Intervention de Thierry Mandon

Séance en hémicycle du 19 décembre 2013 à 9h30
Simplification et sécurisation de la vie des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mandon :

Le Parlement étant le lieu de l’échange, je veux dire aux deux orateurs précédents que je m’étonne de leurs arguments. Je m’étonne tout d’abord de la dénonciation du recours aux ordonnances pour ce type de mesures, de la part de l’orateur principal d’un groupe qui nous a expliqué ces derniers jours que si, dans les années qui viennent, le sort lui était favorable, il entendait, au cours de la première année de son quinquennat – si l’on est encore sous le quinquennat – ne gouverner pratiquement que par ordonnances et changer de la sorte l’essentiel de la législation, qu’elle concerne la fiscalité, le travail ou d’autres sujets majeurs. Si cette méthode vous semble efficace pour des changements aussi lourds et aussi sensibles, notamment en matière de droit du travail et de droit fiscal, qui mériteraient pourtant d’être négociés au sein de la société, vous devriez également l’approuver s’agissant de la simplification des règles et des charges pesant sur les entreprises, car il y a véritablement urgence.

Deuxième argument qui nous est avancé : ce texte embrasserait trop de champs, cela irait trop vite. J’entends cet argument, mais les expérimentations, par définition, permettent à la législation d’accomplir des bonds en avant : c’est le sens même des expérimentations prévues par le projet de loi.

En même temps, l’on nous explique que cela ne va pas assez loin, qu’il aurait fallu s’occuper du droit du travail et, peut-être, des charges pesant sur les entreprises. Là encore, les arguments sont contradictoires : trop ou pas assez, il faut choisir. Ces arguments ne me paraissent donc pas recevables concernant ce texte.

C’est d’autant plus vrai – je le dis à nos collègues dans une volonté de dialogue – que ces mesures de simplification s’attaquent exclusivement au stock existant de réglementations, de lois et de normes, à ce qui est, finalement, le produit d’années et d’années – et c’est ici notre responsabilité collective à tous qui est engagée – de sédimentation de lois, de règles et de normes, qui ont des conséquences très lourdes.

Je veux insister sur l’une de ces mesures de simplification, qui a trait à la capacité de construire des logements ou de l’immobilier d’entreprise. Aujourd’hui, vous le savez – certains d’entre nous ici sont maires ou l’ont été –, pour un projet significatif de création de logements ou d’immobilier d’entreprise, entre le début du projet, c’est-à-dire la visite au service d’urbanisme de la mairie où sont prises en compte l’ensemble des difficultés, et l’épuisement du dernier recours, il n’est pas rare que dix ans s’écoulent. Les mesures qui vont être expérimentées grâce à cette loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, auxquelles il faut ajouter les mesures déjà prises au titre de la première loi d’habilitation votée le 1erjuillet 2013 à l’initiative de Mme Duflot, auront pour conséquence concrète de diviser par plus de deux le temps de construction de programmes de logements ou d’immobilier d’entreprise : l’on arrivera probablement à quatre années, en prenant en compte les recours totalement purgés.

Cela se traduira par des recettes fiscales – la TVA – perçues plus vite par l’État, par une activité économique, une croissance et des emplois augmentant plus vite. C’est ce que réclament l’ensemble des entreprises de notre pays. Je ne fantasme pas, je prends simplement en compte l’ensemble des articles de ce projet de loi, du moins ceux que vous proposez de supprimer, comme ceux de la loi Duflot qui ont déjà été votés.

Très sincèrement, je ne crois pas que votre position sera comprise. Vous avez certes le droit de vous opposer à ce projet, à ces propositions, mais elles sont attendues par l’ensemble des acteurs économiques.

En revanche les expérimentations autorisées par la loi et adoptées par voie d’ordonnance innovent profondément et doivent être décidées, ou à tout le moins encadrées par le Parlement. Je suis à votre écoute, j’entends vos inquiétudes et vos critiques, et il est un point sur lequel je vous rejoins : le Parlement doit également être associé à l’évaluation des dispositions que nous proposons d’adopter. Voilà qui me semble absolument indispensable, et je partage votre point de vue à ce sujet. Aussi, madame la ministre, s’agissant des articles 14, 14 bis, 14 ter et 15, il faut que nous trouvions le moyen d’associer les parlementaires à l’évaluation précise des conséquences de la mise en oeuvre de ces mesures nouvelles, de ces véritables innovations juridiques. Ce sera assez aisé avec les outils qui sont en train d’être mis en place, tant auprès du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique et du Secrétariat général du Gouvernement, que, grâce à l’initiative du Bureau de l’Assemblée, dans le cadre de la mission d’information « Mieux légiférer », qui travaillera jusqu’à l’été prochain.

Ces mesures sont très attendues par les acteurs du monde économiques, les investisseurs, les promoteurs, ceux qui bâtissent : ils ne comprendraient pas, au regard de la lenteur des procédures actuelles, que l’on s’y opposât. En revanche, il est tout à fait normal que les parlementaires suivent la mise en oeuvre de ces expérimentations. Une initiative sur ce point nous permettrait, en tout cas je l’espère, de faire évoluer, dans cette discussion, la position des uns et des autres.

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