Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous arrivons enfin à la lecture définitive du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi ordinaire interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen. Ces textes font l’objet d’une discussion commune.
Il nous revient, selon le dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, de statuer définitivement.
Dès la première lecture, le Sénat a manifesté son opposition, je dirais même son hostilité, à l’incompatibilité introduite par les deux projets gouvernementaux qui sont la traduction de l’engagement 48 du candidat François Hollande, élu Président de la République.
Notre rapporteur a souligné ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, le caractère non seulement divergent, mais encore irréconciliable, des positions des deux assemblées. Cette situation a conduit à l’échec de la commission mixte paritaire et nous donne aujourd’hui la responsabilité de nous prononcer en dernière instance sur les deux projets.
Pourtant, notre assemblée avait fait quelques concessions, notamment sur les fonctions locales dérivées.
Nous avions adopté, en première lecture, une disposition interdisant à un parlementaire d’être non seulement président ou vice-président, mais aussi membre d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale, d’une société publique locale, d’un établissement public local, etc.
Nous avons décidé en deuxième lecture, à l’initiative de notre rapporteur, de limiter le champ de cette incompatibilité aux seules fonctions exécutives. Ainsi, un parlementaire pourra continuer à siéger au sein de ces organismes locaux.
Cela n’a pas suffi à nos collègues sénateurs car, sur le fond, le Sénat réclamait un régime d’exception.
À chaque étape, une majorité nette s’est dégagée, au sein de notre assemblée, pour rendre incompatibles un mandat parlementaire et un mandat exécutif local. À l’inverse, le Sénat n’a pas souhaité appliquer ces nouvelles règles aux sénateurs eux-mêmes, il a ainsi créé, en leur faveur, un régime propre, invoquant, abusivement je crois, comme argument la fonction de représentation des collectivités territoriales que l’article 24 de la Constitution confie à la Haute Assemblée. Il n’est pourtant écrit nulle part, à l’article 24, qu’il faille cumuler un mandat au Sénat et une fonction exécutive locale pour bien faire son travail parlementaire. Je crois regrettable que le Sénat refuse de participer à cette entreprise de modernisation de la vie politique et donne ainsi une image d’immobilisme et de conservatisme mêlés.
Pour le groupe écologiste, les deux textes qui nous sont soumis aujourd’hui marquent un pas notable sur la voie de la rénovation et de la démocratisation de notre vie politique. Ce pas que nous allons franchir ne peut être le dernier, et le chantier reste ouvert, pour éviter que ce que nous allons prohiber pour les parlementaires ne devienne la règle pour les élus locaux. Au risque de me répéter – mais nous sommes à la troisième ou quatrième discussion de ces textes –, il ne s’agit pas pour les écologistes, qui, au Sénat comme dans notre assemblée, soutiennent cette réforme, de punir les élus qui cumulent ni de considérer qu’ils seraient de mauvais élus : il s’agit simplement de faire que les responsabilités électives soient plus accessibles et ne deviennent pas le bastion de quelques-uns, ou des rentes de situation. Il s’agit aussi de permettre à notre assemblée d’être un reflet plus fidèle du corps social, d’en illustrer la diversité, de permettre que les femmes y soient mieux représentées, de manière plus égalitaire.
Notre groupe aurait en effet préféré une réforme plus ambitieuse, d’une autre ampleur, avec le mandat unique de parlementaire, une limitation dans le temps des mandats parlementaires, une application immédiate de cette limitation, une limitation des mandats locaux et, au moins, une amorce de mise en place d’un statut de l’élu ; nous l’avons dit au cours du débat. Nous pensons aussi que la modernisation de notre vie politique passe également par le droit de vote et l’éligibilité des résidents étrangers non communautaires, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, et par l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives.
Nous prenons acte de cette avancée, importante. Elle ne saurait cependant, à nos yeux, être un solde de tout compte. Les deux textes que nous allons voter ne marquent pas la fin du cumul, mais nous avons la certitude qu’à l’instar de la loi sur la parité, une fois la réforme appliquée, le paysage politique ne sera plus tout à fait le même, que l’époque des carrières politiques qui durent toute une vie et des multiples fonctions et responsabilités que d’aucuns se plaisent à occuper, que cette époque est bien derrière nous. Je veux faire le pari que la dynamique de limitation du cumul des mandats enclenchée a vocation à aller plus loin.
Alors même que le pouvoir politique ne cesse de réclamer des efforts à nos concitoyens, il est insupportable de donner l’impression que nous restons arrimés au statu quo, que c’est à contrecoeur, sous la pression de l’exécutif, que nous allons adopter cette réforme. Limiter le cumul des mandats, c’est notre conviction, c’est notre volonté, c’est notre conception d’une démocratie où l’accès aux fonctions électives n’est pas un privilège, c’est une certaine idée de la démocratie où la diversité de la nation, où l’égalité entre les femmes et les hommes sont une réalité, où les élus sont pleinement disponibles pour l’exercice de leur mandat.
Les députés écologistes voteront donc unanimement ces deux textes, sans regret, sans état d’âme, avec un sentiment de satisfaction. C’est une réforme importante, qui renforce nos institutions et la démocratie.