte !
Quel rythme, quel marathon législatif nous est imposé ! Des délais aussi courts ne sont certainement pas le gage d’un travail parlementaire efficace sur le fond, d’autant que la procédure accélérée a été engagée une nouvelle fois par le Gouvernement. D’un côté, le Gouvernement engage la procédure accélérée au prétexte qu’il est urgent que ce texte passe au Parlement ; d’un autre côté, M. le ministre ne cesse de nous dire : « ne vous affolez pas, la liste des quartiers éligibles et non éligibles sera disponible en avril ou en mai ». Avouez qu’il est difficile de faire plus incohérent !
Ces délais empêchent le retour de ce projet de loi devant les commissions concernées. J’y reviendrai tout à l’heure.
La politique de la ville est pour notre société un sujet essentiel, qui devrait être la priorité de votre Gouvernement comme il a été celle de notre majorité. Un meilleur calendrier, permettant des conditions de travail sereines et optimales, aurait dû s’imposer. C’est d’autant plus vrai que, monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré devant notre assemblée, le 21 mars dernier, que « le débat sur la politique de la ville est fondamental pour notre société. Son enjeu excède largement le seul sort des quartiers en difficulté. Tout d’abord, il nous interroge sur l’idée que nous devons nous faire de la ville de demain, de sa construction, de son organisation fonctionnelle et sociale, et des liens qu’elle doit organiser avec son territoire. Ensuite, il met également en lumière le défi que nous devons collectivement relever, le défi de la cohésion sociale et territoriale. Enfin, il doit aussi permettre de réfléchir sur l’architecture, l’urbanisme et, bien entendu, les outils nécessaires à la transformation écologique de nos villes. »
Vous poursuiviez ainsi, monsieur le ministre : « Mais la politique de la ville est aussi une méthodologie de l’action publique. C’est en fait la seule politique partenariale et contractuelle, qui démontre au quotidien que le décloisonnement des pratiques et l’échange d’expériences sont des facteurs d’efficacité au service des habitants. C’est également certainement la seule politique publique qui pense le citoyen dans sa globalité, dans toutes les dimensions de sa vie quotidienne, qu’il s’agisse de santé, de sécurité, de logement, d’éducation, de formation, de culture ou d’emploi. »
Je suis d’accord avec tout cela, monsieur le ministre ! Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que les idées exprimées par ces propos méritaient mieux qu’un texte examiné dans l’urgence, sans retour possible en commission ? Mieux qu’un texte dont l’examen a été décalé deux fois en une semaine, pour être examiné en catimini un vendredi ?
Compte tenu des enjeux de la politique de la ville et de son impact pour les élus et, surtout, pour nos concitoyens, il est bien dommage que vous ne laissiez pas aux députés le temps de débattre tranquillement, pendant plusieurs jours, de votre texte et des amendements déposés.
Je vous confirme qu’aujourd’hui, j’ai tout mon temps !
Une telle précipitation nous laisse penser que malgré les multiples annonces du Gouvernement, la politique de la ville n’est absolument pas une de ses priorités. Plus posément, je suis persuadé que ce texte est loin d’être abouti, et mérite autre chose que l’urgence. Nous voyons depuis une semaine que de nombreux collègues partagent cet avis.
Mes chers collègues, voilà la première raison justifiant le vote de cette motion de renvoi en commission, pour que nous cessions immédiatement nos travaux dans cet hémicycle et que nous poursuivions le travail dont ce texte a besoin en commission des affaires économiques.
Le calendrier parlementaire n’est pas propice à une parfaite analyse de ce projet de loi.
Vous êtes lent : c’est sans doute pour cela que vous n’avez rien fait pendant dix ans !
Nos réunions de travail ont aussi laissé subsister de nombreuses interrogations, de nombreuses incertitudes, à propos de deux points centraux du texte : la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville et la conclusion des contrats de ville. Malgré nos inquiétudes – sur lesquelles je reviendrai par la suite – mes collègues du groupe UMP et moi avons pu constater que le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine comportait certains points positifs. Je vous remercie d’abord, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, d’avoir accepté de rectifier un de vos amendements en réponse à l’une de nos demandes. C’est la preuve que nous avons travaillé, monsieur le rapporteur.
La qualité de l’air intérieur a ainsi été introduite parmi les objectifs de la rénovation des bâtiments des quartiers prioritaires. Cela signifie, monsieur le ministre, que vous pouvez accepter de faire de votre projet de loi le laboratoire de la qualité de l’air intérieur dans notre pays. Vous savez que c’est important, car nous sommes en contentieux avec l’Union européenne sur la qualité de l’air extérieur. Ces enjeux sont extrêmement importants : je vous le dis en tant que président du Conseil national de l’air. Nous considérons donc qu’il s’agit là d’une avancée importante.
Autre point : l’article 2 propose de prolonger de deux ans, jusqu’à fin 2015, le programme national de rénovation urbaine pour la période 2004-2013 institué par la loi du 1eraoût 2003. C’est la preuve, s’il en était besoin, qu’il n’est pas nécessaire de remettre en cause systématiquement ce que les précédentes majorités ont fait ! Ce PNRU a déjà permis d’engager la restructuration de près de 600 quartiers sensibles. Il représente environ 27 000 opérations de logement, d’aménagement, d’équipement, de financement de l’ingénierie, de l’habitat privé et d’espaces commerciaux. Les zones franches sont tout particulièrement importantes ; je sais que mon collègue Arnaud Richard y reviendra. Grâce à ces zones franches, il y a vraiment eu des avancées significatives dans les quartiers les plus défavorisés.
En plus de la prolongation d’un dispositif que nous avions mis en place, nous sommes heureux de constater qu’un nouveau programme, qui s’intitulera « programme national de renouvellement urbain » sera lancé pour la période 2014-2024. Il s’agit, certes, d’un changement de dénomination, mais pas d’un changement de caractéristiques. Celles de ce programme sont identiques à celles que nous avons prévues en 2004. Voilà encore une belle preuve de l’efficacité de notre dispositif. Je crois que cela justifierait qu’on nous laisse travailler un peu plus en commission.
Nous avions consacré 45 milliards d’euros aux investissements du PNRU, dont 12 milliards provenant de l’ANRU. L’étude d’impact de ce projet évalue les investissements nécessaires pour votre programme national de renouvellement urbain à 20 milliards d’euros seulement. C’est inquiétant ! Les enjeux et les attentes de nos concitoyens en matière de politique de la ville sont de plus en plus importants. Le premier PNRU a été plébiscité par les élus. Quels seront donc, en réalité, les moyens financiers que vous utiliserez pour parvenir à transformer les quartiers les plus fragiles ? L’enveloppe que vous proposez est inférieure à la moitié de celle du PNRU actuel ! Il y aura moins de quartiers éligibles, soi-disant pour que les moyens soient plus concentrés. Nous voyons bien cependant que, in fine, ce projet de loi aboutira à une diminution drastique des moyens financiers alloués par l’État, par le Gouvernement, à la politique de la ville. Voilà une autre question qui mériterait d’être examinée à nouveau en commission des affaires économiques.
Mes collègues du groupe UMP et moi nous posons également, depuis le début des travaux parlementaires sur ce projet, beaucoup de questions sur la réforme de la géographie prioritaire de la ville. Il est indéniablement nécessaire de rationaliser et simplifier le mille-feuille des zonages actuels – il y a, à l’heure actuelle, 751 zones urbaines sensibles, 416 zones de redynamisation urbaine et 497 contrats urbains de cohésion sociale – et de le réorganiser autour d’une seule notion. Cependant nous souhaitons vivement approfondir cette notion. Je suis convaincu que seul le renvoi de ce texte en commission des affaires économiques nous permettrait d’obtenir davantage d’informations, afin de mieux cerner l’impact de cette évolution, monsieur le ministre.
Permettez-moi de revenir sur la suppression de ces fameuses zones franches. Quid de l’impact de cette décision sur les territoires concernés ?
Vous aviez déjà pris cette décision. C’est vous qui avez décidé de supprimer les zones franches !
L’article 4 donne une définition peu claire et succincte des nouveaux « quartiers prioritaires de la politique de la ville », qui remplaceront les zonages existants. Un quartier prioritaire sera défini par un nombre minimal d’habitants et par un écart de développement économique et social apprécié selon un critère de revenu des habitants. Aucune autre indication ne figure dans le projet de loi, ni dans l’étude d’impact. Ce n’est que trois jours avant l’examen de ce texte par notre Assemblée que nous avons enfin pris connaissance des détails de la méthodologie qui sera retenue, grâce à un entretien accordé par M. le ministre au Journal du Dimanche ! C’est une étrange manière d’informer les parlementaires.
Chirac avait bien annoncé sa candidature dans la presse quotidienne régionale !
De surcroît, ces éléments sont communiqués tardivement, alors que ce volet du projet de loi suscite déjà de vives interrogations.
Je sais que cela a aussi suscité beaucoup d’interrogations parmi les députés de la majorité, même s’ils sont sages et disciplinés ce matin !
D’après les éléments dont nous disposons, le seuil retenu pour le critère de revenu devrait être de 60 % du revenu fiscal médian de référence, soit 11 250 euros.
Je vous l’ai expliqué lors de la réunion au ministère de la ville !
Oui, mais nous n’avons que cet élément : c’est un peu court ! En effet, comme je l’ai dit, je l’ai appris le 11 juin, mais vous conviendrez que c’est un peu court pour expliquer l’ensemble d’un projet de loi sur la politique de la ville qui définit un programme sur une période allant de 2014 à 2020.
L’Assemblée nationale légifère en fixant les principes, monsieur le député, pas les détails !
Avec cette nouvelle grille de calcul, toutes les zones concernées actuellement par la politique de la ville seront réévaluées, et de nouveaux quartiers seront définis comme prioritaires. On nous dit que la liste des zones relevant de la politique de la ville devrait compter seulement 1 300 quartiers, contre 2 500 aujourd’hui. Quid des quartiers qui disparaîtront ainsi de la géographie prioritaire ? L’opposition a beaucoup insisté, lors des travaux en commission, pour que ces quartiers soient pris en compte, ce qui n’est pas le cas actuellement. Quelle politique allez-vous conduire à leur égard ? Allez-vous leur proposer des dispositifs transitoires ? Si oui, pendant combien de temps ? C’est là encore un problème fondamental, qui justifie que nous recommencions nos travaux en commission. Je vois M. Brottes sourire : c’est qu’il acquiesce !
Sourires.
En appliquant la règle mathématique que vous avez présentée au Journal du dimanche, vous devriez être enfin en mesure de nous présenter aujourd’hui une liste claire des quartiers concernés par la nouvelle géographie prioritaire, cette fameuse liste…
J’ai apporté celle de 2009…
C’est cela, monsieur le ministre, lâchez-vous : présentez donc la liste de 2009 ! Mais si vous voulez être crédible et transparent, présentez aussi la liste de cette année ! Dites-nous quels quartiers ne seront plus éligibles à la politique de la ville, et quels quartiers le deviendront : nous n’attendons que cela !
Je vous réitère ici ma demande solennelle, déjà formulée en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, puis en commission des affaires économique : pouvez-vous, monsieur le ministre, nous communiquer cette fameuse liste ?
Pouvez-vous nous donner la liste des quartiers des territoires qui seront concernés ? Pour pouvoir poursuivre sereinement et en toute clarté nos débats en séance publique, notre assemblée a besoin d’être éclairée, mes chers collègues.
Nous avons besoin de transparence sur ce texte. Vous n’avez cessé, en commission des affaires économiques, de nous inviter à la transparence vis-à-vis de nos concitoyens, et je suis d’accord avec vous. Mais cette transparence vaut également pour la représentation nationale.
Nous avons besoin d’ici à ce soir, monsieur le ministre, de connaître la liste des quartiers éligibles et celle des quartiers qui feront l’objet d’un dispositif d’accompagnement sur plusieurs années pour sortir de la politique de la ville.
Avec mes collègues du groupe UMP, nous savons pertinemment que le renvoi de la communication de cette liste après les élections municipales n’est qu’une pure manoeuvre politicienne.
Moi, faire des manoeuvres politiciennes ?
Toutefois, comment voulez-vous approfondir le débat, alors que nous n’avons aucune visibilité quant aux quartiers qui pourraient être concernés par cette nouvelle géographie prioritaire, ou ne plus l’être ?
Vous l’avez compris, monsieur le ministre, pendant toute la journée et toute la durée de nos travaux, le groupe UMP vous demandera de nous donner la liste ! Et je pense que nos amis sénateurs auront le même réflexe.
Vous ne pouvez pas décréter l’urgence et refuser de renvoyer le texte en commission, tout en disant que la liste ne sera dévoilée qu’au mois d’avril, mai ou juin – je n’en sais rien.
Si nous poursuivons nos travaux et si le texte est voté tel quel, le Gouvernement aura une marge de manoeuvre particulièrement large, et nous ne savons absolument pas à quoi nous attendre.
Monsieur le ministre, des milliers d’élus, des milliers de maires, des millions de nos concitoyens nous suivent en ce moment sur internet. Ils ne demandent qu’une chose : connaître la liste des quartiers éligibles et ceux qui ne le seront plus.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
J’ai bien peur que nous soyons une nouvelle fois, quelle que soit la place que nous occupons au sein de cet hémicycle, désagréablement surpris lorsque cette fameuse liste nous sera communiquée.
Ce n’est pas un renvoi en commission, mais un renvoi au ministère, que vous demandez !
Je vous en conjure donc, mes chers collègues, nous devons cesser nos travaux tant que le Gouvernement ne fera pas acte de transparence concernant la liste des quartiers concernés.
Interrogez-vous également sur l’utilité de nos débats et de nos travaux, alors que nous n’avons et n’aurons sans doute aucune information précise – même si j’ai encore l’espoir de l’obtenir d’ici à cette nuit – sur les nouveaux quartiers prioritaires.
Autant signer tout de suite un blanc-seing au Gouvernement en matière d’aménagement du territoire et de politique de la ville.
Devant ces incertitudes et ce flou qui entourent le devenir des quartiers qui vont sortir de la géographie prioritaire et l’accompagnement dont vont bénéficier les élus, nous devons reprendre nos travaux au sein de nos différentes commissions.
Par ailleurs, qu’en est-il de la transversalité qui est l’apanage d’une bonne politique de la ville ? Si des avancées ont pu être obtenues lors de nos travaux en commission, avec la prise en compte du développement économique et de la création d’emplois au coeur de la politique de la ville, il manque toujours une vision transversale avec les autres politiques menées par votre Gouvernement.
Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine mériterait donc d’être retravaillé en commission. Comment va-t-il s’articuler avec les programmes de réussite éducative du ministère de l’éducation nationale, notamment avec la refonte des rythmes scolaires, que les inspecteurs nous demandent d’organiser dans les prochaines semaines ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Cela n’a rien à voir !
Comment ce projet va-t-il s’articuler avec les zones de sécurité prioritaire mises en oeuvre par le ministère de l’intérieur, et qui sont choisies de manière aléatoire ? Comment va-t-il s’articuler avec les zonages prévus dans le projet de loi de Cécile Duflot ? Sur ce sujet également, les préfets nous sollicitent en nous demandant des avis. Cela mériterait un peu plus de cohérence et de transversalité, monsieur le ministre.
J’en viens aux outils de concertation qui sont introduits dans ce projet de loi. Nous sommes favorables à la concertation, tout d’abord parce que c’est une pratique déjà utilisée par les maires. On peut toujours améliorer les outils de concertation, mais nous avons refusé en commission de stigmatiser les maires de France, en prétendant qu’ils n’ont jamais mené de concertation sur la politique de la ville.
La création des conseils de citoyens a débouché sur de vifs et intenses débats en commission des affaires économiques, tant sur la terminologie employée que sur la nécessité réelle de créer de telles structures. S’il est vrai que la concertation doit sans doute être améliorée, il ne faudrait pas pénaliser les élus qui font déjà un grand travail auprès de nos citoyens.
Il ne faudrait pas non plus que cette nouvelle structure se superpose à celles qui existent déjà dans un certain nombre de quartiers, surtout si leur fonctionnement s’est avéré opérant – mais nous sommes d’accord qu’il faut en mettre en place lorsqu’il n’y en a pas.
Je vous le disais déjà en commission des affaires économiques, il est impératif que le texte ménage de la souplesse, monsieur le ministre, et surtout qu’un équilibre soit trouvé entre la nécessité de la concertation et le souci de ne pas alourdir les procédures.
Par exemple, quand vous superposez un conseil de quartier à un conseil de citoyen, à un conseil municipal et à un conseil intercommunal…
Sourires.
…on a vraiment l’impression que, la main sur le coeur, vous souhaitez donner la parole à nos concitoyens,…
…mais, d’un autre côté, vous leur mettez dans les pattes deux structures dans le même quartier, dont vous rêvez qu’elles s’annulent – je le pense, sans oser le dire – pour pouvoir continuer à faire ce que vous souhaitez faire.(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela n’est pas notre vision. Nous souhaitons, nous, donner la parole à nos concitoyens. Monsieur le ministre, faites preuve de souplesse et ne cassez pas ce qui fonctionne.
À titre d’exemple, j’ai personnellement déjà réhabilité trois quartiers, qui n’ont pas été éligibles à l’ANRU – on ne me fera donc aucun procès politique. Je délibère lundi soir sur la réhabilitation du quatrième. Tout au long de la mise en oeuvre de la réhabilitation de ces quartiers, nous avons associé les habitants en organisant plus d’une dizaine de réunions, dans le cadre desquelles chaque habitant était invité à exprimer ses attentes, que nous avons écoutées.
