Il appelle de notre part un contrôle très rigoureux. La commission des lois a donc veillé, dans la continuité du travail déjà mené en ce sens par le Sénat, à ce que les habilitations sollicitées soient les plus précises possibles. Elle a substitué, lorsque cela était envisageable, des modifications directes du droit en vigueur à des habilitations.
Ce projet comporte désormais dix-neuf articles, qui visent à simplifier, à clarifier et à moderniser le droit sur des sujets divers, que Mme la garde des Sceaux a énoncés.
Il porte d’abord sur le droit civil : la protection juridique des majeurs et des mineurs, le droit des successions, le droit des obligations et des contrats, comme cela vient de nous être expliqué, le droit des biens et celui des procédures d’exécution. Il s’agit donc de domaines essentiels. La question du divorce est également abordée.
Le projet modifie aussi l’organisation de la justice, avec la réforme importante du tribunal des conflits.
Il concerne également la procédure pénale, avec une habilitation ouvrant la possibilité de procéder à des communications par la voie électronique, ainsi que l’administration de l’État et des collectivités territoriales.
Je n’aborderai que les dispositions qui me paraissent les plus significatives.
L’article 1er a ainsi pour objet de simplifier les règles relatives à l’administration légale. Il vise à alléger le contrôle exercé par le juge dans le cadre de l’administration légale dite « sous contrôle judiciaire », applicable lorsqu’un seul parent est titulaire de l’autorité parentale et l’exerce. L’objectif poursuivi est de réserver l’intervention du juge, réellement mal vécue par les familles concernées, car il intervient généralement à la suite du décès brutal de l’un des parents, au contrôle des actes les plus importants.
Le second objet de cet article est de réformer la protection juridique des majeurs, vous l’avez exposé madame la garde des sceaux. Il autorise le Gouvernement à créer un nouveau dispositif d’habilitation intrafamilial par la justice : alternatif aux mesures de protection, il s’inspire de celui prévu au profit de l’époux par les articles 217 et 219 du code civil. Le projet de loi allonge également la durée initiale des mesures de protection, portée de cinq à dix ans pour les personnes dont l’état n’est manifestement pas susceptible de s’améliorer selon les données acquises de la science. La commission des lois a souhaité compléter cet allongement en encadrant la durée des mesures de protection d’une personne souffrant de la même altération de ses facultés intellectuelles, en fixant un plafond de vingt ans lors d’une mesure de renouvellement.
La commission des lois a déjà approuvé cette simplification qui met enfin un terme à une discrimination. Elle a même été plus loin en permettant aux personnes pouvant s’exprimer en langue française de recourir elles aussi à un interprète pour établir de la même façon leur testament authentique.
La seconde mesure vise à simplifier le mode de preuve de la qualité d’héritier pour les successions les plus modestes. En l’état du droit, cette preuve ne peut être apportée que par un acte – coûteux – de notoriété établi par le notaire ou par un certificat d’hérédité – gratuit, celui-ci – délivré par les maires mais ces derniers refusent dans plus de 60 % des cas de le faire car ils estiment ne pas disposer de toutes les informations nécessaires et, surtout – ce que l’on peut comprendre – ils ne veulent pas engager leur responsabilité.
Vous l’avez dit tout à l’heure, le nombre de renonciations augmente : il a crû de plus de 25 % entre 2004 et 2012 – où près de 75 000 renonciations à des successions ont été enregistrées. En commission des lois, nous avons précisé la finalité de l’habilitation que vous avez sollicitée.
Cet article comporte également une habilitation relative aux pouvoirs liquidatifs du juge du divorce que la commission a également clarifiés dans le sens de leur renforcement, dans un souci, que nous partageons, de simplification, d’accélération de la procédure, mais aussi, d’apaisement de ces procédures de divorce, de liquidation et de partage de communautés.
L’article 3, article majeur de ce texte – le plus discuté aussi – a été supprimé par le Sénat. Il a pour objet d’habiliter le Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance.
Je ne pense pas que l’on puisse aujourd’hui nier l’urgence et la nécessité de cette réforme, tant elle est attendue depuis des années – personne ne pourra vraiment discuter ces deux points. Ce droit, partie immuable du code civil, n’a pas été réformé depuis 1804 et est aujourd’hui inadapté. Finalement, c’est la jurisprudence qui l’a construit et qui a fini par l’adapter aux innovations et aux mutations de la société.
Le droit des contrats et des obligations n’est plus dans le code civil, mais il doit être recherché dans la jurisprudence ou dans le Bulletin civil des arrêts de la Cour de cassation, ce qui soulève des problèmes en termes de lisibilité, de sécurité juridique et d’accessibilité de notre droit non seulement pour la vie des entreprises mais, comme vous l’avez dit, pour les particuliers et, tout simplement, pour les consommateurs.
Aujourd’hui, des pans entiers du droit des contrats se trouvent dans d’autres codes. Tout ce qui concerne la période la plus importante, la période pré-contractuelle – qui suscite le plus souvent des litiges – n’est pas traité par le code civil.
Vous l’avez dit, cette réforme est en préparation depuis plus de dix ans et plusieurs projets ont été présentés par des universitaires – les professeurs Catala et Terré ont travaillé, tout comme la Chancellerie, les parlementaires et la précédente majorité.
