Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la politique de la ville est un espoir pour la République. À cette heure importante, je pense à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué, en 2003, à l’élaboration du grand projet de loi sur la rénovation urbaine – projet de loi qui avait été qualifié de programmation à bon escient. Je pense à Cécile Gallez, à Pierre Bourguignon, Éric Raoult – qui était à votre place, monsieur le président –, à Jean-Christophe Lagarde, à Jean-Yves Le Bouillonnec, à Janine Jambu. Nous avons vécu des moments émouvants, achevant l’examen de ce texte à l’aube du 11 juillet 2003 – un certain nombre d’entre vous étaient présents.
Je crois que cette « promesse de l’aube » a été en partie tenue et j’espère, monsieur le ministre, que le projet qui nous est soumis aujourd’hui tiendra, lui aussi, ses promesses.
Car dans ces quartiers, que ce soit à La Duchère, à Trélazé, où est élu Marc Goua, à Chanteloup dont votre serviteur est l’élu, ou aux Blagis, les difficultés existent toujours. Ces quartiers continuent à s’embraser – et notre collègue Francis Vercamer est aujourd’hui au chevet d’un de ces quartiers fragiles. La concentration de la pauvreté, l’explosion du chômage, l’insalubrité de l’habitat, même si beaucoup a été fait – je vais en parler –, la tentation du repli communautaire liée au sentiment d’exclusion sont autant de symptômes de notre difficulté collective à trouver un chemin pour ces quartiers. Cela étant, je ne remets pas en cause, monsieur le ministre, votre volonté sincère d’avancer dans l’intérêt de nos compatriotes.
Cette situation de rupture sociale et territoriale est porteuse de risques très lourds pour la communauté nationale. Elle a donné lieu, il y a de nombreuses années – plus de vingt-cinq ans maintenant – à l’émergence d’une problématique, celle de la politique de la ville, caractérisée par une approche très globale des sujets.
Les quartiers ont reçu divers qualificatifs : « populaires », « défavorisés », « sensibles », « stigmatisés », « relégués » ou encore « très fragiles » – personne n’a jamais été très à l’aise sur ce sujet. Pour ma part, j’ai envie de vous dire que ce sont des quartiers d’avenir, du fait de la jeunesse qui y vit et qui a besoin qu’on lui envoie un signal. Notre seule responsabilité, aujourd’hui, c’est de donner un espoir à cette jeunesse.
Beaucoup a été fait, en 2003 – François Pupponi, notamment, l’a fort bien dit –, avec la dotation de solidarité urbaine et l’ANRU – François Lamy siégeait déjà sur ces bancs à l’époque, mais pas encore au Gouvernement – qui se sont traduites par près de 300 000 réhabilitations, 12 millions d’heures d’insertion et 150 000 emplois créés, directement ou indirectement, 130 000 démolitions et 130 000 reconstructions. On ne peut donc pas parler de saupoudrage. Ce programme majeur a été un succès pour la nation tout entière, puisque l’ensemble des acteurs y ont participé : les collectivités locales, les partenaires sociaux et, bien sûr, l’État. Vous connaissez la sensibilité du groupe UDI et de nombre de ses élus sur ce sujet. Nous sommes fiers de ce qui a été réalisé ces dernières années dans ce domaine délicat, même si nous n’avons pas la prétention de considérer qu’à l’époque, nous avions tout compris, tout vu et tout ressenti.
Beaucoup reste donc à faire, et nous croyons en votre volontarisme, monsieur le ministre. Notre inquiétude, c’est que la simplification prônée par la Cour des comptes le Sénat ou encore par le rapport de Pierre André et de Gérard Hamel soit synonyme de désengagement. En commission et lors de la concertation à laquelle j’ai eu le plaisir de participer, j’ai parlé de réforme de « lolfienne » ou « bercyenne ». Nous avons besoin d’être convaincus. Nous vous accordons le bénéfice du doute, mais nous avons des doutes sur les bénéfices que peuvent en tirer les quartiers de ce pays.
La première étape de 2003 fut plutôt un succès, qui a été salué sur tous les bancs de cet hémicycle. À nous d’écrire l’étape suivante ! Je ne crois pas que le projet de loi soit suffisant pour franchir cette nouvelle étape ; d’ailleurs, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre. Nous avons besoin d’objectivité, de débats avec l’ensemble des acteurs dans les territoires. Pour cela, nous avons besoin d’outils tels que des indicateurs statistiques très précis en matière de scolarité, de santé, d’apprentissage et de logement, pour que l’ensemble des acteurs soient bien conscients de ce qu’ils réalisent réellement dans ces quartiers.