J’ajoute que, lorsque la rénovation intérieure avait un impact sur le loyer, les habitants ont été amenés à voter. Les bailleurs sociaux ont demandé un avis. Ces dispositions sont donc déjà dans la loi. Par ailleurs, je rappelle qu’on ne peut pas démolir un quartier sans que le préfet signe et donne son accord.
Donc, soit les préfets ne font pas leur travail, soit ils s’assurent quand même d’informer les habitants. En commission des affaires économiques, on a osé nous faire croire qu’on avait démoli des immeubles sans tenir les gens au courant.
Il faut peut-être améliorer la concertation, mais oser dire qu’on a démoli des quartiers sans tenir les habitants au courant, excusez-moi, c’est déraisonnable !
Il existe donc bien des maires qui savent placer leurs habitants au coeur de la concertation.
Par ailleurs, et je m’exprime là au nom des commissaires au développement durable,…
C’est à moi de m’exprimer au nom des commissaires au développement durable !
…nous avons été étonnés de n’avoir pas pu davantage approfondir la question de la participation des habitants, sous prétexte qu’un amendement du Gouvernement allait être présenté sur ce sujet, le lendemain, en commission des affaires économiques. Quel manque de concertation !
Je vais faire un clin d’oeil au rapporteur de la commission du développement durable, que j’apprécie, mais qui n’a pas été très agréable avec moi toute à l’heure.
D’habitude, c’est le président Brottes, mais je pense que sa réponse sera de même nature !
Je voudrais lui rappeler amicalement que le Gouvernement n’avait pas présenté d’amendements en commission du développement durable, le mercredi matin. On nous a dit qu’ils seraient discutés le lendemain, en commission des affaires économiques. Ces derniers, qui, comme celui sur l’intercommunalité, modifient quand même le coeur du projet, n’ont pas été présentés en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Nous avons donc poursuivi le travail en deuxième séance de la commission des affaires économiques. On ne peut d’ailleurs pas me reprocher mon travail en commission, car je suis beaucoup intervenu dans le cadre du débat sur l’intercommunalité, et il semble que je n’ai pas posé que de questions stupides.
Sourires.
Après trois ou quatre heures de discussion, le ministre, ainsi qu’Arnaud Richard, reconnaît avec bon sens que cela pose un problème : le ministre retire donc les amendements du Gouvernement pour les représenter en séance.
Avouez donc que nous allons étudier aujourd’hui le coeur du projet concernant la politique de la ville, notamment le rôle des maires et des intercommunalités, sans que les amendements du Gouvernement n’aient été étudiés en commission. Si ce n’est pas une raison de renvoyer le texte en commission, décidément, je ne comprends plus rien au fonctionnement de notre institution !
Sourires.
Remplaçants des contrats urbains de cohésion nationale, les contrats de villes seront conclus entre l’État et les collectivités territoriales et constitueront le cadre local de mise en oeuvre de la politique de la ville. Si je suis, avec mes collègues du groupe UMP, favorable à un renforcement de l’intercommunalité en matière de politique de la ville, nous n’avons toujours pas compris – et espérons obtenir aujourd’hui des éclaircissements – le partage des compétences entre le maire et le l’EPCI.
Les élus ont besoin de souplesse et il est impératif de leur laisser le libre choix, en raison des considérations locales, du niveau de collectivités le plus à même de contracter avec l’État. Selon les spécificités des territoires, si le texte de loi est ambigu sur le partage des rôles entre la commune et l’intercommunalité, sa mise en oeuvre entraînera inévitablement des situations qui seraient d’un point de vue juridique particulièrement complexes, et impossibles à mettre en oeuvre sur le terrain.
Un risque de blocage de certaines initiatives communales est fort probable, lorsque l’intercommunalité refuse la signature d’un contrat de ville, alors que les élus communaux souhaitent en bénéficier, car un ou plusieurs quartiers seraient, à travers la méthode du carroyage, éventuellement éligibles.
Bien que l’amendement du rapporteur prévoyant une sanction applicable aux EPCI non-signataires ait été adopté, il ne répond cependant pas à tous les cas de figures que nous pourrons rencontrer. Il ne prend en compte, en effet, que le cas des EPCI ayant sur leur territoire un ou plusieurs quartiers prioritaires.
Qu’en est-il donc des quartiers qui sortent de la nouvelle géographie prioritaire et qui peuvent également utiliser ce nouvel outil de contractualisation ? Sur ce sujet également, les 1 500 quartiers qui vont sortir de la politique de la ville mériteraient, à eux seuls, qu’on leur consacre une séance de la commission des affaires économiques. Qu’en est-il, monsieur le ministre, de ces quartiers « sortants », dont je tiens à repréciser que nous ne connaissons toujours pas la liste ?
Cela bien relève du TOC !
Sur ce point, aucune réponse ne nous a, pour l’heure, été apportée. Il est donc impératif, si nous voulons éviter tout blocage dans la pratique, que nous poursuivions tout d’abord nos travaux en commission des affaires économiques avant de revenir dans cet hémicycle.
Par ailleurs, il n’est selon nous pas opportun de programmer la conclusion des contrats de ville et l’actualisation de la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville en fonction des échéances municipales. C’est bien cela le fond du problème : vous présentez en catimini le texte dans l’hémicycle, et vous dévoilerez la liste après les élections municipales.
Ce sont sûrement les députés et sénateurs socialistes cumulards – qui votent dans nos hémicycles contre le cumul, mais qui veulent se représenter aux élections municipales – qui ne veulent absolument pas que la liste soit publiée avant les élections.
Chaque collectivité devrait pouvoir déterminer à quel moment il est pertinent pour elle de signer un contrat de ville en tenant compte des considérations locales et des objectifs de ce contrat, plutôt que d’éventuelles considérations politiciennes liées aux échéances électorales. Ces considérations ne devraient pas interagir avec la mise en oeuvre de la politique de la ville.
Pensez aux maires, monsieur le ministre et mes chers collègues ! La main sur le coeur, vous nous dites que cela doit correspondre au mandat 2014-2020. Mais, appliquez vos propres principes ! Nous sommes en train de préparer les budgets municipaux pour 2014 ; si vous voulez que les maires de France s’adaptent aux nouveaux critères d’éligibilité, il faut les leur donner maintenant, afin qu’ils les intègrent dans le budget 2014.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous n’avez pas lu la loi !
Ils seraient ainsi en mesure de mettre en oeuvre la politique d’éligibilité ou non des quartiers à la politique la ville dès la première année de mandat ! À défaut, cela va être pénalisant pour eux.
Monsieur le ministre, je vous le dis avec le coeur : nous sommes en train de préparer les budgets 2014 et avons besoin de savoir si nous devons conforter l’action de l’État car nous sommes éligibles, ou si nous devons palier le retrait de l’État.
Manque de transparence dans la détermination des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville – car vous ne voulez pas nous donner la liste –, absence de transversalité entre les différentes politiques du Gouvernement,…
Vous ne manquez pas de mauvaise foi !
…flou qui entoure la conclusion des contrats de ville, risque d’un alourdissement et d’une complexification des procédures de concertation, alors que nous souhaitons tous sincèrement le contraire.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles, je vous invite, sans ambiguïté, à renvoyer nos travaux en commission. Nous pouvons rester disponibles jusqu’à dimanche, pour travailler le texte ce week-end en commission et revenir l’examiner lundi ou mardi dans l’hémicycle.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je m’engage à rester là dimanche, avec mes collègues Valérie Lacroute, Jean-Marie Tetard, et Arnaud Richard…
…pour travailler en commission et améliorer le texte de la politique de la ville.
Je pense que notre démonstration est implacable et je vous invite à voter cette motion de renvoi en commission, qui permettra ainsi un meilleur examen du texte, une clarification des zones d’ombre qui l’entourent, et une divulgation par le ministre de la fameuse liste, dont nous avons absolument besoin.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Déjà qu’à vingt vous n’arrivez pas à suivre, à trois, on ne va pas y arriver !
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur Saddier, c’est un grand jour pour vous. Vous rentrez dans l’histoire de cette maison : on vous appellera désormais « le catimini du vendredi ».
Il ne vous a pas échappé que catimini signifie : « manière d’agir secrète et mystérieuse. » Pourtant, vous nous disiez que des millions de personnes nous suivaient sur internet et attendaient un certain nombre de réponses. Il est légitime que vous posiez ces questions, mais il est contradictoire de dire que des millions de personnes nous suivent et que nous légiférons en catimini. Cette contradiction dans vos propos ne vous aura pas échappé.
Je note aussi que vous avez un problème avec les jours de la semaine. Vous êtes pour le travail le dimanche pour tous, contre les cinq jours à l’école, et contre le travail le vendredi à l’Assemblée nationale. Il faut quand même que vous revoyiez un peu vos tablettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J’ai parlé des rythmes scolaires ! Mais essayez quand même de parler du texte !
Je reviens très sérieusement sur le choix du vendredi : le congrès des maires s’est terminé hier, examiner aujourd’hui ce texte dans l’hémicycle permet donc à tous les maires effectivement intéressés par ces questions de suivre nos travaux, ce qu’ils n’auraient pas pu faire hier, alors qu’ils étaient en congrès. Cela aurait donc été irrespectueux de notre part.
Notez cette intention, car elle est non seulement louable,…
…mais elle nous permet également d’être transparents, comme vous le souhaitez, à l’égard de tous les maires qui attendent avec impatience cette politique de la ville. Je voulais vous préciser ce calendrier, avec lequel j’ai bien compris que vous aviez un petit problème.
Il n’a que des problèmes, en fait !
Par ailleurs, vous avez été à mi-temps en commission du développement durable et à mi-temps en commission des affaires économiques, ce qui fait un plein-temps, je vous l’accorde.
Je ne vous reprocherai pas du tout votre manque de participation, puisque vous avez été présent.
Mais je veux vous rappeler que la commission des finances, celle du développement durable et celle des affaires économiques ont travaillé en tout seize heures sur ce texte, un temps tout de même significatif vu le nombre d’articles.
S’agissant des amendements, sur les 194 amendements déposés, soixante-treize ont été acceptés, et puis quarante-neuf autres tout à l’heure lors de l’examen au titre de l’article 88. Cela veut dire que la contribution des députés a été abondante et le travail en commission réel – vous en avez été témoin, ne soyez pas de mauvaise foi. Je vous rappelle qu’à plusieurs moments nous avons même suspendu nos travaux parce que nous avions besoin de mener la concertation encore plus avant au sein des différents groupes. Le travail en commission a donc été exceptionnellement important. C’est la raison pour laquelle je ne vois pas du tout l’intérêt de le recommencer.
Ce projet de loi est un grand texte parce qu’il pose le mot respect en lettres de lumière à l’entrée des quartiers en posant comme principes le droit à l’attention, le droit à la dignité, le droit à la considération. Que cette politique de la ville renvoie ces quartiers à de réelles perspectives d’avenir est vraiment l’objectif que nous poursuivons et je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir tenu, dans le cadre d’une très large concertation que vous avez soulignée, à entraîner tout le monde pour y parvenir. Leurs habitants le méritent bien.
La co-construction avec les habitants, qui a fait l’objet d’un long débat en commission, sera certainement la clef du succès de l’adhésion au projet commun et à sa réussite : sans co-construction, sans adhésion, aucun projet ne pourra réussir.
Monsieur le ministre, il y a un très beau portrait de vous dans un grand journal du matin – ce matin, c’était « Lamy et les croissants » – avec un très joli texte sur votre histoire, sur votre implication dans les quartiers, une implication de longue date et soulignée à juste titre. Cela montre que ceux qui font de la politique à haut niveau ne viennent pas de nulle part, ce que je tiens à souligner car on leur reproche parfois de ne pas être issus du terrain. Les choix du Gouvernement nous honorent car ils sont porteurs non seulement de symboles mais aussi de la réalité de l’implication des personnes qui incarnent les politiques de la ville. Le titre du portrait que vous consacre Libération, « Marche à l’ombre », est une façon de rappeler que si vous marchez à l’ombre, vous mettez en lumière les quartiers, ce que je trouve formidable. Je me souviens d’un slogan que j’ai vu écrit sur un mur à Montréal : « Tous ceux qui y rentrent s’en sortent ». Il pourrait être le titre de votre projet de loi.
Chers collègues, vous l’aurez compris, je ne vois pas du tout l’intérêt de voter cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Plusieurs députés du groupe SRC. Vous êtes sourd !
Monsieur le président de la commission des affaires économiques, je vous remercie pour cet hommage. Quant à M. Saddier, il me semble que ses propos s’apparentent à un TOC puisqu’il revient sans cesse sur la même question.
Si je peux participer à votre guérison, je vais m’y efforcer maintenant.
Sourires.
S’agissant de l’examen du texte en urgence, vous avez vous-même souligné, monsieur Saddier, que ce texte a fait l’objet d’une très longue concertation en amont,…
…engagée depuis le mois d’octobre 2012 avec les maires, les parlementaires, le monde associatif, les professionnels de la politique de la ville, les acteurs économiques. Il a fait l’objet d’un millier de cahiers d’observations rédigés par les acteurs, qui ont tous été analysés, et un tel travail a permis que se tienne une réunion à laquelle ont été invités tous les parlementaires en juin dernier. Vous avez alors eu le mode d’emploi, j’ai même illustré la question du critère unique par un exemple. Ainsi, pour ce qui concerne la future carte de la géographie prioritaire, dès le 11 juin au soir, tout était clair, vous ne deviez plus avoir de problèmes pour comprendre le mécanisme.
De plus, vous savez qu’énormément de textes attendent de passer au Parlement, et le Gouvernement a choisi la procédure accélérée parce qu’il a estimé que le gros du travail avait déjà été entrepris depuis plusieurs mois et qu’il était important de le voter avant les élections municipales. Il est important qu’au sortir de ces élections, les maires et les présidents d’intercommunalités puissent tout de suite engager la dynamique en établissant un diagnostic de territoire…
…de façon à pouvoir signer un contrat de ville le plus tôt possible pour pouvoir mettre en oeuvre les actions à déterminer dans le projet de territoire. Il faut donc que le projet de loi soit promulgué avant.
Quant à la composition de la liste des quartiers concernés, je respecte le Parlement : il est entendu que mon ministère a fait des simulations, mais quel choix pourrais-je faire alors que les parlementaires n’ont pas encore voté le critère unique ? C’est une première étape indispensable.
Bien sûr, monsieur Germain. Après la promulgation de la loi, la seconde étape consistera à procéder à des allers et retours indispensables entre les préfets et les élus pour vérifier que les simulations sont bien opérationnelles sur le terrain afin de n’oublier aucun quartier ou morceau de quartier. Par exemple, dans le bassin minier du Pas-de-Calais, il y a des friches, et la technique employée, le carroyage, aboutit à ce qu’une friche importante au milieu d’un quartier en difficulté risque de masquer celui-ci. On a donc besoin de faire ces allers et retours.
Aucun quartier ne sera oublié par la politique de la ville.
Telle est la méthodologie et la façon dont nous allons travailler pour mettre en oeuvre ce texte, et je l’ai dit en commission. Tout parlementaire, tout maire, qui souhaite voir des simulations pour son territoire, peut bien entendu venir au ministère de la ville. Tous ceux qui sont déjà venus le savent : nous montrons les cartes et commençons à comparer et à déterminer les difficultés. Vous pouvez dire aux membres de votre groupe qu’il n’y a aucune difficulté à ce sujet.
En outre, j’ai précisé en commission que je propose un groupe de suivi paritaire députés et sénateurs, d’opposition comme de la majorité, qui constate lui-même l’objectivité et la transparence des allers et retours entre les préfets et les maires.
J’espère vous avoir rassuré et que nous allons passer à d’autres sujets importants et pas seulement…
…résumer ce débat sur le politique de la ville à une question de liste qui n’a pas de raison d’être aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.
Je pense que tout a été dit dans les interventions du président Brottes et de M. Le ministre. Je ne vois pas bien pourquoi on remettrait à plus tard l’examen d’un projet de loi dont on sait l’urgence. C’est un bon texte. Il a été élaboré longuement ; la concertation a eu lieu ; nous avons reçu le rapport tout à fait intéressant de Mme Bacqué et de M. Mecmache dont on parlera au cours du débat : tout cela montre combien il ne faut pas traîner sur un tel sujet.
Je sais bien les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ce n’est pas faux de le rappeler.
Je vous remercie, ma chère collègue ! Écoutez-la, monsieur le ministre, elle a raison !
Il est souvent compliqué pour les parlementaires de travailler dans de bonnes conditions, nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais nous sommes malgré tout présents aujourd’hui. Des gens nous regardent dans les tribunes, nous ne sommes pas ici en catimini et le vendredi est un jour comme les autres. Je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter cette motion de renvoi en commission et à poursuivre l’examen d’un texte qui me semble essentiel.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais si c’est parce qu’il a prévu de rester jusqu’à dimanche que M. Saddier a été un peu long.
