Le fait que l’examen de cette proposition de loi en seconde lecture se fasse dans un esprit aussi consensuel est à souligner avec force. Je veux à mon tour féliciter Alain Tourret pour la qualité de son travail, inscrit dans la droite ligne du rapport qu’il avait établi avec Georges Fenech pour la mission d’information sur la révision des condamnations pénales. Ce rapport a permis de dégager des propositions pour simplifier les procédures de révision et de réexamen et améliorer l’effectivité de la réparation des erreurs judiciaires. Parce qu’il n’y pas pire injustice que d’envoyer un innocent en prison, nous ne pouvons que souscrire à ces objectifs. Comme cela a été dit, cette loi est une loi d’humanité.
Pour autant, entreprendre une telle réforme est un exercice difficile, car cela implique de concilier deux impératifs : préserver l’ordre juridique et social grâce à l’autorité de la chose jugée, et éviter l’erreur judiciaire et savoir la réparer lorsqu’elle survient. L’autorité de la chose jugée est, dans un État de droit, un garant de la paix sociale et un principe essentiel au maintien de l’ordre juridique. Cependant, notre système judiciaire doit aussi savoir reconnaître et réparer ses erreurs. En dépit tant des évolutions législatives que des progrès de la science et des savoir-faire d’investigation, seules neuf condamnations criminelles ont été révisées depuis 1989. Une réforme de la procédure actuelle est donc nécessaire, tout en veillant à encadrer suffisamment ces procédures.
Sur le fond, la création d’une juridiction unique de révision et de réexamen permettra de mettre fin au doublon judiciaire qui existe actuellement. La création de cette cour unique présente trois intérêts : celui de ne pas remettre en cause la pertinence de la distinction entre recours en révision et recours en réexamen consécutif au prononcé d’un arrêt de la CEDH ; celui, dans un souci d’impartialité, de mieux séparer le stade de l’instruction et celui du jugement ; celui enfin de mieux définir les droits de chacune des parties.
Ensuite, pour garantir l’effectivité du recours en révision, nous devons donner à la justice les moyens d’instruire les demandes en révision et permettre au condamné de faire aboutir sa demande. Afin de répondre à ces objectifs, la proposition de loi prévoit des mesures de bon sens, comme l’allongement de la durée de conservation des scellés criminels. Par ailleurs, le fait de permettre au condamné de demander des actes d’investigation ou de faire procéder, au cours de l’instruction, à tous les actes qui lui semblent nécessaires, crée les conditions favorables à la manifestation de la vérité.
Au-delà des apports de la proposition de loi initiale, les débats au Sénat ont permis d’enrichir le texte. L’une des principales modifications est la fusion en un seul motif des quatre cas actuels de révision, dans un souci de rationalisation. Le Sénat a élargi la liste des requérants aux arrière-petits-enfants. Il a également prévu de simplifier l’instruction des demandes de réexamen et de préciser les pouvoirs d’instruction de la cour, tout en renforçant la présence de l’avocat au cours des débats.
En définitive, il n’existe qu’un point de désaccord entre nos deux assemblées : la notion de doute. Cette notion est primordiale, puisque c’est elle qui permet la réouverture du procès. La proposition de loi initiale rendait possible une demande de révision lorsqu’un fait nouveau ou un élément inconnu serait de nature à faire naître le « moindre doute » sur la culpabilité du condamné. Le Sénat a fait le choix de supprimer cette référence, jugée trop subjective. Nous le regrettons, mais la suppression de ce qualificatif ne devrait pas être un obstacle à un assouplissement de la jurisprudence de la nouvelle cour de révision et de réexamen. Faisons confiance aux magistrats pour appliquer cette loi dans l’esprit du législateur. C’est en formant ce voeu que les députés du groupe UDI voteront cette proposition de loi. Ce soir, j’ai le sentiment que le Parlement a fait oeuvre utile.