Intervention de Laurence Abeille

Séance en hémicycle du 15 avril 2014 à 21h30
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Nous réitérons d’ailleurs notre soutien à l’instauration d’un dispositif d’association des parlementaires à l’élaboration par le Gouvernement des projets de loi d’habilitation de prises d’ordonnances et au suivi de leur bonne application.

Par ailleurs, le choix de modifier par ordonnances le code civil, code pilier de notre droit, est critiquable. Toutefois, les diverses modifications apportées au Sénat, puis en commission des lois à l’Assemblée nationale, à l’initiative des rapporteurs, ont grandement amélioré ce projet et évité un recours abusif aux ordonnances. Malgré le vaste champ d’application du projet de loi qui nous est soumis, nous saluons le travail de synthèse effectué par notre rapporteure, qui s’est efforcée d’être la plus précise possible dans les demandes d’habilitation.

C’est ainsi que, lorsque cela a été possible, de nombreuses habilitations ont été remplacées par des modifications directes des codes concernés. D’autres habilitations ont été abrogées. Le Sénat a notamment supprimé l’article 3, qui habilitait le Gouvernement à prendre des ordonnances pour modifier tout le droit des contrats et des obligations, soit 300 articles. Le Gouvernement souhaite rétablir cet article, nous considérons que son champ est trop vaste pour pouvoir l’accepter et que son incidence sur la compétitivité de notre économie mérite un véritable débat au Parlement.

Sur le fond, nous sommes favorables à ce projet de loi, qui vise à simplifier, à clarifier et à moderniser le droit sur des sujets divers, mais dans trois domaines bien identifiables.

Le premier concerne le droit civil, avec la protection juridique des majeurs et des mineurs, le droit des obligations et des contrats, le droit des biens, celui des procédures d’exécution et celui du droit des successions. Nous sommes particulièrement favorables à la mesure visant à permettre aux personnes sourdes et muettes de faire établir un testament authentique en les autorisant à se faire assister d’un interprète en langue des signes pour satisfaire aux formalités substantielles que sont la dictée et la lecture du testament.

Le deuxième grand domaine de ce projet de loi concerne l’organisation de la justice, avec la réforme du tribunal des conflits ou encore de la procédure pénale, avec la possibilité plus que bienvenue de communiquer par voie électronique, ce qui permettra d’accélérer un tant soit peu les procédures.

Le troisième domaine de ce projet de loi concerne quant à lui l’administration de l’État et des collectivités territoriales, avec, notamment, la suppression de la transmission au préfet des actes budgétaires des établissements publics locaux d’enseignement ou encore la simplification des modalités selon lesquelles les CCAS peuvent contracter un emprunt, autant de mesures qui seront favorablement accueillies par les organismes concernés et qui allégeront indubitablement leur gestion quotidienne.

Enfin, il est un autre domaine qui viendra s’introduire dans ce projet de loi par voie d’amendement, le statut juridique des animaux.

Les écologistes ont pris connaissance hier soir de deux amendements portés par le groupe socialiste visant à changer le statut juridique de l’animal dans le code civil. Évidemment, nous défendons ardemment cette avancée, mais la méthode laisse plus que perplexe. Les écologistes et l’ensemble des parlementaires intéressés par la question n’ont pas été associés, alors qu’un groupe d’études sur la protection animale présidé par notre collègue Geneviève Gaillard, que je salue, s’attelle depuis plusieurs mois à la rédaction d’une proposition de loi ambitieuse sur le sujet.

Modifier le code civil et s’attaquer à une question comme le statut juridique de l’animal ne doit pas se faire dans la précipitation, surtout dans un projet de loi dont ce n’était pas directement l’objet et qui est étudié en procédure d’urgence. Une concertation avec les parties prenantes, avec la commission permanente concernée, et un travail de fond sont nécessaires pour aboutir à une réforme ambitieuse.

Aucun des premiers signataires de ces amendements ne fait partie du groupe d’études, qui comprend des parlementaires de tous les partis. Surtout, il doit se réunir demain pour finaliser cette proposition de loi sur le statut de l’animal. Je m’interroge donc sur la motivation profonde des signataires des amendements.

Ces deux amendements ne sont pas aussi ambitieux que la proposition de loi sur laquelle travaille le groupe d’études, qui se veut bien plus complète et aboutie. Ma préférence et celle du groupe écologiste allaient à l’amendement no 24 , qui créait une partie spécifique sur l’animal au sein du code civil, mais il a été retiré en début d’après-midi. Qu’il s’agisse de cet amendement ou de l’amendement no 59 qui reste en discussion, ils manquent encore d’ambition, c’est pourquoi j’ai déposé avec mon groupe deux sous-amendements pour rappeler le caractère sensible de l’animal. J’aurai l’occasion de vous les présenter plus en détail tout à l’heure. Une réforme du statut juridique de l’animal doit en effet être ambitieuse. On ne peut pas se satisfaire d’une réforme cosmétique qui ne modifierait pas notre rapport à l’animal, que ce soit l’animal domestique, l’animal sauvage ou l’animal de ferme.

Cette réforme doit réellement aboutir au respect des impératifs biologiques des animaux, reconnus comme êtres sensibles par le code rural depuis 1976. Il s’agit non pas de modifier quelques dispositions du code civil, mais de changer les pratiques qui ne tiennent pas compte du caractère d’être sensible, c’est-à-dire capable de ressentir la souffrance, de l’animal. Je pense notamment à certaines pratiques de chasse particulièrement cruelles comme la chasse à courre, à certains spectacles comme la corrida, à la vivisection lors d’expérimentations sur les animaux, au dépeçage d’animaux vivants dans l’industrie de la fourrure ou encore à certaines pratiques de l’élevage industriel. Les impératifs de rentabilité, de compétitivité ne doivent plus pouvoir s’opposer à la prise en compte du caractère sensible de l’animal.

Le changement du statut juridique de l’animal implique de changer le rapport de la société et de l’homme à l’animal, qui doit être traité non plus comme un objet mais comme un être sensible. J’espère que c’est l’esprit de ces amendements, c’est en tout cas clairement celui des sous-amendements du groupe écologiste que je vais défendre.

Au final, mes chers collègues, madame la ministre, c’est avec quelques réserves de procédure concernant le recours aux ordonnances, mais avec de réelles considérations positives pour les mesures de simplification proposées, que nous voterons résolument pour ce projet de loi, en espérant avancer davantage sur le statut juridique des animaux.

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