Il est vrai que parler plus de quarante minutes pour, à la fin des fins, ne demander qu’une liste, montre que les plus longs discours ne sont pas toujours les plus percutants. On peut d’ailleurs voir l’intérêt que porte le groupe UMP à un texte essentiel pour l’homogénéité de notre pays à la présence assidue de ses élus. Je reconnais que je n’ai pas participé aux travaux de la commission, mais les radicaux de gauche qui y étaient présents m’ont demandé de louer publiquement le grand esprit de concertation qui a animé le ministre dans l’élaboration de ce texte et depuis.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Certains disent que le Parlement n’a pas été respecté, mais mes collègues m’ont dit qu’il y avait eu plusieurs réunions de travail, des allers-retours, et que les propositions d’amendements ont fait l’objet d’un grand respect – il est vrai que sous l’autorité du président Brottes, c’est presque une obligation.
Sourires.
Dernier point : vous parlez sans cesse de liste, monsieur Saddier, mais je peux vous renverser l’argument car pourquoi la voudriez-vous avant les élections municipales ? Ne serait-ce pas pour vous en servir comme argument électoral dans les endroits où vous êtes en difficulté ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pour conclure, s’il y a une chose dont on ne peut pas accuser ce texte, c’est l’absence de volonté de transparence dans la définition de la géographie prioritaire. Il est fini le temps d’un certain copinage en matière de politique de la ville – ce que je dis vaut aussi bien pour la droite que pour la gauche – et on va enfin avoir de la transparence. Ainsi, on ne discutera plus des critères de la géographie prioritaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je rappelle que le temps de parole est de trente minutes pour les motions de procédure en première lecture, et M. Saddier ne les a pas dépassées.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Toute la journée de jeudi dernier, nous avons accompli un travail important en commission des affaires économiques, a rappelé le président Brottes, en examinant presque 200 amendements, et certains amendements de fond ont été adoptés.
Le ministre et le rapporteur ont très bien expliqué que ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine traduit les engagements pris par le Président de la République pendant sa campagne présidentielle. J’ajoute que ce texte est le fruit d’une large concertation entre les parlementaires, et j’en profite pour souligner la forte mobilisation des députés du groupe socialiste mais aussi celle de nombreux élus locaux, de professionnels de la politique de la ville et d’associations de représentants d’habitants.
Ce projet de loi, dont l’objectif est de redéfinir sur une base claire et lisible les territoires sur lesquels la politique de la ville doit être menée, vise à instaurer un cadre local d’actions plus efficace et à créer de nouveaux outils pour favoriser la participation des habitants. Il va pouvoir être discuté et adopté par L’Assemblée nationale.
Pourquoi le groupe SRC ne votera-t-il pas le renvoi en commission ? Tout d’abord parce que ce texte met en place une nouvelle géographie prioritaire se fondant sur un critère unique pour pouvoir identifier les concentrations de pauvreté sur les territoires. Cette conjugaison de la simplification et de l’efficacité permettra de raccrocher à la politique de la ville des territoires urbains et ruraux auparavant complètement oubliés. Je peux témoigner, étant élue du Pas-de-Calais, qu’il y avait jusqu’ici, dans le basin minier, des poches pas du tout intégrées à la politique de la ville alors qu’elles présentent les mêmes difficultés que les quartiers populaires des grandes agglomérations.
Ce texte instaure une solidarité nationale à destination des collectivités locales mais également une solidarité financière entre les territoires, et crée notamment une dotation de politique de la ville. Il permet l’achèvement du programme national de rénovation urbaine, qui est prolongé de deux ans, en parallèle à un nouveau plan de renouvellement urbain. Enfin, il favorise une mobilisation citoyenne de toutes sortes, que les habitants de ces quartiers populaires soient informés, consultés, associés mais aussi engagés dans un processus de co-construction des contrats de ville et des opérations de renouvellement urbain.
Monsieur Saddier, il y a urgence pour les habitants des quartiers, il est urgent de voter le texte pour connaître la liste des quartiers.
Pour toutes ces raisons, le groupe SRC ne votera pas cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Monsieur le ministre, M. Saddier a expliqué, sans dépasser trente minutes, les objectifs qui sont les nôtres en proposant cette motion de renvoi en commission.
Vous avez souligné que les concertations préalables avaient été exhaustives. Ce n’est pas parce qu’elles sont exhaustives que le produit livré en commission permet un travail de qualité, et je voudrais souligner simplement trois points.
D’abord, nous avons passé beaucoup de temps en commission à rendre très bavard l’alinéa 4 de l’article 1er, phrase de près de 150 mots qui essaient de rendre tous les aspects que viserait une politique de la ville. C’était bien inutile.
Ensuite, nous avons eu plus que sur tout autre texte des interrogations qui vous ont fait dire que nous aurions de nouvelles propositions en séance, ce qui montre aussi le manque de préparation du texte.
Enfin, il subsiste encore des articles prévoyant qu’ « il est envisagé d’instituer ». Vous devez, je crois, apporter des correctifs en séance mais cela ne figure pas dans le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission.
Ce sont des signes que les travaux n’étaient pas les plus aboutis et, pour ces trois arguments, sans même reprendre le problème de la liste, nous allons voter cette motion de renvoi en commission.
Le terme de catimini n’est effectivement pas approprié, mieux vaut parler de discrétion. Travailler le vendredi sur un sujet aussi grave et aussi important, selon les propos qui ont été ceux du Président de la République pendant la campagne présidentielle, n’est pas très opportun. Dire que l’un de nos collègues est atteint de TOC, monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que ce soit très délicat, cela augure mal de la qualité de nos travaux.
Il ne le prend pas mal !
Certes, mais je ne pense pas qu’il ait des troubles de la personnalité.
En commission, nous avons eu un travail de qualité, avec tout de même beaucoup de flou sur de nombreux sujets. Je ne reviendrai pas sur la liste des quartiers. Nous avons bien compris qu’il y aurait une distinction entre ceux qui seront éligibles et ceux qui seront élus, il y a donc vraiment un choix subjectif.
Vous nous avez expliqué que cette géographie prioritaire s’appliquerait en 2015. Par conséquent, s’il y a urgence pour les quartiers, je vous l’accorde, vous auriez pu en revanche ne pas déclarer l’urgence pour l’examen de ce texte.
Il règne un flou certain sur la dotation de la politique de la ville, la période de transition, la situation actuelle et la situation de demain, on l’a vu pour les ZSP, l’éducation, la NBI, les différents types de zonage. Quid aussi de ce contrat unique entre l’intercommunalité et la commune ?
Au vu tout ce flou qui persiste, qui n’a pas été, je crois, levé pendant les travaux en commission, il nous paraît de bon aloi de retourner travailler, dans un climat de qualité, je vous l’accorde. Nous voterons donc cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste se félicite que ce nécessaire projet de loi sur la politique de la ville et la cohésion urbaine soit examiné aujourd’hui devant notre Assemblée. Nous partageons pleinement l’esprit de ce texte, même si nous souhaitons aller plus loin sur certains points, j’y reviendrai.
Quel est d’abord l’objectif même à assigner à la politique de la ville ?
Un premier objectif est l’amélioration de la qualité de vie dans les quartiers. C’est dans cet esprit que j’avais proposé en commission du développement durable de modifier le titre de la loi. Parler de cohésion urbaine me semble trop technocratique et trop éloigné des préoccupations directes des habitants. Intégrer l’idée de bien-vivre dans les quartiers dans le titre aurait été préférable. Cela peut sembler anecdotique, mais les mots ont un sens et permettent très souvent une appropriation ou non par les habitants des politiques menées. Qui plus est, l’objectif principal des programmes de rénovation urbaine et d’aide aux associations est justement de favoriser ce bien-vivre en ville.
Néanmoins, se focaliser sur cet objectif de cohésion urbaine, de mieux-vivre en ville, c’est, me semble-t-il, traiter les conséquences et non les causes d’un problème central que sont la précarité des habitants et le manque d’activité économique durable.
C’est pourquoi il serait nécessaire de donner à la politique de la ville un autre objectif, qui est d’améliorer la situation économique, sociale et environnementale du quartier. Comme pour la fiscalité comportementale, dont l’objectif est de réduire la base fiscale, l’objectif de la politique de la ville est de réduire le nombre de quartiers prioritaires, en améliorant le niveau de vie des habitants. Pourtant, lors de la dernière décennie, aucun quartier entré dans le périmètre de la politique de la ville n’en est sorti, et ce projet de loi ne va une nouvelle fois pas assez loin dans la recherche de solutions pour traiter les causes du problème, donc combattre les inégalités et les discriminations, qui ne doivent pas être considérées comme irréversibles. Je voulais le rappeler mais, je le sais bien, la politique de la ville ne peut pas tout.
Venons-en aux dispositions de ce projet.
La concentration des moyens, donc la réduction du nombre de quartiers prioritaires, mesure phare de ce projet de loi, est une nécessité budgétaire. Deux questions se posent cependant.
La première porte sur les territoires qui sortent de la géographie prioritaire, plus de 1 000. Le statut de territoire de veille a été adopté en commission, et c’est une avancée essentielle, mais la question demeure du soutien à apporter à certaines associations qui oeuvraient dans ces quartiers et qui n’auront plus de financements spécifiques. Avec de faibles sommes investies, la politique de la ville peut déboucher sur de grands résultats, utiles, compte tenu, notamment, de ce qui se produirait si elle n’existait pas. Je pense notamment aux associations qui oeuvrent dans le domaine de l’éducation, de l’alphabétisation ou à celles qui aident à l’apprentissage du français.
Il n’est pas anodin, dans certains quartiers, de supprimer des « petits financements » aux associations. Si un territoire fraîchement sorti de la géographie prioritaire y retombait quelques années après car sa situation se serait dégradée, ce serait un échec de la politique de la ville. C’est pourquoi cette stratégie de territoire de veille devra être réellement active, et surtout réactive, en cas de dégradation des indicateurs sociaux et économiques.
De même, qu’en est-il des dispositifs de droit commun qui s’appliquent prioritairement dans les quartiers prioritaires ? Je pense aux emplois d’avenir, pour lesquels les conditions d’attribution sont plus souples pour les habitants de ces quartiers, mais d’autres dispositifs s’y appliquent spécifiquement ou avec des dérogations. Quel sera l’impact de l’abandon de dispositifs de droit commun dans les quartiers qui sortiront de la politique de la ville ?
La seconde question porte sur le financement : le recentrage des crédits ne doit évidemment pas déboucher sur une baisse globale de la dotation allouée à la politique de la ville. S’agit-il donc de faire mieux avec moins ou beaucoup mieux avec autant ?
L’inscription à l’article 2 d’un nouveau plan de rénovation urbaine est une bonne chose. Certes, le financement prévu est moindre que pour le premier programme de rénovation, mais, avec 5 milliards d’euros, il permet au final de lever 20 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable pour une deuxième phase.
Si ces opérations sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie, elles ne doivent pas aboutir à une gentrification de certains quartiers, c’est-à-dire à l’arrivée de personnes moins précaires, qui profiteraient d’un cadre de vie amélioré, reléguant les habitants d’origine dans d’autres quartiers moins agréables. Sur cette question, on est, me semble-t-il, face à un dilemme. Si l’on veut ramener de la mixité sociale dans ces quartiers, l’arrivée de nouveaux habitants est une solution, mais on peut également favoriser la mixité sociale en améliorant la situation économique des habitants originaire de ces quartiers. L’équilibre est donc subtil, mais la seconde solution est clairement à privilégier. Il s’agit, avant tout, d’aider les habitants dans ces quartiers plutôt que d’améliorer de façon trompeuse les indicateurs économiques du quartier.
Je l’ai souligné, le texte ne me semble pas aller suffisamment loin sur cette question de l’emploi et de l’activité économique dans ces quartiers. Qu’est-il prévu par le Gouvernement pour développer l’activité économique ? Le critère économique est le seul que l’on utilise pour distinguer ces quartiers prioritaires mais, au final on n’agit pas vraiment sur ce critère, ce qui semble paradoxal. Une activité économique durable est nécessaire pour que ces quartiers ne soient pas des quartiers de relégation pour inactifs, des zones que les habitants quitteraient une fois un travail décroché ailleurs.
La seule façon d’inciter les habitants dont le niveau de vie s’améliore à rester dans les quartiers est de leur offrir un emploi dans le quartier, donc de développer une vie économique locale, exercice complexe, je vous l’accorde.
J’en viens à un point essentiel pour notre groupe, la participation des citoyens à la politique de la ville, qui a fait l’objet de plusieurs amendements en commission et en séance et de débats très intéressants.
Sur ce sujet, l’excellent rapport Mechmache-Bacqué a fait plusieurs propositions très volontaristes, qui, à notre avis, n’ont pas été suffisamment prises en compte et que nous souhaitons voir introduites dans le texte.
Nous avions ainsi proposé en commission l’idée de co-construction, qui a été retenue. Il est nécessaire, en effet, d’aller plus loin que de simples consultations ou concertations, en intégrant clairement dans la politique de la ville les souhaits des habitants. Un amendement a été déposé pour aller plus loin dans cette co-construction, avec l’idée qu’elle puisse déboucher sur un référendum d’initiative locale, qui porterait sur le contrat de ville ou sur certaines modalités du contrat de ville. Pour que les habitants s’approprient le plus possible cette démarche de co-élaboration, ils doivent être décisionnaires au final.
Certains diront qu’il ne faut pas remplacer la démocratie participative par la démocratie directe. Je pense au contraire qu’une véritable démocratie participative ne doit pas faire semblant d’écouter, mais qu’elle doit permettre, après une phase d’échange, de laisser au citoyen la possibilité d’arbitrer telle ou telle disposition. Ce n’est qu’avec des mesures fortes de ce type qu’on réussira la politique de la ville.
Malheureusement, l’amendement a fait l’objet de la sévérité et de la rigidité de la commission des finances. C’est dommage puisque cette censure nous empêchera d’avoir un débat sur le fond du sujet, c’est-à-dire sur le pouvoir de décision des habitants. Censurer une discussion sur la démocratie dans les quartiers au regard de considérations financières assez spécieuses me semble très dommageable pour nos travaux. J’espère que le Gouvernement proposera des éléments sur cette idée de référendums locaux.
Concernant le dispositif des conseils de citoyens, il est nécessaire de revenir à la désignation proposée initialement par le Gouvernement. Il s’agit d’un conseil de citoyens et non d’un conseil citoyen. Ce conseil de citoyens, c’est l’instance de dialogue avec tous les habitants du quartier. Le choix des mots a dans ce domaine une forte portée symbolique, s’agissant de quartiers et de populations qui souffrent bien souvent d’un sentiment de relégation, voire d’abandon. Il est particulièrement important d’affirmer la qualité de citoyen des habitants et des habitantes qui se mobilisent dans la conduite et l’animation des contrats de ville et dont l’engagement sera décisif pour la réussite des actions entreprises.
Dernier point, la prise en compte de la transition écologique et du développement durable dans la politique de la ville. Les opérations d’aménagement urbain, menées notamment dans le cadre de l’ANRU, doivent intégrer des objectifs de lutte contre la précarité énergétique, de transition énergétique et écologique de la société. De même, la mise en place des trames vertes et bleues est souvent difficile dans ces quartiers. La prise en compte de la biodiversité, de la nature en ville est également un impératif pour rendre ces quartiers agréables à vivre pour tous.
Si nous espérons des avancées, notamment sur la participation, nous soutiendrons bien sûr ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
« Je suis la ville et n’en peux plus
« je fus bâtie je suis battue
« je fus aimée à mes saisons
« je fus maison je suis prison »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet extrait du poème d’Henri Gougaud, qui date de 1977, « Je suis la ville », inspire parfaitement la problématique qu’ont eue les villes modernes, problématique apparue à cette époque avec le début de concentrations urbaines.
En 1991, il y a un peu plus de vingt ans, cette prise de conscience a mené à la création du ministère de la ville. Ce ministère a souvent été confronté aux limites de la transversalité, de nombreuses actions étant menées par des ministères différents dans le cadre de leurs propres politiques, ainsi qu’aux limites de la verticalité, car les partenariats avec les collectivités locales concernées sont essentiels.
Le ministère de la ville doit également être au coeur de la lutte contre les différentes fractures apparues ces dernières années dans notre société, qu’elles soient sociales ou spatiales. Car, avec le temps, les quartiers concernés ont eu de nombreux qualificatifs : ils ont été « difficiles », « fragiles », ou bien encore « sensibles ». En fait, il s’agit surtout de quartiers composés de grands ensembles ou d’habitats dégradés avec des difficultés sociales fortes et parfois un manque de services publics et de services au public.
Une première véritable impulsion a été donnée en 1996, avec la création des ZUS, les fameuses zones urbaines sensibles, qui comprenaient des zones de redynamisation urbaine et les zones franches urbaines. Il y en avait quarante-quatre au démarrage, puis quarante et une de plus sept ans après. En 2003, le programme national de rénovation urbaine a permis de créer l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et a donné une impulsion pour restructurer des quartiers classés obligatoirement en zone urbaine sensible. Ensuite, en 2007, les contrats urbains de cohésion sociale ont remplacé les vieux contrats de ville.
Avec l’ancien président, on allait rompre avec le passé, on allait voir ce qu’on allait voir. Il y a eu beaucoup d’effets de manche, beaucoup de promesses, des expressions ronflantes et parfois contradictoires – « Espoir Banlieue » et puis, derrière, « nettoyage au karcher » ! –, et à la fin un bilan calamiteux : la pauvreté en banlieue a augmenté, le chômage aussi, et rien ne s’est amélioré, au contraire.
