Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, nous examinons ce soir en nouvelle lecture un texte de loi qui a déjà été très fortement travaillé. Il est encore passé récemment au crible de la commission des lois, ce qui l’a encore amélioré. Il vise à simplifier et à moderniser les relations du citoyen avec les administrations et le fonctionnement des administrations elles-mêmes, ainsi qu’à faciliter les procédures civiles et les relations avec la justice. Ce texte répond à l’ambition de rendre le droit plus sûr, plus prévisible et plus intelligible.
Cette ambition, nous l’avons depuis deux ans et demi pour toute l’action publique. Ce que nous avons entrepris vise, donc, à rendre le droit plus clair, plus sûr, plus accessible au citoyen et à satisfaire aux exigences que nous avons définies pour la réforme du vingt et unième siècle, une réforme qui mette la justice au service du citoyen, qui la rende plus proche, plus efficace, plus protectrice. Tous nos efforts, autant dans notre politique d’accès au droit sur l’ensemble du territoire que dans notre politique en matière d’aide juridictionnelle – nous avons d’ailleurs eu, ce matin, quelques échanges soutenus et très intéressants sur la possible réforme possible de celle-ci –, mais aussi les modifications que nous voulons introduire également dans l’organisation judiciaire, tous ces efforts convergent, et visent à répondre à la même exigence, à la même préoccupation de faire que le droit soit lisible, soit accessible, ils visent à ce que les normes soient connues par les citoyens et que leur vie quotidienne en soit facilitée.
Ce texte comporte des dispositions qui concernent les relations des citoyens avec la justice et d’autres qui concernent leurs relations avec l’administration.
Pour ce qui concerne les relations des citoyens avec la justice, les principales dispositions ont été bien travaillées. Il reste assez peu à faire, et il y a d’ailleurs assez peu d’amendements. Ceux-ci proviennent aussi bien de la rapporteure et de la commission des lois que du Gouvernement.
Les dispositions du texte vont faciliter la vie de certaines catégories de citoyens qui étaient assez fortement pénalisés par des mesures administratives ou des procédures judiciaires ou civiles inutilement lourdes ou fréquentes. Par exemple, jusqu’à présent, le juge des tutelles était systématiquement saisi si un parent d’enfant mineur décédait ; nous allons limiter son intervention au strict nécessaire. De même, nous tirons les enseignements de l’application de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des majeurs : pour un certain nombre de pathologies lourdes et dans un cadre strict, le juge pourra décider que la mesure de tutelle puisse s’appliquer pour une durée plus longue que les cinq années actuellement prévues par la loi de 2007, cette durée étant plafonnée à dix ans. Nous avons également mis un terme à une discrimination que nous avons trouvée assez hallucinante, qui contraignait les personnes sourdes et muettes à rédiger leur testament. Dorénavant, elles pourront avoir recours à la forme authentique pour dicter leurs dernières volontés testamentaires. Nous instaurons également un mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier dans le cas de successions d’un montant modeste, mais ce sont des dispositions que nous allons encore affiner.
En ce qui concerne en particulier l’institution judiciaire, permettre progressivement la transmission des documents par voie électronique est une simplification et une modernisation qui va non seulement faciliter la vie des justiciables et celle des personnels de justice mais aussi nous faire économiser le montant de dépenses jusqu’alors inutiles, notamment celles engagées pour ces lettres recommandées avec accusé de réception que l’on ne venait pas chercher.
En ce qui concerne les relations avec l’administration et son fonctionnement, nous avons amélioré ou, en tout cas, simplifié le droit funéraire, sur lequel pesaient un certain nombre de contraintes inutilement lourdes. Nous facilitons aussi l’accès pour les automobilistes à leur relevé de points par voie dématérialisée. Nous facilitons également le recours à l’emprunt pour les centres communaux d’action sociale.
Je vous présenterai ensuite les amendements déposés par le Gouvernement, dont certains concernent également les automobilistes. Ils pourront désormais contester les amendes par voie dématérialisée, numérique, ou en utilisant un formulaire préétabli, ce qui facilitera le traitement par le centre de Rennes.
Nous modifions les conditions dérogatoires pour la destruction de scellés. C’est une question que nous avons déjà eue à traiter, notamment dans le texte relatif à la révision des condamnations pénales, mais nous aurons à y revenir. Cette fois, nous limitons le délai dérogatoire de vingt-quatre heures à la destruction de stupéfiants.
Une partie très, très importante de ce texte, l’article 3, concerne le droit des contrats et des obligations. Nous avons une divergence de méthode avec le Sénat sur cette disposition qui a pour objet d’habiliter le Gouvernement à modifier par voie d’ordonnance le droit des contrats et des obligations. N’ayant pas quitté cette maison il y a si longtemps que cela, je connais les réticences fortes des parlementaires aux procédures d’habilitation. Vous me ferez crédit, cependant, d’avoir veillé à ce que les projets d’ordonnance soient suffisamment travaillés, avec suffisamment de précision et vous soient transmis suffisamment tôt pour que vous sachiez, tout d’abord, que le Gouvernement veille à respecter l’esprit même du droit des contrats inscrit dans le code civil depuis 1804, il faut le rappeler, depuis 210 ans, donc. J’ai tenu à vous communiquer les projets d’ordonnance, à relever toutes vos observations, à en tenir compte et à faire en sorte que, contrairement à ce qui se pratique habituellement en matière d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, vous disposiez en fait du projet d’ordonnance, que vous avez eu toute latitude d’amender, sans compter, bien entendu, que ce projet d’ordonnance s’était lui-même inspiré de travaux préalables, qui avaient plus de dix ans d’âge et auquel les parlementaires avaient participé.
Nous avons donc veillé à respecter les principes du droit des contrats, à savoir le consensualisme, la protection de la partie la plus vulnérable et la prévisibilité, c’est-à-dire la possibilité de savoir ce qui peut advenir en cas de non-exécution partielle ou totale du contrat, ou de rupture. À l’occasion du bicentenaire du code civil en 2004, il avait été annoncé que les modifications nécessaires seraient introduites ; cela n’a pas été le cas. C’est un travail de longue haleine, mais dont la substance est déjà disponible, puisque nous disposons de travaux et de rapports tout à fait intéressants.
Simplement, nous sommes aujourd’hui confrontés à une véritable difficulté de prévisibilité. Souvent, on pense que ce sont les entreprises qui sont concernées. Elles le sont beaucoup, incontestablement, y compris dans leurs échanges internationaux ; mais les citoyens aussi sont très fortement concernés. Les contrats se sont installés dans leur vie, que ce soient les contrats de téléphonie, les contrats de plomberie, les contrats d’assurance. En fait, le citoyen est en permanence en contact avec des partenaires, des fournisseurs, des prestataires de services auxquels il est lié par contrat. Il est bon d’introduire de la prévisibilité. En effet, depuis 200 ans, une jurisprudence abondante s’est accumulée. Mais par nature, elle fluctue, ce qui limite la possibilité de prévoir les décisions. Il était nécessaire que les parties puissent s’appuyer sur des règles, fondées sur les principes que je viens d’évoquer, codifiées avec assez de précision pour que les transactions et le règlement des litiges éventuels soient le plus simple possible.
Voilà, pour l’essentiel, ce que contient ce projet de loi. Nous en discuterons tout à l’heure, à l’occasion de l’examen de quelques amendements. Nul doute que ces discussions seront passionnées ! En tout cas, comme je l’ai dit d’entrée, ce texte sera utile. En améliorant les relations avec l’administration ainsi que les procédures de justice, il contribuera à simplifier la vie de nos concitoyens. Il rendra les normes plus compréhensibles, intelligibles et accessibles. Ainsi, nous satisferons une exigence énoncée par le Conseil constitutionnel lui-même, dans une décision du 16 décembre 1999 à propos d’une loi de codification : il estimait que l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi constituent un « objectif de valeur constitutionnelle ». C’est cet objectif que nous contribuons à atteindre avec ce texte.