En la matière, vous avez fait une erreur en mettant à mal le conseil de surveillance de l’ANRU, qui était un organisme indépendant – une sorte de poil à gratter – qui rappelait à chacun des membres du Gouvernement ce que son département ministériel faisait ou ne faisait pas. Sur ces sujets, nous avons besoin d’objectivité.
S’agissant de la fusion des dispositifs, empilés depuis de nombreuses années, vous avez raison de favoriser la cohérence de l’action publique, mais le changement de géographie prioritaire suscite quelques inquiétudes quant au zonage, qui existe depuis longtemps dans notre pays. Quid de la réussite éducative ? Quid de l’ensemble des exonérations fiscales et sociales liées en particulier à l’accession à la propriété ? Avec cette nouvelle géographie, 1 300 quartiers disparaîtront des radars gouvernementaux. Or, vous le savez fort bien, monsieur le ministre, un quartier éligible à la politique de la ville est observé attentivement par les structures étatiques locales et par le Gouvernement. Qu’en sera-t-il de la veille active que vous avez eu l’habileté de nous proposer ? Soit il s’agit de contrats de ville comme les autres, maintenant le même suivi par l’État local mais incluant en sus des dispositifs de droit commun. Soit elle traduit votre souci de vous retirer une épine du pied concernant le changement de géographie prioritaire, ce que je ne peux croire. En tout état de cause, la période de transition suscite une véritable inquiétude chez de nombreux élus qui se représenteront pour la plupart aux élections municipales de mars prochain.
Concernant la suppression des ZFU, M. Sordi et M. Jibrayel ont rendu un rapport démontrant leur intérêt. Sur cette question, les positions du parti socialiste ont été assez discordantes, de Martine Aubry à vous, aujourd’hui, monsieur le ministre. Quoi qu’il en soit, il faut sortir des postures et être capable d’analyser le dispositif sans faire perdre espoir à celles et ceux qui s’implantent dans ces quartiers, qu’ils exercent une activité économique ou une activité d’un autre type.
Nous sommes convaincus que l’emploi et l’éducation seront déterminants. Mon expérience de la politique de la ville m’amène à penser que beaucoup a été fait. On a toujours comparé l’humain et l’urbain. Notre grande responsabilité, aujourd’hui, outre qu’elle est d’envoyer un signal à la jeunesse de nos quartiers, est d’agir dans le domaine de l’éducation. C’est très certainement le sujet qui est devant nous. Nous avons en effet mené une action très importante pour l’habitat, et il faudra continuer en ce sens. Jean-Louis Borloo avait imaginé que ce programme mettrait cinq ans à se réaliser ; il en faudra quinze en réalité, parce que tout est plus long, même si l’ANRU est un succès. Je le répète donc, l’éducation sera un enjeu majeur, pour que ces quartiers restent pleinement dans la République.
La place du maire est importante, monsieur le ministre ; or votre texte était flou sur ce point. Rattacher la politique de la ville à l’intercommunalité peut paraître sensé, mais il nous semble nécessaire de réaffirmer le rôle et la mission du maire dans la gestion de cette politique, car il est le seul qui soit apte à connaître les attentes et les difficultés des quartiers de sa commune.
Pour ce qui est de l’ANRU, l’implication de l’État ne nous paraît pas à la hauteur des enjeux. Vous travaillez avec les partenaires sociaux, pour trouver des fonds pour le nouveau programme de rénovation urbaine. Gageons que vous trouverez, au sein des finances de l’État, suffisamment de moyens pour ce nouveau programme !
Les députés du groupe UDI participeront au débat, même si nous sommes un vendredi. Nous appelons de nos voeux la mise en place d’une association active des acteurs locaux. Le succès de l’ANRU provient en effet de leur réunion au sein d’une unité administrative commune, d’une instance commune de financement, qui a mis un terme aux difficultés endurées par les maires pour trouver des financements auprès du conseil général, de la région ou de l’État. Ce succès, il ne faut pas le mettre à mal, car l’attente est encore forte même si les réalisations ont été nombreuses.
Comme je le disais en introduction, monsieur le ministre, nous ne doutons pas de votre volonté mais bien de la réalité de l’investissement de l’État dans les quartiers concernés après le changement de géographie prioritaire. Celui-ci, comme l’a dit mon collègue Tétart, suscite le doute de nombreux élus locaux quant à votre volonté d’investir réellement dans les quartiers demain.