Cette réalité politique nous conduit à penser qu’il y a dorénavant une certaine urgence à agir ou plutôt à réagir. C’est pourquoi les députés radicaux de gauche et apparentés apprécient particulièrement le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre. Car les progrès de la politique de rénovation urbaine ne peuvent produire des effets positifs qu’à la condition d’être accompagnés par la mobilisation de tous les acteurs : les collectivités, bien sûr, les habitants et les élus.
La rénovation d’un quartier ne doit pas se limiter à l’urbanisme, même si c’est important. La réussite de la politique de la ville passe avant tout par l’emploi. À cet égard, la politique actuellement menée par le Gouvernement en direction des jeunes avec les emplois d’avenir, nous paraît une réponse adaptée.
La réussite de la politique de la ville passe également par le logement, et le projet de loi actuellement en discussion pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové est également une réponse adaptée.
La réussite de la politique de la ville passe aussi par l’éducation. La loi de refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 apporte des réponses en termes de moyens et fixe des objectifs pour lutter contre l’échec scolaire, et surtout pour faire en sorte que l’école, même dans des quartiers difficiles, reste un vecteur de mobilité sociale.
La réussite de la politique de la ville passe encore par la sécurité, liberté publique essentielle pour le « vivre ensemble » ; les zones de sécurité prioritaires créées par Manuel Valls en sont une expression rassurante, qui donne déjà des résultats tangibles.
Et puis il y a l’encouragement économique, le sport et la culture, la vie associative encouragée et le développement des infrastructures de transport pour que ces quartiers ne soient pas trop enclavés.
L’assemblage de toutes ces initiatives montre que le Gouvernement agit, dans le droit fil des priorités fixées par le Président de la République.
Je n’oublie pas le rôle crucial joué par les collectivités territoriales et les élus locaux qui, dans des conditions parfois difficiles, maintiennent ce que j’appelle le lien républicain, restent à l’écoute, au contact de la population, pour qu’elle ne se sente pas trop exclue.
Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine vise à clarifier et à rendre plus lisible l’action de l’État dans les territoires concernés par la politique de la ville. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à trouver des moyens pour que la phase de transition vers la nouvelle géographie prioritaire soit lissée sur plusieurs années, en prorogeant le terme fixé pour le programme national de rénovation urbaine. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette démarche, car on ne peut donner un coup d’arrêt brutal aux réalisations en cours de municipalités qui tiennent à honorer leurs promesses.
Un des constats que vous faites dans ce projet de loi concerne justement la nécessité de remplacer la dotation de développement urbain par une dotation spécifique « politique de la ville » à partir de 2015 – 2015 afin de préparer au mieux le fléchage le plus adéquat de cette dotation.
La politique de la ville s’est souvent perdue par le passé dans les travers du saupoudrage, de l’éparpillement des moyens, de la dispersion des crédits, de l’empilage des dispositifs : les ZUS, les CUCS, les ZRU, les ZFU, et je dois en oublier ! C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous soutenons sans ambages votre volonté de mettre en place une géographie prioritaire unique avec un critère objectif, indiscutable, transparent et, je dirai même, impartial : le revenu des habitants. Cette géographie prioritaire unique est un point essentiel du projet de loi. Il nous permettra de concentrer les efforts sur les poches de grande pauvreté. II fixera les zones véritablement prioritaires avec un critère simple mais terriblement réaliste et efficace. Et puis nous aurons l’occasion de réviser ces zones afin d’apprécier les évolutions urbaines, dans le dialogue que vous avez proposé et dont nous nous félicitons.
À côté des dotations spécifiques, vous proposez de mettre en oeuvre des contrats de ville « nouvelle génération » d’une durée de six ans ; il vous appartiendra de créer les conditions d’une bonne articulation entre les différents dispositifs pour ne pas perdre en efficacité. De même, avec le conseil citoyen, il vous faudra démontrer que cette instance aura une utilité citoyenne pour le dialogue, sans concurrencer ce qui reste l’âme de la République, le conseil municipal. Les radicaux éprouvent une méfiance naturelle envers ces instances participatives qui, si elles ont toujours pour origine une bonne intention, sont parfois détournées de leur objectif initial. Rien ne vaut le dialogue avec l’élu local, qui peut très bien écouter, entendre, discuter et créer les conditions matérielles du dialogue citoyen. C’est ce qui se fait la plupart du temps dans les quartiers en question.
Le projet de loi s’adapte également à l’évolution intercommunale de nos territoires, en renforçant les EPCI pour mettre en oeuvre une meilleure solidarité urbaine, par un mécanisme de péréquation financière, et il met fin à de nombreux dispositifs devenus aujourd’hui inopérants, notamment dans les zones de redynamisation urbaine, qui sont supprimées.
Pas d’angélisme, ni de cynisme. Le mal-être dans ces quartiers tire son origine de causes sociales et d’un processus de stigmatisation, puis de dévalorisation, et enfin de marginalisation, qui provoque le désespoir, la révolte et parfois la haine. C’est un vieux travers auquel il faudra bien un jour tordre le cou, car la solidarité nationale en faveur de nos quartiers ne pourra pas les sortir d’une forme d’impasse si la peur, la délinquance ou le désordre prévalent sur la confiance, la paisibilité ou le respect du droit avec sa contrepartie, le respect des devoirs du citoyen.
Pour conclure, nous pensons que ce projet de loi est à la hauteur de l’ambition qui est la nôtre de lutter contre l’exclusion et la ghettoïsation, avec beaucoup de courage et de concertation.
Monsieur le ministre, vous avez su répondre, avec ce courage politique, aux critiques de l’extension et de l’enchevêtrement des zonages, de l’organisation dispersée de la gouvernance, de l’évaluation peu fiable et de l’éparpillement des moyens ainsi que, parfois, de leur affectation partiale. Nous avons apprécié votre méthode, qui a consisté dans une longue et vaste concertation nationale, dans la visite dans de nombreux quartiers pour mieux appréhender la nécessité d’une meilleure efficacité de la politique de la ville, et dans le dialogue avec la représentation nationale qui, comme l’ont rappelé mes collègues radicaux de gauche, a été fécond.
Vous l’aurez compris, les députés radicaux de gauche et apparentés voteront ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ils sont l’avenir de la France, ces quartiers populaires et la formidable richesse de leurs six millions d’habitants. Pourtant, malgré trente et même quarante années de politique de la ville, notre société n’a pas réussi à inverser les logiques de ségrégation et de paupérisation qui les frappent. L’anniversaire, cette année, de la marche pour l’égalité de 1983 nous le rappelle cruellement.
Avant de parler de l’urbain, je voudrais parler des habitants de ces villes populaires. La mal-vie y a considérablement progressé : 36 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Ce taux a augmenté de six points depuis 2006, à un rythme six fois supérieur au reste du territoire. Le chômage s’est enraciné dans les familles, sapant l’autorité des parents, minant la confiance au sein de la jeunesse, jusqu’à faire perdre espoir dans l’avenir. Car comment faire vivre la promesse républicaine dans des quartiers où le chômage touche près de 40 % des jeunes ?
Le droit au logement a reculé, du fait de la flambée des loyers et des charges, la pénurie de logements. Le droit à l’éducation, le droit aux transports, le droit à la santé se sont fissurés et, avec eux, le fondement du pacte social. Dans cette extension du domaine de la mal-vie, à qui la faute ? Au capitalisme financier prédateur qui, à force de malmener le travail, de le libéraliser, de le flexibiliser, de le démanteler, a tout simplement fait disparaître les emplois, mais aussi aux politiques d’austérité, qui ont fragilisé les plus faibles et ont rogné le peu de pouvoir d’achat des moins fortunés ces dernières années : hausse de la TVA, baisse des prestations, inflation des produits de première nécessité.
Les fractures urbaines et sociales que subissent les villes populaires ont une histoire. Elles sont le fruit de processus guidés par la main libre du marché, encouragés par l’État. Le développement insoutenable des activités productives a pris pour terrain de jeu nos banlieues. Les nuisances ont été rejetées par les villes-centres vers leurs périphéries et, avec elles, les classes laborieuses, jugées dangereuses, qui ont en fait été privées du droit à la ville.
Nous avons assisté à la hausse du foncier, à une politique d’étalement urbain anarchique, à la constitution de véritables ghettos sociaux. Aujourd’hui, l’ouest parisien accapare d’immenses richesses, quand l’est de la capitale accueille la masse des travailleurs, avec ses ressources modestes. Comment accepter que le produit intérieur brut par habitant soit trois fois moindre en Seine-Saint-Denis que dans les Hauts-de-Seine ? Comment accepter que, dans ce département, il y ait six fois moins de librairies qu’à Paris, six fois moins de magistrats, quatre fois moins de médecins spécialistes ? Comment accepter que la taxe foncière des habitants de Sevran soit dix fois plus élevée – dix fois ! – que celle de Neuilly-sur-Seine, et la taxe d’habitation cinq fois supérieure à celle de Courbevoie ?
L’État a refusé de s’opposer à ces logiques funestes et explosives, tous gouvernements confondus. La spécialisation des territoires se poursuit, et le projet gouvernemental de métropole en sera un nouveau chapitre. Je redoute qu’avec lui reprenne la politique d’imposition des grands ensembles. Quel paradoxe, alors que la politique de la ville travaille encore à réparer les erreurs urbanistiques des années soixante et soixante-dix !
Monsieur le ministre, je dois le dire, nous sommes satisfaits d’examiner votre projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, après plusieurs années de désengagement de l’État. Les professionnels, les acteurs de terrains, les habitants qui désespéraient de l’absence de volonté politique, peuvent également être satisfaits.
Ce projet de loi affiche une ambition de qualité urbaine, élaborée en étroite relation avec les habitants, et vise à remédier à plusieurs travers de la politique de la ville. Nous ne pouvons que souscrire à ces objectifs. Malgré l’utilité des dispositifs existants, certaines injustices étaient flagrantes, concernant le zonage et les aides ANRU. L’accent avait été mis, sous le précédent gouvernement, sur le bâti, souvent au détriment de l’humain, même si, cela a été dit, un effort important a eu lieu dans ces zones grâce au ministre Jean-Louis Borloo.
Plusieurs avancées sont à relever dans ce projet de loi. Enfin, un engagement est pris pour la poursuite de la rénovation urbaine. Le PNRU 2 est une nécessité absolue pour achever les projets engagés. L’amélioration du bâti ne résout pas toutes les difficultés mais les citoyens de banlieue ont droit à un cadre de vie valorisant.
Au plan démocratique, plusieurs propositions décisives du très bon rapport de Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué ont été retenues. La création de conseils citoyens, le renforcement de la concertation et de la capacité de contre-expertise apporteront une nouvelle dimension pour que les habitants prennent le pouvoir sur leur lieu de vie et fassent vivre la mémoire de leurs quartiers.
La contractualisation entre les collectivités, l’État et les autres partenaires, au moyen de contrats de ville, permettra une meilleure collaboration et une plus grande efficacité, si les moyens sont au rendez-vous.
Autre avancée, la reconnaissance dans la loi des discriminations territoriales, qui permettra de protéger les citoyens victimes, très souvent, parce qu’ils habitent tel quartier ou tel département, de stigmatisations véritablement odieuses dans les médias.
J’avais déposé, dès 2010, une proposition de loi pour sanctionner les discriminations liées à l’adresse, à la suite des recommandations de la HALDE. Je me félicite qu’après plusieurs années de mobilisation des élus de banlieue, notamment de l’Académie des banlieues, que je préside, et des chercheurs, ce phénomène soit enfin reconnu.
Mais votre projet de loi, monsieur le ministre, traduit aussi des incertitudes, des renoncements, si ce n’est des reculs. De fait, la logique de sélection des territoires demeure. L’objectif de mixité sociale est posé par la loi, sans que l’on se donne des moyens convaincants pour la rétablir entre les territoires. Vous renforcez les mécanismes de solidarité intercommunale : ce serait en soi une excellente mesure, si elle n’avait pas pour conséquence l’affaiblissement de la solidarité nationale. Nous redisons notre attachement à la péréquation verticale, seule à même d’éviter le développement à deux vitesses de territoires, même s’il est évident qu’il faut également envisager la solidarité des villes qui en ont les moyens.
Concernant une réforme de la fiscalité locale et un véritable partage des richesses, le chantier piétine : le 1 % des communes les plus riches dispose de quarante-cinq fois plus de pouvoir d’achat que le 1 % des plus défavorisées. La logique de désengagement de l’État demeure, car il est impossible de considérer ce projet de loi en dehors des politiques d’austérité qui irriguent l’ensemble des mesures gouvernementales et mènent à mon sens la France dans l’impasse, et en premier lieu ses banlieues. L’argumentaire sur le saupoudrage et l’illisibilité de la géographie prioritaire ne masque pas la véritable préoccupation de réduire le nombre de quartiers aidés pour en réduire le coût. La disparition annoncée des zones franches urbaines au prétexte d’effets d’aubaine bien réels doit s’accompagner au plus vite de nouveaux dispositifs de soutien à la création et au maintien des entreprises, des services et des commerces dans ces quartiers – je pense notamment au problème de la santé.
La création utile d’une dotation de la politique de la ville s’annonce comme un simple jeu d’écriture en recyclant l’actuelle dotation de développement urbain, certes bancale. La dotation affichée de 5 milliards d’euros sur dix ans pour le plan de renouvellement urbain représente en réalité un engagement quasi nul de l’État, puisque l’on s’apprête à poursuivre le siphonnage du 1 % logement, c’est-à-dire des cotisations pour le logement des salariés – j’y reviendrai tout à l’heure dans quelques amendements.
Il y a par ailleurs une contradiction forte à vouloir un partage des richesses au niveau local tout en asséchant le budget des collectivités locales. Je vous rappelle que leurs dotations sont réduites de 4,5 milliards d’euros pendant trois ans, soit l’équivalent du volume du PNRU 2. Leurs marges de manoeuvre vont diminuer et le risque est grand que la politique de la ville en fasse les frais.
Enfin, et il s’agit du plus grand écueil, votre projet de loi s’appuie sur le droit commun tant malmené dans cette période d’austérité budgétaire. Dans son rapport de 2012, la Cour des comptes dénonçait déjà « une faible mobilisation du droit commun ». Avec une baisse historique des dépenses publiques de 10 milliards d’euros dans le projet de loi de finances, la mise à contribution du droit commun sera une coquille quasiment vide. Un seul exemple : Le Parisien révélait hier qu’en Seine-Saint-Denis, les policiers en départ à la fin de l’année ne seraient pas tous remplacés. C’est inadmissible au regard de la situation de ce département ! Si ces conséquences touchent un budget épargné par les coupes budgétaires, qu’en sera-t-il des autres services publics ? Tous les élus locaux connaissent le recul de ces services dans les quartiers : la fermeture des CAF, des centres de Sécurité sociale ou de La Poste.
Les élus communistes et républicains attachent, pour leur part, une grande importance au respect de plusieurs priorités : le maintien de la compétence communale – et partant, l’importance des maires – en matière de politique de la ville avec des mutualisations possibles au niveau intercommunal ; des dispositifs cohérents et durables pour les villes qui sortiront de la géographie prioritaire ; la création de mécanismes favorisant l’intervention citoyenne dans le pilotage des politiques publiques, mais aussi le renforcement du tissu associatif ; un haut niveau d’ambition pour l’application du droit commun dans ces territoires, à l’opposé des discriminations territoriales actuelles ; un partage des richesses au sein des agglomérations par une refonte de la fiscalité locale et une péréquation verticale épargnée par les baisses de dotations.
Nous serons par conséquent attentifs à l’évolution des débats et nous y participerons de manière constructive, en soutenant plusieurs amendements visant à améliorer la vie des habitants. Nous oeuvrerons aussi pour que les quartiers populaires ne soient plus en marge, mais au coeur de la République. Nous soutiendrons l’ambition de voir cesser les discriminations insupportables contre leurs habitants, pour leur garantir le droit à la ville et à un environnement de qualité. Nous ne voterons donc pas, monsieur le ministre, contre votre projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans le préambule de son livre La Marche, Christian Delorme, connu comme étant le curé des Minguettes, rappelle une réalité qui n’est sans aucun doute pas propre au quartier des Minguettes, à Vénissieux : « Certes des transformations importantes sont en cours. Néanmoins, la lutte contre la ghettoïsation de cette zone est loin d’être gagnée. Malgré les avenues remodelées, les tours réhabilitées, les nouvelles constructions, les nouveaux espaces créés, les Minguettes de Vénissieux portent les marques d’une histoire mouvementée. Une histoire empreinte d’espoirs déçus, de discriminations, de violences racistes, mais aussi d’actions de solidarité. »
C’est là effectivement, en 1983, qu’est née la Marche pour l’égalité et contre le racisme, dont je veux ici saluer le trentième anniversaire cette année.
C’était une belle aventure – partis à dix-sept de Marseille, ils sont arrivés 100 000 à Paris – une aventure fraternelle pour une France fraternelle, comme le dit le curé des Minguettes, qui nous laissera en héritage – car c’est bien là qu’elle est née – ce que l’on appelle aujourd’hui la politique de la ville. Cette politique, à laquelle François Mitterrand donnera corps, se matérialisera d’abord par cette espèce d’OVNI institutionnel, un ministère sans administration, auquel beaucoup ne donnèrent que peu d’avenir. C’était il y a plus de vingt ans. La démonstration de son utilité et de la pertinence de la vision qui avait alors conduit à sa création est désormais faite. Cependant, les gouvernements successifs ont complexifié cette politique, jusqu’à la rendre quelque peu inaudible et incompréhensible. C’est ce qu’indique la Cour des comptes, qui dresse un sévère bilan des dix dernières années en matière de politique de la ville. Elle insiste en particulier sur « la très grande complexité des zonages et la multiplication des procédures mal articulées ».