Aujourd’hui, si je peux comprendre la réaction du Sénat quant au principe même des ordonnances, je ne pense pas que l’on puisse mettre en cause la nécessité de la réforme. Après nombre de discussions – je vous l’avoue, madame la garde des sceaux –, nous avons compris qu’il était nécessaire et que, par voie de conséquence et peut-être par exception, ce recours s’imposait.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à rétablir cette possibilité d’habilitation. J’y serai favorable, même si je peux comprendre les réticences du Sénat. Franchement, soyons très réalistes : sommes-nous en mesure d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée un texte aussi volumineux dans un avenir proche ? Tout le monde connaît la réponse. Refuser l’habilitation, ce serait donc reporter sine die cette réforme dont nous sommes tous d’accord pour dire qu’elle est nécessaire.
L’article 7, qui réforme le tribunal des conflits, mérite également que l’on s’y attarde quelque peu. Cet article, qui était initialement d’habilitation, a été finalement remplacé par des modifications d’application directe de la loi du 24 mai 1872. Celles-ci reprennent les propositions du groupe de travail qui a été chargé de réfléchir à cette réforme à votre demande, sous la présidence de M. Gallet, conseiller à la Cour de cassation.
L’innovation principale, c’est la suppression de la présence du garde des sceaux et de sa présidence du tribunal des conflits – c’était assez incroyable ! Vestige de la justice retenue et héritage du passé, cette participation d’un ministre à l’activité juridictionnelle devenait difficilement compatible avec les notions d’indépendance et d’impartialité qui gouvernent nos juridictions et notre droit ainsi qu’avec les exigences constitutionnelles ou conventionnelles.
À l’avenir, le tribunal des conflits sera présidé par son vice-président actuel, qui est alternativement issu de l’un et de l’autre ordre de juridiction. Le mécanisme de résolution en cas de partage égal des voix consiste à procéder à une seconde délibération puis, en cas de blocage persistant, à compléter la formation ordinaire par deux autres conseillers d’État et deux autres conseillers de la Cour de cassation dans le cadre du maintien de ce système de parité de membres de la formation de jugement. Cela signifie que le blocage peut perdurer, mais faisons confiance à ces hauts magistrats pour qu’ils trouvent ensemble la résolution du litige soumis à leur appréciation !
La réforme prévoit également – et c’est très intéressant – que le président pourra statuer, ce qui est nouveau, par voie d’ordonnance dans les affaires simples et étend la compétence du tribunal des conflits à l’indemnisation de la durée excessive de certaines procédures ce qui, avouons-le, peut parfois arriver.
L’article 8 définit les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire peut adresser des convocations, avis et documents par voie électronique aux auxiliaires de justice et aux personnes impliquées dans une procédure pénale, en entourant cette possibilité d’un certain nombre de garanties.
Je dois noter qu’il s’agit d’une mesure importante destinée à alléger le travail des greffes – ce qu’ils souhaitent – afin de pouvoir vraiment se concentrer sur le coeur de leur mission. Je pense que cela modifiera complètement leur travail et améliorera au quotidien leurs relations avec les auxiliaires de justice.
L’article 9 englobe une douzaine de mesures de simplification administrative de demandes d’habilitation ou de mesures d’application directe. Certaines ont pour objet d’alléger les missions des services préfectoraux au profit des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ; d’autres visent à abroger des régimes juridiques obsolètes tel que celui des voitures dites « de petite remise » ; d’autres encore, comme la suppression de l’autorisation du préfet pour rendre exécutoires les emprunts des centres communaux d’action sociale, les CCAS, ont pour but d’assouplir certaines procédures administratives beaucoup trop lourdes.
La commission des lois a également complété le projet de loi à l’initiative de M. Edouard Fritch et de plusieurs élus de Polynésie française. Les articles 14 bis et 14 ter tendent ainsi à répondre à des problèmes fonciers récurrents en permettant au tribunal foncier de la Polynésie française – dont la création est prévue depuis la loi du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française – de démarrer enfin son activité.
À titre personnel, mais rejointe par plusieurs collègues, je vous inviterai à adopter plusieurs amendements rédactionnels, mais surtout un amendement cosigné principalement par M. Jean Glavany, Mme Cécile Untermaier et les membres du groupe SRC visant tout simplement à clarifier la définition juridique de l’animal dans notre code civil. En effet, le statut qui lui est aujourd’hui reconnu ne correspond plus du tout à la place que l’on doit lui donner.
Il s’agit d’une avancée qui ne bouleverse pas pour autant l’ordre juridique. Le dispositif que nous proposons évite de créer une catégorie intermédiaire entre les personnes et les biens tout en reconnaissant toutefois – c’est important – le caractère d’être sensible de l’animal, comme le fait déjà le code rural. Il s’agit donc d’une disposition extrêmement simple qui ne bouleverse pas le droit mais qui, enfin, modernise les textes et fournit une définition juridique de l’animal, ni plus, ni moins. Voilà les explications que je souhaitais vous donner.
Pour toutes ces raisons, vous êtes donc invités à adopter ce projet de loi qui comporte, comme je vous l’ai indiqué, de nombreuses mesures de simplification et de modernisation utiles, cohérentes et toutes très attendues.