Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 15 avril 2014 à 21h30
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure à laquelle je m’adresse à vous, nos concitoyens ont largement fait l’expérience de la complexité des procédures et du droit français. De même, nombre de commentateurs autorisés étudient régulièrement cet enchevêtrement de règles dans des revues spécialisées.

Évidemment, un texte doit nécessairement être complexe. Seul ce caractère lui permettra d’englober tous les aspects des situations qu’il vise et de s’adapter de la manière la plus juste aux différences de situations entre citoyens. Portalis ne disait-il pas qu’il est impossible de tout simplifier en prévoyant tout ?

Pour autant, il existe dans notre législation des pans entiers de textes inutilement complexes. Ce sont ces textes que le Gouvernement, à la suite d’un engagement du Président de la République, a entrepris de clarifier pour faciliter le quotidien de nos concitoyens. Ce mouvement s’est concrétisé d’abord par le vote de la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, puis par le vote de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.

Le projet de loi qui est aujourd’hui discuté par l’Assemblée nationale constitue le troisième maillon de ce dispositif. Si ce texte concerne un grand nombre de domaines, je souhaite évoquer ici quelques mesures qui devraient faciliter la vie de tous les jours des Français.

Tout d’abord, ce projet de loi poursuit le toilettage du code civil. Il habilite par exemple le Gouvernement à réformer une procédure byzantine qui atteint un sommet de raffinement juridique : l’articulation, dans le cadre d’un divorce, entre l’intervention du juge aux affaires familiales et la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des anciens époux. Cette procédure met actuellement en scène deux acteurs : le juge aux affaires familiales prononce le divorce, ordonne la liquidation du partage judiciaire et peut, ou ne peut pas, selon l’interprétation que l’on a du droit positif, désigner un notaire chargé de procéder à ce partage.

Il est possible de simplifier cette procédure. Par sa complexité, et sa lenteur, celle-ci cause du tort aux personnes en instance de divorce, qui sont davantage pressées d’en finir avec cette procédure pénible pour eux que de se perdre dans le dédale procédural actuellement offert par le droit. Attribuer des pouvoirs plus importants au juge des affaires familiales, notamment pour qu’il effectue lui-même la liquidation, devrait permettre de clarifier, fluidifier et donc accélérer cette procédure, simplifiant ainsi la vie des personnes séparées.

D’autre part, ce projet de loi ambitionne, à la suite de nombreux rapports, notamment ceux rédigés par les professeurs Catala et Terré, de refondre la partie du code civil concernant les contrats. En effet, à l’époque de l’adoption originelle du code civil, Portalis rappelait déjà qu’« un code, quelque complet qu’il puisse paraître, n’est pas plutôt achevé que mille questions inattendues viennent s’offrir au magistrat ». Depuis plus de deux siècles, la jurisprudence n’a eu de cesse de répondre à ces questions et d’adapter en conséquence les articles du code civil à l’évolution sociétale. Mais aujourd’hui, nous en sommes arrivés au point que certaines dispositions de ce code ne reflètent plus, à leur simple lecture, l’état du droit positif. N’oublions pas que le rôle du législateur est aussi, de temps à autre, d’évaluer la jurisprudence, pour ensuite éventuellement la codifier, ou la rectifier.

Le regroupement par le législateur de ces règles éparses créées par la jurisprudence dans un même corpus permet, d’une part, de clarifier l’état du droit et, d’autre part, de faciliter l’accès à ces normes par les citoyens. À cet égard, rappelons que le code civil constitue le socle des normes traçant les rapports quotidiens entre citoyens. En simplifiant ce code, nous simplifions la vie courante de nos concitoyens.

Mes chers collègues, ce temps de codification des règles du droit commun des contrats est aujourd’hui largement venu. Après le vote des sénateurs, qui ont supprimé l’habilitation donnée au Gouvernement pour procéder à cette refonte, la seule véritable question qui se pose est celle de savoir comment nous devons procéder à cette réforme. Je comprends la position sénatoriale : une telle réforme aurait avantage à laisser toute sa place au Parlement et, pourquoi pas, être élaborée, dans la cohérence, avec la rénovation du droit de la responsabilité civile, au sein d’une vaste réforme du droit des obligations.

Dans nos permanences, nous constatons régulièrement les difficultés rencontrées par les citoyens avec les contrats passés au quotidien, et, juristes ou non juristes, nous avons tous, nous parlementaires, des choses à dire sur cette question. Comme Gaston Bachelard a pu l’écrire, « on ne pourra bien dessiner le simple qu’après une étude approfondie du complexe ».

Pour autant, il est apparu au fil des auditions que cette réforme très travaillée par le ministère avec des universitaires et des praticiens ne pourrait trouver sa place dans l’agenda chargé du Parlement que par la voie de l’habilitation gouvernementale. Et il importe que ce texte de simplification et de mise en cohérence, à droit constant, soit adopté rapidement pour une entrée en vigueur qui n’a déjà été que trop retardée.

C’est parce que le contenu de l’article 3 nous a été transmis et a été examiné en concertation avec la rapporteure Colette Capdevielle et, entre autres, ma collègue Élisabeth Pochon, que je me suis finalement décidée, ou plutôt résignée, à cette loi d’habilitation. Gardons-nous toutefois de tout enthousiasme quant à cette manière de légiférer et soyons vigilants : nous ne devons pas devenir les chefs de bureau du Gouvernement. Personne n’y gagnerait.

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