Le constat est donc clair : la politique de la ville, celle menée en particulier cette dernière décennie, n’a pas porté ses fruits et n’a pas permis de réduire les inégalités territoriales, sociales et économiques dans notre pays. Par conséquent, aujourd’hui, dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est le double de la moyenne nationale, un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, un sur quatre renonce à se soigner pour des raisons financières et les jeunes sont particulièrement victimes de discriminations. L’urgence est donc là : rétablir l’égalité républicaine entre tous les territoires, améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés et concentrer les moyens là où ils sont le plus nécessaires. C’est l’objet de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui s’articule autour de plusieurs axes ambitieux, mais dont le premier mérite est sans aucun doute d’être, en soi, un grand choc de simplification.
Il se donne pour objectif de refonder la politique de la ville ; de réformer sa géographie prioritaire ; de renforcer sa dimension partenariale ; de mener à bien un nouveau programme national de renouvellement urbain ; enfin, de renforcer la solidarité nationale et territoriale. Je voudrais développer quelques-uns de ses aspects qui me semblent fondateurs.
S’agissant de la réforme de la géographie prioritaire, organisée autour d’un nombre minimal d’habitants et de l’écart de développement économique et social, selon le critère du revenu des habitants par rapport à une référence locale et nationale, il était essentiel d’identifier des critères simples et transparents, comme l’est celui-ci. Nous serons néanmoins attentifs à la nature des dispositions transitoires pour les quartiers sortant du dispositif, afin que l’action de l’État, notamment dans les domaines éducatifs, de la santé et de la prévention de la délinquance, se poursuive sans relâche, car nous savons tous que, sur ce sujet, seuls les efforts de long terme paient.
Mon deuxième point est relatif à la mobilisation effective des moyens de droit commun de l’État : le ciblage des emplois d’avenir, la création de postes dans l’éducation nationale, l’affectation de fonctionnaires expérimentés, la création des ZSP, soit autant de moyens dont nous pouvons nous réjouir et qui fixent les moyens humains et financiers mobilisés au titre des politiques de droit commun.
Enfin, l’un des aspects importants de ce texte est la question de la participation des habitants. Le projet de loi crée un conseil citoyen dans chacun des quartiers prioritaires de la ville. Il s’agit là d’un premier pas intéressant mais qui doit se poursuivre et constituer un véritable travail de long terme. Ces quartiers sont souvent marqués par des taux d’abstention records lors des élections. Leurs habitants ont besoin de retrouver le chemin de l’exercice de la citoyenneté. Pour autant, leur participation ne doit pas introduire de confusion, ni être mise en concurrence avec les missions légitimes des élus du suffrage universel, seuls à même de décider in fine au nom de l’intérêt général.
Mes chers collègues, nous écrivons aujourd’hui, à plusieurs mains, la feuille de route d’un grand nombre de quartiers de nos villes. C’est une belle partition, qui s’adresse à un très grand nombre de nos concitoyens pour qui la société moderne n’est pas tendre, pour qui la vie est rude, dure, jusqu’à les conduire, trop souvent, au désespoir et à la démission. Nous ne saurons que dans dix ans, dans quinze ans ou vingt ans si notre vision était la bonne mais une chose est sûre : ceux qui vivent dans nos quartiers ne peuvent pas attendre. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous voterons votre texte et appelons à sa mise en oeuvre au plus tôt.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Hélas ! M. le président de la commission des affaires économiques est absent.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
J’aurais voulu lui rappeler qu’il y a une semaine, j’ai eu l’occasion de lui dire combien nous regrettions les conditions qui nous sont imposées, en commission des affaires économiques comme en séance publique, pour l’examen des projets de loi.
Celui que vous nous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre, n’échappe pas à la règle, puisqu’il a été adopté en Conseil des ministres le 2 août et qu’il fait l’objet d’une procédure accélérée. Mais la procédure accélérée n’implique pas que l’on doive régler en huit jours l’examen du texte en commission et en séance publique. Entre le 2 août et maintenant, vous aviez largement le temps de faire en sorte que l’examen en commission nous laisse suffisamment de temps avant la séance publique. Ce délai aurait été d’autant plus nécessaire que vous n’étiez pas totalement prêt, puisque le travail en commission vous a amené à renvoyer à de nombreuses reprises à la discussion en séance publique la définition de nouveaux engagements et de nouvelles propositions, ainsi que certaines clarifications, autant de mesures qui feront l’objet de nouveaux amendements du Gouvernement. Un tel comportement n’est pas respectueux de l’opposition ni même de votre majorité, contrainte comme nous à examiner le texte un jeudi en commission et le vendredi suivant en séance, après que vous avez laissé penser durant quelques heures que cet examen se ferait peut-être le jeudi.
Par contre, depuis le 2 août, vous avez mis tout ce temps à profit pour préciser le mode opératoire qui permettra de définir les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville et de préfigurer la fameuse liste de ces quartiers.
Pourquoi ne pas en avoir réservé la primeur aux membres de la commission comme un complément à l’étude d’impact ? Pourquoi en avoir donné l’exclusivité à un journal dans une interview du 10 novembre ? Ce n’étaient pas des indiscrétions de journalistes, monsieur le ministre, mais bien une interview !
Si nous adhérons à l’adoption d’un critère unique mesurant la pauvreté pour sélectionner les quartiers prioritaires, nous regrettons beaucoup que les modalités selon lesquelles elle sera mesurée n’aient pas donné lieu à une discussion en commission. Nous regrettons aussi que la liste des quartiers prioritaires, a priori 1300, n’ait pas été donnée à connaître en commission et qu’elle soit gardée sous le coude jusqu’à l’après-municipales. Pourquoi ne pas nous donner votre liste indicative maintenant ? Pourquoi voulez-vous négocier après les municipales, comme vous l’avez dit au Journal du dimanche, ce qui résulte pourtant d’une évidence mathématique ? Nous souhaitons d’autant plus que le contenu des décrets qui détermineront les modalités de l’application du chapitre Ier du projet de loi puisse faire l’objet d’une présentation préalable en commission. Nous insistons également une fois encore sur l’attention particulière qui devra être apportée au suivi des quartiers qui ne seront plus prioritaires et au maintien à leur bénéfice des crédits de droits commun de l’État.
Monsieur le ministre, nous avons bien compris que l’essentiel se passe ailleurs qu’en commission.
On peut certes comprendre que l’on s’y occupe en passant beaucoup de temps à rendre le projet de loi encore plus bavard qu’il ne l’était, en transformant, dans l’article 1er, une phrase de 90 mots en une phase de plus de 150 mots pour expliquer l’objectif de la politique de la ville. Je me demande d’ailleurs pourquoi on a oublié d’y mentionner qu’elle visait aussi à maintenir la biodiversité dans les zones de friches…
Sourires.
…et à encourager l’économie circulaire ! Cependant, comme si cette phrase ne suffisait pas, on la complète par quatre alinéas qui la paraphrasent. On finit par oublier que si l’on a choisi la pauvreté comme critère unique pour sélectionner les quartiers, c’est bien l’amélioration des revenus des populations par le développement économique qui doit être le moteur de la politique de la ville. Or dans votre projet, la stimulation du développement économique – je dis bien la « stimulation » – n’est que l’une des mesures d’accompagnement de la politique de la ville, alors que le développement économique et l’accès à l’emploi des habitants de ces quartiers devraient en constituer le coeur.
Je suis heureux d’avoir soutenu l’amendement du rapporteur qui a permis l’addition d’un article 1er bis qui inclut le lieu de résidence comme un facteur de discrimination répréhensible. Mais ce n’est pas cette mesure qui crée l’emploi dans ces quartiers, ce ne sont pas non plus les emplois d’avenir que vous réservez à leurs habitants qui leur assureront des emplois pérennes,…
Si ! Venez donc voir !
…c’est le retour de la croissance et de vraies mesures favorables à l’emploi dans les entreprises.
Oui, la politique de la ville est un sujet majeur qui est directement ou indirectement au coeur de l’actualité quotidienne et des dysfonctionnements et dérives de notre société et qui donne lieu à des déplacements ministériels répétés dans certaines agglomérations. Elle a mérité l’attention et l’engagement des gouvernements successifs et nous prenons acte que votre projet, en dépit de déclarations faites à la tribune, ne prône pas la rupture avec les politiques précédentes. Ainsi, vous prolongez jusqu’en 2015 le programme national de rénovation urbaine, initié en 2003. C’est une bonne nouvelle. Son sigle est même conservé, puisque vous ne faites que remplacer « rénovation » par « renouvellement » !
Cette évolution sémantique rend effectivement compte du fait que la rénovation a été largement conduite et qu’il faut maintenant accompagner de manière plus marquée les quartiers au-delà de la rénovation.
Le PNRU a mobilisé près de 45 milliards d’euros. Il a permis de rénover près de 600 quartiers et je peux constater, dans des villes comme Les Mureaux ou comme Mantes-la-Jolie, les profonds changements positifs que ce programme a provoqués dans le cadre de vie, l’appropriation des quartiers par leurs habitants et l’offre de meilleurs services
Cela étant, nous avons un doute concernant les moyens de l’ANRU prévus par l’article 2. On parle de lui affecter 5 milliards d’euros pour la période 2014-2024. Pensez-vous que cela soit suffisant pour donner une crédibilité à cette prolongation ? C’est une vraie question. En 2003, nous avions affecté 2,5 milliards à l’ANRU, mais nous avions dû augmenter ces crédits jusqu’à 12 milliards en 2009.
Nous notons avec satisfaction que l’Observatoire national de la politique de la ville est susceptible d’améliorer l’évaluation de cette politique, tout en simplifiant les strates administratives. Nous approuvons aussi le renforcement de l’ANRU, qui peut accorder ses concours aux collectivités locales et qui peut également agir en co-investisseur en prenant des participations dans des sociétés dédiées.
Le projet de loi fait du contrat de ville l’outil de mise en oeuvre de la politique de la ville. Je crains que la durée de six années, qui est affectée à ces contrats, ne soit réservée qu’à quelques collectivités initiées. Si nous réclamons cette liste, c’est aussi pour pouvoir préparer les contrats. Faute de quoi, leur durée ne sera que de cinq ans.
Le contrat de ville donne une base légale aux anciens CUCS – les contrats urbains de cohésion sociale. Il fait de l’intercommunalité la collectivité clé de sa négociation et de sa mise en oeuvre.
Je suis personnellement très favorable à un rôle accru des intercommunalités à fiscalité propre, à la bonne échelle territoriale, dans les politiques de développement économique, d’aménagement du territoire, de logement et naturellement de la ville ! Mais pourquoi donc, dans cette loi comme dans d’autres – je pense à la loi ALUR, notamment – imposer l’intercommunalité comme s’il suffisait de l’obligation et de l’amende pour faire de bonnes politiques et avoir de bonnes pratiques ? Pourquoi ne pas laisser la possibilité de décider au niveau local du niveau le plus pertinent ? Pourquoi ne pas laisser la chance à la négociation locale ? Loin de faire ce choix, vous prélèverez jusqu’à 1 % des dépenses réelles de fonctionnement d’une intercommunalité qui n’est pas signataire du contrat de ville, alors qu’elle a dans son territoire des quartiers prioritaires, sans même prévoir – à ce stade du dossier et de ce que j’en connais – un dispositif d’arbitrage qui puisse tenir compte des causes de ce blocage. Monsieur le ministre, nous attendons que vous nous donniez des explications au cours de cette séance.
Entre baisse des dotations de l’État et obligations détaillées imposées aux collectivités pour exercer leurs compétences, l’exercice de la décentralisation devient, sous ce gouvernement, une figure imposée.
Dans la même ligne, vous obligez les communautés urbaines ou métropoles partenaires d’un contrat de ville à signer avec leurs communes membres un pacte volontaire financier et fiscal de solidarité. Faute de quoi, vous les contraignez à créer une dotation de solidarité intercommunale. On est loin de la libre administration des collectivités locales ! Comme dans bien d’autres domaines, on a l’impression d’une mise au pas, d’une reprise en main des collectivités locales et d’une recentralisation non assumée.
Monsieur le ministre, votre projet de loi entend également renforcer la concertation avec les habitants et tous les acteurs locaux en vue de la coconstruction et de la coévaluation des résultats. Vous proposez l’obligation d’associer un conseil citoyen – je me réjouis que la commission ait permis de passer d’un conseil des citoyens à un conseil citoyen – à l’élaboration d’un contrat de ville. Nous approuvons les efforts envisagés, qui se traduisent par l’affectation de locaux dédiés, une formation et quelques moyens financiers, pour permettre à ces conseils de jouer leur rôle d’une manière pertinente.
C’est dans le texte !
Je m’en réjouis, monsieur le ministre.
Mais de grâce, ne les formalisons pas trop pour que, là encore, la souplesse permette la transition ou la cohabitation avec les structures de comités de quartiers existants, les maisons de quartiers notamment, qui n’ont pas attendu ce texte pour se développer et être efficaces.
Monsieur le ministre, vous l’avez constaté, nous partageons bien des propositions contenues dans ce projet de loi. Mais cela ne peut compenser le manque de transparence avec lequel vous étalonnez les modalités de sélection des futurs quartiers prioritaires et la mise à disposition de la liste de ces quartiers. Cela ne peut compenser les atteintes que vous voulez porter à la liberté des communes et des intercommunalités et cette habitude d’assortir cette restriction de liberté de sanctions et d’amendes.
Vous nous avez promis de nombreuses clarifications et propositions nouvelles en séance publique.
Peut-être pourront-elles nous faire oublier le manque de considération pour le travail parlementaire, particulièrement celui de la commission. Nous espérons qu’elles apporteront les réponses adaptées aux inquiétudes que j’ai exprimées et à celles de mon collègue Martial Saddier.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la politique de la ville est un espoir pour la République. À cette heure importante, je pense à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué, en 2003, à l’élaboration du grand projet de loi sur la rénovation urbaine – projet de loi qui avait été qualifié de programmation à bon escient. Je pense à Cécile Gallez, à Pierre Bourguignon, Éric Raoult – qui était à votre place, monsieur le président –, à Jean-Christophe Lagarde, à Jean-Yves Le Bouillonnec, à Janine Jambu. Nous avons vécu des moments émouvants, achevant l’examen de ce texte à l’aube du 11 juillet 2003 – un certain nombre d’entre vous étaient présents.
Je crois que cette « promesse de l’aube » a été en partie tenue et j’espère, monsieur le ministre, que le projet qui nous est soumis aujourd’hui tiendra, lui aussi, ses promesses.
Car dans ces quartiers, que ce soit à La Duchère, à Trélazé, où est élu Marc Goua, à Chanteloup dont votre serviteur est l’élu, ou aux Blagis, les difficultés existent toujours. Ces quartiers continuent à s’embraser – et notre collègue Francis Vercamer est aujourd’hui au chevet d’un de ces quartiers fragiles. La concentration de la pauvreté, l’explosion du chômage, l’insalubrité de l’habitat, même si beaucoup a été fait – je vais en parler –, la tentation du repli communautaire liée au sentiment d’exclusion sont autant de symptômes de notre difficulté collective à trouver un chemin pour ces quartiers. Cela étant, je ne remets pas en cause, monsieur le ministre, votre volonté sincère d’avancer dans l’intérêt de nos compatriotes.
Cette situation de rupture sociale et territoriale est porteuse de risques très lourds pour la communauté nationale. Elle a donné lieu, il y a de nombreuses années – plus de vingt-cinq ans maintenant – à l’émergence d’une problématique, celle de la politique de la ville, caractérisée par une approche très globale des sujets.
Les quartiers ont reçu divers qualificatifs : « populaires », « défavorisés », « sensibles », « stigmatisés », « relégués » ou encore « très fragiles » – personne n’a jamais été très à l’aise sur ce sujet. Pour ma part, j’ai envie de vous dire que ce sont des quartiers d’avenir, du fait de la jeunesse qui y vit et qui a besoin qu’on lui envoie un signal. Notre seule responsabilité, aujourd’hui, c’est de donner un espoir à cette jeunesse.
Beaucoup a été fait, en 2003 – François Pupponi, notamment, l’a fort bien dit –, avec la dotation de solidarité urbaine et l’ANRU – François Lamy siégeait déjà sur ces bancs à l’époque, mais pas encore au Gouvernement – qui se sont traduites par près de 300 000 réhabilitations, 12 millions d’heures d’insertion et 150 000 emplois créés, directement ou indirectement, 130 000 démolitions et 130 000 reconstructions. On ne peut donc pas parler de saupoudrage. Ce programme majeur a été un succès pour la nation tout entière, puisque l’ensemble des acteurs y ont participé : les collectivités locales, les partenaires sociaux et, bien sûr, l’État. Vous connaissez la sensibilité du groupe UDI et de nombre de ses élus sur ce sujet. Nous sommes fiers de ce qui a été réalisé ces dernières années dans ce domaine délicat, même si nous n’avons pas la prétention de considérer qu’à l’époque, nous avions tout compris, tout vu et tout ressenti.
