La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées (nos 1896, 1985, 1959).
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 23 à l’article 1er.
suite
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je suis sûr que vous avez passé une bonne journée : peut-être, ce soir, allez-vous répondre positivement à nos amendements qui ne touchent pas au fond du projet de loi, mais sont un clin d’oeil symbolique.
Cet amendement no 23 est purement rédactionnel. Il s’agit de remplacer les mots « la mise en » par l’article « l’ » ; ainsi l’alinéa 5 mentionnerait « l’accessibilité » plutôt que « la mise en accessibilité », ce qui serait plus opérationnel.
Vous avez raison, mon cher collègue, l’amendement que vous proposez est uniquement rédactionnel. Il se trouve néanmoins que la modification que vous suggérez est contradictoire avec les termes employés par la loi du 11 février 2005. Au cours des travaux de la commission, nous avons choisi de prendre pour référence les termes employés par cette loi, c’est-à-dire « la mise en accessibilité » plutôt que « l’accessibilité ». Je pense que nous devons veiller à la cohérence des termes utilisés par la législation : je vous conseille donc de retirer votre amendement, auquel je donnerai sinon un avis défavorable.
Je veux bien le retirer, à condition d’obtenir des réponses positives par la suite, pour le reste des amendements que nous présenterons !
Sourires.
L’amendement no 23 est retiré.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n° 68 .
Il s’agit de l’évaluation des Ad’AP – les agendas d’accessibilité programmée – à mi-parcours. En commission des affaires sociales, un amendement présenté par M. le rapporteur a été adopté, qui instaure le principe d’un contrôle obligatoire à mi-parcours, dans les cas où la durée de l’Ad’AP serait au moins égale à trois ans.
Ce principe est très bon. Il a été adopté à l’initiative de Christophe Sirugue, qui a fait un excellent travail sur ce sujet. Il est vrai que la loi de 2005 n’a pas été suivie d’effets principalement par manque de suivi et de contrôle. Le principe adopté par la commission des affaires sociales est donc excellent.
L’amendement que je présente propose de réserver cette obligation de contrôle à mi-parcours uniquement aux Ad’AP d’une durée supérieure à trois ans. L’objectif de cette modification est le suivant : faire en sorte qu’un maximum d’ERP – établissements recevant du public – s’engagent dans le cadre d’un Ad’AP d’une durée d’au plus trois ans. Il vaut mieux que le régime des Ad’AP de moins de trois ans soit plus simple que celui des Ad’AP d’une durée de quatre, cinq ou six ans. Or il est vrai que réaliser un contrôle à mi-parcours – au bout d’un an et demi pour un Ad’AP de trois ans, au bout de deux ans pour un Ad’AP de quatre ans – complique considérablement les choses. Cela implique, pour l’établissement concerné, de déposer des papiers supplémentaires, cela implique aussi de sanctionner le non-respect de cette obligation. Il me paraît donc logique que ceux qui ont le mérite d’établir un Ad’AP d’une durée de trois ans maximum bénéficient d’un système un peu plus souple que ceux dont l’Ad’AP est d’une durée supérieure à trois ans.
Cet amendement vise donc à réserver le contrôle à mi-parcours aux Ad’AP de plus de trois ans. Pour cela, il propose de remplacer les mots « au moins égale » à trois ans par les mots « supérieure » à trois ans. Cela répond à un souci de simplification. En effet, comme vous l’avez compris, nous essayons de simplifier le plus possible la procédure pour la grande majorité des Ad’AP, qui seront d’une durée de trois ans, tout en assurant un suivi pour les cas exceptionnels, c’est-à-dire les Ad’AP de plus de trois ans.
Je pense donc que l’amendement présenté par M. le rapporteur en commission – qui a été adopté à l’unanimité – a trouvé la bonne méthode, mais uniquement pour ces cas exceptionnels de plus de trois ans.
Comme Mme la ministre l’a dit, cet amendement modifie des dispositions du projet de loi qui sont issues d’un amendement que nous avons adopté à l’unanimité en commission. Le Gouvernement considère que cet amendement, que j’avais proposé, ferait peser une contrainte administrative trop lourde sur les petits ERP. Je me rallie donc assez volontiers à l’amendement de Mme la ministre.
Pour que tout soit clair, je précise que nous devons conserver le principe d’un contrôle « à mi-période » pour les Ad’AP de plus de trois ans. Par exemple, un Ad’AP de cinq ans serait un Ad’AP de trois ans plus deux ans. Il faut donc bien retenir le principe d’un contrôle à mi-période. Il s’agit d’un élément important de suivi des Ad’AP, afin d’éviter qu’à l’avenir certains de ces engagements ne soient pas tenus.
La commission n’a pas examiné cet amendement du Gouvernement. J’y suis néanmoins favorable.
Pour montrer notre souplesse, pour témoigner de notre démarche d’opposition constructive, madame la ministre, nous voterons pour cet amendement, qui est un amendement de bon sens.
Je poserai une question, pour que les choses soient bien claires. Voici ce que je comprends de votre amendement : les Ad’AP de moins de trois ans ne feront pas l’objet d’un contrôle, ni d’un suivi. C’est bien cela, l’idée de cet amendement ?
Ils ne feront pas l’objet d’un contrôle à mi-période, mais ils seront contrôlés quand même !
Le problème, c’est qu’à vous croire, la plupart des Ad’AP seront dans ce cas de figure. D’ailleurs, les délais sont précisés dans les rapports, mais ils ne sont pas marqués dans la loi en tant que telle. Ne risque-t-on pas, pour une bonne majorité d’Ad’AP, de n’avoir aucun suivi ni aucune évaluation ? Je comprends votre souci de simplification, votre volonté de faciliter les choses, mais votre amendement ne comporte-t-il pas un certain nombre de risques ?
En réalité, il y aura toujours une possibilité de contrôle. Indépendamment des contrôles à mi-parcours instaurés par l’amendement adopté en commission, les commissions départementales d’accessibilité et de sécurité ont précisément pour rôle, auprès du préfet, de contrôler quand cela leur plaît l’application des Ad’AP qui ont été déposés. Je crois que ces commissions auront tout intérêt à mener des contrôles aléatoires.
Dans chaque département, ces commissions – où siègent, je le rappelle, des représentants des personnes handicapées – sauront très bien quels établissements sont susceptibles de ne pas respecter leur Ad’AP. Elles pourront donc, le jour qui leur plaira, contrôler tel ou tel établissement, et vérifier si les travaux prévus par son Ad’AP ont été réalisés. Simplement, il s’agira d’un contrôle aléatoire, alors que les Ad’AP de plus de trois ans feront l’objet d’un contrôle systématique à mi-parcours.
Je précise qu’il existe aussi un système de contrôle à la fin de chaque période, qui est lui aussi systématique. Ce contrôle vient s’ajouter à ceux que j’ai déjà décrits.
Si je comprends bien, le contrôle systématique serait réalisé par l’Observatoire de l’accessibilité pour les Ad’AP de plus de trois ans, et les commissions départementales d’accessibilité feront des contrôles aléatoires pour les Ad’AP d’une durée inférieure ou égale à trois ans. C’est bien cela, l’idée de cet amendement ?
Nous devons donc bien examiner l’articulation entre ces deux contrôles. C’est pour cela qu’hier, je vous ai demandé comment fonctionnera cet Observatoire de l’accessibilité, et comment il s’articulera avec les commissions départementales existantes. J’espère avoir la réponse à cette question ce soir.
Quant à l’amendement présenté par Mme la ministre, sur le principe, pourquoi pas ?
L’amendement no 68 est adopté.
À la fin du huitième alinéa de l’article 1er de ce projet de loi, on lit les mots « selon les caractéristiques de ces établissements et selon la nature des aménagements à y apporter, et pour tenir compte de motifs d’intérêt général ». J’ai bien peur que cet énoncé introduise une forme de subjectivité dans la loi.
Le coeur de la loi de 2005, c’est de soumettre tous les établissements recevant du public, sans exception, aux obligations d’accessibilité. Je vous propose donc de supprimer le huitième alinéa de cet article.
Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’important, c’est le dépôt de l’Ad’AP. C’est l’essentiel du dispositif. Toutefois, je crois qu’il est nécessaire de prendre en compte d’autres éléments : dans certains cas, en effet, les travaux à réaliser pourraient mettre à mal la stabilité économique des établissements ou des structures concernés.
L’élément que vous mentionnez, monsieur le député, est particulièrement bien encadré. Il ne s’agit pas de dire que ces établissements ne sont pas soumis aux contraintes d’accessibilité, ni qu’ils n’ont pas à déposer d’Ad’AP. Il s’agit simplement de prévoir que dans les cas où le coût des travaux serait particulièrement élevé, du fait de contraintes particulières – par exemple liées au patrimoine dont certains responsables ont la charge –, les représentants de l’État peuvent accorder des sortes de dérogations exceptionnelles. Sans cette vision large des choses, en effet, nous risquons de placer certaines structures dans une situation économique extrêmement difficile.
Cependant, comme je le rappelais, le principe reste l’obligation de déposer un Ad’AP. Les éléments mentionnés à l’alinéa 8 de l’article 1er ne constituent pas des éléments d’exonérations des obligations en matière d’accessibilité ; ils visent simplement à prendre en compte certains aspects particuliers. Il s’agit de prévoir des adaptations dans les cas où les travaux seraient très importants, et dans les cas où les éléments de patrimoine les rendraient nécessaires.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Je donnerai simplement une précision supplémentaire. En fait, la loi de 2005 distinguait déjà différents types d’établissements. Cette différenciation existe donc déjà le droit actuel.
Les ERP de cinquième catégorie ne sont tenus de délivrer leurs services que dans une section de leur établissement, alors que pour les ERP de première à quatrième catégorie, chaque mètre carré doit être accessible.
Cette différenciation est justifiable : on comprend bien que ce n’est pas du tout la même chose, du point de vue de l’organisation, de rendre accessible un patrimoine de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’établissements, que de rendre accessible un seul établissement. Ce n’est pas du tout la même chose non plus en termes de coordination, de recours à des bureaux d’études, à des architectes…
Je crois, monsieur Aboud, que vous avez, comme moi, une formation de médecin. Vous savez que pour deux patients différents, on peut faire un même diagnostic, et ensuite donner des traitements différents. Votre amendement propose de traiter tous les établissements de la même manière : c’est un peu comme si vous vouliez donner exactement la même dose de médicament à quelqu’un qui pèse 30 kg et à quelqu’un qui pèse 120 kg ! Je sais que vous êtes quelqu’un de concret : j’espère que cette comparaison vous parlera !
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Je ne suis pas d’accord avec l’argumentation de Mme la ministre et de M. le rapporteur.
Vous dites que ces critères de différenciation existent déjà dans la loi de 2005. Mais les critères de cet alinéa 8 sont quand même beaucoup plus larges ! Les obligations peuvent en effet être différenciées « selon le nombre d’établissements faisant l’objet d’un agenda d’accessibilité programmée appartenant à un même propriétaire ou gérés par un même exploitant, selon les caractéristiques de ces établissements et selon la nature des aménagements à y apporter ou pour tenir compte de motifs d’intérêt général ». Bref, il y a tout ce qu’on veut là-dedans !
Cela veut dire, premièrement, que la dérogation pourrait très bien devenir la règle. En outre, je suis désolé de vous le dire, il y aura aussi de vrais problèmes d’interprétation.
Vous risquez de créer des contentieux massifs entre les différents ERP. L’instabilité juridique serait réelle. Ce n’est pas possible.
J’entends bien que votre objectif est louable, mais dans ce cas, gardons les critères de différenciation qui sont dans la loi de 2005 et n’en rajoutons pas. Souvent, quand il s’agit de projets de loi d’habilitation, il n’y a rien dans la loi et tout dans les ordonnances. En lisant l’alinéa 8, j’ai même peur que tout soit dans les contentieux…
Sur la loi de 2005, nous avons assisté hier à un tir groupé, au motif qu’elle serait insuffisante.
Vous avez tous dit qu’elle était insuffisante et qu’il fallait la compléter. Nous avons l’occasion de l’améliorer et on me répond : « Mais cela existait dans la loi de 2005. » Puisque nous sommes dans les termes médicaux, madame la secrétaire d’État, j’ai le regret de constater une hémiplégie intellectuelle, pardonnez-moi.
Pour filer votre métaphore médicale, bien sûr qu’on ne donne pas la même dose à tous les patients, mais il y a des éléments codifiés en fonction du poids et de la taille, tandis qu’ici vous nous proposez une totale subjectivité ainsi qu’une instabilité administrative et juridique.
Je suis désolée, MM. Abad et Aboud se sont exprimés. Vous savez bien comment la séance fonctionne, monsieur le président…
L’amendement no 24 n’est pas adopté.
Il vise à supprimer la fin de l’alinéa 10, après le mot « code », c’est-à-dire les mots « adapter la mise en oeuvre de l’obligation de mise en accessibilité au cas des établissements recevant du public situés dans des immeubles en copropriété ».
Les trois critères réglementaires actuels motivant une dérogation, vous les connaissez : impossibilité technique, conservation du patrimoine et disproportion manifeste entre les améliorations à apporter et leurs conséquences. Je pense, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que ces critères-là suffisent largement.
S’ils suffisaient, nous ne rencontrerions pas les difficultés auxquelles nous sommes confrontés lorsqu’un propriétaire plein de bonne volonté se heurte à une assemblée générale de copropriétaires qui n’accepte pas les travaux nécessaires à une mise en accessibilité.
Cette difficulté existe aujourd’hui. L’objet de cet alinéa est donc de lever cette difficulté, ce qui n’a rien à voir avec les trois éléments que vous avez mentionnés. Il s’agit d’essayer de résoudre cette difficulté rencontrée par certains responsables d’ERP.
J’ajoute que ce dispositif me semble plus opérant, dans la mesure où le propriétaire ou l’exploitant seront tenus de produire, à l’appui de leur demande de dérogation, les preuves du refus de l’assemblée générale de copropriété – alors qu’aujourd’hui c’est l’attente d’une hypothétique sanction pénale qui prévaut.
J’ajoute encore que le régime d’autorisation des aménagements d’accessibilité est aujourd’hui plus souple, puisqu’il suffit que la majorité simple des copropriétaires présents à l’assemblée générale s’y oppose, alors que nous prévoyons des éléments qui doivent être motivés. Seule fait obstacle à la mise en oeuvre des travaux la nécessité de ne pas affecter la structure de l’immeuble ou ses équipements essentiels.
Il s’agit donc plutôt d’une avancée, en vue d’éviter autant que possible les contentieux. La commission est défavorable à votre amendement, que je vous propose de retirer parce que je pense que nous partageons le même objectif. Sinon, avis défavorable.
Le rapporteur a tout dit. Je voudrais juste préciser que cette rédaction est issue de la concertation entre les différents participants. C’est la solution qui paraît la plus raisonnable, sinon il faudra modifier le droit de la propriété, ce qui serait extrêmement compliqué. Avis défavorable.
Les contraintes de procédure m’obligent à ne prendre la parole qu’à ce point de la discussion, mais je voudrais revenir au débat précédent qui m’inquiète. Pourquoi m’inquiète-t-il ? Parce que non seulement on édulcore la loi, en laissant toute latitude au Gouvernement de rédiger les ordonnances à sa guise – c’est très explicite dans vos propos –, mais on pose deux séries de problèmes juridiques.
Il faut d’abord songer à ceux qui ont eu le mérite de se mettre aux normes avant ce texte : et il y en a ! Dans le département que je représente, il y a eu beaucoup d’établissements, de commerces, qui l’ont fait, avec les exigences de la précédente loi, et qui vont se dire avec une certaine légitimité qu’ils ont eu bien tort de faire du zèle et qu’ils auraient mieux fait d’attendre.
Et puis cela pose un autre problème, auquel on doit réfléchir quand on édicte le droit : celui de l’égalité. Nous allons avoir des situations comparables traitées très différemment.
Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais que sur ce point précis, vous nous donniez l’avis du Conseil d’État. Nous sommes là au coeur du droit. Y a-t-il égalité, y a-t-il respect à l’égard de ceux qui ont eu le mérite de prendre des dispositions avant que vous édulcoriez la loi ? Voilà des sujets qui justifient que nous disposions collectivement de l’expertise du Conseil d’État.
L’amendement no 25 n’est pas adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Si je me suis inscrit sur l’article, c’est parce que, hier, nous n’avons pas eu les réponses à un certain nombre de nos questions. Mme la secrétaire d’État nous a dit qu’elle ne répondrait qu’à l’examen des amendements. Je profite de cet article pour lui reposer ces questions et suis certain que nous aurons ses réponses.
Sur l’Observatoire de l’accessibilité, que pouvez-vous nous dire très concrètement sur son rôle, sa composition, ses moyens financiers ? Pouvez-vous nous dire comment il va se réunir et quelle sera son articulation avec les commissions départementales ?
J’ai posé une autre question pour savoir si le Gouvernement entendait prévoir des incitations financières pour favoriser les ERP qui entreraient dans ce dispositif d’accessibilité.
À une troisième question, vous avez répondu, mais très partiellement : il s’agit des sanctions administratives. Je comprends que nous ne puissions examiner ici tous les éléments, mais il est important que nous puissions avoir une idée de la proportionnalité des sanctions.
Enfin, j’ajoute la question de mon collègue Le Fur sur l’avis du Conseil d’État, en particulier sur les critères de différenciation entre les ERP. On l’a vu dans la presse, il y a un certain nombre d’interrogations sur le contenu des ordonnances. Quand on légifère par ordonnance, en contrepartie on doit donner des éléments très concrets au législateur, pour qu’il puisse voter de manière éclairée.
