Je voudrais dépassionner le débat. Ce qui m’ennuie, c’est de ne pas comprendre quelles sont les propositions de ceux qui refusent de pénaliser le client pour sortir de la situation. Nous avons répété à de nombreuses reprises que la situation actuelle était loin d’être satisfaisante, qu’elle était même désastreuse. Même l’abrogation du délit de racolage ne résoudra pas le problème des violences faites aux personnes prostituées et les chiffres sont effroyables.
Dès lors, nous n’avons pas trente-six solutions. Soit nous mettons en place la prohibition comme l’ont fait d’autres pays mais nous savons que ce système n’est pas bon car la situation des personnes prostituées est encore plus désastreuse dans ces pays ; soit nous nous dirigeons vers le réglementarisme et la reconnaissance d’une soi-disant profession de prostitution, à l’instar de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Espagne dans une certaine mesure, où des maisons closes ont été rouvertes mais qui ont dans le même temps ouvert grand leurs portes aux réseaux criminels et où des centaines de milliers de personnes prostituées sont exploitées, sans parler de la situation sanitaire qui est, dans ces maisons closes, largement aussi effroyable qu’ailleurs, contredisant le vieil adage selon lequel tout serait plus propre et plus surveillé en maison close – c’est totalement faux comme j’ai pu m’en rendre compte moi-même à La Jonquera. Il n’y a pas trente-six possibilités et le modèle suédois semble le meilleur. Bien entendu, nous pouvons tous nourrir des doutes et nous demander si la prostitution ne s’est pas aggravée via Internet, si les personnes prostituées ne sont pas davantage victimes de violences, mais ce n’est pas, en tout cas, ce que nous disent les Suédois que nous avons auditionnés.
Et c’est bien parce qu’il est possible de douter que nous avons essayé d’améliorer la loi en créant un référentiel de réduction des risques et en prévoyant que des rapports seraient régulièrement remis sur les effets de cette loi. Il n’est pas interdit de faire mieux et d’aller plus loin que la législation suédoise, d’autant plus que nos deux pays sont très différents, ne serait-ce qu’à propos du VIH : En Suède, il n’y a plus de nouveau cas de contamination et la prévalence diminue. C’est loin d’être le cas en France où la situation épidémiologique est bien différente.