Beaucoup reste donc à faire, et nous croyons en votre volontarisme, monsieur le ministre. Notre inquiétude, c’est que la simplification prônée par la Cour des comptes le Sénat ou encore par le rapport de Pierre André et de Gérard Hamel soit synonyme de désengagement. En commission et lors de la concertation à laquelle j’ai eu le plaisir de participer, j’ai parlé de réforme de « lolfienne » ou « bercyenne ». Nous avons besoin d’être convaincus. Nous vous accordons le bénéfice du doute, mais nous avons des doutes sur les bénéfices que peuvent en tirer les quartiers de ce pays.
La première étape de 2003 fut plutôt un succès, qui a été salué sur tous les bancs de cet hémicycle. À nous d’écrire l’étape suivante ! Je ne crois pas que le projet de loi soit suffisant pour franchir cette nouvelle étape ; d’ailleurs, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre. Nous avons besoin d’objectivité, de débats avec l’ensemble des acteurs dans les territoires. Pour cela, nous avons besoin d’outils tels que des indicateurs statistiques très précis en matière de scolarité, de santé, d’apprentissage et de logement, pour que l’ensemble des acteurs soient bien conscients de ce qu’ils réalisent réellement dans ces quartiers.
En la matière, vous avez fait une erreur en mettant à mal le conseil de surveillance de l’ANRU, qui était un organisme indépendant – une sorte de poil à gratter – qui rappelait à chacun des membres du Gouvernement ce que son département ministériel faisait ou ne faisait pas. Sur ces sujets, nous avons besoin d’objectivité.
S’agissant de la fusion des dispositifs, empilés depuis de nombreuses années, vous avez raison de favoriser la cohérence de l’action publique, mais le changement de géographie prioritaire suscite quelques inquiétudes quant au zonage, qui existe depuis longtemps dans notre pays. Quid de la réussite éducative ? Quid de l’ensemble des exonérations fiscales et sociales liées en particulier à l’accession à la propriété ? Avec cette nouvelle géographie, 1 300 quartiers disparaîtront des radars gouvernementaux. Or, vous le savez fort bien, monsieur le ministre, un quartier éligible à la politique de la ville est observé attentivement par les structures étatiques locales et par le Gouvernement. Qu’en sera-t-il de la veille active que vous avez eu l’habileté de nous proposer ? Soit il s’agit de contrats de ville comme les autres, maintenant le même suivi par l’État local mais incluant en sus des dispositifs de droit commun. Soit elle traduit votre souci de vous retirer une épine du pied concernant le changement de géographie prioritaire, ce que je ne peux croire. En tout état de cause, la période de transition suscite une véritable inquiétude chez de nombreux élus qui se représenteront pour la plupart aux élections municipales de mars prochain.
Concernant la suppression des ZFU, M. Sordi et M. Jibrayel ont rendu un rapport démontrant leur intérêt. Sur cette question, les positions du parti socialiste ont été assez discordantes, de Martine Aubry à vous, aujourd’hui, monsieur le ministre. Quoi qu’il en soit, il faut sortir des postures et être capable d’analyser le dispositif sans faire perdre espoir à celles et ceux qui s’implantent dans ces quartiers, qu’ils exercent une activité économique ou une activité d’un autre type.
Nous sommes convaincus que l’emploi et l’éducation seront déterminants. Mon expérience de la politique de la ville m’amène à penser que beaucoup a été fait. On a toujours comparé l’humain et l’urbain. Notre grande responsabilité, aujourd’hui, outre qu’elle est d’envoyer un signal à la jeunesse de nos quartiers, est d’agir dans le domaine de l’éducation. C’est très certainement le sujet qui est devant nous. Nous avons en effet mené une action très importante pour l’habitat, et il faudra continuer en ce sens. Jean-Louis Borloo avait imaginé que ce programme mettrait cinq ans à se réaliser ; il en faudra quinze en réalité, parce que tout est plus long, même si l’ANRU est un succès. Je le répète donc, l’éducation sera un enjeu majeur, pour que ces quartiers restent pleinement dans la République.
La place du maire est importante, monsieur le ministre ; or votre texte était flou sur ce point. Rattacher la politique de la ville à l’intercommunalité peut paraître sensé, mais il nous semble nécessaire de réaffirmer le rôle et la mission du maire dans la gestion de cette politique, car il est le seul qui soit apte à connaître les attentes et les difficultés des quartiers de sa commune.
Pour ce qui est de l’ANRU, l’implication de l’État ne nous paraît pas à la hauteur des enjeux. Vous travaillez avec les partenaires sociaux, pour trouver des fonds pour le nouveau programme de rénovation urbaine. Gageons que vous trouverez, au sein des finances de l’État, suffisamment de moyens pour ce nouveau programme !
Les députés du groupe UDI participeront au débat, même si nous sommes un vendredi. Nous appelons de nos voeux la mise en place d’une association active des acteurs locaux. Le succès de l’ANRU provient en effet de leur réunion au sein d’une unité administrative commune, d’une instance commune de financement, qui a mis un terme aux difficultés endurées par les maires pour trouver des financements auprès du conseil général, de la région ou de l’État. Ce succès, il ne faut pas le mettre à mal, car l’attente est encore forte même si les réalisations ont été nombreuses.
Comme je le disais en introduction, monsieur le ministre, nous ne doutons pas de votre volonté mais bien de la réalité de l’investissement de l’État dans les quartiers concernés après le changement de géographie prioritaire. Celui-ci, comme l’a dit mon collègue Tétart, suscite le doute de nombreux élus locaux quant à votre volonté d’investir réellement dans les quartiers demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous nous souvenons tous de la citation du général de Gaulle selon laquelle il est inutile d’invoquer l’Europe en sautant sur sa chaise comme un cabri. C’est bien tout ce qu’il reste de gaulliste à l’UMP, si j’en juge par l’intervention de M. Saddier invoquant la liste, la liste, la liste !
Ils sautent moins bien !
S’agissait-il de la liste municipale ? En tout cas, son intervention est un aveu finalement bienvenu pour nous. En effet, une fois n’est pas coutume, on ne se fondera pas sur une liste de demandes des élus locaux, éventuellement fondée sur des affinités, des amitiés voire des intérêts, mais sur un critère simple et unique, qui a de surcroît le mérite d’être validé par l’INSEE par la méthode du carroyage, la pauvreté.
Si vous aviez participé avec nous à la phase de concertation organisée par M. le ministre, monsieur Saddier, vous auriez pu vérifier sur place, au ministère, à partir de l’exemple d’une commune, Amiens, que la nouvelle méthode produit des résultats. Comme on vous l’a proposé tout à l’heure, allez donc vérifier si telle ou telle commune en relève ou non !
Je note aussi que l’UMP ne propose malheureusement aucune solution alternative, sinon le statu quo.
Ce n’est pas brillant, mais conforme au recul des dernières années. En effet, et c’est grave, la politique de la ville des dernières années a consisté en une rétraction des politiques publiques, par exemple une diminution des effectifs dans l’éducation nationale. Cela ne vous paraît peut-être pas important mais pour les enfants c’est fondamental.
Évoquons aussi la diminution des effectifs de la police de proximité, jusqu’à sa disparition. Je suis bien placé pour en parler, car la ville que j’administre et la ville voisine sont aujourd’hui des communes ZSP. L’ancienne majorité et l’ancien président de la République en particulier tenaient des discours caractérisés par la volonté de taper fort, usant de termes comme « kärcher », « racaille » et « plan Marshall », et on a vu ce qu’il en résultait, lorsque les banlieues ont flambé en 2005 en particulier. En réalité, on faisait reculer les services publics de proximité. Vous ne pouvez pas dire, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que vous défendez les quartiers en difficulté alors même que vous les déshabillez petit à petit de leurs services publics. Au problème du retrait des territoires s’ajoutait un problème de méthode.
En effet, vous annonciez un soutien sous forme d’emplois aidés. Mais comme je le disais ici même à M. Borloo, les adultes-relais censés aider les quartiers défavorisés, sur le terrain, ils n’existaient pas. Nous allons, quant à nous, faire des efforts particuliers, comme le montre un amendement de notre collègue Jean-Marc Germain visant à promouvoir l’emploi dans ces quartiers, en particulier les emplois d’avenir.
Bien entendu, vous dites qu’il faut maintenir les dispositifs spécifiques pour développer l’emploi. Mais en réalité, les quartiers dont il est question et que nous connaissons tous sont avant tout des quartiers résidentiels. Les gens qui y vivent, et c’est heureux, travaillent ailleurs. Dès lors, nous avons raison de nous pencher sur les problèmes de discrimination. Il s’agit sans doute d’un point essentiel. Je note d’ailleurs, avec le recul, que c’est la gauche qui a toujours fait progresser ces quartiers. Ainsi, la politique DSQ a prolongé la politique HVS, bien insuffisante car elle ne portait que sur l’habitat.
Sourires.
La politique DSQ date de 1981 et ne peut donc être due à M. Borloo, même si vous en avez fait tout à l’heure un papy, monsieur Saddier, à tort sans doute !
Plus récemment encore, la DSU a aussi été mise en place par la gauche.
Certes, mais j’étais maire en 1991 et je me souviens avec certitude avoir perçu la DSU à cette époque.
Sourires.
Nous appliquons maintenant une stratégie nouvelle et je m’en félicite. Elle consiste en un recentrage clair, net et précis. Il existe une dotation spécifique pour la ville – on sait donc de quoi on parle – ainsi qu’une vraie péréquation à l’échelon intercommunal qui contraindra les communautés de communes et les communautés d’agglomération à prendre en compte ce critère dans le cadre de la DSC. Il importe que tout le monde y mette du sien. Je terminerai en indiquant, en ma qualité de député de la circonscription de Florange et Gandrange, qu’il faudra vérifier si les nouveaux critères s’appliquent parfaitement aux difficultés de ces communes. La pauvreté me semble en effet être le bon critère.
Je suis simplement soucieux ici de vérifier que le dispositif de veille fonctionne effectivement et donne satisfaction.
Ce n’est pas une question de liste mais d’honnêteté intellectuelle, monsieur Saddier, dont on ne peut pas dire que vous fassiez preuve car vous n’avez rien écouté de mon intervention, interpellant sans cesse les autres membres de cette assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la politique de la ville et la rénovation urbaine constituent deux problématiques essentielles à l’avenir de notre société. Comme nous le savons, elles ne peuvent à elles seules régler le problème essentiel des quartiers, celui du chômage. Mais elles ont montré la voie et donné l’élan indispensable. Dans cet esprit, la précédente majorité a réalisé le plus grand programme de rénovation urbaine jamais entrepris dans notre pays et mené une politique courageuse et volontaire donnant accès au plus grand nombre de territoires à des outils et des crédits.
Aujourd’hui, deux points essentiels du texte continuent de faire débat. Le premier porte sur l’article 4, qui crée et définit les quartiers prioritaires ayant vocation à remplacer les quartiers existants. La nouvelle définition s’appuie sur un nombre minimal d’habitants et sur un écart de développement économique et social évalué selon le revenu des habitants. L’étude d’impact ne donne malheureusement aucune information supplémentaire.
Il a fallu, monsieur le ministre, qu’un hebdomadaire dominical vous consacre la semaine dernière une interview pour que l’on découvre enfin les détails de la méthodologie retenue.
, de l’aménagement du territoire, M. Dominique Baert et rapporteur pour avis de la commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Et la réunion au ministère ?
L’application de la règle mathématique de 60 du revenu médian devrait aboutir à une liste de 1 300 quartiers entrant dans la nouvelle géographie prioritaire, pour 1 200 qui en sortent. À l’issue des débats en commission, nous n’avons toujours pas connaissance de cette liste, dont la publication est ajournée jusqu’aux échéances municipales de 2014. Pourquoi un tel délai ? Est-ce le signe d’une nouvelle reculade du Gouvernement ? Le critère proposé parait en effet insuffisant, car il ne prend pas en compte les spécificités ni les disparités de certains territoires. Craignez-vous à ce point, monsieur le ministre, la vive réaction des centaines de maires dont le territoire sortira prématurément du dispositif ? Quel sera le devenir des quartiers qui sortiront de la géographie prioritaire ? De quel accompagnement bénéficieront les communes ?
J’en viens à un exemple précis. Je suis maire d’une commune de 13 000 habitants, la seule de ma circonscription bénéficiant d’un dispositif d’aide. Grâce à l’ANRU, nous avons rénové aux quatre cinquièmes un quartier de plus de 5 000 habitants. De nombreuses actions accompagnent la politique de la ville : contrat local de santé, adultes-relais, contrat local d’accompagnement social, programme de réussite éducative. Toutes ces actions indispensables représentent plus de 300 000 euros d’aide annuelle. À quelques centaines de mètres de ce quartier, un autre plus petit, qui compte un millier d’habitants, malheureusement en souffrance, ne bénéficie d’aucune action, hormis bien évidemment celles que j’ai mises en place grâce aux finances de la ville.
Ma question est donc très simple et se pose pour un certain nombre de communes : si cette commune sort du dispositif, qu’adviendra-t-il de toute l’ingénierie que nous n’aurions pu mettre en place seuls ? Comment financer des dispositifs qui représentent à ce jour plus de 2 % du budget de fonctionnement de la ville ? L’addition sera salée ! Nous subirons une double peine, car les collectivités verront leur dotation baisser et les taux de TVA flamber ! Malheureusement, d’après les premières discussions de ce matin, nous avons peu de chances d’obtenir la liste.
Vous avez néanmoins annoncé, monsieur le ministre, qu’il était possible de la consulter au ministère en toute transparence. Me voici, devant vous : est-il possible de connaître le sort de ma commune ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous n’êtes pas députée de votre commune, mais de la nation !
Comme vous le savez, de nombreuses communes préparent leurs budgets. Dès lors que le budget de ma commune est en cours d’élaboration, est-il possible d’avoir connaissance de la liste…
… – je me fais ici le porte-parole d’un certain nombre de maires –, afin que chacun puisse préparer son budget en toute transparence ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Le second point, par lequel je terminerai, c’est la base légale des contrats de ville ayant vocation à remplacer le CUCS. Il serait plus opportun de laisser plus de souplesse à la conclusion des contrats de ville et de laisser le choix localement du niveau de collectivité le plus pertinent pour co-contracter avec l’État. Restreindre la conclusion des contrats au niveau de l’EPCI risque de bloquer certaines initiatives communales pour lesquelles les élus espèrent bénéficier d’un contrat de ville. Voter le texte, monsieur le ministre, équivaudrait à donner un chèque en blanc au Gouvernement, ce que nous ne pouvons nous résoudre à faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je suis députée d’une circonscription marquée par la politique de la ville. C’est en effet à Vaulx-en-Velin qu’eurent lieu en octobre 1990 les premières émeutes urbaines, qui plongèrent la France dans la tétanie. C’est à Bron, le 4 décembre 1990, que François Mitterrand annonça la création d’un ministère de la ville. Enfin, Renaud Gauquelin, maire de Rillieux-la-pape, troisième ville de ma circonscription, est le président de l’association des maires de ville et banlieue. Vous comprendrez, monsieur le ministre, combien le projet de loi était attendu et même espéré et à quel point nous nous en réjouissons tous.
Plus de vingt ans après le démarrage de la politique de la ville, le bilan est contrasté. Certes, elle a permis la mise en oeuvre de chantiers bénéficiant de moyens importants, comme l’amélioration du bâti et du cadre de vie Mais elle a également empilé les dispositifs d’exception, égrenés comme une litanie : ZUP, ZUS, ZEP, ZFU, ZRU, CUCS, GPU, GPV, DDU, DSU, le tout nous donnant le sentiment de vivre dans des terres d’exception. La première grande force de votre projet, monsieur le ministre, est d’affirmer que les villes concernées ont vocation à sortir des dispositifs d’exception et à intégrer le droit commun. La République n’a pas vocation à gérer des lieux de relégation mais à faire nation commune. Il n’y a pas « eux » et « nous », mais bien des citoyens de notre grand pays, comme le rappelle avec force l’article 1er du texte.
Deuxième grande force de ce texte, il prévoit que la rénovation du bâti s’accompagnera d’une politique tournée vers l’humain et l’insertion professionnelle – c’est l’objectif des emplois d’avenir – et il affirme que c’est dans les lieux de vie communs que se construit le « vivre ensemble » et qu’il faut donc consacrer les moyens nécessaires à la réhabilitation des équipements publics.
Le projet de loi précise également que la politique de cohésion urbaine ne peut faire table rase du passé et que nos villes ont une histoire, celle de l’immigration, bien sûr, qu’elle soit italienne, espagnole, portugaise, maghrébine, d’Afrique noire ou d’Europe de l’est, mais aussi une histoire ouvrière, avec des usines, des friches industrielles et des combats syndicaux qui forgent une identité.
La troisième grande force de votre projet, monsieur le ministre, est d’inscrire dans la loi la nécessité de la participation des habitants. Le rapport que vous aviez demandé à Marie-Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache au sujet de la participation citoyenne dans la politique de la ville a été très remarqué ; votre texte reprend un certain nombre de ses préconisations. Nous devrons, bien sûr, approfondir et rendre vivant ce qui n’existe que sous la forme d’un article, mais déjà, lors du dernier conseil d’administration de l’ACSé, dont je suis membre, sa présidente, Naïma Charaïa, a souligné l’avancée considérable que constitue ce texte.
