Ce projet de loi comporte également un volet réformant le tribunal des conflits. Le statut de ce juge de la compétence juridictionnelle est amélioré sur deux points principalement. Le premier tranche enfin une question de principe vieille de plus d’un siècle. La grande loi républicaine du 24 mai 1872 a mis fin à la justice retenue par le pouvoir exécutif pour les décisions rendues par le Conseil d’État. Mais, paradoxalement, ce même texte, qui donne aussi une « deuxième naissance » au tribunal des conflits, ne coupait pas le cordon existant entre cette juridiction et l’exécutif : le garde des sceaux en était officiellement le président. Cette fonction prenait toute son importance lors des délibérés durant lesquels un partage de voix devait être opéré : le ministre de la justice avait voix prépondérante. Comme en son temps pour le Conseil d’État, le vice-président du tribunal des conflits était néanmoins le président de facto de cette institution.
Ainsi, tant pour entériner la pratique que pour supprimer une survivance de l’ancien temps, un véritable poste de président du tribunal des conflits serait désormais créé. Admettons toutefois qu’il ne s’agit pas là d’une réforme d’une urgence et d’une ampleur exceptionnelles. Le garde des sceaux n’est intervenu en moyenne qu’une fois tous les dix ou quinze ans au sein du tribunal des conflits, sans que son intervention ait jamais pu être dénoncée comme une mise au pas du pouvoir judiciaire.
Dans le sillage de cette autonomisation définitive du tribunal des conflits, le projet de loi opère une clarification du statut de certains magistrats en son sein. En effet, jusqu’ici, le juge chargé de prononcer ses conclusions sur l’affaire durant l’audience s’appelait commissaire du Gouvernement. Cette dénomination était bien ambiguë. Ainsi, ce texte propose d’appeler ce magistrat « rapporteur public », expression qui a le mérite de lever l’ambiguïté sur les fonctions de ce juge, ainsi que d’aligner son appellation – ce qui constitue bien une simplification – sur celle portée par les juges administratifs exerçant les mêmes fonctions.
Ce projet de loi opère aussi un rapprochement de cette juridiction avec les citoyens. En effet, les procédures traditionnelles ouvertes au tribunal des conflits pour trancher une question de compétence ont le tort de rallonger les délais de jugement. Pour prévenir ce défaut, auquel sont sensibles les usagers du service public de la justice, les difficiles questions de compétence pourront dorénavant être renvoyées directement au tribunal des conflits par n’importe quelle juridiction. Le procès gagnera ainsi un temps précieux. De manière concomitante, c’est dorénavant le tribunal des conflits qui jugera des actions tendant à la condamnation de l’État pour délai excessif de jugement. Ce transfert de compétence déchargera le Conseil d’État et la Cour de cassation de ce type de contentieux.
Enfin, ce projet de loi comporte une série de mesures de simplification touchant divers domaines. Certains qualifieraient ces propositions de petites mesures, mais pour simplifier la vie des citoyens il n’y a pas de petites mesures ! Ainsi, le simple fait d’habiliter le Gouvernement à faciliter la procédure de communication au conducteur de son solde de points permettra de soulager un nombre important de nos concitoyens d’un problème qui ne devrait même pas exister. De même, à la suite de nombreux textes déjà intervenus pour constituer « l’e-administration », la série de mesures visant à compléter la dématérialisation au sein des juridictions pénales ne pourra que simplifier, et accessoirement rendre moins onéreux, les échanges avec les justiciables.
Nous aurons l’occasion, à la suite de la discussion générale, d’élargir par des amendements le champ de la modernisation et de la simplification. Je pense en particulier au statut juridique de l’animal. Nous vous expliquerons les raisons de notre proposition.
Mes chers collègues, ce texte, j’en suis sincèrement convaincue, simplifie le droit existant. Ce faisant, il rend plus lisibles pour nos concitoyens les règles juridiques. Il contribue ainsi à rendre confiance aux citoyens en l’action publique, démontrant que celle-ci n’est pas vouée à compliquer leur situation. Par conséquent, je voterai ce texte et j’invite la représentation nationale à adhérer à cette exigence de modernisation et de simplification en approuvant ces dispositifs.