Sur l’article 2, le report de l’accessibilité est encore plus scandaleux que sur les ERP, car il s’agit ici des transports publics, et ce sont en grande partie des fonds publics qui financent ces transports. Il est tout à fait regrettable que peu de réseaux se soient mis aux normes. On voit aussi que l’étude d’impact elle-même ne prévoit pas clairement l’identification d’un chef de file : la préparation et l’exécution est confiée à l’autorité organisatrice, sauf pour le transport routier de voyageurs. Or, des exemples qui ont été rapportés ont montré la nécessité d’une meilleure articulation entre les gestionnaires des gares et RFF, qui gère les quais.
La loi de 2005 ne comporte il est vrai aucun dispositif de sanction pour accélérer la mise en accessibilité de ces transports de voyageurs, l’établissement des responsabilités étant difficile dans ce domaine. Mais le projet de loi d’habilitation ne prévoit qu’une sanction des manquements aux règles de transmission, pour mise en oeuvre incomplète des obligations en matière de formation des personnels ou de diffusion de l’information. Bref, pour nous, le compte n’y est pas.
La loi de 2005 est une grande loi, me semble-t-il. Ce sentiment, nous devrions le partager, y compris ceux qui avaient voté contre. Vous aviez voté contre, pour différentes raisons : c’est votre droit. Mais les élus de votre sensibilité politique, sur le terrain, se réclament maintenant de la loi de 2005.
Pourtant, vous souhaitez l’édulcorer. Je regrette, madame la secrétaire d’État, que vous n’ayez pas consacré votre énergie, que je sens grande, à améliorer la loi de 2005. Il y a des choses à faire, il y a des pans entiers à travailler. Le vieillissement des personnes handicapées constitue un vrai sujet : c’est une difficulté majeure à laquelle les familles sont confrontées et pour laquelle notre réponse collective demeure très insatisfaisante. Nous avons encore un sujet majeur avec le handicap mental ; nous avons peu progressé sur ce point. Il y a un troisième sujet majeur : celui de l’autisme. Nous n’en mesurions pas l’importance en 2005 ; c’est un problème qui a explosé.
Voilà trois chantiers que vous auriez pu investir, sur lesquels nous aurions pu progresser. Pas du tout : madame la secrétaire d’État, vous mettez toute votre énergie à réduire des contraintes qui pèsent sur un certain nombre de services.
J’en viens à l’article 2 : il est autrement plus scandaleux que l’article 1er, car ici nous avons affaire à des entreprises de transport qui sont de grosses maisons. Qu’on ne vienne pas parler du petit ERP… Il s’agit de la RATP, qui est nulle, nullissime ! L’agglomération parisienne, par rapport à de grandes capitales européennes, se distingue par la médiocrité de l’accueil réservé aux personnes handicapées dans les transports publics.
La SNCF n’est guère mieux, mais on peut dire qu’elle a malgré tout fait des efforts. Les régions, quand elles en avaient la possibilité, ont pris ce problème à bras-le-corps. Je ne suis donc pas aussi critique s’agissant de la SNCF. Mais nous devons très clairement dire qu’on ne peut pas accepter qu’on déroge à la loi, quand il s’agit d’argent public.
Madame la secrétaire d’État, vous avez vu à l’article 1er qu’il y avait une réponse adaptée de l’opposition. Et vous avez vu que l’intensité de notre opposition monte, parce qu’à l’article 2 nous ne sommes plus du tout dans le même cadre : il s’agit ici de fonds publics.
Mon amendement vise à remplacer les mots « conditions de détermination » par les mots « critères de priorisation ». Pourquoi ? Parce qu’il y a dans votre rédaction une très grande ambiguïté : elle pourrait suggérer que la future ordonnance peut toucher à tel ou tel point d’accessibilité. C’est plus qu’un signal : ce sont des ondes négatives qui sont envoyées partout. J’espère que vous serez réceptive à cet amendement.
Nous reprenons ici des éléments issus de la concertation. Dans ces éléments, il a été possible de préciser qu’il existe des points d’arrêt prioritaires et d’autres non-prioritaires. Cette distinction est d’autant plus importante qu’elle permet de diriger les investissements vers ces arrêts prioritaires, ce qui rend possible leur mise en accessibilité à court ou moyen terme.
En revanche, le caractère prioritaire tel qu’il est suggéré dans votre amendement n’est pas intangible : il dépend de nombreux facteurs, comme l’évolution de la population autour de l’arrêt ou la présence de constructions nouvelles.
Il faut faire en sorte que l’accessibilité soit effective aux arrêts prioritaires, sans interdire bien entendu la mise en accessibilité des autres, le cas échéant et le moment venu.
La commission a donc repoussé votre amendement qui me semble aller à l’inverse de l’objectif que vous poursuivez.
La détermination des arrêts prioritaires pourra évoluer, car elle sera déterminée en fonction de la fréquentation, ce qui paraît logique,…
…ais aussi en fonction de l’organisation des réseaux de transport. Il est évident, par exemple, que la mise en accessibilité d’un point d’arrêt qui se situe au carrefour de plusieurs lignes est plus urgente que lorsqu’il n’en passe qu’une seule, de même que lorsqu’un point d’arrêt dessert un endroit très fréquenté. La desserte du territoire constitue donc l’un des critères, lesquels, je le répète, sont évolutifs.
Il faut bien comprendre que cette notion de point d’arrêt prioritaire résulte de la concertation – encore une fois – et que, en l’état actuel de la loi, il importe avant tout que le service soit rendu aux personnes, puisque les transports ne se sont pas mis aux normes.
Des points d’arrêt prioritaire seront donc mis en accessibilité, et d’autres le seront plus tard. Si une personne souhaite descendre à un point d’arrêt qui n’est pas accessible, le service doit être néanmoins rendu et l’autorité organisatrice de transport doit trouver une solution pour la conduire. Tel est l’esprit de la concertation et telle est la raison d’être de la rédaction de l’article.
Enfin, le terme de « priorisation » n’est pas français puisqu’il n’existe pas dans le dictionnaire.
Cela me gêne un peu, dussé-je vous paraître un rien « vieille France », mais c’est aussi l’une des raisons d’être de mon avis défavorable.
Je souhaiterais tout de même que vous apportiez des précisions, madame la ministre.
Qui décidera du caractère prioritaire ou non du point d’arrêt ? Une concertation nationale a lieu, certes, mais ensuite chaque territoire et chaque autorité organisatrice de transport devra se prononcer.
En outre, lorsque le point d’arrêt n’est pas prioritaire, il ne faut pas faire de travaux ; or, madame la ministre, vous affirmez que les critères retenus seront évolutifs. L’insécurité est donc patente, alors que les autorités organisatrices de transport ont besoin de savoir à l’instant T si elles sont obligées ou non de réaliser des travaux.
Je rejoins les propos de Mme Le Callennec. Nous avons besoin d’avoir une idée de ce que sont ces critères prioritaires ; or, non seulement tel n’est pas le cas mais, en plus, ces derniers pourraient évoluer !
Pourquoi ?
De surcroît, je n’ai pas la même vision des choses que vous. Grossièrement, si l’on vous suit, une personne handicapée, dans un territoire rural, ne pourra pas se rendre à la mairie…
…en raison des délégations dont bénéficient les ERP, ni à la gare faute de travaux de mise en accessibilité alors que cela sera possible dans les villes.
Je suis désolé, mais vous fabriquez une France à deux vitesses alors que vous faites profession d’être en faveur de l’égalité et parfois même de l’égalitarisme.
Arrêtez, de plus, de vous cacher derrière la loi de 2005 que vous n’avez cessé de critiquer ! Faites preuve de cohérence !
Je le répète : vous créez une France à deux vitesses et ce n’est pas acceptable !
Enfin, votre argument ne tient pas : une personne handicapée qui se trouve dans une gare rurale risque fort de se retrouver seule et aura besoin que le quai soit accessible. Au contraire, dans une grande ville, des voyageurs peuvent l’aider et l’accompagner. L’isolement de ces personnes est donc plus important dans les communes rurales ou de montagne. Votre argument, je le répète, ne tient pas.
Une fois de plus, vous créez une usine à gaz faute de faire preuve du volontarisme politique nécessaire à une loi de ce type.
L’amendement no 27 n’est pas adopté.
Je ne comprends pas la nature des critères de priorité non plus que les sanctions – il faudra, madame la ministre, que vous nous expliquiez celles que risquent la RATP ou la SNCF – ni votre oubli total du monde rural : en gros, les petites gares sont oubliées et leur mise en accessibilité est remise à bien plus tard.
Je souhaite, madame la ministre, que vous apportiez des réponses précises à nos interrogations. Habiliter un gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances suppose qu’il donne ses raisons…
…et explique sa méthode. Tel est le problème ! Après, vous serez libres d’agir comme vous l’entendez puisque la majorité, une fois de plus, vous suivra ! En tout état de cause, vous devez nous dire ce qu’il en est ! Pourquoi certaines gares sont-elles donc oubliées ? Quelles seront les sanctions en cas de non-application des priorités que vous-même avez fixées ? Pourquoi un tel abandon du monde rural ?
Je sais ce que vous allez répondre, madame la présidente Lemorton : nos propos n’ont rien à voir avec notre amendement. Mais comme vous ne répondez pas à nos questions lorsque nous intervenons sur l’article, nous sommes contraints de nous répéter. D’ailleurs, si nos débats se poursuivent de la sorte, il faudra que nous en tirions toutes les conséquences : il n’est pas possible de continuer à travailler dans de telles conditions alors que des questions très précises se posent !
L’article 2 est scandaleux !
Pourquoi ? Parce qu’il est scandaleux qu’en 2014, dans notre pays, les lignes de métro ne soient pas encore accessibles aux personnes handicapées.
Vous n’avez pas encore compris que les Français en ont assez de nous voir nous renvoyer la balle en permanence sans que nous agissions vraiment ? Vous n’avez pas encore compris qu’au XXIe siècle, la politique ne se fera plus comme avant ? Vous n’avez pas compris que nous devons discuter afin de trouver des solutions ?
Vous refusez de répondre à nos questions, dont celles de M. Le Fur alors que nous devons examiner ensemble bien des choses ! Les propos de M. Le Fur sur les normes ou les transports sont absolument essentiels. Il faut que vous répondiez aux interrogations qui ont été formulées sur le rôle de l’autorité organisatrice de transport notamment mais, aussi, sur les sanctions financières qui, éventuellement, seront appliquées, ou sur leurs modalités ! Si tel n’est pas le cas, nous nous bornons à énoncer des principes, ce qui n’est pas le but d’une loi d’habilitation visant à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Nous devons discuter du contenu de ces dernières !
Sinon, nous considèrerons que vous voulez cacher un certain nombre de choses ou que vous n’avez pas assez travaillé, ce qui interdira toute publication des ordonnances cet été.
…qui n’a strictement rien à voir avec les propos que nos collègues viennent de tenir.
Si nous devions approuver ces deux amendements, l’accessibilité devrait être effective au 13 février 2015.
Un amendement d’appel laissant penser qu’il sera possible de réaliser en quelques mois ce qui ne l’a pas été pendant dix ans n’a aucun sens.
Je complète mon propos en revenant sur ce qu’a dit M. Le Fur.
La loi de 2005 ne traitait pas des seules questions liées à l’accessibilité car son champ d’action était bien plus vaste. De ce point de vue, c’est une grande loi.
S’il vous plaît, monsieur Le Fur ! Mais depuis hier vous oubliez que nous ne discutons pas de la loi du 11 février 2005 mais de son point faible – vous l’avez dit vous-même –, qui est la question de l’accessibilité. Arrêtez donc de vous référer à cette loi alors que, jusqu’en 2010, 2011 ou 2012, personne ne s’est soucié de ce problème, comme plusieurs orateurs en ont convenu hier !
Je ne vous parle pas de cela, monsieur Le Fur. Je vous parle du travail réalisé par les sénatrices Campion et Debré dans un rapport que je vous engage à lire, si vous ne l’avez pas fait. Il en ressort, bien évidemment et heureusement, que des responsables d’ERP ont réalisé des travaux d’accessibilité, mais nous sommes loin d’avoir répondu aux enjeux qui se posent ! C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes réunis ce soir.
On ne peut donc pas, à la fois, constater qu’un retard a été pris sur le volet « accessibilité » de la loi du 11 février 2005 pour des raisons détaillées dans tous les rapports – nous pourrions les répéter s’il le fallait mais je ne suis pas sûr que cela soit à l’avantage des uns ou des autres et je ne cherche pas à culpabiliser qui que ce soit tant ces textes sont complexes – et suggérer à travers ces amendements que l’accessibilité doit être effective dans les transports au 13 février 2015. Cela multiplierait les contentieux et la question de la date ne se poserait d’ailleurs plus puisque la mise en accessibilité serait repoussée au moment de leur examen.
Il faut donc revenir au pragmatisme et à cette réalité dont nous nous soucions depuis le début de nos débats : faire en sorte que l’accessibilité soit effective. Il s’agit là d’un élément important. Avis défavorable.
M. le rapporteur a raison : c’est une question de crédibilité.
Que voulons-nous dire aux personnes handicapées qui attendent depuis si longtemps que les moyens de transport soient accessibles ?
Sincèrement, il ne serait pas honnête de prétendre que cela sera totalement le cas le 13 février 2015.
Évidemment, nous le regrettons tous, évidemment nous souhaiterions que cela soit possible mais, très sincèrement, en l’état actuel des transports publics – notamment interurbains, puisque la situation des transports urbains est meilleure –, nous savons combien le facteur temps est essentiel afin d’identifier les points d’arrêt prioritaires et les cas éventuels d’impossibilités techniques.
Je répète les critères de définition des premiers : la fréquentation, la desserte du territoire, la carte globale des transports. Ces critères seront validés par le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, avant d’être décrétés.
L’autorité organisatrice de transport mentionnera quant à elle ceux qui seront sélectionnés au sein des schémas directeurs d’accessibilité, les SDAAd’AP, qu’elle transmettra aux préfets et aux commissions départementales de sécurité et d’accessibilité, ces points prioritaires devant être validés par ces derniers. Pendant un nombre donné d’années, un nombre donné de points d’arrêts seront donc rendus accessibles. La stabilité sera ainsi au rendez-vous.
Ensuite, il faut reconnaître que la situation peut changer, en trois ans, dans un département – par exemple, la fréquentation d’une ligne. Durant la période suivante, une modification sera donc possible ; c’est pourquoi nous tenons à préserver une certaine souplesse et que nous refusons toute rigidité.
Il faut également du temps pour dégager des ressources budgétaires suffisantes. J’entends bien que la précédente loi date d’une décennie mais, précisément, tout n’a pas été fait.
Au point où nous en sommes, je vous communique quelques chiffres. La mise aux normes d’un point d’arrêt coûte entre 15 000 et 20 000 euros. Cela représentant plusieurs millions d’euros par département, chacun peut comprendre qu’il faut un peu de temps pour agir efficacement.
Beaucoup d’entre vous sont des élus locaux : vous savez que lorsqu’une collectivité publique organise des travaux, la sélection et la coordination des entreprises ne se font pas en huit mois. Nous devons faire preuve de réalisme et être honnêtes à l’endroit de nos concitoyens : il est impossible de réaliser tout cela pour le 13 février 2015.
Avis défavorable.
Ce texte, évidemment, a fait l’objet d’une étroite concertation, avec M. Pépy en particulier.
Le texte sur la réforme ferroviaire sera discuté la semaine prochaine !
En effet ! M. Pépy rédige un autre texte dont nous allons débattre dans quelques jours !
Je comprends vos propos, madame la ministre, et je ne nie pas les obstacles qui existent bel et bien – les marchés, les contraintes, les problèmes de financement – mais je ne ressens pas la volonté politique qui devrait elle aussi exister, me semble-t-il, compte tenu de vos responsabilités, afin d’inciter ces énormes structures que sont les transporteurs à faire le nécessaire pour progresser.
Ayez au moins la délicatesse, madame la secrétaire d’État, de répondre à l’une de nos questions : quelles sanctions encourront les transporteurs qui ne respecteront pas les exigences, pourtant modestes, vous l’admettez vous-mêmes, que vous avez définies ?
Je voudrais seulement vous rappeler, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que l’accessibilité est une mission de service public – c’est du moins ce qu’il me semble, et j’imagine que nous nous référons aux mêmes textes. Comment pourrait-on déroger à cette mission de service public ? Vous dites qu’il faut agir en priorité dans des lieux répondant à certains critères de desserte et de fréquentation ; on a bien compris qu’il s’agit en réalité d’intervenir là où il y a du monde, c’est-à-dire dans les grosses gares.
Mais pour le reste, qu’a prévu l’État en termes de péréquation ? Quels moyens financiers l’État a-t-il prévu de mobiliser pour combler les retards ? Nous débattons aussi, en ce moment, de la couverture numérique de nos territoires : accepteriez-vous que l’on n’installe la fibre optique que dans les territoires urbains, et pas dans les territoires ruraux ? C’est la même chose pour l’accessibilité ! Si l’on veut organiser l’accessibilité sur notre territoire, il faut définir des critères de péréquation, il faut que l’État prenne des engagements, et il faut une organisation. Et force est de constater que ce n’est pas le cas aujourd’hui. Cette situation risque en outre de créer de forts contentieux si l’accessibilité, qui est inhérente à la mission de service public, n’est pas respectée ou respectée à la carte.
Pour finir, madame la secrétaire d’État, je trouve incroyable qu’il ait fallu attendre votre dernière réponse pour obtenir un chiffre de votre part – l’aménagement d’un point d’arrêt estimé à 15 000 ou 20 000 euros. Vous n’en avez donné aucun depuis le début de ce débat ! Il est vrai que les finances ne font pas tout, mais nous sommes tout de même en droit de nous interroger sur les moyens financiers qui seront mis en oeuvre pour appliquer ces ordonnances, car des ordonnances vidées de leur substance financière ne sont que des coquilles vides.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Il faut faire une distinction entre les moyens alloués à la mise en accessibilité dans le monde rural et dans les points d’arrêt très fréquentés. Comme élu de la ruralité, je peux vous dire que certains moyens sont bien plus adaptés au monde rural et moins coûteux, comme le transport à la demande, par exemple. Il faut prendre en compte cette différence.
Dans le même esprit que précédemment, je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, que vous nous exposiez les sanctions qu’encourront les transporteurs qui ne feront pas preuve de diligence dans la mise aux conditions d’accessibilité. Risqueront-ils quelque chose ? Si ce n’est pas le cas, il ne s’agit là que de voeux pieux. Ayez la délicatesse de nous dire concrètement ce qui se passera, et faites-nous entendre un peu de volontarisme dans vos propos !
En France, aujourd’hui, seules 42 % des lignes de bus sont accessibles à tous. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, alors que 10 à 12 millions de Français se trouvent en situation de handicap. Par ailleurs, qui n’a jamais eu du mal à transporter une valise encombrante d’un quai à un autre ? Qui n’a jamais vu une femme avec des enfants, une personne âgée ou un blessé temporaire avoir du mal à accéder aux transports ?
L’idée qui nous est chère, et je crois que vous la partagez, c’est celle de l’accessibilité pour tous, celle d’une société inclusive. Je l’ai dit hier lors de la discussion générale : l’accessibilité n’est pas une option, mais une nécessité. C’est pour cela que nous devons mettre des moyens à son service. Et c’est pour cela aussi que l’article 2 est à mon sens plus inacceptable encore que l’article 1er. Il concerne les transports publics, qui ont une mission de service public et qui vivent des deniers publics : vous devriez donc être bien plus contraignants, vous qui avez pour habitude de fixer des règles et des contraintes !
À la longue, cela devient ahurissant ! Vous nous reprochez le fait que les opérateurs publics n’aient subi aucune pression pour rendre l’accessibilité effective avant le 13 février 2015, mais de 2005 à 2012, sauf erreur de ma part, c’est tout de même votre majorité qui avait cette responsabilité ! Je vous appelle une nouvelle fois au pragmatisme. Ce que vous nous proposez au travers de vos amendements, c’est, comme vous l’avez fait à l’article 1er, de supprimer le principe des schémas directeurs d’accessibilité-agendas d’accessibilité programmée, en laissant penser à l’ensemble des personnes handicapées que les problèmes d’accessibilité dans les transports pourraient être réglés avant le 13 février 2015. Ce n’est pas possible, et c’est pourtant cela que vous proposez !
Vous ne pouvez pas nous dire que la mise en accessibilité est une urgence tout en supprimant l’outil qui a été proposé dans le cadre de la concertation, à savoir le schéma qui a été défini spécifiquement pour la mise en accessibilité des transports.
Il s’agit en effet d’argent public, mais il suffit de mettre en regard les sommes que consacrent chaque année Réseau ferré de France et la SNCF à la mise en accessibilité des transports dont ils ont la responsabilité et les sommes qui, selon les différents rapports, seraient nécessaires à la réalisation d’une pleine accessibilité, pour comprendre que ce n’est pas en un ou deux ans que nous y arriverons. J’essaie d’être constructif – et je pense que nous souhaitons tous l’être – quand je vous dis que l’on ne pourra pas tenir ce calendrier. Vos deux amendements visent à supprimer l’Ad’AP, qui est pourtant un outil intéressant, puisqu’il comporte à la fois un calendrier, un exposé détaillé des travaux à réaliser et un point détaillé sur leur financement ; c’est l’outil qui va enfin nous offrir le suivi et la visibilité dont nous avons besoin. J’avoue ne pas comprendre votre logique. La commission, en tout cas, a émis un avis défavorable à ces deux amendements.
Je voudrais apporter deux précisions, qui devraient avoir le mérite d’apaiser le débat.
La première concerne le service public ferroviaire, que vous avez déjà évoqué précédemment, mais à propos d’un alinéa relatif aux transports routiers urbains et interurbains. Puisque nous en sommes arrivés aux alinéas relatifs aux trains et au transport ferroviaire, je peux vous faire une réponse plus complète. Imaginons que l’on doive rendre l’ensemble du réseau accessible en février 2015 – c’est ce que vous demandez. Même si nous n’avions aucun problème d’argent – imaginons que nous ayons des milliards d’euros à notre disposition –, il y aurait tout de même un petit souci : on ne peut pas arrêter toutes les trains et fermer toutes les voies de France au même moment pour faire des travaux !
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
Il est nécessaire de fermer successivement, et non simultanément, les différentes voies, puisqu’il y a une obligation de service public. Il serait donc matériellement impossible de faire tous les travaux en même temps, même s’il n’y avait aucun problème de financement ;…
…or vous savez bien qu’il y a aussi des problèmes de financement.
Bref, sur la question spécifique du transport ferroviaire, il est impossible de faire tous les travaux en même temps. Il faut du temps, et c’est ce qui justifie la mise en place des Ad’AP.
Ma deuxième précision vise à vous rassurer. Sachez que le système des schémas directeurs d’accessibilité-agendas d’accessibilité programmée sera strictement encadré. Si le schéma directeur d’accessibilité n’est pas déposé, s’il y manque un document ou un bilan, il y aura automatiquement une amende.
Si le dossier a été déposé et qu’il est complet, mais que les travaux ne sont pas réalisés, il s’appliquera une sanction financière, qui sera plafonnée à un certain pourcentage, que je ne connais pas encore, du montant des travaux qui auraient dû être faits. Cette sanction financière sera versée au fonds d’accessibilité.
Tel est le dispositif que nous avons prévu. Pour toutes les raisons que j’ai exposées, avis défavorable.
J’aimerais, madame la secrétaire d’État, que vous nous donniez des précisions sur l’action menée par les régions et les départements. Vous avez évoqué la large concertation qui a précédé la rédaction de ce texte. Vous savez que ce sont les régions qui sont compétentes en matière de TER, et les départements en matière de transports interurbains et de transport scolaire. Depuis une dizaine d’années, les départements et les régions – et surtout les premiers, puisque leur coeur de métier, ce sont justement les personnes handicapées – ont travaillé sur des schémas d’accessibilité. J’aimerais donc que vous nous présentiez un état des lieux de ces schémas, pour que nous arrêtions de faire comme si aucun effort n’avait déjà été fait.
Nous souhaitons tous que les délais soient tenus, et c’est a priori plus facile dans le domaine des transports que dans le domaine de l’habitat, qui faisait l’objet de l’article 1er. J’aimerais connaître la situation actuelle, puisque des financements très importants vont être engagés, à un moment où les départements et les régions se trouvent plus que contraints financièrement. Vous souhaitez être simple et pragmatique : j’aimerais le vérifier à travers vos réponses.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement no 38 .
Vous savez qu’il sera possible de moduler les obligations de mise en accessibilité des gares en fonction de leur caractère prioritaire, mais qu’elles seront dans l’obligation de proposer un transport de substitution. Il convient également de former des agents d’accueil pour orienter les personnes dans leur parcours et de mettre à la disposition des usagers certains outils, en particulier numériques, organisant la multimodalité de leur parcours et garantissant la fluidité de leur cheminement d’un point A à un point B. La mise à disposition de ces outils numériques, fournissant toutes les informations possibles sur le parcours, nous semble indispensable. Au cours des auditions, nous avons interrogé la SNCF sur les moyens dont elle dispose pour informer le public, et il semble qu’elle ait déjà commencé à travailler sur cette question.
La commission a repoussé cet amendement, car elle a considéré qu’il relevait du domaine réglementaire. Cela étant, on ne peut être que sensible à l’utilisation croissante des nouveaux vecteurs de communication, et particulièrement des vecteurs numériques, dans l’accompagnement des transports. Cela, du reste, ne vaut pas seulement pour les personnes handicapées, mais pour l’ensemble des usagers. Vous posez là un vrai problème, monsieur le rapporteur pour avis.
Nous avons repoussé votre amendement parce que son objet nous semblait relever du règlement, mais peut-être Mme la ministre pourra-t-elle compléter mon propos en proposant des dispositifs que l’État pourrait soutenir. Je vous proposerais alors de retirer votre amendement.
Monsieur le rapporteur pour avis, je comprends tout à fait le sens de votre amendement, qui me paraît tout à fait justifié. Vous proposez de mettre à la disposition des personnes handicapées des outils informatiques leur permettant de s’informer, avant un déplacement, sur l’accessibilité des transports, en fonction de leur handicap. Cela paraît en effet extrêmement utile, mais il faut voir si la chose est faisable.
Nous nous sommes penchés sur la question et nous pouvons vous dire qu’un certain nombre de projets sont en cours d’expérimentation. Je pense notamment à un projet développé par le centre de ressources et d’innovation Mobilité Handicap sur le territoire de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Il y a récemment été mis au point un outil de ce type, qui propose un relevé exhaustif des caractéristiques d’accessibilité de tous les éléments du système de transport, y compris des trottoirs.
Par ailleurs, le Gouvernement a mandaté il y a quelques mois le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CÉREMA, pour travailler sur les apports et les applications possibles des systèmes d’information géographique en matière d’accessibilité. Cette mission consiste à la fois à tirer les enseignements des expérimentations pionnières, comme celle de Saint-Quentin-en-Yvelines que je viens d’évoquer, à approfondir les besoins auprès des utilisateurs, à identifier les difficultés techniques auprès des développeurs informaticiens, et à mener une réflexion sur la création d’un standard national. En effet, il faudrait pouvoir disposer d’outils compatibles entre eux : si chaque informaticien développe un outil incompatible avec ceux des autres, un utilisateur aura beaucoup de mal à chercher un transport pouvant relier une région à une autre, ou un département à un autre. Il est donc important d’anticiper tout cela.
En définitive, l’amendement no 38 va dans le bon sens, mais il est prématuré. Pour l’instant, nous sommes dans l’incapacité technique de mettre en place ce qui est proposé, et je le regrette.
Ce n’est pas possible ! Les dispositions proposées méritent de figurer dans la loi !
Cependant, comme je viens de l’expliquer, nous sommes en train de faire des études sur ce sujet afin de pouvoir mettre en place ces outils. J’en profite pour faire de la publicité pour un site qui existe déjà :…
…le site jaccede.com, tenu par l’association des « Jaccedeurs », permet de savoir si un mode de transport ou un site est accessible ou non. N’importe qui peut renseigner ce site : si vous constatez qu’un endroit est accessible pour tel ou tel type de handicap, vous pouvez y ajouter cette information.
Monsieur Bricout, je vous demande donc de retirer votre amendement.
Restez calmes, mes chers collègues ! Le rapporteur pour avis n’a pas retiré son amendement : la secrétaire d’État a simplement exprimé une demande de retrait.
Sourires.
Le rapporteur et la secrétaire d’État ont expliqué que mon amendement relevait du domaine réglementaire.
Je comprends cet argument, et j’accepte de retirer mon amendement. En revanche, j’aimerais avoir une précision pour les personnes qui voudraient éventuellement s’investir dans les recherches : le fonds de soutien alimenté par les fameuses sanctions pourra-t-il être sollicité ? Ce serait un élément important en matière d’innovation.
Je suis assez surpris d’entendre que ces dispositions relèvent du domaine réglementaire : si c’était le cas, le service de la séance de l’Assemblée nationale n’aurait pas permis que cet amendement soit discuté dans cet hémicycle.
Par ailleurs, si le service de la séance a accepté cet amendement, ce n’est pas parce qu’il a été déposé par le rapporteur pour avis, mais parce que nous examinons un projet de loi d’habilitation. Or vous savez que la norme législative n’est pas la même selon qu’il s’agisse d’une loi ordinaire qui s’impose aux tiers ou d’une loi d’habilitation.
Vous le savez vous-même : cet argument ne tient pas.
Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué une impossibilité technique. Franchement, si nous devions renoncer à adopter une disposition législative à chaque fois que nous nous heurtions à une impossibilité technique, il n’y aurait plus beaucoup de lois dans notre pays.
Je suis pragmatique !
Madame la secrétaire d’État, faites preuve d’un peu de courage ! Surtout, n’écoutez pas toujours vos services administratifs, car pour l’administration, plus c’est réglementaire, mieux c’est. Vous êtes secrétaire d’État et nous sommes parlementaires : nous défendons aussi la loi. Je salue l’amendement de M. Bricout, qui vise à ajouter dans la loi la notion d’accessibilité au numérique : il est important que nous puissions le soutenir et, tous ensemble, le voter. Certains parlementaires très sensés ont cosigné cet amendement de bon sens : essayons d’aller jusqu’au bout et de ne pas toujours écouter les sirènes de l’administration, qui nous amènent malheureusement trop souvent dans le mur.
Madame la secrétaire d’État, cela fait trois ou quatre heures que nous discutons de ce projet de loi. Depuis hier, nous ne nous sommes jamais posé la question de la faisabilité technique des dispositions que nous examinons. Cet amendement est un concentré de bon sens : il faut donc le maintenir, pour envoyer un signal. On ne va pas se demander aujourd’hui si les dispositions proposées sont faisables et comment nous allons rendre les choses plus homogènes ! Envoyons enfin un bon signal, car nous n’en avons envoyé aucun depuis hier.
L’amendement no 38 n’est pas adopté.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le caractère réglementaire des amendements fait l’objet d’un contrôle a posteriori. Si le contrôle était effectué a priori, permettez-moi de vous dire que nos discussions seraient beaucoup plus courtes !
Sourires.
Je serai très rapide, madame la présidente, car la réponse qui m’a été apportée hier sur les délais de dépôt des schémas directeurs d’accessibilité m’a convaincu.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
L’amendement no 29 est retiré.
Sourires.
On a parlé de l’incertitude administrative, de l’incertitude juridique, de l’ambiguïté, de la ruralité et des zones urbaines. Or l’alinéa 16 commence par les mots « selon le type de transport public » : je ne sais pas ce que cela signifie. Veut-on distinguer le diesel et l’essence ? Vise-t-on les poids lourds ? Cela n’a aucun sens : c’est pourquoi je propose de supprimer les mots « selon le type de transport public ».
Je sais bien que vous avez compris, monsieur Aboud : je n’aurai pas l’outrecuidance de ne pas le penser !
Sourires.
Selon qu’il s’agisse de transport urbain, de transport périurbain ou de transport ferroviaire, il est évident que les données et les enjeux de mise en accessibilité sont différents. Là encore, si nous devions retenir votre amendement, la disposition législative serait sans aucun doute satisfaisante dans son principe, mais elle ne correspondrait pas à la réalité de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Ce n’est pas tout à fait la même chose de mettre en accessibilité des véhicules ou des quais de gare : il est bien évident que les considérations sont totalement différentes. Pour ces raisons, je donne un avis défavorable à cet amendement.
J’ai, moi aussi, une certaine constance : avis défavorable.
L’amendement no 30 n’est pas adopté.
Cet amendement d’appel pose la question du délai fixé aux opérateurs de transport. Si j’ai bien compris, l’article 1er prévoit des délais de trois, six et neuf ans. En revanche, l’article 2 ne précise aucun délai pour l’adaptation de nos systèmes de transport. Je ne vois pas comment on peut imaginer un texte qui donne aux opérateurs de transport l’éternité pour respecter leurs obligations d’accessibilité. Madame la secrétaire d’État, je vous prie de me dire si je me trompe et, le cas échéant, de me préciser le délai final au terme duquel l’ensemble des exigences d’accessibilité devront s’imposer aux opérateurs de transport.
Cet amendement, identique à celui présenté par M. Le Fur, vise à ne pas permettre au Gouvernement d’autoriser une prorogation de délai supérieure à deux ans pour la mise en conformité des transports publics de voyageurs avec l’obligation d’accessibilité. Il nous semble nécessaire d’encadrer l’ordonnance par une limite temporelle.
Défavorable, pour les mêmes raisons que tout à l’heure : si ces amendements étaient adoptés, la loi fixerait le délai maximal des travaux de mise en accessibilité à douze mois, ce qui est tout à fait irréaliste.
Hier, nous avons évoqué la déclinaison des SDA-Ad’AP et des Ad’AP, qui prévoient des périodes. Contrairement à ce que j’ai entendu, celles-ci ne sont pas de trois, six et neuf ans, mais d’un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit ou neuf ans ; dans le cas plus particulier des transports, elles peuvent être de cinq, six ou sept ans.
Monsieur Le Fur, vous trouverez dans le rapport, dans la définition des Ad’AP et la déclinaison des SDA-Ad’AP, les réponses aux questions que vous formulez. En tout état de cause, adopter ces amendements reviendrait à suggérer que tous les travaux doivent être effectués en douze mois : objectivement, nous savons tous que cela n’est pas envisageable.
Défavorable également.
Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, vous avez expliqué que notre délai était trop exigeant. Mais quel est votre délai ? Je ne vois aucun délai fixé dans l’article 2 !
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
J’ai bien compris qu’un délai était fixé pour les ERP ; en revanche, l’article 2 ne prévoit aucun délai. Les opérateurs de transport doivent déterminer des priorités, mais on ne sait pas au terme de combien d’années ils devront respecter les obligations d’accessibilité fixées par la loi de 2005. Il me semble donc que votre texte comporte une lacune considérable.
Article 2
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-huit.
Depuis le début des débats, nous sommes dans une opposition pragmatique et constructive.
Et nous l’avons prouvé.
Chaque fois qu’il y avait des amendements de bon sens, nous les avons votés.
Mais en l’occurrence, nous avons posé des questions précises et techniques qui sont restées sans réponse de votre part. Disposez-vous maintenant, madame la secrétaire d’État, des éléments de réponse à nos interrogations ? Cela serait une excellente chose pour le monde du handicap.
S’agissant de l’article 2, on ne sait pas à qui cela s’applique, ni dans quels délais les normes devront être appliquées, ni quelle sera la sanction en cas de non-application de ces règles. Cela fait tout de même beaucoup pour un texte qui a pour vocation de vous habiliter à prendre des dispositifs d’ordre normatif !
Sourires.
…mais à l’article 2, nous sommes dans l’incertitude totale. Nous souhaiterions vraiment, madame la secrétaire d’État, que vous nous donniez des précisions, sinon nous prendrions le risque de vous habiliter à prendre des dispositions dont nous ignorons l’essentiel.
Madame la secrétaire d’État, il est essentiel de donner du contenu à ces ordonnances. Nous voulons essayer de vous faire comprendre que l’intérêt d’un projet de loi d’habilitation est d’expliquer les ordonnances, de nous indiquer leur contenu, sinon cela ne sert à rien et, qui plus est, vous bafouez les droits du Parlement.
J’ai l’impression, et cela m’inquiète, que vous avez démissionné. En fait, vous faites preuve d’un manque de volontarisme politique. S’agissant des sanctions, nous demandons, avec mon collègue Le Fur, qu’elles soient plus contraignantes. Nous voulons également des réponses – et vous ne pouvez prétendre que cela n’a aucun lien avec l’objet de l’amendement – sur les sanctions administratives et financières qui sont prévues ainsi que sur les dispositifs de suivi. Et concernant ces dispositifs, car moi aussi, j’ai de la constance, madame la secrétaire d’État, je vous repose ma question sur le rôle de l’observatoire interministériel de l’accessibilité, son budget de fonctionnement, les personnalités qui en seront membres. Pouvez-vous répondre à ces deux questions concrètes qui ont un lien avec l’objet des amendements : les sanctions et le rôle des outils de suivi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
M. Le Fur, qui est un parlementaire chevronné, sait très bien que les commentaires d’article servent à éclairer la volonté du législateur.
J’en donne lecture : « Les délais maximaux de réalisation des travaux de mise en accessibilité tiendront compte du niveau de réalisation et de l’importance des aménagements à apporter. Le transport urbain pourra inscrire son SDA-Ad’AP dans un délai maximum de trois ans, l’interurbain, moins avancé, dans un délai maximum de six ans et le réseau ferroviaire, nécessitant des travaux beaucoup plus lourds, dans un délai maximum de neuf ans. » Voilà pour les précisions que vous sollicitiez. Mais apparemment, vous n’avez pas lu attentivement le rapport.
Revenons à vos amendements, mes chers collègues. Vous demandez des sanctions « plus contraignantes que celles prévues actuellement ». Cela pose pour le moins problème car ces sanctions n’existaient pas. Je vous rappelle que les sanctions dont nous parlons sont les sanctions administratives relatives aux SDA-Ad’AP, lesquels n’existaient pas jusque-là, puisqu’ils sont instaurés par ce projet de loi.
Vous ne pouvez donc proposer un amendement qui vise à alourdir des sanctions qui n’existent pas. Vous faites une confusion avec les sanctions pénales de la loi du 11 février 2005, lesquelles, je le précise, ne sont pas remises en cause dans le cadre de ce texte. La commission a donc émis un avis défavorable en raison de ce manque de cohérence.
L’ensemble de ces mesures est le fruit de la concertation. Je veux vous préciser une nouvelle fois ce que sont les amendes et les sanctions financières. Je l’ai déjà fait, et comme cela a été enregistré, vous aurez tout loisir de réécouter mes propos. Mais si je le répète une seconde fois, vous le retiendrez mieux.
Sourires.
Quelles ont été les conclusions de la concertation, puisque vous amendez un alinéa relatif à l’information ? Il y aura des amendes lorsque les obligations d’information sur l’avancement du schéma directeur d’accessibilité agenda d’accessibilité programmée ne sont pas respectées. Il s’agit donc d’amendes. Ensuite, il y aura des sanctions plus lourdes, financières, lorsque les engagements en termes de formation et d’information prévus dans le schéma directeur d’accessibilité Ad’AP ne sont pas tenus.
Cette approche me paraît tout à fait équilibrée, car elle permet le contrôle par l’administration des engagements pris, et des sanctions proportionnées à la gravité des manquements constatés. Avis défavorable donc.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, d’avoir en partie répondu aux questions que nous avons posées.
J’imagine que vous n’avez pas un montant précis des sanctions en tête, mais pouvez-vous nous donner une fourchette ? S’agissant des outils de suivi, et je réitère ma question, je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas répondre sur l’observatoire interministériel de l’accessibilité. Donnez-nous des réponses concrètes quant à son fonctionnement, son budget et sa composition.
L’article 2 est adopté.
L’article 3 rassemble différentes mesures permettant d’ajuster par voie d’ordonnance le dispositif de mise en accessibilité universelle, notamment en ce qui concerne les possibilités de circulation des chiens guides d’aveugle, mesure sur laquelle je souhaite revenir plus spécifiquement.
L’alinéa 4 de l’article 3 prévoit de simplifier les conditions d’accès aux transports, aux lieux ouverts au public ainsi qu’à ceux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative, pour les détenteurs de la carte Priorité pour personnes handicapées ainsi que les éducateurs de chiens guides. Cependant, je suis sceptique quant au recours aux ordonnances pour toute mesure relevant du domaine de la loi. En effet, la loi existe déjà, elle a été votée en juillet 1987, puis modifiée par la loi de 2005. Malheureusement, elle est souvent très mal appliquée.
Actuellement, plus d’un accès sur quatre est refusé à des chiens d’aveugle. Pourtant, je le rappelle, la loi est extrêmement claire à ce sujet. Elle autorise l’accès aux transports, aux lieux ouverts au public ainsi qu’à ceux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative. La loi doit donc d’abord être bien appliquée.
En France, des refus aboutissent à ce que certaines personnes aveugles ou mal voyantes ne demandent pas à être accompagnées par des chiens, de peur que ces derniers ne soient pas acceptés dans certains lieux publics ou dans certains transports et ne constituent finalement pour elles qu’un obstacle.
Madame la secrétaire d’État, une véritable politique d’information doit être menée à ce sujet, et sur les amendes encourues par ceux qui ne respecteraient pas la loi.
À mon tour, je veux évoquer l’aide animalière à l’occasion de cet article 3.
Tout d’abord, merci d’avoir fait figurer ces dispositions dans votre projet, madame la secrétaire d’État. C’est un remerciement très sincère ; il se trouve que je connais assez bien ce sujet. Dans ma circonscription et même dans mon canton, j’ai une école qui forme des chiens d’accompagnement, et qui appartient à Handichiens, autrefois appelée ANECAH. Un certain nombre d’entre vous connaissent cette très belle association, qui forme des chiens capables d’exécuter parfaitement cinquante-deux ordres ! Ces chiens sont extrêmement précieux et utiles pour les personnes handicapées.
L’aide animalière est intégrée depuis la loi de 2005 – c’est une bonne chose – et vous vous inscrivez dans cette continuité. Cela étant, il faudrait que nous progressions encore dans ce domaine. La formation d’un chien dans cette association représente environ 10 000 euros.
Le chien est sélectionné dès son plus jeune âge. Il est placé dans une famille d’accueil pour les premières formations et ensuite, il est dans une véritable école. Or aujourd’hui, il n’y aucun remboursement de la part de la Sécurité sociale, alors que ces chiens seront très utiles. Pour un outil, un fauteuil, il y aurait un remboursement, mais comme il s’agit d’un animal, on n’est pas dans cette logique de remboursement, ce que je regrette.
Vous comprenez bien que ces associations, dans la mesure où elles ne vendent pas leurs chiens, ne vivent que des dons de particuliers, qui bénéficient certes d’avantages fiscaux et c’est une bonne chose. En tout état de cause, il y a une vraie limite.
Nous pourrions nous fixer pour ambition d’intégrer l’aide animalière au titre des remboursements de la Sécurité sociale. Je sais bien que ce texte n’a pas vocation à traiter de cela, je sais aussi, hélas, que lors des PLFSS, nous sommes tenus par l’article 40.
Madame la secrétaire d’État, intégrer cet aspect dans la loi répondrait à une belle ambition. Je ne doute pas que vous y soyez sensible puisque vous avez bien voulu – et une fois de plus, je vous en remercie – intégrer cette dimension dans ce texte. J’exprime ici ma gratitude au nom de cette association que je connais très bien.
Puis-je considérer, monsieur Le Fur, qu’en vous exprimant sur l’article 3, vous avez défendu votre amendement no 10 ?
Sourires.
Je serai très bref sur l’amendement, madame la présidente, pour vous être agréable.
Un réel problème se pose par rapport au monde rural. Il ne faut pas que le monde rural ait le sentiment que les personnes handicapées ne bénéficient d’aucun élément d’accessibilité ; nous avons discuté de cela tout à l’heure à propos des gares.
Une personne handicapée ne doit pas être défavorisée du fait qu’elle vit en milieu rural. Je vous prie de veiller à ce que ces personnes, qui résident dans des lieux où des problèmes d’accessibilité existent par ailleurs, soient aussi prises en compte.
Il est important de ne pas envoyer un mauvais signal en laissant penser que les personnes handicapées ne pourront désormais vivre que dans les grandes villes. Pour la vitalité du monde rural, il est bon qu’elles puissent rester présentes dans ces territoires.
Je peux comprendre l’idée de fixer un seuil en dessous duquel l’élaboration par une commune d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics est facultative. Mais pourquoi ce seuil ne peut-il être inférieur à 500 habitants ? Quel critère vous a guidés dans ce choix ? N’y a-t-il pas là un risque de rupture de l’égalité entre les différentes communes ?
Bien évidemment, mes chers collègues, il n’est pas question de traiter différemment certains territoires. Mais vous savez comme moi, pour être issus de circonscriptions à vocation rurale, que les maires des plus petites communes disent éprouver des difficultés à ce sujet.
C’est la raison pour laquelle j’ai moi-même déposé un amendement tendant à renvoyer à l’échelon intercommunal sinon la responsabilité – ce qui ne pouvait se faire dans le cadre de ce texte – du moins la réflexion. Il me semble en effet que pour les petites communes de moins de 500 habitants, le PAVE est un dispositif relativement complexe alors qu’il peut faire l’objet d’une analyse plus solide de la part de l’intercommunalité.
Si la commission a émis un avis défavorable sur vos amendements, ce n’est pas qu’elle considère que le secteur rural n’a pas à se préoccuper des enjeux de l’accessibilité, mais parce qu’elle estime que les responsabilités qui y sont liées sont difficiles à assumer pour les petites communes et qu’elles seraient mieux endossées à l’échelle de l’intercommunalité. Autrement dit, l’avis défavorable ne porte pas sur le fond.
Avis défavorable.
Je précise tout d’abord que le seuil de moins de 500 habitants a été introduit par amendement au Sénat.
Je vous explique seulement l’origine de ce seuil puisque, manifestement, vous n’avez pas examiné les débats du Sénat.
Les petites communes n’ont pas le personnel nécessaire pour rédiger les Ad’AP. Elles n’ont pas non plus les moyens de recourir à un bureau d’expertise pour remplir tous les documents nécessaires. En revanche, elles ont tout à fait les moyens d’établir un PAVE en passant par leur intercommunalité, si elles le souhaitent, ce que nous les encourageons à faire ; nous examinerons un amendement en ce sens.
La rédaction de l’alinéa 2 n’implique pas que les petites communes ne peuvent pas élaborer de plan. Elle signifie simplement que davantage de souplesse est requise. Sur un plan pragmatique, il faut bien être conscient qu’en dessous de 500 habitants, une commune n’a pas d’employés communaux et n’a donc pas la possibilité d’établir des Ad’AP.
Je rebondis sur le terme « pragmatique » : imaginez une commune de moins de 500 habitants qui compterait dix personnes en situation de handicap et une autre de 600 habitants où il n’y en aurait aucune. Le pragmatisme dicterait plutôt de se concentrer sur les personnes concernées plutôt que sur la taille des communes.
Ensuite, pardonnez-moi, madame la secrétaire d’État, mais ce n’est pas parce que le Sénat a retenu ce seuil qu’il est forcément pertinent.
Ce qui importe, c’est le nombre de personnes en situation de handicap, pas le nombre d’habitants.
Vous soulevez un vrai problème, monsieur le rapporteur – l’absence d’employés communaux, les difficultés de mise en oeuvre des normes d’accessibilité en milieu rural – ; simplement vous y apportez une mauvaise réponse, car ce n’est pas en fixant un seuil que l’on va résoudre le problème. Ce qu’il faut, c’est accompagner les collectivités locales, c’est leur donner des solutions alternatives, c’est faciliter leurs démarches. Certes, ces questions pourront être discutées au plan intercommunal, mais fixer un tel seuil risque non seulement de créer un effet de seuil massif mais d’être à l’origine d’une rupture de l’égalité ; nous aurons peut-être l’avis du Conseil d’État.
Il me semble qu’il y a une confusion entre les Ad’AP et les PAVE. Ce n’est pas parce que l’élaboration d’un PAVE sera facultative dans certains cas que les maires ne s’investiront pas pour améliorer l’accessibilité.
Je peux vous dire qu’il y a beaucoup de petites communes où les choses se sont faites de manière absolument remarquable.
Par ailleurs, comme le soulignait Christophe Sirugue, les petites communes ont la possibilité de se rapprocher de l’intercommunalité pour, ensemble, aboutir à un résultat. Je crois, moi, en la volonté des maires ruraux d’autant que l’accessibilité n’a pas seulement pour cible les personnes en situation de handicap, elle concerne plus largement les personnes âgées. Tout le monde devra malheureusement s’accommoder du vieillissement, question qui concerne peut-être plus encore les maires ruraux.
Enfin, je rappelle que Mme la secrétaire d’État a précisé qu’une aide comme la dotation d’équipement des territoires ruraux allait être très largement mobilisée.
La rédaction du deuxième alinéa de l’article 3 n’est pas claire : que veut dire « le seuil ne peut être inférieur à 500 habitants » ? Est-il de 500, est-il de 10 000 ? Cela pose un réel problème.
En entendant la réponse que vous avez faite à Marc Le Fur et Damien Abad, j’ai cru comprendre, monsieur le rapporteur, que vous alliez peut-être pour la première fois réagir favorablement à un amendement. Le Gouvernement est en train de préparer un grand projet sur la réforme territoriale, encore un peu flou, et parallèlement, il nous dit que les intercommunalités seront de plus en plus musclées. Ce que je vous propose dans mon amendement – mais vous ne semblez pas m’écouter, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur…
Au contraire, nous étions en train d’en parler !
Ce que je propose donc dans mon amendement, c’est de remplacer le mot « facultative » par les mots « transférée à l’intercommunalité d’appartenance ».
Nous partageons une préoccupation : faire en sorte que la réflexion puisse être menée à l’échelle de l’intercommunalité.
Pourquoi ne pouvons-nous pas accepter l’amendement de M. Aboud ? Pour deux raisons principales. Premièrement, il rend le transfert obligatoire ; or le principe de libre administration des communes fait que vous ne pouvez obliger une commune à transférer une compétence à l’intercommunalité. Deuxièmement, il n’est pas possible de rendre obligatoires les compétences de ladite intercommunalité.
J’ai donc établi une formulation plus souple, qui correspond exactement à votre état d’esprit, mon cher collègue. Je vous le précise car je ne voudrais pas que vous pensiez que je dis « non » car cela vient de vous. Je le répète, on ne peut obliger les communes à transférer une compétence, quelle qu’elle soit.
Vous savez bien, monsieur Le Fur, que ce n’est pas dans un texte de cette nature que nous pouvons faire évoluer l’organisation des compétences. Ce n’est à vous que je vais l’apprendre, ou alors c’est à n’y plus rien comprendre.
Donc, je dis oui sur le principe : il faut pousser, autant que faire se peut, l’intercommunalité à se préoccuper de ces questions d’accessibilité, notamment pour accompagner les plus petites communes dans leur réflexion. Toutefois, pour des raisons de forme, je vous propose de voter en faveur des amendements identiques nos 52 et 61 .
J’aimerais simplement préciser que la possibilité du transfert du PAVE au niveau intercommunal est déjà prévue expressément dans la loi du 11 février 2005. La responsabilité de son élaboration incombe aux maires mais si un accord est trouvé, l’intercommunalité peut fort bien s’en charger.
Sur le fond, je suis d’accord avec le principe de ces amendements. Toutefois, j’estime que les amendements identiques sont plus souples que le vôtre, monsieur Aboud, car il impose alors qu’il s’agit simplement de suggérer. Sagesse sur les deux amendements identiques.
Je n’ai pas l’intention de rendre les choses coercitives. Si vous en êtes d’accord, peut-être pourrait-on rectifier mon amendement en écrivant, non pas « est », mais « peut être » transférée à l’intercommunalité d’appartenance. Et là, nous nous rejoindrions, monsieur le rapporteur.
Que pensez-vous de cette éventuelle rectification, monsieur le rapporteur ?
La formulation que vous proposez, monsieur Aboud, pose un problème objectif. Pour nous éviter de courir le risque d’une contestation au nom du principe constitutionnel qu’est la libre administration des communes, il faut un libellé suffisamment souple, d’autant que les compétences liées à l’intercommunalité sont encadrées dans des textes particuliers, comme je l’ai dit à M. Le Fur. Maintenant, si vous voulez être co-signataire de l’amendement que j’ai déposé, cela ne me pose aucun problème.
Je suis d’accord pour cosigner l’amendement de M. le rapporteur, s’il va dans le même sens que le mien. Je retire donc mon amendement.
L’amendement no 31 est retiré.
Madame la secrétaire d’État, vous disiez qu’il fallait simple et employer un langage compréhensible. Puis-je faire observer qu’avec l’ajout de la rédaction proposée par M. le rapporteur, l’alinéa 2 comportera sept lignes et aucun point ?
Jugez-en plutôt : « De fixer le seuil démographique en dessous duquel l’élaboration par une commune d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, prévue à l’article 45 de la loi no 2005-102 du 11 février 2005 précitée, est facultative, ce seuil ne pouvant être inférieur à 500 habitants, et de déterminer les conditions dans lesquelles l’élaboration de ce plan peut être confiée à un établissement public de coopération intercommunale ; ». Un alinéa de deux phrases aurait mieux convenu.
Mon sentiment, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, c’est qu’il ne faut surtout pas stigmatiser le monde rural. Il n’y a pas de raison de pénaliser les personnes handicapées qui y résident. C’est cela qui devrait nous rassembler. Or, les différents seuils que vous instaurez compliquent les choses.
Notre rapporteur a apporté une réponse, j’en conviens. Il estime, avec raison, que l’intercommunalité peut jouer un rôle significatif en ce domaine. J’en suis d’ailleurs convaincu, compte tenu de ce que je vois dans mon secteur. Cela exige toutefois quelques adaptations.
Je prendrai un exemple très concret. Une école communale relève par définition de la compétence de la commune mais celle-ci ne peut, à elle seule, mettre cet établissement aux normes d’accessibilité. Il faudrait que l’intercommunalité puisse intervenir dans cette école alors même que celle-ci ne relève pas de ses compétences.
Il ne s’agit pas que l’intercommunalité puisse prendre la compétence scolaire, mais qu’elle puisse malgré tout intervenir en matière d’accessibilité dans les locaux scolaires, ce qui n’est pas possible en l’état de notre droit. Je souhaite, monsieur le rapporteur, que cette éventualité soit creusée parce qu’elle donne un tour très concret à votre objectif. Si nous agissons ainsi, madame la ministre, nous pourrons progresser : je connais des intercommunalités qui élaboreront des plans pour l’ensemble des écoles de leur secteur et qui donneront un vrai coup de main aux communes, avec un financement partagé. En faisant cela, nous sortirons des principes généraux et nous avancerons sensiblement.
Ce qui est valable pour les écoles l’est aussi pour les transports. Les intercommunalités peuvent gérer le transport périurbain avec les communes et être ainsi soumises à une obligation de mise en accessibilité : nous sommes donc toujours dans le même état d’esprit.
Madame Lemorton, vous vous exprimez toujours hors micro. Quel dommage pour la qualité de nos débats…
Nous pensons d’une part que c’est le seuil qui pose problème, et d’autre part que l’intercommunalité peut être une piste, une réponse adaptée aux difficultés des petites communes à respecter les normes d’accessibilité. Sur ces deux points, le texte est mal écrit. Il ne tient pas.
C’est pourquoi nous aurions préféré une vraie loi plutôt qu’une procédure d’habilitation, avec éventuellement une deuxième lecture, afin d’améliorer le texte par la navette législative. Car aujourd’hui, votre texte n’est pas opérant sur ces deux points.
Je pense que l’intercommunalité est la réponse adaptée. Marc Le Fur vous a posé une vraie question au sujet des compétences communales : l’intercommunalité pourra-t-elle intervenir en matière d’accessibilité ? Ce sont là deux ou trois sujets majeurs pour lesquels il nous faut absolument des réponses, sans quoi nous aurons un texte inopérant. Or qui dit texte inopérant dit accessibilité inopérante en milieu rural.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà développées. Vous confondez, je suis désolé de vous le dire, les ERP, établissements recevant du public, et les PAVE, plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics. C’est des PAVE que nous sommes en train de parler ! Le cas de l’école évoqué par M. Le Fur ne relève donc pas de ce dispositif. Nous ne pouvons que refuser vos amendements, ce n’est pas la bonne problématique.
Par ailleurs, les communautés de communes ou les communautés d’agglomération peuvent déjà parfaitement accompagner les ERP – comme les écoles, monsieur Le Fur – quand elles distribuent des aides aux communes. Il se trouve que j’ai été président d’une communauté d’agglomération qui intervenait en ces matières sans avoir la compétence handicap. Elles aident à financer des travaux sur les bâtiments communaux qui peuvent être des travaux d’accessibilité. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Nous avons bien compris que l’alinéa 3 concernait les plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements d’espaces publics, mais permettez-nous de vous répéter que cette question des seuils n’est absolument pas pertinente. Ce qui compte davantage, c’est le nombre de personnes concernées par une situation de handicap.
Nous discutions tout à l’heure des notions de « prioritaire » et de « non prioritaire » ; de la même façon, il est question dans l’alinéa 3 des « voies les plus fréquentées ». Va-t-on, là encore, fixer un seuil ? Cinq mille véhicules par jour, cent piétons par matinée ? Cette notion de « plus fréquenté » doit être précisée, tout comme celle de « prioritaire », sinon tout sera arbitraire.
Je suis saisie d’un amendement no 67 rectifié qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 77 et 76 .
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement.
Il s’agit d’un sujet qui intéresse tout le monde, à commencer par M. Le Fur : les chiens guides d’aveugle. Le présent amendement a pour but d’élargir le champ des personnes autorisées à entrer dans les lieux publics accompagnées par leur chien guide d’aveugle. Dans l’état actuel de la loi, il s’agit des titulaires d’une carte d’invalidité, c’est-à-dire de gens dont le taux d’invalidité est supérieur à 80 %. Mais d’autres personnes handicapées peuvent avoir besoin d’un chien d’assistance ou d’un chien guide d’aveugle avec un taux d’invalidité pourtant compris entre 50 % et 79 %. Jusqu’à présent, la loi ne leur donnait pas l’autorisation de circuler librement avec leur chien. L’objet de cet amendement est donc de clarifier la rédaction initiale du texte, l’objectif étant d’élargir le champ des bénéficiaires, pas celui des lieux concernés, la loi étant déjà suffisamment large sur ce point puisqu’elle vise tous les lieux ouverts au public. Je précise d’emblée que les commerces, dont vous traitez dans l’un de vos sous-amendements, monsieur Le Fur, sont déjà compris dans la loi puisque celle-ci s’applique à tous les lieux ouverts au public.
Certains d’entre vous ont soulevé un autre problème : il arrive en effet que ce droit à être accompagné par son chien ne soit pas respecté. Pour améliorer cela, le Gouvernement a publié un décret en février 2014 qui crée d’une part un label pour les centres d’éducation de chiens d’aveugle et d’autre part une carte nationale attestant que le chien a été éduqué dans un centre ainsi labellisé. Cette carte permettra à la personne d’entrer dans tous les lieux où le chien doit être accepté. C’est valable pour tous les lieux publics, mais également quand on se rend chez le kinésithérapeute, quand on va se faire faire une piqûre ou quand on prend le taxi : dans tous ces cas, le chien doit être accepté. Tel est le sens de cet amendement.
Je confirme, madame la ministre : c’est une bonne chose, que le Gouvernement ait pensé à introduire cette disposition dans le texte. Je souhaiterais toutefois l’enrichir.
Vous affirmez que la personne doit pouvoir accéder à ces lieux. Très bien, mais j’ajouterais qu’elle doit pouvoir le faire gratuitement. En effet, les comportements tarifaires sont très différents selon les organismes de transport : certains font payer, d’autres non. La question se pose notamment pour la RATP, qui continue à faire payer. Mon idée est simple : il faut passer d’une liberté formelle à une liberté réelle – certains d’entre vous ont appris ces mots dans leur tendre enfance. Il faut pour cela qu’il y ait gratuité.
Nous pourrions nous retrouver sur ce point. Objectivement, cela ne changerait pas grand-chose pour la SNCF, qui, d’après ce que l’on me dit, fait déjà des efforts, que nous saluons. Mais ce n’est pas le cas de l’ensemble des organismes de transport. Nous pourrions donc me semble-t-il nous retrouver sur ce sous-amendement no 77 .
Oui, ce serait une bonne chose, chacun peut en convenir.
Pour ce qui est du sous-amendement no 76 , j’ai parlé tout à l’heure des chiens d’assistance, qui sont formés, comme les chiens d’aveugle, à se rendre dans des commerces. Là où des centres de formation existent, je salue les commerçants qui ont su leur ouvrir leur commerce : ce n’est pas toujours évident, parce que ces chiens peuvent faire peur ou troubler, alors qu’en fait ils sont parfaitement éduqués et ne posent vraiment aucun problème. Mais ce n’est pas le cas partout. Ajouter le mot « commerces » dans le texte me semblerait beaucoup plus explicite. Vous me rétorquerez que les commerces sont de fait déjà intégrés : je veux bien le croire, madame la ministre, mais je pense qu’il faut parfois savoir être très explicite et utiliser des mots que chacun est susceptible de comprendre. Tel est donc l’objet de ce sous-amendement, qui est plus formel que le précédent. Il ne mange pas de pain et il permettrait d’être plus explicite.
Quel est l’avis de la commission sur les deux sous-amendements et sur l’amendement ?
Avis favorable sur l’amendement du Gouvernement. Je remercie Mme la ministre d’avoir reformulé le texte, qui pouvait prêter à confusion.
Concernant les sous-amendements de M. Le Fur, le no 77 est déjà satisfait par la loi : il s’agit de l’article 88 de la loi du 30 juillet 1987. En revanche, vous proposerez dans un autre amendement d’établir un rapport sur l’effectivité des ces dispositions, et j’y serai favorable. C’est mieux que de légiférer quand une loi existe déjà. Avis défavorable.
Quant au sous-amendement no 76 , la formulation proposée par Mme la ministre est déjà pleinement satisfaisante puisqu’elle tient compte des commerces. Son amendement a en effet pour objet d’étendre le champ des bénéficiaires des dispositions autorisant l’accès des chiens guides d’aveugle « aux lieux d’exercice d’une activité professionnelle », ce qui est le cas des commerces. Avis défavorable également.
Défavorable. J’ai oublié de préciser tout à l’heure que l’élargissement de l’autorisation de circuler s’appliquera aussi aux chiens en formation, accompagnés de leur seul éducateur, c’est-à-dire en l’absence de la personne handicapée. Cela aussi apporte une amélioration.
Je tiens à saluer l’avancée proposée par le Gouvernement, avec cette disposition relative aux chiens guides d’aveugle et aussi avec le décret de février 2014 qui permet de répondre à des situations qui n’étaient pas correctement prises en compte.
Je suis assez sensible aux propos de M. Le Fur sur la formation et la reconnaissance des écoles et associations concernées. Nous aurons sans doute encore quelques avancées à réaliser sur ce point. Une enquête récente du Défenseur des droits a du reste montré que certaines discriminations existent à l’encontre des personnes aveugles qui se voient refuser d’être accompagnées par leur chien, en particulier dans les taxis. Il est donc nécessaire d’assurer une formation, une sensibilisation importante sur ce sujet. Nous débattrons tout à l’heure de la sensibilisation et de la formation des personnels recevant du public et des agents d’accueil, question que nous avions déjà abordée hier et sur laquelle nous devrons encore réaliser des avancées. Il faut notamment rappeler les obligations existantes car, même si le décret est signé et que le sujet est mieux connu, il n’en demeure pas moins trop souvent des refus illégitimes.
Deux remarques, madame la ministre, sous forme d’objection. Tout d’abord, une remarque de fond : vous avez dit qu’on n’avait pas besoin de légiférer parce qu’un décret a été publié en février 2014.
Non, ce n’est pas ce que j’ai dit !
Je m’interroge donc au regard de l’article 34 de la Constitution : dès lors que l’on touche à la liberté d’aller et de venir, cela relève-t-il juridiquement du décret ? Je pense que de tels principes, touchant à la liberté des personnes handicapées, doivent être posés par la loi. En effet, quand se pose un problème technique comme le fait de ne pas autoriser le chien d’aveugle à accompagner la personne handicapée, on touche de facto à sa liberté d’aller et venir. Il s’agit donc d’un problème juridique.
Ensuite, il y a un problème de fond sur lequel vous allez peut-être pouvoir m’éclairer parce que je ne suis pas aussi calé que vous sur le sujet : il me semble qu’il existait un problème pour les jeunes chiens en formation, qui a été réglé par le décret, mais aussi pour les chiens qui ont perdu leur statut de chien guide d’aveugle. Or vous savez qu’une personne handicapée aveugle s’habitue à la présence d’un animal domestique et que, même lorsque cet animal a cessé son activité de chien d’aveugle et qu’elle possède un nouveau chien, cette personne a généralement du mal à s’en séparer et qu’elle préfère le conserver jusqu’à ce qu’il décède. Je ne suis pas certain que votre décret tel qu’il est formulé permettra à des chiens d’aveugles qui ne sont plus certifiés comme tels d’accompagner les personnes handicapées. Tel qu’il est rédigé, le sous-amendement de Marc Le Fur permet de corriger ce problème pratique dont des associations de mon département m’ont parlé.
Madame la ministre, il pourrait y avoir consensus sur ce sujet. Votre texte oblige désormais les différents opérateurs à accueillir ces chiens. C’est très bien. Mais au-delà de l’obligation, il faut garantir la gratuité d’accès. Si ces chiens sont présents, ce n’est pas pour le plaisir de les promener mais parce qu’ils sont indispensables à la mobilité des personnes handicapées et des aveugles, comme le serait un équipement mécanique. Il n’y a pas de raison de faire payer une personne handicapée pour son fauteuil, et il n’y a pas davantage de raison de faire payer pour un chien qui accompagne une personne qui souffre de handicap. La gratuité doit donc être un principe.
Le rapporteur nous explique que la gratuité figure dans les textes, mais je connais bien les associations de ma circonscription. Par exemple, le centre d’accueil pour personnes handicapées qui est situé à Quintin, cette petite ville où j’habite et que connaît parfaitement Mme le Houerou, me dit bien que dans les faits, on exige de ces personnes qu’elles payent. Venez leur demander !
Nous n’avons pas souvent l’occasion de débattre des questions du handicap. Du reste, vous n’avez pas présenté un seul texte sur ce sujet en deux ans. Pour une fois que nous en avons l’occasion, essayons de progresser au bénéfice des personnes handicapées.
Le problème risque d’être le même que pour le stationnement, gratuit ou non suivant les communes, des véhicules des personnes handicapées. Il y a des disparités territoriales.
Madame la ministre, vous nous présentez un bon amendement. Nous sommes capables de le reconnaître. Mais il mérite d’être enrichi par les sous-amendements de Marc Le Fur, et plus particulièrement le no 77. La gratuité est consubstantielle à la mobilité, elle est absolument nécessaire. En outre, il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures selon qu’on décide de prendre un Intercités, un TGV ou un RER ! Il faut être pragmatique.
Monsieur Sirugue, vous nous dites que cette disposition figure dans les textes. Mais M. Le Fur a cité l’exemple de sa commune et pour ma part je pourrais vous citer Sonthonnax-la-Montagne, Leyssard ou d’autres communes du Bugey qui connaissent cette réalité-là : dans les faits, la gratuité n’est pas appliquée. Donc, de deux choses l’une : soit les textes sont imprécis et le sous-amendement clarifie la situation, soit la loi est mal appliquée, auquel cas il faut prendre des dispositions et prévoir des sanctions.
Soyez patient, monsieur le député !
Madame la ministre, je vous propose d’adopter le sous-amendement no 77 puis de faire le point. Si l’on s’aperçoit qu’il s’agit surtout d’un problème de sanction, alors on pourra réviser le dispositif. Mais il est important de faire preuve de volontarisme en politique, et nous pouvons le faire dès ce soir. Il n’y a déjà pas grand-chose dans ce projet de loi d’habilitation, il est absolument nécessaire d’adopter cette disposition à l’unanimité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la ministre, vous n’avez pas accepté un seul de nos amendements !
L’amendement no 67 rectifié est adopté et les amendements nos 39 et 33 tombent.
Cet amendement vise à substituer, à l’alinéa 5 de l’article 3, au mot « handicapées » les mots « en situation de handicap ». Madame la ministre, dans votre propos introductif, vous avez vous-même parlé des personnes qui sont en situation temporaire de handicap, par exemple les blessés ou les femmes enceintes.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, même s’il comprend bien votre intention, monsieur Aboud. Nous avons une vision universaliste, c’est-à-dire que nous voulons élargir le champ d’application du dispositif. Mais il y a aussi des personnes qui sont concernées par l’accessibilité et qui ne sont pas en situation de handicap. Lors de la concertation, l’une des demandes fortes des associations de personnes handicapées a été de renommer les commissions d’accessibilité des personnes handicapées en ne parlant plus que de « commission d’accessibilité », sans plus de précision.
Madame la ministre, j’ai l’impression d’avoir parlé tout à l’heure dans le vide puisque je vous ai interrogée tout à l’heure sur l’article 34 de la Constitution sans obtenir de réponse. Au coeur de la nuit, on pourrait parfois espérer qu’un dialogue se noue entre la majorité et l’opposition.
Pour ce qui est de la proposition de M. Aboud, elle est consensuelle et permet d’élargir la rédaction. Votre réponse, c’est qu’on ne parle désormais plus que de « commission d’accessibilité », sans plus de précision, et que donc on ne peut passer des personnes handicapées aux personnes en situation de handicap. J’ai beau chercher la logique, je crains que ce ne soit tout simplement de la mauvaise foi. En réalité, vous avez décidé de faire du handicap un sujet politique. Chaque fois que l’opposition présente un amendement, fût-il minime, il pèche par son origine et est proscrit dès le départ. Je le regrette car, comme l’ont dit mes collègues, nous avons peu d’occasions de discuter du handicap. Les amendements que nous vous proposons ne sont pas révolutionnaires. Nous essayons seulement d’améliorer le projet d’ordonnance. C’est cela, la démocratie.
Madame la ministre, je n’ai pas compris en quoi le fait de remplacer « handicapées » par « en situation de handicap » restreignait le champ des personnes concernées. Je suis favorable à cette modification car elle relève d’une approche inclusive, qui considère que le handicap est lié à la situation, à l’environnement dans lequel on évolue. C’est typiquement celle du modèle scandinave et du modèle suédois.
L’amendement no 34 n’est pas adopté.
Il s’agit de la prise en compte d’une vision plus globale de la mobilité et de l’accessibilité, notamment avec la problématique du vieillissement de la population. Cet amendement vise donc à une meilleure représentativité des publics concernés.
La parole est à Mme Kheira Bouziane, pour soutenir le sous-amendement no 66 .
Nous proposons, à l’alinéa 4 de l’article 3, de substituer au mot publics » le mot « acteurs » pour permettre d’associer tous les acteurs : publics, professionnels et l’ensemble de ceux qui sont impliqués par l’aménagement et l’adaptabilité de la société.
La commission est favorable aux amendements et au sous-amendement no 66 .
Je suis favorable aux amendements, mais je souhaiterais qu’ils soient rectifiés en supprimant les mots « à cette fin ». En conservant ces mots, vous limitez la composition de la commission aux seuls acteurs que vous avez précités.
Madame la ministre, les amendements rectifiés seraient donc ainsi rédigés : À l’alinéa 5, substituer aux mots : «, élargir leur composition » les mots : « pour tenir compte de tous les publics concernés par un cadre de vie adapté, élargir leur composition ».
Quel est l’avis de la commission ?
Favorable aux amendements tels qu’ils viennent d’être rectifiés et au sous-amendement.
Favorable.
Madame la ministre, je tiens à souligner le caractère comique de la situation. Dans l’amendement précédent, mes collègues vous ont proposé de modifier l’appellation de la commission pour élargir le public. Vous avez refusé, car nous n’avions rien compris. L’amendement no 40 rectifié , qui, lui, est défendu du bon côté de l’hémicycle, vise à élargir la composition des commissions pour embrasser le plus possible d’acteurs. Et vous y êtes favorable ! N’est-ce pas de la politique politicienne, une forme de sectarisme, et même une forme d’incohérence ? Soit on considère que le nom de la commission doit refléter la composition, et donc on doit conserver une vision étroite – je ne suis pas d’accord avec cette position, mais je peux la comprendre – soit on privilégie une vision large, auquel cas il faut accepter l’amendement no 34 .
Le sous-amendement no 66 est adopté.
On a parlé de la dénomination des commissions communales et intercommunales et de leur composition. Je vous propose ici d’ajouter le mot « régularité », c’est-à-dire de préciser leur calendrier de réunion. On sait très bien que souvent ces commissions ne se réunissent qu’une fois par mandat.
Défavorable. Fixer le calendrier de réunion des commissions ne relève pas du domaine législatif. Par ailleurs, je précise que cela porte encore une fois atteinte au principe de libre administration des communes.
Défavorable.
Non, donner un calendrier à titre indicatif ou fixer un certain nombre d’objectifs ne porte pas atteinte au principe de libre administration des communes ! Ce n’est pas un argument recevable ! En revanche, tout le monde peut constater l’irrégularité des réunions de ces commissions départementales. Malheureusement, ce constat vaut également pour les conférences nationales du handicap que vous avez mises en place.
En définitive, il y a de fortes attentes, mais peu de résultats. C’est pour cela que je vous avais posé une question similaire sur les calendriers de réunion de l’observatoire de l’accessibilité : l’efficacité de ces dispositifs requiert une régularité des réunions.
Je voudrais souligner l’incohérence à la fois du rapporteur et du Gouvernement.
Incohérence du rapporteur, tout d’abord, qui vient de nous donner une leçon de droit sur une disposition qui ne relèverait pas du domaine de la loi. Pourtant, lorsque j’ai parlé tout à l’heure d’une autre disposition qui relevait du domaine de la loi, je n’ai jamais obtenu de réponse juridique… Mais au moins cette réponse prouve-t-elle que le droit et l’article 34 de la Constitution intéressent parfois nos collègues de la majorité.
Incohérence du Gouvernement, ensuite. Je me rappelle en effet d’un texte assez récent sur l’économie sociale et solidaire, où vous n’avez pas hésité à prévoir une conférence régionale de l’économie sociale et solidaire qui se tiendrait tous les deux ans. C’est bien un calendrier de réunion.
Ainsi, dans le cadre du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, il est tout à fait légitime que le législateur, car le Gouvernement le propose, décide du rythme des réunions. Mais en matière de handicap, lorsque la droite propose non pas de fixer un délai, mais de donner un cadre, cela ne relève plus du tout des compétences du législateur ! On est en pleine incohérence et, malheureusement, le débat sur le handicap ne démarre pas.
L’amendement no 35 n’est pas adopté.
Le risque de cette habilitation accordée au Gouvernement de rédiger des ordonnances, c’est la dépossession du Parlement. Cela pose un problème sur le plan démocratique, car le recours aux ordonnances implique que la technocratie prend le pouvoir, et cela comporte également un risque d’opacité, puisque les débats publics, accessibles à tous, en particulier aux associations de personnes handicapées, laisseront place à une rédaction dans le secret des bureaux. Mon amendement vise à réintroduire le Parlement dans la procédure, en prévoyant que les membres du fonds nouvellement créé soient désignés après examen parlementaire.
La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement identique no 47 .
La création d’un fonds destiné à recevoir le produit des sanctions financières prononcées en lien avec les agendas d’accessibilité programmée est une bonne initiative. Il est également pertinent d’avoir adopté, en commission, un amendement prévoyant d’associer à la gestion de ce fonds les représentants de l’État et des collectivités territoriales, d’une part, ainsi que les représentants des personnes en situation de handicap et des acteurs de la vie économique d’autre part.
Mais il paraît nécessaire d’encadrer davantage ce fonds, car ses modalités de fonctionnement restent incertaines, voire contradictoires. La nomination et la désignation de ses membres doivent être l’objet d’une procédure transparente, ce qui pourra être le cas si un comité de parlementaires donne son aval, ainsi que les représentants des personnes en situation de handicap et les acteurs de la vie économique, qui sont des experts dans ce domaine. C’est pourquoi, cet amendement inscrit l’obligation de nomination des membres du fonds par décret, après approbation d’une commission parlementaire.
La création d’un fonds est une bonne initiative, mais le diable est dans les détails : vous entretenez volontairement le flou sur la façon dont sera utilisé l’argent récolté. D’ailleurs, l’étude d’impact indique que l’objet du fonds et son organisation seront précisés par ordonnance ! Ce n’est pas satisfaisant, car encadrer les pouvoirs du Gouvernement relève également du rôle du législateur.
Cette même étude d’impact indique également que le fonds pourra être mobilisé par les maîtres d’ouvrage en grande difficulté financière afin de leur permettre d’engager des travaux pour faciliter l’accessibilité des bâtiments les plus nécessaires à la qualité de vie des personnes handicapées, qu’il permettra une traçabilité de l’utilisation des fonds collectés et qu’il pourra aussi favoriser des actions de recherche et développement en matière d’accessibilité universelle. Si favoriser des actions de recherche en matière d’accessibilité paraît une bonne idée, il semble nécessaire d’inscrire dans le projet de loi l’objet que doit poursuivre ce fonds. L’argent récolté doit notamment permettre en priorité d’accélérer la mise en oeuvre des projets permettant une plus grande accessibilité des transports et établissement publics, dont nous sommes tous bénéficiaires.
Défavorable, car votre proposition est satisfaite par les deux orientations définies dans le cadre de la concertation.
Défavorable.
Je regrette, mais vous n’avez pas répondu à une question très importante : qui va gérer ce fonds ? Votre rédaction propose d’associer « à parité, les représentants de l’État et des collectivités territoriales, d’une part, ainsi que les représentants des personnes en situation de handicap et des acteurs de la vie économique, d’autre part ». Cela recouvre tout ce qu’on veut ! J’aimerais donc que vous reprécisiez ce point.
J’ai répondu à cette question hier, il fallait être présente !
L’amendement no 73 n’est pas adopté.
Nous en avons déjà discuté hier. Cet amendement concerne la formation de l’ensemble des personnels amenés à accueillir du public. Plutôt que d’imposer une obligation a posteriori pour les établissements recevant du public, mon amendement propose d’intégrer aux formations délivrées par l’éducation nationale et les CFA un module sur l’accueil des personnes handicapées, en particulier les personnes souffrant d’un handicap mental, en s’appuyant sur le répertoire national des certifications professionnelles.
Madame la ministre, l’idée de former et de sensibiliser au handicap est une bonne chose. J’y adhère. Néanmoins, si l’on fait une liste des handicaps, il faut n’en oublier aucun. La loi du 11 février 2005 créant l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles reconnaît parmi les catégories de handicap le polyhandicap et le trouble de santé invalidant. Il faut respecter ces catégories car, derrière ces noms un peu abstraits, des gens et des familles sont concernées. J’ai eu l’occasion, dans ma circonscription, de visiter un centre pour déficients visuels, et ils souffrent pour la plupart de polyhandicap, c’est-à-dire que d’autres handicaps sont associés. Et le trouble de santé invalidant correspond également à une réalité qu’il faut prendre en compte. Mon sous-amendement vise donc à rendre la liste explicite et exhaustive.
Il s’agit de sous-amendements de repli : au cas où vous n’accepteriez pas les deux catégories, je les propose séparément.
Favorable.
Il est procédé au scrutin.
L’amendement no 71 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 79 rectifié .
Il nous ramène au débat de tout à l’heure. Je regrette vraiment que vous n’ayez pas accepté la gratuité d’accès aux transports en commun pour les chiens guides d’aveugles et les chiens d’assistance. Cela relevait pourtant de l’évidence, car vous souhaitez favoriser l’accès des personnes handicapées aux transports publics.
La gratuité est pratiquée dans la majorité des cas, j’en conviens, mais il fallait franchir ce pas. À défaut donc, je propose, selon l’usage, un amendement de repli pour demander au Gouvernement un rapport sur sa mise en oeuvre. J’ai cru comprendre que le rapporteur y était favorable. Ce n’est pas ce que je souhaitais, mais à défaut de grives…
Sourires.
Sagesse.
C’est quand même dommage : accepter ce rapport, cela signifie que nous partageons l’objectif final de gratuité, sans l’avoir pour autant voté tout à l’heure !
Honnêtement, c’est une nouvelle occasion manquée de favoriser l’accessibilité.
L’amendement no 79 rectifié est adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
Cet article précise les modalités pratiques des ordonnances prévues aux articles 1er à 3 habilitent le Gouvernement à procéder par ordonnance. Or je maintiens que les alinéas 2 et 3 de l’article 3 sont mal rédigés et plus qu’équivoques.
Nous avons tous compris que le plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics peut devenir facultatif pour des communes de moins de 500 habitants. Si l’ordonnance fixe réellement ce seuil à 500 habitants, l’esprit de nos débats sera respecté. Mais ce que le projet de loi prévoit, c’est que ce seuil ne peut être inférieur à 500 habitants : il peut donc être fixé à 20 000 habitants, par exemple ! L’élaboration par une commune de 20 000 habitants d’un plan de mise en accessibilité serait alors facultative.
Il faudrait donc prévoir que ce seuil ne peut être supérieur à 500 habitants. La même démonstration vaut pour le troisième alinéa de l’article 3, qui prévoit que le seuil ne peut être inférieur à 1 000 habitants.
En effet, il faut imposer la remise d’un rapport sur le fonctionnement de ce fonds.
Avis défavorable, car j’ai déposé un amendement, no 54 , sur le même sujet.
Il me paraît en effet important d’assurer un suivi, non pas seulement sur le fonctionnement du fonds, comme cela a été suggéré, mais bien sur l’attribution des financements. Je propose donc à mes collègues de retirer leur amendement au profit du mien.
Sagesse !
Je reviens sur la gestion du fonds dédié. Vous nous dites, madame la ministre, que vous avez répondu hier sur ce point. Cela vous ennuierait-il de préciser à nouveau la composition de cette instance ? J’ai le rapport entre les mains et je n’y trouve aucune indication.
L’amendement no 54 est adopté.
L’article 4, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 4. Je vous annonce que, sur l’amendement no 19 , je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est d’ores et déjà annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 19 .
Je souhaite que cet amendement suscite le consensus. Pour cela, j’ai repris in extenso une proposition de loi déposée par le sénateur socialiste Didier Guillaume, je tiens à préciser son nom parce qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, qui a été adoptée par le Sénat et qui vise à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires d’une carte de stationnement.
Je pense que, sur le fond, cette proposition est extrêmement intéressante, importante et attendue. Elle a d’ailleurs fait l’objet d’une grande publicité dans les revues spécialisées. Vous connaissez la problématique : il est très difficile pour une personne en situation de handicap de mettre périodiquement des pièces dans le parcmètre. Mais comme nous attendons l’inscription à notre ordre du jour de ce texte adopté par le Sénat depuis de nombreux mois et qu’il n’a toujours pas été déposé sur le bureau de l’Assemblée, j’ai pensé que ce débat sur l’accessibilité et le handicap était le moment idéal pour faire avancer les choses. Je vous propose donc d’adopter cet amendement qui permettra l’entrée en vigueur de ce dispositif qui, je le répète, n’émane pas de nos bancs mais des vôtres.
Ce dispositif ne cadre pas avec l’objet du présent projet de loi, qui habilite le Gouvernement à prendre des mesures d’ordre législatif par voie d’ordonnance. Avis défavorable.
Défavorable.
Est-ce vraiment la raison ? Pour la bonne cause, mes chers collègues, vous auriez pu vous affranchir de cette contrainte et « tordre » un peu le droit, comme nous l’avons fait de nombreuses fois dans cet hémicycle. Mais puisque je me heurte à un mur et qu’il n’y a visiblement pas de dialogue, j’aimerais au moins savoir si, considérant le contexte, vous pouvez prendre l’engagement d’inscrire très rapidement cette proposition de loi à notre ordre du jour. Elle correspond en effet à un réel besoin et elle est attendue par de nombreux concitoyens. Mais je n’aurai visiblement pas plus de réponse !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 28 Nombre de suffrages exprimés: 27 Majorité absolue: 14 Pour l’adoption: 10 contre: 17 (L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
Avant de donner la parole à M. Abad pour défendre l’amendement no 70 , je vous informe que, sur cet amendement, je suis également saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Le scrutin est d’ores et déjà annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement no 70 .
Je suis surpris par les vociférations de mes collègues socialistes qui qualifient d’obstruction un simple pouvoir du Parlement.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il est dommage qu’une fois dans la majorité vous ayez changé d’avis, vous qui avez défendu les pouvoirs du Parlement alors que vous étiez dans l’opposition !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Mais ne vous inquiétez pas, les faits vous rattraperont !
Peut-être considérez-vous cet amendement comme anodin, mais il est fondamental. Il concerne en effet les travaux d’aménagement, qui représentent, vous le savez, une lourde charge pour les personnes handicapées. Il est vrai que la prestation de compensation pour l’aménagement du logement permet de financer une partie de ces travaux, pour un montant maximum de 10 000 euros sur dix ans. C’est une aide significative, mais qui reste parfois insuffisante.
Je propose en conséquence, pour réaliser des travaux de mise en accessibilité des logements, un crédit d’impôt de 25 % pour l’autonomie des personnes âgées ou handicapées, dans un plafond de 5 000 euros pour une personne seule et de 10 000 euros pour un couple. Les personnes handicapées peuvent également trouver une source de financement dans le principe du prêt à taux zéro, prêt financé par l’État et remboursable sans intérêt, pour la construction ou l’acquisition d’un logement neuf ou encore l’acquisition d’un logement ancien.
L’objet de cet amendement est de permettre aux personnes handicapées moteur ou aux personnes chez qui elles habitent de bénéficier d’un prêt à taux zéro pour le financement de travaux d’aménagement de leur résidence principale. Cet amendement de bon sens, qui a été défendu par Gérald Darmanin lors de l’examen de ma proposition de loi sur la société inclusive, apporterait quelque contenu à votre projet de loi d’habilitation.
M. Abad a raison : il s’agit effectivement d’un amendement extrêmement important. Il l’est à ce point qu’il mérite d’être étendu au vieillissement. Il sera donc repris dans le projet de loi sur le vieillissement et dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.
Je vous demande, pour cette raison, de bien vouloir le retirer. À défaut, je serai obligé d’émettre un avis défavorable.
Je vous ai entendu, mais je maintiens cet amendement pour lancer un appel. Nous serons vigilants lors des prochains débats budgétaires et ferons en sorte que ce dispositif soit effectif dès la loi de finances.
Défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 29 Nombre de suffrages exprimés: 29 Majorité absolue: 15 Pour l’adoption: 11 contre: 18 (L’amendement no 70 n’est pas adopté.)
Sur l’ensemble du projet de loi, j’indique d’ores et déjà que je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Damien Abad, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ce projet de loi d’habilitation est malheureusement encore un rendez-vous manqué avec les personnes en situation de handicap, mais, surtout, avec l’ensemble des Français. En effet, l’accessibilité n’est pas une option, mais une nécessité, et l’accessibilité pour tous est une nécessité absolue. Votre texte est bien en deçà des enjeux et des attentes. Si seul le groupe UMP l’affirmait, vous pourriez considérer que c’est une posture d’opposition. Mais les associations de personnes handicapées vous le disent ! Et les 225 000 pétitionnaires de l’APF vous disent aussi que le compte n’y est pas !
Tous les citoyens qui souffrent d’une blessure temporaire qui leur cause un problème de mobilité considèrent que le compte n’y est pas !
Il est essentiel, pour la bonne tenue de ces débats, de reconnaître que le handicap mérite mieux qu’un simple projet de loi d’habilitation. Là non plus, le compte n’y est pas. Il est regrettable qu’une question aussi majeure que celle du handicap ne soit traitée que dans un tel projet de loi d’habilitation, avec une seule lecture. Le débat a été escamoté. Les réponses ont été souvent partielles, voire partiales. Nous aurions préféré avoir un vrai débat, une véritable concertation pour tenter, comme cela fut par le passé, de trouver un consensus sur des sujets qui méritent davantage que des querelles partisanes.
Sur le fond, force est de constater que votre projet de loi d’habilitation ne contient que quatre articles, dont deux majeurs où il n’est, en fait, mentionné que la nécessité de reporter des dates. Nous concevons, bien entendu, que tout ne deviendra pas accessible en 2015. Nous ne voulons pas être des vendeurs de rêve. Nous devons toutefois faire preuve de volontarisme politique.
Ce volontarisme politique a manqué, ce soir, dans vos rangs. Il a manqué dans vos propos et dans votre texte, madame la ministre. Je suis certain qu’il manquera également dans vos ordonnances.
Il faut mettre du contenu dans ces ordonnances, renforcer les délais, prévoir les modalités financières et progresser sur tous les points qui feront que l’accessibilité pour tous ne soit pas simplement un slogan, mais une réalité communément partagée pour les douze millions de Français qui en ont tant besoin !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Ce texte est parti d’un constat d’insatisfaction qui, il faut le reconnaître, peut être partagé. Il aurait dû être possible, entre 2005 et 2015, de rendre accessibles tous les établissements recevant du public, les transports en commun et la voirie. Or nous savons que ce n’est malheureusement pas le cas. Je partage un peu votre point de vue, monsieur Abad : il y a un manque de volonté, et à tous les niveaux, même si certaines collectivités locales ou sociétés de transport ont fait preuve de volontarisme et ont réussi à avancer.
L’État lui-même n’a pas fait montre d’une volonté suffisante. Il me semble inutile de faire de la politique politicienne et je ne rappellerai donc pas qui prenait les décisions pendant ces dix ans, car la responsabilité est manifestement partagée. Et l’on savait déjà en 2005, même si je n’étais pas législateur à l’époque, que la loi serait difficilement applicable, même en dix ans.
Il fallait donc trouver une solution. Les innombrables recours juridiques qui n’auraient pas manqué de se développer, en toute logique, à l’échéance prévue n’en auraient pas été une. Il faut conserver l’objectif de faire en sorte que les établissements recevant du public soient accessibles. Ce qui est ici proposé n’est évidemment pas parfait, mais c’est une tentative de sortie par le haut, à quelques mois de la date butoir de 2015. C’est pourquoi le groupe écologiste votera ce projet de loi.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Si la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a suscité beaucoup d’espoirs, sa mise en oeuvre a énormément déçu. À quelques mois de l’échéance du 31 décembre 2014, l’accessibilité demeure un combat quotidien pour des millions de personnes en situation de handicap, que cette situation soit temporaire ou permanente. C’est le résultat d’une absence de volonté politique de la part des gouvernements successifs qui s’est traduite dans les faits par une absence de financement et une absence totale de suivi, laissant chacun faire un peu, beaucoup ou pas du tout.
De ce point de vue, on peut s’étonner de l’arrogance manifestée par nos collègues de droite alors qu’ils ont laissé la situation se dégrader sans prendre aucune mesure au cours des dix années écoulées pour permettre de surmonter les difficultés. La modestie et la modération seraient, à mon sens, de mise ce soir. Nous comprenons que ce texte tente d’apporter des réponses à une situation difficile. Aucune des mesures qu’il préconise ne nous heurte et la mise en place de l’agenda d’accessibilité programmé décrivant les travaux pluriannuels et leur financement pour obliger tous les acteurs à entrer dans la démarche est plutôt une bonne idée.
Là n’est donc pas le problème. Même l’habilitation par ordonnance aurait pu, dans ce cas particulier et dans l’urgence, être exceptionnellement acceptée. Mais le problème est ailleurs : nos concitoyens en ont assez des promesses non tenues et des engagements pris et jamais respectés. C’est particulièrement le cas des personnes handicapées et de leurs associations qui, depuis dix ans, voire depuis quarante ans si l’on se réfère à la loi d’orientation de 1975, laquelle fixait déjà l’obligation de mise en accessibilité, attendent et espèrent tant ces aménagements sont absolument indispensables à leur vie quotidienne.
Or ce texte est à nouveau la promesse d’un progrès, ce qui est illusoire car impossible en l’absence de moyens, comme c’était d’ailleurs déjà le cas en 2005. Comment le Gouvernement peut-il, d’un côté, demander aux communes d’établir un calendrier financé pour se conformer à la loi de 2005 et, de l’autre, les priver de moyens en diminuant comme jamais leurs dotations ? Dans ces conditions, il est évident que ces aménagements ne pourront pas être réalisés et qu’une fois de plus, les espoirs seront déçus.
Nous voulons bien saluer la volonté politique que manifeste le Gouvernement en mettant en place des outils sans aucun doute utiles, mais nous refusons de participer à un leurre qui non seulement place les collectivités dans une situation financière intenable mais les désigne in fine comme responsables de l’absence d’accessibilité des bâtiments publics et des voiries.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe GDR a finalement décidé de voter contre ce texte.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Nous arrivons au terme de l’examen de ce texte relatif à la loi de 2005. Le gouvernement précédent avait fait un diagnostic sérieux, il faut d’ailleurs saluer l’action de Jean-Marc Ayrault en la matière, en créant un outil de pilotage et en adoptant une méthode qui permettra normalement de poursuivre la dynamique engagée en 2005.
En 2005, je le répète, nous avions légiféré à bon compte, en fixant la date du 1er janvier 2015. Nous devrons cette fois-ci, je l’ai dit hier, trouver une méthode différente, avec des rendez-vous réguliers impliquant l’ensemble des acteurs concernés pour anticiper les difficultés et définir en amont des solutions pour y répondre.
Il faut noter l’absence de volet financier, au moment où le Gouvernement baisse la dotation globale de fonctionnement. Nous sommes par ailleurs allés trop dans les détails. Autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances et discuter dans les détails de la formation des chiens d’aveugles, de vous à moi, ce n’est pas du tout satisfaisant !
Pour autant, en dépit de ses imperfections et de ses insuffisances, dans un souci républicain, le groupe UDI soutiendra ce projet de loi.
Les socialistes ne défendent même pas leur texte ! Assumez, mes chers collègues !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 32 Nombre de suffrages exprimés: 30 Majorité absolue: 16 Pour l’adoption: 23 contre: 7 (Le projet de loi est adopté.)
L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive (nos 1909, 1957).
Mes chers collègues, l’ordre du jour de demain étant réservé, nous devons impérativement lever la séance à une heure. J’en appelle au sens de la responsabilité de chacun pour que nous puissions faire le maximum dans le temps qui nous reste.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, nous traitons ce soir d’une proposition de loi qui est en fin de parcours : un très beau parcours, exemplaire, rapide aussi, il faut en convenir.
Cette proposition de loi est issue des travaux d’une très grande qualité de la mission d’information conduite par Alain Tourret et Georges Fenech, dont les conclusions avaient été adoptées à l’unanimité par la commission des lois en décembre. Le Gouvernement est heureux de s’y être associé dès le début, nous y avons veillé. Elle est discutée lors d’une semaine de contrôle du Parlement, tout le mérite vous en revient donc, mais le Gouvernement avait fait part de son souci qu’elle puisse revenir devant l’Assemblée nationale dès la première opportunité.
C’est un texte extrêmement important, sur un sujet très sérieux, très délicat aussi, puisque, je l’ai souligné en première lecture, il fallait trouver la voie étroite entre la volonté d’éviter les risques d’erreur judiciaire et la nécessité de respecter l’autorité de la chose jugée, indispensable aux victimes, aux auteurs et à l’ensemble du corps social. C’est en effet la mission même du procès pénal que d’apporter l’apaisement, de mettre un terme aux conflits et donc de ne pas permettre une remise en cause sans fin des procédures pénales.
Vous avez réussi à trouver cette voie étroite. La preuve en est que ce texte a été adopté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée et au Sénat et qu’il le sera probablement aussi cette nuit.
J’en rappelle très rapidement les innovations fortes, et d’abord la création d’une juridiction au sein de la Cour de cassation, la cour de révision et de réexamen des condamnations définitives, pour erreurs de fait en révision, pour erreurs de droit en réexamen, ou en cas de censure par la Cour européenne des droits de l’homme.
Vous précisez la composition de cette juridiction, présidée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, toutes les chambres étant représentées, ce qui introduit un élément qui pouvait manquer au regard des exigences européennes.
Ce texte élargit la liste des personnes habilitées à introduire une requête en révision au procureur général près la Cour de cassation ainsi qu’aux procureurs généraux et, pour ce qui concerne la famille des condamnés, aux partenaires pacsés ou concubins, aux petits-enfants et, disposition introduite par le Sénat, aux arrière-petits-enfants.
Sur votre suggestion, monsieur le rapporteur, la commission des lois a supprimé comme motif de révision ce qu’on appelait les motifs historiques, considérant qu’ils se confondaient avec le fait nouveau ou l’élément inconnu au jour du procès.
La commission de révision devient la commission d’instruction. Il n’y a donc plus d’ambiguïté. Elle est chargée d’instruire et d’apprécier la recevabilité. Vous éliminez ainsi le risque de divergences ou de contradictions entre l’appréciation de la commission de réexamen et celle de la cour de révision.
Le Sénat a souhaité ne pas retenir la référence au moindre doute, mais les débats éclaireront les magistrats sur l’intention du législateur.
Enfin, vous améliorez les procédures de requête, vous améliorez les droits du requérant, vous rendez obligatoire le recours à un avocat pour assister le requérant, vous améliorez les droits des victimes puisqu’elles seront informées plus tôt et mieux. Vous rendez vraiment possible un procès en révision en améliorant les conditions de conservation des preuves, en permettant aux condamnés de s’opposer à la destruction des scellés et en rendant systématique l’enregistrement des procès d’assises.
Avec cette proposition de loi, vous parachevez en fait le caractère juridictionnel de la procédure de révision des condamnations définitives. Vous faites une oeuvre utile, de la façon la plus précise et la plus rigoureuse possible. Le Gouvernement salue ce travail et écoutera bien entendu avec la plus grande attention ces derniers débats sur cette très belle proposition de loi.
Applaudissements.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la ministre, vous avez parfaitement résumé toute l’économie de ce texte. C’est une loi d’humanité. Au moment où je parle, j’ai devant moi tous ceux qui sont actuellement en prison alors qu’ils sont innocents, tous ceux qui n’ont pas pu à un moment donné de leur vie obtenir la révision d’une décision alors qu’il y avait d’évidence un certain nombre d’éléments permettant de le faire. J’ai devant moi Seznec, un peu plus loin Dreyfus. J’ai devant moi ceux qui y sont arrivés et ceux qui n’y sont pas arrivés.
Il n’était pas possible, dans un premier temps, d’obtenir normalement la révision d’une décision pénale, tant la justice était persuadée d’être infaillible. Un Français ne se trompe jamais, un magistrat français encore un peu moins !
Sourires.
L’infaillibilité s’attachait à toutes les décisions de justice.
L’autorité de la chose jugée est une ardente nécessité, c’est un équilibre absolu dans notre société, sans quoi on pourrait revenir de manière systématique sur toutes les décisions, mais il faut aussi faire en sorte que l’erreur judiciaire ne puisse pas être confortée par le système judiciaire. C’est contre cela que nous avons lutté.
Nous avons essayé de le faire de manière exemplaire, avec l’appui de la commission des lois, de ses administrateurs et de son président, que je tiens remercier. Avec Georges Fenech, nous avons passé beaucoup de temps à écouter chacun et à forger cette proposition de loi, sur laquelle il avait déjà réfléchi, je l’en remercie. C’est une majorité d’idée que nous avons réussi à obtenir. Elle s’est transformée en unanimité, et j’en suis particulièrement fier.
Nous avons décidé d’adopter de manière conforme le texte qui nous vient du Sénat. Je tiens à préciser, pour que les choses soient claires et que ce soit inscrit au Journal officiel, que nous avons hésité au sujet de la qualification du doute. Pour un certain nombre de magistrats, un doute, c’est un doute sérieux. Non ! Ce n’est pas un doute sérieux, c’est le moindre doute. Il n’est pas concevable que, lorsqu’il existe un doute, on puisse laisser quelqu’un en prison sans que sa cause soit réexaminée. Je veux absolument que ceux qui liront le compte rendu de nos débats sachent que telle est la volonté du législateur. J’ai entendu nos amis sénateurs expliquer qu’il ne fallait pas donner de qualificatif parce que, plus il y a de qualificatifs, moins le texte est juridique. Mais on est confronté à la notion d’indivisibilité. Il y a doute ou il n’y a pas doute. S’il y a le moindre doute, il y a doute. Voilà exactement ce que les magistrats qui nous liront devront retenir.
Nous avons souhaité que ce texte devienne une loi de la République dans les prochaines semaines. J’espère qu’elle permettra à un certain nombre de personnes innocentes et en prison d’être rejugées.
Cette belle loi d’humanité, madame la garde des sceaux, je suis fier de l’avoir menée avec vous, je suis fier de l’avoir menée avec Roger-Gérard Schwarzenberg et mes amis radicaux qui sont ici. Elle nous tenait particulièrement à coeur. Vous savez que nous sommes des humanistes. Si une loi est véritablement humaniste, c’est bien celle-ci.
Applaudissements.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, combien y a-t-il dans nos prisons d’innocents condamnés à tort pour des crimes qu’ils n’ont pas commis ? Il est impossible de le dire, car la révision effective des condamnations pénales est d’une extrême rareté, d’où l’excellente proposition de loi déposée par Alain Tourret au nom du groupe RRDP.
Depuis 1989, seules neuf condamnations criminelles ont été révisées. Neuf révisions en un quart de siècle, comme s’il n’y avait eu que neuf erreurs judiciaires commises par les cours d’assises en vingt-cinq ans ! Cela paraît peu vraisemblable.
Trois éléments font obstacle à la révision des condamnations pénales définitives dans le droit actuel. Le premier, c’est une conception assez abusive de l’autorité de la chose jugée, pour éviter la remise en cause des décisions de justice en prétendant que cela provoquerait incertitude, insécurité et instabilité des situations juridiques. Vous connaissez l’adage du droit romain, Res judicata pro veritate habetur. C’est un postulat. On postule que la décision définitive est vraie. Elle est tenue pour conforme à la réalité, mais cela peut être une fiction.
Le second point concerne la conception du doute qui a prévalu jusqu’à présent, doute sérieux ou doute raisonnable, retenue par la Cour de cassation malgré la loi de 1989. Il est très important, comme l’ont fait Mme la garde des sceaux et Alain Tourret, de répéter que la conception qui domine nos travaux est que le moindre doute doit suffire à justifier une procédure de révision, même si ce qualificatif ne figure pas dans la loi du fait des modifications apportées par le Sénat.
Le troisième élément négatif, c’est l’insuffisante motivation des arrêts de cours d’assises, d’une concision souvent extrême et qui ne permet pas toujours aux autorités de révision d’avoir une connaissance suffisante des éléments ayant provoqué cette décision.
Enfin, le système qui produit les erreurs judiciaires, c’est, le plus souvent, le système de l’intime conviction, c’est-à-dire la liberté d’appréciation des preuves, le fait qu’il n’existe pas de pondération particulière de certaines, et qu’au fond l’on tende à inciter les jurés et les juges à s’en remettre à leurs impressions, leurs intuitions, leur subjectivité plutôt qu’à des faits dûment établis et prouvés. C’est une chose très négative, me semble-t-il, dans notre système judiciaire.
Je termine en rappelant que la révision a été la dernière arme du capitaine Dreyfus. On appelait d’ailleurs ses partisans les « révisionnistes ». Il a fallu un peu plus de onze ans, entre la première condamnation par le conseil de guerre et la décision du 12 juillet 1906, pour que Dreyfus soit enfin réhabilité. Il l’a été car il y avait avec lui des défenseurs ardents de la vérité, comme le lieutenant-colonel Picard, le sénateur Scheurer-Kestner, Clemenceau bien sûr, Zola bien sûr, ainsi que Francis de Pressensé, qui disait ici même, à cette tribune, le 13 juillet 1906 : « Quand on fait confiance à la raison et à la conscience de la France, on n’est jamais vaincu. »
Applaudissements.
Le constat du caractère restrictif de la procédure de révision ainsi que le manque d’intelligibilité et d’accessibilité des procédures de révision et réexamen d’une condamnation injustement prononcée ont permis de dégager un consensus sur la nécessité d’en modifier les dispositions.
Cette proposition de loi a ainsi été adoptée à l’unanimité par nos deux assemblées en première lecture. Elle parvient en effet à concilier deux impératifs contradictoires : d’une part, l’autorité de la chose jugée, qui permet d’assurer la sécurité juridique et plus largement la paix sociale, d’autre part, la lutte contre l’erreur judiciaire, soit par la révision, quand une erreur de fait entache une condamnation pénale définitive pour un crime ou délit, soit par le réexamen, lorsqu’une erreur de droit commise en violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales vicie la décision pénale définitivement prononcée.
Au terme de la première lecture, nous nous félicitons que plusieurs avancées majeures aient été confortées : l’amélioration des conditions matérielles d’exercice du recours en révision par l’allongement à cinq ans de la durée de conservation des scellés criminels lorsque le condamné le demande et la systématisation de l’enregistrement sonore des débats des cours d’assises ; la création d’une juridiction unique chargée de la révision et du réexamen, la cour de révision et de réexamen, dont la composition est précisément définie, dans un souci d’impartialité ; enfin, la clarification et la juridictionnalisation de la procédure suivie devant cette cour par la codification de pratiques déjà établies ou de nouvelles prérogatives, comme l’incompatibilité de certaines fonctions, le caractère contradictoire du procès, l’accès des parties au dossier, et l’information systématique de la partie civile, dont les droits ont été renforcés.
Nous sommes également satisfaits des améliorations apportées par le Sénat. En particulier, l’élargissement aux arrière-petits-enfants de la liste des requérants fondés à former un recours en révision ou en réexamen en cas de décès du condamné ou lorsque ce dernier a été déclaré absent s’inscrit parfaitement dans la logique générale du texte tendant à tenir compte des évolutions juridiques et sociétales.
De même, la fusion des quatre cas de révision en un seul motif apparaît tout à fait opportune dans un souci de simplification de la procédure. La survenue d’un fait nouveau ou la production d’un élément inconnu au jour du procès et susceptible d’avoir un impact sur la décision de condamnation incluront désormais les motifs tenant à la preuve de l’inexistence de l’homicide, à la condamnation pour faux témoignage de l’un des témoins et à la découverte d’une condamnation inconciliable. Cette définition plus générale permettra d’assouplir les conditions d’admission de la révision et d’inciter les magistrats à interpréter de manière moins stricte la recevabilité et le bien-fondé des demandes de révision.
En outre, nous soutenons l’élargissement des conséquences de l’annulation de la condamnation. L’effacement des données de l’intéressé de tous les fichiers de police judiciaire dits d’antécédents, regroupés aujourd’hui dans le traitement des antécédents judiciaires, et des principaux fichiers de police d’identification, permettra de rendre réellement effective l’annulation de la condamnation par la cour de révision et de réexamen.
Au terme de la première lecture, seule la notion de « doute nécessaire à la révision d’une condamnation pénale » a fait l’objet de divergence entre nos deux assemblées. Alors que notre assemblée avait souhaité inscrire dans le code de procédure pénale que le « moindre doute » devait suffire à la révision, afin d’assouplir la rigueur avec laquelle il est actuellement interprété par la jurisprudence, le Sénat est revenu sur cette qualification afin de laisser aux magistrats toute liberté d’appréciation.
Si nous le regrettons, comme le rapporteur, nous espérons que les magistrats seront éclairés par nos travaux et nos débats. Il doit être clair pour eux que dans l’esprit du législateur, le doute s’entend comme le moindre doute. Puisque la charge de la preuve repose sur le condamné durant une procédure de révision, le doute doit lui profiter pleinement,…
…à charge pour la nouvelle juridiction qui sera saisie de la révision de son procès de le condamner une nouvelle fois si elle estime que sa culpabilité ne fait pas de doute, en toute connaissance de cause et à la lumière des nouveaux éléments produits grâce à la révision.
En définitive, les procédures de révision et de réexamen d’une décision pénale définitive ne bénéficient aujourd’hui pas pleinement aux condamnés, en raison de leur complexité et de l’exigence de critères de recevabilité rarement réunis. Les évolutions proposées par ce texte permettent de les clarifier et de les simplifier, tout en maintenant leurs spécificités.
Nous considérons que cette proposition de loi définit un meilleur équilibre entre le respect de l’autorité de la chose jugée et la nécessité de réparer l’erreur judiciaire. En réformant le système de façon à lui permettre de rectifier et réparer une erreur judiciaire, cette proposition de loi renforce l’État de droit et favorisera la restauration du lien de confiance entre les citoyens et leur justice. Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront ce texte.
Applaudissements.
Il est regrettable que ce soit un débat étriqué, au terme d’une séance de nuit, qui nous conduise au vote d’une loi qui revêt à mes yeux un caractère emblématique. Il a déjà été rappelé de quelle manière s’est construit le dispositif législatif que nous avions approuvé en première lecture et pour lequel la commission, en seconde lecture, après examen des propositions du Sénat, a donné son approbation à l’unanimité.
Le sens de la loi, il faut le souligner fortement, n’est pas de garantir la révision, mais de garantir la possibilité de révision. C’est pourquoi il faut que, notamment concernant l’enjeu de l’interprétation du moindre doute, les juridictions qui auront à connaître de l’application de la loi sachent ce que le législateur a voulu faire : garantir la possibilité de révision. C’est la grande avancée, comme l’a souligné Roger-Gérard Schwartzenberg. Nous avons aussi, en réunissant les motifs et en fixant l’enjeu du doute, calé le dispositif dans son assise et ses fondements juridiques. C’était le plus important.
Enfin, je tiens à souligner que ce texte n’est pas une marque de défiance à l’égard des magistrats. Bien au contraire, c’est à eux que nous confions, totalement, la possibilité de revisiter les actes antérieurs prononcés par les juridictions.
Le groupe SRC remercie Alain Tourret pour son excellent travail, dans le prolongement de travaux en commun avec Georges Fenech. Nous nous félicitons aussi du travail conjoint des deux chambres. D’une certaine manière, l’unanimité consacre à la fois la qualité de ce travail et le sens et la promesse que cette loi voulait apporter.
Applaudissements.
Je veux tout d’abord rendre un hommage particulier à notre rapporteur Alain Tourret pour sa combativité, à laquelle il nous a habitués dès lors qu’il s’agit de défendre des principes essentiels et des valeurs humanistes.
Je souhaite également vous rendre hommage, madame la garde des sceaux, pour avoir soutenu sans réserve cette proposition de loi, fruit d’une mission conduite par Alain Tourret et moi-même en décembre 2013 et dont le rapport avait été adopté à l’unanimité de notre commission. C’est dire l’esprit de consensus qui nous anime dès lors qu’il s’agit de défendre ces principes essentiels qui transcendent les clivages politiques traditionnels, je m’en réjouis.
Quel homme épris de justice pourrait tolérer qu’une erreur judiciaire ne puisse être réparée, dans les meilleures conditions possible, au seul prétexte de garantir le principe, certes essentiel, de l’autorité de la chose jugée ? Sans remettre en cause cette autorité, nécessaire à la paix sociale, l’institution judiciaire, et c’est tout son honneur, doit être capable plus qu’elle ne l’est actuellement de reconnaître ses éventuelles erreurs. Dire cela n’est pas, comme l’a indiqué Jean-Yves Le Bouillonnec, mettre en cause la qualité des magistrats.
Depuis 1989, date de l’importante réforme intervenue en la matière, seules huit condamnations criminelles ont été révisées. Nous pouvions légitimement nous demander, eu égard aux progrès scientifiques notamment, pourquoi un si faible nombre de requêtes avaient été admises. Les quarante-neuf auditions de personnalités que nous avons effectuées avec Alain Tourret nous ont conduits à la conclusion qu’il fallait moderniser la procédure, réaffirmer sans ambiguïté la notion de doute dans le sens que le législateur de 1989 avait exprimé, et enfin prévoir une meilleure conservation des preuves et l’enregistrement des débats d’assises afin de lever de sérieux handicaps à l’ouverture d’un procès en révision.
La loi était muette sur la composition de la cour de révision. Celle-ci pouvait donc siéger en formation plénière mais n’y était nullement contrainte : de fait, la pratique a varié. Cette liberté donnée à la cour de fixer elle-même sa composition portait une indéniable atteinte à son impartialité. Enfin, la présence des seuls magistrats issus de la chambre criminelle créait des suspicions, fondées ou non, de corporatisme et donc de partialité. Il fallait y remédier.
C’est pourquoi nous créons, auprès de la Cour de cassation, une nouvelle cour de révision et de réexamen des condamnations pénales, composée de dix-huit magistrats désignés par l’assemblée générale de la Cour de cassation, et provenant, il est important de le préciser, de toutes les chambres de la Cour de cassation. En outre, cinq magistrats seront désignés en son sein, qui formeront la commission d’instruction des demandes en révision et en réexamen.
Ainsi, nous modifions une organisation éclatée, complexe et de surcroît source de décisions en apparence contradictoires. Je citerai les deux dossiers emblématiques de ces dernières années, l’affaire Leprince et l’affaire Seznec, qui ont donné lieu à des décisions contradictoires entre la commission d’instruction et la cour de révision, donnant le sentiment d’un incompréhensible doublon judiciaire, sentiment renforcé par le fait que tous les magistrats étaient issus de la Cour de cassation.
Autre inconvénient du système actuel : la loi ne décrit que sommairement la procédure applicable devant la commission de révision ainsi que ses pouvoirs d’investigation.
Je tiens à me féliciter des améliorations apportées par le Sénat à ce texte, notamment à l’initiative de son rapporteur Nicolas Alfonsi : précision des pouvoirs d’investigation de la nouvelle cour ; clarification des modalités de représentation et d’assistance des parties ; attribution à la seule chambre criminelle de la Cour de cassation du pouvoir de statuer sur les demandes de suspension de l’exécution de la condamnation ; élargissement de la liste des requérants aux arrière-petits-enfants.
J’en viens au second et dernier point de la réforme, qui s’est traduit par une divergence avec le Sénat, au moins pour ce qui est de la rédaction. Notre assemblée avait proposé de qualifier, dans la loi, la nature du doute ouvrant droit à la révision, parce qu’en examinant la petite dizaine de cas concernés, nous nous étions rendu compte qu’à chaque fois il avait fallu apporter la preuve de l’innocence, et non pas simplement un doute. Nous avions pensé qu’il fallait introduire le qualificatif de « moindre » doute.
Tel n’a pas été l’avis du Sénat, à son habitude très hostile aux qualificatifs. Avec une pointe de regret, certes, mais tout comme notre rapporteur et tout comme vous, madame le garde des sceaux, je proposerai de nous en tenir à cette dernière version dans la mesure où il est désormais acquis, par nos travaux préparatoires et par nos discussions, que la volonté du législateur est de faire bénéficier le requérant du moindre doute pour lui permettre d’être rejugé.
Voilà donc un texte satisfaisant que nous devons adopter sans plus tarder, avec le sentiment profond d’avoir oeuvré pour le droit, pour la vérité et pour la justice.
Applaudissements.
Le fait que l’examen de cette proposition de loi en seconde lecture se fasse dans un esprit aussi consensuel est à souligner avec force. Je veux à mon tour féliciter Alain Tourret pour la qualité de son travail, inscrit dans la droite ligne du rapport qu’il avait établi avec Georges Fenech pour la mission d’information sur la révision des condamnations pénales. Ce rapport a permis de dégager des propositions pour simplifier les procédures de révision et de réexamen et améliorer l’effectivité de la réparation des erreurs judiciaires. Parce qu’il n’y pas pire injustice que d’envoyer un innocent en prison, nous ne pouvons que souscrire à ces objectifs. Comme cela a été dit, cette loi est une loi d’humanité.
Pour autant, entreprendre une telle réforme est un exercice difficile, car cela implique de concilier deux impératifs : préserver l’ordre juridique et social grâce à l’autorité de la chose jugée, et éviter l’erreur judiciaire et savoir la réparer lorsqu’elle survient. L’autorité de la chose jugée est, dans un État de droit, un garant de la paix sociale et un principe essentiel au maintien de l’ordre juridique. Cependant, notre système judiciaire doit aussi savoir reconnaître et réparer ses erreurs. En dépit tant des évolutions législatives que des progrès de la science et des savoir-faire d’investigation, seules neuf condamnations criminelles ont été révisées depuis 1989. Une réforme de la procédure actuelle est donc nécessaire, tout en veillant à encadrer suffisamment ces procédures.
Sur le fond, la création d’une juridiction unique de révision et de réexamen permettra de mettre fin au doublon judiciaire qui existe actuellement. La création de cette cour unique présente trois intérêts : celui de ne pas remettre en cause la pertinence de la distinction entre recours en révision et recours en réexamen consécutif au prononcé d’un arrêt de la CEDH ; celui, dans un souci d’impartialité, de mieux séparer le stade de l’instruction et celui du jugement ; celui enfin de mieux définir les droits de chacune des parties.
Ensuite, pour garantir l’effectivité du recours en révision, nous devons donner à la justice les moyens d’instruire les demandes en révision et permettre au condamné de faire aboutir sa demande. Afin de répondre à ces objectifs, la proposition de loi prévoit des mesures de bon sens, comme l’allongement de la durée de conservation des scellés criminels. Par ailleurs, le fait de permettre au condamné de demander des actes d’investigation ou de faire procéder, au cours de l’instruction, à tous les actes qui lui semblent nécessaires, crée les conditions favorables à la manifestation de la vérité.
Au-delà des apports de la proposition de loi initiale, les débats au Sénat ont permis d’enrichir le texte. L’une des principales modifications est la fusion en un seul motif des quatre cas actuels de révision, dans un souci de rationalisation. Le Sénat a élargi la liste des requérants aux arrière-petits-enfants. Il a également prévu de simplifier l’instruction des demandes de réexamen et de préciser les pouvoirs d’instruction de la cour, tout en renforçant la présence de l’avocat au cours des débats.
En définitive, il n’existe qu’un point de désaccord entre nos deux assemblées : la notion de doute. Cette notion est primordiale, puisque c’est elle qui permet la réouverture du procès. La proposition de loi initiale rendait possible une demande de révision lorsqu’un fait nouveau ou un élément inconnu serait de nature à faire naître le « moindre doute » sur la culpabilité du condamné. Le Sénat a fait le choix de supprimer cette référence, jugée trop subjective. Nous le regrettons, mais la suppression de ce qualificatif ne devrait pas être un obstacle à un assouplissement de la jurisprudence de la nouvelle cour de révision et de réexamen. Faisons confiance aux magistrats pour appliquer cette loi dans l’esprit du législateur. C’est en formant ce voeu que les députés du groupe UDI voteront cette proposition de loi. Ce soir, j’ai le sentiment que le Parlement a fait oeuvre utile.
Applaudissements.
Je voudrais apporter tout mon soutien et celui du groupe écologiste au travail législatif effectué par Alain Tourret et né sous son impulsion et celle du groupe radical, à la suite du rapport de la mission d’information réalisé avec Georges Fenech il y a moins d’un an. Nous devons nous féliciter collectivement que ces rapports produits par l’Assemblée ne restent pas lettre morte et conduisent à des changements législatifs.
Nous soutenons la démarche sur le fond. Le titre de la proposition de loi, « réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive », montre bien qu’elle répond à un besoin et à un constat d’insatisfaction par rapport aux évolutions intervenues ces dernières années quant aux très rares demandes de révision ou de réexamen de condamnations. Comme l’a dit Alain Tourret, il s’agit de revenir sur l’idée de l’infaillibilité judiciaire sans fragiliser pour autant l’autorité de la chose jugée, indispensable au bon fonctionnement de la justice et de notre société.
Nous apprécions aussi la précision formelle du texte, qui est tout le contraire d’un texte d’affichage. Nous voyons trop souvent malheureusement des propositions de loi inscrites à l’ordre du jour qui ne sont que des textes d’affichage et qui n’aboutissent pas. Ce texte est extrêmement précis sur l’ensemble de la procédure, y compris sur des sujets comme la conservation d’un certain nombre d’éléments sous scellés ou encore l’enregistrement sonore ou audiovisuel des procès d’assises.
Nous avons tous en tête des affaires plus ou moins célèbres. En Bretagne, nous connaissons tous l’affaire Seznec. Comme l’a dit Roger-Gérard Schwartzenberg, l’objectif de ce texte est de libérer demain peut-être des personnes innocentes, injustement condamnées et emprisonnées à la suite d’erreurs judiciaires. Mais il y a aussi un autre objectif, celui de réhabiliter la mémoire de personnes condamnées et aujourd’hui disparues. C’est un objectif à ne pas perdre de vue
Le groupe écologiste votera pour ce texte. Si le consensus n’est pas nécessairement une valeur, ou en tout cas un objectif en soi, nous pouvons me semble-t-il nous féliciter de ce vote à l’unanimité, parce que les questions pénales, et je le dis devant nos deux collègues de l’UMP, sont souvent l’objet de polémiques politiques, pour ne pas dire politiciennes. Nous en avons encore vu des exemples concrets ces dernières semaines, à l’occasion de la réforme pénale. Nous faisons avec ce texte oeuvre utile et concrète pour régler des problèmes et répondre à des besoins et à des attentes. C’est avec plaisir que le groupe écologiste joindra ses voix aux autres pour soutenir l’adoption du texte.
Applaudissements.
Je voulais, madame la présidente, vous adresser tous mes remerciements. Nous apprécions tout particulièrement le sens républicain que vous avez montré en acceptant de poursuivre nos travaux jusqu’à cette heure.
J’y suis extrêmement sensible, monsieur le rapporteur, et vous me permettrez d’associer l’ensemble du plateau à cette décision.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Madame la présidente, j’associe le Gouvernement à l’hommage qui vient de vous être rendu.
Je vous remercie, madame la ministre. Je suis heureuse que ce texte aboutisse sur une telle unanimité.
J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique. Les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
Les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 sont successivement adoptés à l’unanimité.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.
J’ai le plaisir de redire l’unanimité de notre assemblée pour adopter ce texte.
Applaudissements.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Proposition de loi renforçant la lutte contre l’apologie du terrorisme sur internet ; Proposition de résolution relative aux Français rapatriés d’outre-mer ;
Proposition de loi visant à introduire une formation aux premiers secours dans la préparation du permis de conduire ;
Proposition de loi relative au versement des allocations au service d’aide à l’enfance.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 12 juin, à zéro heure cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron