Ces deux amendements visent en effet à rompre l’isolement des travailleurs immigrés âgés en facilitant le regroupement familial – très limité dans leur cas, puisqu’il se résume bien souvent à la venue de l’épouse.
Pour pouvoir déposer une demande de regroupement familial, il faut attester de ressources au moins égales au SMIC net, soit 1 128 euros par mois, et d’un logement suffisamment grand. Or les travailleurs immigrés âgés, ceux que l’on nomme les chibanis, vivent souvent dans de petits, voire de tout petits logements, et ne perçoivent que de faibles pensions de retraite. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir travaillé puisqu’ils ont contribué, après la guerre, à la reconstruction du pays.
Les chibanis ont subi de plein fouet les discriminations et même l’indifférence des pouvoirs publics. Rappelons ainsi que les étrangers sont proportionnellement trois fois plus souvent touchés par les accidents du travail entraînant une incapacité permanente, voire la mort. En outre, au moment des restructurations industrielles effectuées dans les années 1980, ils ont été parmi les premiers licenciés, et ont ainsi été utilisés comme des « amortisseurs de crise », si l’on peut dire. Par ailleurs, si des employeurs peu scrupuleux ont pu, en toute impunité, les faire travailler sans les déclarer, c’est bien parce que les pouvoirs publics ont laissé faire. Ainsi sous-payés, sous-employés, sous-déclarés, ils en subissent aujourd’hui les conséquences et doivent bien souvent se contenter du minimum vieillesse, soit 791 euros par mois.
Les chibanis sont tiraillés en permanence entre leur pays d’origine – dans lequel ils ne peuvent pas séjourner plus de six mois par an, sous peine de perdre leur allocation – et la France, où ils vivent seuls, faute de pouvoir faire venir leur épouse. Notre pays s’honorerait vraiment de leur rendre hommage en assouplissant les conditions exigées pour autoriser le regroupement familial. Tel est l’objet de ces deux amendements, issus également des propositions formulées dans le rapport de nos collègues Bachelay et Jacquat.
Par ailleurs, je me réjouis de l’adoption en commission de l’amendement de M. Robiliard, qui permet à des étrangers résidant en France depuis au moins 25 ans et dont au moins l’un des enfants est français d’acquérir la nationalité française par déclaration. Une telle disposition constitue également, en effet, une réponse au problème que j’ai évoqué. Mais la condition posée – être ascendant de Français – en restreint excessivement la portée, dans la mesure où les migrants âgés isolés ont, par définition, laissé leur famille au pays et n’ont donc généralement pas un descendant ayant la nationalité française. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont tellement isolés.
Dans sa nouvelle rédaction issue de l’adoption de l’amendement no 603 , l’article 28 bis constitue certes une avancée indiscutable, mais il reste insuffisant pour répondre au problème qui se pose aux migrants âgés isolés. C’est pour répondre à ces aspects très humains que je vous propose ces deux amendements. Je pense notamment à ces personnes âgées que je côtoie dans ma ville. Les résidents du foyer Adoma situé dans le quartier du Petit-Nanterre sont de vieux messieurs qui sont seuls et aspirent à une vie plus humaine.