Je le dis souvent, la politique de la ville ne peut être réussie uniquement par les techniciens, censés être les seuls experts en la matière. Ceux qui font la politique de la ville doivent vivre la ville, et les citoyens sont les experts de leur propre vie. Ils sont reconnus en tant que tels grâce aux conseils citoyens, disposant de budgets participatifs qui vont permettre de co-construire, à toutes les étapes d’un contrat de ville, le projet pour les quartiers populaires.
J’ai été, à titre personnel, profondément marquée par deux faits. Le premier est lié aux émeutes qui ont éclaté à Vaulx-en-Velin alors que le quartier du Mas-du-Taureau venait d’être réhabilité ; une semaine avant, tout Lyon s’était déplacé pour une inauguration en grande pompe.
Le second, c’est ma réélection comme conseillère générale du canton de Vaulx-en-Velin en 2011. Au premier tour, je suis arrivée en tête avec près de 30 %, mais seulement 1 570 voix pour une ville de 42 000 habitants, et je me suis retrouvée face au FN au second tour – cela montre bien que nous sommes face à un problème profond. En décembre 1990, François Mitterrand avait prononcé ces mots si justes : « L’urbanisme ne transformera pas la ville et encore moins la vie si on ne fait pas appel à ceux qui sont là. […] On ne réussira pas si l’on prétend se substituer aux habitants des quartiers parce qu’il faut que chaque habitant, autant qu’il est possible, se sente le propre auteur de l’oeuvre, son propre créateur […] Tout homme a besoin d’avoir part à la création, sinon il ne s’y reconnaît pas. »
La démocratie participative ne pourra que vivifier et redonner toute sa légitimité à la démocratie représentative. Lorsque les citoyens sont pénétrés de la conviction que leur vote ne sert à rien, la désespérance s’installe et de la désespérance naissent le repli sur soi et le fascisme. Je me félicite donc que notre rapporteur annonce que la réflexion se poursuivra au sein d’un groupe d’étude dont il demande la création.
Pour conclure, je souhaite partager avec vous ces mots du grand poète Aimé Césaire, prononcés ici même, en 1946, lors du débat sur la départementalisation ; si nous parvenons à les faire nôtres, c’est que notre projet aura réussi. Aimé Césaire disait : « Par ce projet, nous aurons contribué à établir une fraternité agissante au terme de laquelle il y aura une France plus que jamais unie et diverse, multiple et harmonieuse, dont il est permis d’attendre les plus hautes révélations. »
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, y a-t-il besoin d’une politique de la ville ? Couverte de critiques, en particulier celle, technocratique, de la Cour des comptes, elle est condamnée au tribunal de l’opinion. Faut-il maintenir une politique de la ville ? La politique des villes, à l’heure où nous célébrons l’anniversaire de la marche pour l’égalité de 1983, est-elle encore utile ? Évidemment, oui ! La politique de la ville, pour l’égalité sociale et territoriale, pour faire du commun, pour faire entrer dans la réalité partout et pour tous la République…
…est une nécessité et une exigence.
Il y a d’abord une illusion statistique que je veux souligner. Le solide appareil statistique qui accompagne la politique de la ville mesure le décrochage des lieux et des quartiers, mais laisse échapper les individus, alors même que ces quartiers sont d’une grande mobilité. Il n’y aurait rien de plus faux que de souscrire à l’image de quartiers immobiles, où les générations s’entasseraient comme dans des ghettos. En réalité, des individus, des familles en sortent, d’autres arrivent, en général moins bien dotés en capital économique, culturel et social.
Au cours des trente années écoulées depuis 1983, la France a subi un mouvement continu de désindustrialisation et de mutation du travail, qui a frappé non seulement la France de l’est, mais aussi les grandes agglomérations, l’urbain et le périurbain, à commencer par Paris et sa région. Ces trente années ont aussi été marquées par le recul des grandes institutions, très verticales, très républicaines, hautement nécessaires et utiles. Je pense à l’École – que j’écris avec un grand E – mais aussi à l’armée, avec la suppression du service national ; je pense à la rationalisation des services publics qui, trop souvent, a marqué leur recul dans les communes et surtout dans les quartiers populaires.
La politique de la ville ne peut pas être jugée indépendamment de ce contexte plus large. Pendant ce temps, les fractures ont certes perduré, mais ces quartiers n’ont pas sombré pour autant. Autour de la politique de la ville, des acteurs locaux se sont mobilisés, obtenant de nombreux succès auxquels il faut rendre hommage. Souvent à l’initiative de maires entrepreneurs et soucieux de la cohésion sociale et urbaine, ces quartiers ont bénéficié d’investissements importants du bloc communal – auquel j’inclus les intercommunalités depuis la loi Chevènement.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous proposez non pas une refondation, mais une rénovation profonde. Elle est nécessaire. Tirée à hue et à dia, la politique de la ville s’est complexifiée jusqu’à la confusion en juxtaposant des dispositifs et en produisant une machinerie, en aboutissant à une ingénierie complexe – trop complexe. On entend déjà la critique reprochant au critère unique de la pauvreté de diluer la spécificité de la politique de la ville.
À entendre certains, la politique de la ville ne devrait viser que des quartiers décrochés dans des zones dynamiques. Mais les décrochages urbains et les inégalités ne sont pas moins violents dans les petites agglomérations moins dynamiques que les métropoles. Il est essentiel, à mes yeux, de prendre en compte les poches de pauvreté urbaine qui échappent au paysage traditionnel des cités HLM faites de tours et de barres. Cette pauvreté peut aussi être située en centre-ville, concerner des copropriétés et du parc social de fait, ou des espaces pavillonnaires.
Il faut saluer cette révolution mentale qui rapproche les représentations, la réalité et les politiques publiques, qui ont pour ambition de saisir le réel pour le transformer. Bien sûr, les enjeux seront toujours plus forts dans les métropoles. Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui doit s’articuler avec le texte sur les métropoles, afin de traiter de ces enjeux. La légitimité d’une politique nationale de la ville sera renforcée par cette nouvelle géographie qui regarde la France telle qu’elle est ou, pour reprendre le titre d’un documentaire important diffusé récemment par le service public, qui regarde « la France en face ».
Nous avons besoin d’utiliser tous les leviers disponibles pour sortir notre nation de la crise que nous traversons – et, j’ose le dire devant la représentation nationale, pour « faire France ». Monsieur le ministre, votre projet de loi nous invite à aller de l’avant et c’est pourquoi nous le soutiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à partager une même conviction, un même attachement au modèle sociétal français. Ce modèle constitue une part essentielle de notre histoire et de notre identité. Il se confond avec ce que nous sommes. Il fait la force et la cohésion de notre pays. Au coeur de ce modèle, il y a un principe d’égalité, auquel nos concitoyens sont profondément attachés. Oui, les Français veulent que la France avance rassemblée. Ils veulent une société unie qui fasse sa place à chacun.
Dans son discours du Bourget, le Président de la République, François Hollande, a dit : « Chaque nation a une âme et l’âme de la France, c’est l’égalité ». L’engagement no 27 du Président de la République, visant à faire de l’égalité républicaine entre les territoires une priorité de l’action de l’État, a donc conduit le Gouvernement à engager une nouvelle étape de la politique de la ville. Car l’égalité est bien la raison d’être et la colonne vertébrale de ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
Depuis dix-huit mois, nous avons déjà beaucoup fait. Prenant l’exact contre-pied de nos prédécesseurs, nous avons fait clairement le choix de passer d’une logique de confrontation à une logique de concertation et de négociation. La bonne méthode est bien de rechercher ensemble des solutions en partant de l’analyse des problèmes, en faisant le bon diagnostic avant de se fixer un plan d’action. Il faut, de ce point de vue, saluer votre engagement, monsieur le ministre, et votre choix de renforcer la dimension partenariale de la politique de la ville par une gouvernance locale clarifiée, donc plus efficace, et par l’association des habitants aux projets. Outre le gage d’efficience que cela représente pour les actions mises en oeuvre, c’est là une contribution essentielle à la vie démocratique de notre pays.
Changer le visage de dizaines de quartiers sans pour autant redonner le sourire à leurs habitants, cela ne pouvait nous satisfaire ! N’ayons de cesse de saluer le courage et la volonté dont les habitants des quartiers populaires font preuve quotidiennement, ces quartiers que j’ai à l’esprit en m’exprimant à cette tribune et que vous connaissez bien, monsieur le ministre : Pigeonnier, Messager, Mozart, Fafet-Brossolette-la-Cité, Balzac, Léo Lagrange-Schweitzer, Saint-Maurice.
Nous le savons tous : pour les habitants des territoires ciblés au titre de la politique de la ville, la clé, comme pour tous les Français, c’est l’emploi. Il est donc de notre responsabilité de permettre aux publics les plus fragiles de ne pas perdre l’espoir de trouver un travail. Nous ne pouvons nous résoudre à ce que les dizaines de milliers de jeunes qui sortent chaque année du système scolaire et universitaire sans diplôme ni qualification subissent, tout au long de leur vie, les conséquences de ce handicap. Pour lutter contre la précarité que connaissent aujourd’hui beaucoup de jeunes, il faut donner à chacun les outils pour tracer lui-même son propre chemin, en valorisant le mérite.
Dans ce combat, l’angélisme et l’hypocrisie sont nos ennemis. Nombreux sont ceux qui sont confrontés à des discriminations en raison de leur origine, de leur nom ou de leur lieu de résidence. Laissons de côté les origines, laissons de côté les préjugés. Faisons une place aux talents. La diversité de la France est une force pour la France.
Nous avons pu constater, depuis deux ans, l’appétit de changement qui existe dans notre pays. Il faut du courage et de la détermination pour que la France se retrouve. Cela est à notre portée, pourvu que nous nous en donnions les moyens. C’est ce que Jean-Marc Ayrault et vous-même, monsieur le ministre, avez fait, ainsi que les membres de la commission des affaires économiques. Nous ne pouvons, nous autres législateurs et responsables politiques, assister impuissants et inactifs au dramatique effilochage du lien social.
Pour vous inviter à voter ce projet de loi, permettez-moi de citer Victor Hugo s’adressant ici même à nos illustres prédécesseurs : « Vous n’avez rien fait, rien fait, tant que dans cette oeuvre de destruction et de ténèbres, qui se continue souterrainement, l’homme méchant a pour collaborateur fatal l’homme malheureux ! ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
Avant que nous n’entamions l’examen des articles, je veux d’abord dire quelques mots pour remercier l’ensemble des députés de la majorité qui ont exprimé leur soutien à ce texte, à savoir Mme Abeille, M. Braillard, M. Blein, M. Liebgott, Mme Geoffroy, M. Laurent et Mme Boistard. Ce sont tous des élus engagés depuis de nombreuses années dans la politique de la ville, et leur aide dans la rédaction initiale du projet, puis dans les modifications qui y ont été apportées, a été précieuse.
J’ai entendu ce qu’a dit M. Asensi au sujet de ses incertitudes en matière de mixité sociale et de ce qu’il considère comme un désengagement de l’État.
Ce projet de loi contient des dispositions majeures sur la mixité sociale, largement enrichies, d’ailleurs, par le débat en commission. Nous savons que c’est la question la plus difficile. Comme cela a été dit, certains quartiers sont l’objet d’une forte mobilité : dès que quelqu’un va mieux, il en sort et est remplacé par quelqu’un qui rencontre des difficultés supérieures. La rénovation urbaine a permis de régler, en partie, les problèmes affectant certaines localités, mais il faut aller plus loin. Comme je le disais tout à l’heure, ce projet de loi fixe un cadre qui nous permet de continuer à travailler sur la mixité sociale.
Ce sujet mérite que l’on engage à nouveau un débat. En effet, l’on entend une petite musique, émanant de spécialistes, de sociologues, qui affirment qu’il y a toujours eu des quartiers populaires, que c’est normal, l’essentiel étant de permettre la mobilité résidentielle, c’est-à-dire de rendre possible le passage d’un quartier à un autre en cas d’ascension sociale. Ces quartiers populaires joueraient ainsi le rôle de sas. Or, la réalité, vous la connaissez : ce sont toujours les mêmes qui partent et toujours les mêmes qui restent ! Il est donc nécessaire de relancer le débat, faute de quoi tous nos efforts seront vains. Certes, les milliards engagés en faveur de la rénovation urbaine sont utiles, car ils permettent d’améliorer l’espace public et l’habitat, et réduisent parfois le désenclavement des quartiers. Mais cela ne suffira pas si l’on ne s’attaque pas aussi – je n’ai jamais eu peur du mot – à la question des politiques de peuplement. Il s’agit de voir comment nous pouvons favoriser la mixité sociale, petit à petit, sans stigmatiser les populations, par des mécanismes liés au prix du foncier, à l’attribution de logements, et, plus généralement, par tous les outils à notre disposition.
Cela implique aussi, parfois, un changement d’image : les classes moyennes ne veulent plus aller dans ces quartiers parce qu’ils ont tout simplement mauvaise réputation, comme dirait Brassens. Le travail sur la mémoire et la concertation citoyenne doivent aussi contribuer au changement d’image des quartiers populaires.
Monsieur Asensi, s’agissant du prétendu désengagement de l’État et de la création d’une nouvelle géographie prioritaire qui y répondrait, je veux vous rappeler que les budgets 2013 et 2014 de la politique de la ville ont été sanctuarisés. J’ai augmenté l’année dernière, et je le referai cette année, les subventions de soutien aux actions locales et associatives dans les département prioritaires, dont le vôtre, mais également dans les Bouches-du-Rhône, dans le Nord et dans le Pas-de-Calais ; ce sera le cas, l’année prochaine, des départements de la région Languedoc-Roussillon – qui éprouvent, comme j’ai pu constater, de grandes difficultés et ont besoin de soutien – mais également, madame Boistard, de la Somme. C’est une réponse à la demande de rééquilibrage qui avait été faite par la Cour des comptes, et qui revêt, à mes yeux, une importance majeure car, au cours des dernières années, on en a fait moins dans ces départements que dans d’autres.
Je veux répondre aux interrogations de MM. Tetart et Richard, ce qui nous permettra d’aller plus vite dans la suite du débat. Monsieur Tetart, vous avez demandé pourquoi on ne laissait pas à l’échelon local le choix entre l’échelon communal et l’échelon intercommunal pour la conclusion des contrats de ville. Tout simplement parce que l’expérience nous montre que, si les deux niveaux ont leur utilité, le fait de renvoyer systématiquement à l’échelon local fait courir le risque de reproduire certaines erreurs passées. Vous savez, en effet, que l’on a parfois « construit » des territoires pour en écarter d’autres. Si on laissait le pouvoir de décision au niveau local, je ne vois pas qui irait travailler – pour prendre deux exemples en région Île-de-France – avec Clichy et Montfermeil, eu égard à leur environnement. Je pourrai également citer d’autres territoires en régions. En outre, le cadre intercommunal permet de dresser un diagnostic, de travailler sur les questions de peuplement, à travers la reconstitution et l’élargissement de l’offre d’habitat, de contribuer au désenclavement des quartiers et de fournir aux élus des plus petites communes l’ingénierie humaine la plus compétente possible, tout en laissant aux maires la capacité de travailler au plus près de la population.
Je connais le sujet pour avoir été maire pendant onze ans et président d’une intercommunalité pendant dix ans. Dès lors que les membres de l’intercommunalité font preuve de bonne volonté – ce qui est le cas général –, chacun exerce les prérogatives relevant de son niveau et cela démultiplie, lorsque la répartition du travail est bien faite, la capacité d’action des maires. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir, à partir du moment où la loi définit clairement les rôles des uns et des autres.
La loi doit clarifier les choses, et cela répond d’ailleurs à l’une de vos demandes.
M. Richard a demandé si la réforme de la géographie prioritaire était liée à une forme de désengagement financier de l’État. J’ai déjà répondu à M. Asensi à ce sujet. Il faut dépasser le comique de répétition consistant à réclamer : « La liste, la liste, la liste ! »
Non, mais vous allez sans doute bientôt y revenir !
Sourires.
Monsieur Saddier, au-delà du comique de répétition, dont je suis féru, je veux dire que la grande différence avec la période précédente réside dans le fait que ce n’est plus le ministre qui dresse la liste.
Ce n’est pas le ministre qui déplace les curseurs pour faire entrer untel ou untel.
Non, c’est la situation sociale du quartier qui permet de déterminer son inclusion ou non dans la liste. Vous savez bien comment cela se passait auparavant. Si je voulais être cruel, je pourrais vous expliquer pourquoi, à une certaine époque, certaines villes ont bénéficié de la politique de la ville, et pourquoi d’autres en ont été exclues.
On modifient les coefficients et les critères et, soudain, ô miracle ! la ville entre dans le périmètre de la politique de la ville. C’est comme cela que l’on est arrivé à 2 400 ou 2 500 contrats urbains de cohésion sociale.
Je vous dis simplement que c’est ainsi que cela s’est passé, mais vous aurez l’occasion de revenir sur le sujet dans la suite du débat.
Le critère unique permettant de déterminer le caractère prioritaire d’un quartier est objectif. Il n’en demeure pas moins nécessaire de travailler avec les maires afin que l’on dessine correctement les contours. Je ne voudrais pas, toutefois, que l’on s’en tienne à la question des quartiers, car, à partir du moment où l’on a défini la liste des quartiers prioritaires, l’objectif est d’en sortir. Je veux dire, par exemple, au député-maire d’Auch, ici présent, que l’on va non seulement travailler sur le quartier du Garros, mais également sur le lien que ce dernier entretient avec la ville et le territoire environnant. C’est donc une nouvelle philosophie qui va nous inspirer.
M. Richard, qui connaît bien ces sujets, a exprimé une grande inquiétude au sujet de la baisse du nombre de quartiers prioritaires.
Or, à quoi sert cette catégorisation ? À appliquer un certain nombre de dispositifs d’exonération fiscale, de bonification indiciaire pour les fonctionnaires voire, éventuellement, de réduction du taux de TVA. Cette loi rendra possible l’application de tous ces dispositifs en zone urbaine sensible ; ces derniers seront donc applicables dans tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Le changement essentiel tient au fait que l’on concentre l’ensemble des moyens de l’État et des disponibilités vers les quartiers les plus en difficulté.
Je vais vous dire quels quartiers ne seront plus jugés prioritaires.
Ils appartiennent à deux catégories. Il y a d’abord ceux qui n’auraient jamais dû entrer dans le périmètre de la politique de la ville, mais qui y sont entrés grâce aux bonnes relations entre le maire et le préfet ou à la capacité du ministre à faire bouger les curseurs. Je n’aurai pas la cruauté de vous communiquer cette liste !
Cela vous ferait mal. Il y a ensuite les quartiers de certaines villes, où le travail des élus a permis que ces quartiers aillent mieux : c’est le cas de ma commune, Palaiseau.
Nous avons eu besoin, à un moment donné, des crédits de l’État, pour permettre aux collectivités du territoire, dont ma ville, de faire évoluer la situation dans quelques quartiers. Mais nous n’en avons aujourd’hui plus besoin. Les maires dont les villes relèvent de cette deuxième catégorie pourront se présenter à l’élection municipale en affichant leur satisfaction que leur commune soit sortie de la politique de la ville, ou leur espoir qu’elle en sorte bientôt, car cela signifie qu’ils ont bien travaillé au cours des dernières années.
Pourquoi certaines villes resteront-elles prises en charge ? Parce qu’elles concentrent des difficultés importantes et ont encore besoin du soutien actif de l’État et des autres collectivités pour essayer d’améliorer la vie de leur population.
Monsieur Richard, comme l’indique le texte, les villes qui demeureront dans le périmètre de veille active pourront encore contractualiser avec l’État, avec les moyens de droit commun, mais je répète ce que j’ai dit en commission : pour 2014, les crédits seront maintenus, car il s’agit d’une année transitoire.
Par ailleurs, je serai très attentif à ce que l’on n’arrête pas certains dispositifs qui ont fait leur preuve dans les quartiers et qui doivent s’inscrire dans la durée – je pense tout particulièrement aux programmes de réussite éducative engagés par les communes. Dès que la liste sera publiée, à la fin du printemps, nous nous mettrons au travail avec les élus.
Comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, nous posons un cadre, mais l’application de cette politique nécessitera l’engagement de tous au service des habitants de nos quartiers.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Discussion générale
La séance, suspendue à douze heures quarante-deux, est reprise à douze heures quarante-sept.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de la ville, mes chers collègues, le présent projet de loi marque une étape décisive pour l’avenir et la crédibilité de la politique de la ville dans notre pays.
L’article 1er que nous sommes sur le point d’examiner propose une refondation de la politique de la ville à l’heure où notre pays traverse une crise importante. Il est fondamental de travailler à la solidarité nationale envers les quartiers les plus défavorisés, et la politique de la ville en est un outil fondamental. Renforcer son efficacité est une priorité à l’heure où les moyens budgétaires de l’État sont contraints.
Monsieur le ministre, je veux saluer le travail considérable que vous avez réalisé à travers les « 3 C » : concertation, courage et cohérence. Une large concertation a permis tout d’abord d’associer en amont les acteurs principaux de la politique de la ville. Vous avez ensuite fait preuve de courage, car il en faut pour remettre à plat la géographie prioritaire et affronter tous les égoïsmes. Il était enfin nécessaire de renforcer la cohérence de cette politique.
Dans l’article 1er, nous réaffirmons certains principes fondateurs de la politique de la ville que nous devons améliorer et renforcer. Nous réaffirmons tout d’abord qu’il s’agit d’une politique contractualisée menée par les acteurs – État, collectivités locales, associations et citoyens – et que c’est par cet échange et ces expériences partagées que les projets menés pourront répondre aux besoins spécifiques et en évolution constante de nos quartiers.
Nous souhaitons ensuite que cette politique soit capable de mobiliser des crédits de droit commun afin de rétablir une présence forte des services publics dans les quartiers, en particulier pour l’éducation et la sécurité. Ces politiques doivent en effet mobiliser tous les crédits nécessaires.
La politique de la ville que nous voulons est également une politique évaluée qui s’attache non seulement aux quartiers ciblés, mais aussi aux trajectoires des résidents de ces quartiers, c’est-à-dire non pas uniquement à l’urbain mais aussi à l’humain, qui est au coeur de la politique menée. La création de l’observatoire national de la politique de la ville répondra à cette préoccupation.
Enfin, nous voulons que la politique de la ville s’appuie sur l’initiative des habitants et sur la mémoire de ces derniers. Les quartiers populaires sont riches d’expériences, de formes de solidarité nouvelles, de mobilisation militante et associative sur lesquelles nous pouvons nous appuyer.
Chers collègues, c’est par la mise en oeuvre de cette politique courageuse et coordonnée que nous pourrons favoriser la pleine intégration des quartiers défavorisés et des femmes et des hommes qui y vivent.
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, l’article 1er constitue le coeur du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Il affirme tout d’abord que si la toujours nécessaire rénovation urbaine doit être poursuivie, elle doit également être accompagnée, voire complétée par une réhabilitation humaine. S’il faut bien sûr continuer de s’occuper des pierres dans ces quartiers, il faut également penser davantage aux hommes et aux femmes qui y vivent. Il est évident qu’il est plus agréable de quitter son immeuble le matin en traversant un hall propre qu’un hall où des jeunes qui ont bu la nuit précédente ont vomi. Mais quand on est au chômage, que le hall soit propre ou sale, on le traverse chômeur. S’occuper des hommes et des femmes est donc tout à fait essentiel, et c’est ce qu’affirme l’article 1er.
Le deuxième élément qui me paraît essentiel dans cet article qui, certes, balaie large – nos collègues de l’UMP ont d’ailleurs moqué la longueur de l’alinéa 4 –,…
…est l’inscription du développement économique et de l’emploi au coeur des priorités aux alinéas 5 et 6. Telle est la force de cet article, qui dépasse le simple cadre de la rénovation urbaine en prenant bien en compte le fait que ces quartiers, nous le savons, rencontrent des problèmes dans tous les secteurs et sont parfois en retard dans tous les domaines.
Enfin, au début de l’article, les élus communaux et intercommunaux sont bien reconnus comme étant coresponsables, avec l’État, de cette politique. Pour autant, si celle-ci ne s’inscrit pas dans une démarche de coconstruction avec les habitants, pour reprendre le terme de l’article, si elle n’implique pas ces derniers, ils n’en seront pas les premiers soutiens. Or, nous avons besoin qu’ils le soient si nous voulons que cette politique réussisse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il est un constat amer que nous pouvons partager sur les bancs de cette assemblée : celui d’une forme d’échec de la politique de la ville qui, à coup d’effets d’annonce, de mesurettes, de revirements et même de réformes, a été vidée de son sens originel, à tel point que les citoyens n’y croient plus et ont le sentiment que cette politique qui a suscité tant d’espoirs n’est qu’un miroir aux alouettes.
Face à cette résignation, et compte tenu des inégalités territoriales et sociales croissantes, il y a une urgence : réagir ! Réagir justement, réagir fortement, réagir efficacement ! Faire plus, faire mieux pour ceux qui ont moins. Il me semble que c’est le sens que le ministre François Lamy et le Gouvernement ont souhaité donner à cette réforme.
Ce texte, en particulier dans son article 1er, marque une volonté claire : refonder la politique de la ville et évaluer le plus judicieusement possible cette refondation afin d’en accroître l’efficacité et l’efficience.
L’article 1er vise à donner une meilleure lisibilité à la politique de la ville en redéfinissant le cadre général de cette politique et en l’inscrivant dans un corpus unique dans le but de réduire les inégalités et d’améliorer les conditions de vie des habitants. Car c’est d’abord aux habitants qu’il faut penser ! À cet égard, reconnaissons à ce projet une innovation majeure : l’association de la population. Rien ne s’invente, rien ne se décrète, tout se construit collectivement. Et tout s’évalue ! Car là aussi, ce texte permet d’innover : une instance nationale de l’évaluation est créée afin que nous puissions nous assurer que les objectifs fixés seront atteints et, le cas échéant, de modifier, moderniser et compléter les dispositions que nous sommes appelés à voter.
Je vous invite donc à voter l’article 1er, mes chers collègues. Refondons la politique de la ville au service des territoires et de leurs habitants !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, puis le cas échéant la réunion d’une commission mixte paritaire permettront de clarifier la définition inscrite dans l’article 1er. En effet, pour être lisible, une politique doit être portée par un message clair, court. Très sincèrement, et je m’adresse ici calmement et sereinement à ceux de nos collègues qui étaient présents en commission des affaires économiques, à commencer par son président, M. Brottes, il y avait unanimité sur le besoin de retravailler cette définition.
Monsieur le président, je tenais dans la deuxième partie de mon intervention à vous remercier, car vous avez rappelé ce matin que le temps de parole imparti au défenseur d’une motion de renvoi en commission était de trente minutes. Alors que j’ai scrupuleusement respecté cette consigne en intervenant vingt-cinq minutes ce matin, j’ai subi des attaques vraiment blessantes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Comme nous approchons de l’heure du déjeuner, je vais un peu mieux, même si j’ai accusé le coup…
…et j’ai retrouvé quelques forces, monsieur le ministre, pour vous demander la liste.
Je souhaiterais pour cela vous donner deux arguments, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir cet après-midi. Tout d’abord, j’ai senti ce matin que vous portiez un poids, et je voudrais vous soulager : vous avez dit que le Gouvernement ne voulait pas offusquer la représentation nationale en présentant la liste alors qu’elle ne s’est pas exprimée sur le texte. Monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est plus le vôtre, c’est celui de la commission ; vous voilà donc libéré. Lâchez-vous, présentez-nous la liste !
Par ailleurs, je voudrais vous donner lecture de l’alinéa 15 de l’article 2 où, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, il est précisé : « Le ministre chargé de la ville arrête, sur proposition de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, la liste des quartiers qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants. » C’est donc bien le ministre qui arrête la liste ; c’est ce qui est écrit, chers collègues !
…et puisque depuis deux ans nous travaillons ensemble, puisque tout est transparent, je pense que mes collègues et moi-même allons nous rendre au ministère pendant la pause du déjeuner pour nous procurer la liste.
L’article 1er est louable et rassurant dans la mesure où vous avez pris le temps d’énoncer l’ensemble des missions de la politique de la ville. Je vous donnerai régulièrement au cours de cette journée des exemples s’appuyant sur la politique de la ville qui a pu être mise en place dans la commune dont je suis l’élue.
Je suis rassurée parce que je retrouve dans cet article le détail de tout ce que nous faisons déjà et de tout ce que la précédente majorité a pu mettre en place en matière de politique de la ville.
À cet égard, je suis un peu étonnée des propos contradictoires tenus par la majorité, car certains d’entre vous louent la politique de la ville qui a été mise en place par Jean-Louis Borloo…
… en précisant que certaines choses doivent être améliorées, tandis que d’autres jugent cette politique catastrophique.
Non ! Nous avons qualifié comme telles les politiques publiques ! Ce n’est pas la même chose !
Pourriez-vous donc vous mettre d’accord ? Vous pourriez peut-être simplement affirmer que cette politique a le mérite d’exister, que certaines améliorations doivent être apportées ou que certains éléments doivent être modifiés, mais cessez donc de dire qu’elle est catastrophique.
Les actions que j’ai mises en oeuvre dans ma commune suffisent à démentir une telle affirmation ! Et j’imagine que les habitants de ma commune sont déçus de vous entendre établir un constat aussi catastrophique de ce qui existe.
En ce qui me concerne, je ne verserai pas dans le catastrophisme. Ce projet de loi, qui nous arrive dans un texte revu par la commission, ce qui est tout à fait logique – la commission a d’ailleurs produit un texte, non pas fondamentalement différent, mais amélioré –, consacre à travers l’article 1er trois idées qui nous paraissent tout à fait essentielles.
Premièrement, il faut en quelque sorte une coproduction entre toutes les collectivités territoriales. Il est important que les régions, les départements, les communautés de communes et d’agglomérations, sans oublier les villes, bien entendu, s’impliquent aux côtés de l’État. On ne voit pas très bien non plus comment un club de prévention pourrait ne pas être inclus dans la politique de la ville.
Deuxièmement, il faut que l’ensemble des habitants soient associés, ce qui est déjà souvent le cas, par exemple avec les réunions de quartier. Les régies de quartier sont également de bons exemples d’implication des habitants dans la gestion de leur quartier : des gens sont rémunérés pour faire un travail qui concerne leur quartier et qui est, en général, respecté par les habitants.
Troisièmement – c’est là une remarque toute simple, mais qui me semble importante, notamment parce que je suis l’élu d’un territoire dit d’après-mines –, il ne faut pas négliger les crédits de droit commun dans la politique de la ville. Ce n’est pas parce qu’un quartier entre dans le périmètre de la politique de la ville qu’il ne bénéficie pas également de crédits ordinaires.
Avec cette nouvelle loi sur la politique de la ville et la cohésion urbaine, nous allons écrire, je n’en doute pas, un nouveau chapitre d’une histoire commencée il y a plus de trente ans.
Ce projet de loi est clair et précis – cela mérite d’être souligné, car ce n’est pas toujours le cas, malheureusement, des textes qui sont produits –, même si je crains que nous ayons un peu alourdi en commission l’alinéa 4 de l’article 1er…
…notamment sur les questions d’emploi. Sur ce point, le texte me paraît très redondant, et cela d’autant plus qu’on y revient à l’alinéa 6. En l’espèce, il est pertinent d’insister, quand bien même on ne précise pas si les aides spécifiques sont destinées aux territoires, à savoir les zones franches, ou aux personnes, c’est-à-dire aux emplois francs – j’en déduis que les uns comme les autres sont concernés.
Je voudrais rappeler que la politique de la ville est aussi un laboratoire des politiques urbaines : c’est là que s’invente l’avenir, parfois pour l’ensemble des villes et des quartiers. Il s’agit de mettre en oeuvre une politique de rattrapage, de remise à niveau par rapport aux autres quartiers, mais il faut aussi, pour cela, adopter une approche transversale, chercher à innover et impliquer les habitants.
À cet égard, je me félicite que la participation des habitants soit fortement inscrite dans le texte avec l’obligation, à l’article 5 bis, de mettre en oeuvre des conseils citoyens. C’est donc plus qu’une thématique : c’est une volonté politique, mais aussi une question de méthode. Or qui dit méthode dit également nécessité d’une ingénierie dont j’aurais souhaité qu’elle soit reconnue par la loi, notamment à travers les centres de ressources régionaux politique de la ville. J’avais d’ailleurs présenté un amendement, lequel fut déclaré irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution – il est toujours difficile d’y échapper et, parfois, je n’y arrive pas ! Quoi qu’il en soit, l’article 5 dit quelques mots sur l’ingénierie. La participation des habitants ne se décrète pas ; elle nécessite un peu de méthode. C’est là quelque chose d’essentiel, car la politique de la ville suppose d’associer trois légitimités : celle des élus – c’est la démocratie –, celle des techniciens et des services, mais aussi celle des habitants, dont l’expertise découle de l’usage.
La parole est à M. Arnaud Richard, dernier orateur inscrit sur l’article 1er.
L’article 1er de ce texte présente une différence énorme par rapport à l’article 1er de la loi de 2003 : à l’époque, nous avions annexé un document, lequel avait d’ailleurs donné lieu à beaucoup de débats. Cette annexe citait les sujets sur lesquels il fallait arriver à réduire les écarts entre les quartiers, car c’est bien de cela qu’il s’agit si l’on veut bien abandonner le verbiage et utiliser des mots compréhensibles pour tout le monde. Les domaines concernés étaient l’habitat, évidemment, mais aussi l’emploi, la santé et la réussite éducative. Il y avait un ensemble de critères et d’indicateurs très complets et compréhensibles pour tous les acteurs sur le terrain.
Au contraire, le quatrième alinéa du présent article dit tout. Certes, certains domaines faisaient défaut auparavant en matière de politique de la ville. Nos collègues Verts ont ainsi ajouté la préservation de la biodiversité, ce qui est très important ; les habitants des quartiers y seront extrêmement sensibles. Toutefois, à force de mettre trop de choses dans la loi, on perd le bénéfice de l’annexe de la loi de 2003 qui, grâce à des critères très précis, obligeait l’ensemble des administrations et des collectivités à regarder où l’on en était s’agissant des différences entre les quartiers. Ce dispositif était tout à fait opérationnel ; il permettait d’avoir un état des lieux parfait. Là, vous nous proposez un catalogue de choses – tout ou presque figure dans le quatrième alinéa – auxquelles on peut difficilement s’opposer, mais dont la conséquence risque d’être un manque de visibilité. Au final, selon moi, le texte ne sera pas opérationnel.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron