Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes saisis, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Nous examinons ce texte, malheureusement, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire qui s’est tenue au Sénat le 13 mai 2014.
Je ne reviendrai pas sur le contenu du texte, que Mme la garde des sceaux a très bien décrit. Nous en avons amplement débattu en première lecture. Il prend place dans un vaste chantier de simplification et d’allégement des procédures qui a été engagé depuis plusieurs mois par le Gouvernement.
Je rappelle simplement que ce texte touche à la vie quotidienne de nos compatriotes dans des domaines variés. La création d’un mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier pour les héritages modestes, par exemple, changera la vie de nos compatriotes, tout comme l’extension aux personnes sourdes et muettes ou ne parlant pas français de la possibilité d’établir un testament authentique. Ce texte modernisera également notre droit en réformant le Tribunal des conflits, qui ne sera plus présidé par le garde des sceaux – ce qui était une anomalie.
La commission mixte paritaire n’est malheureusement pas parvenue à établir un texte commun, en raison de l’opposition des sénateurs à l’article 3, c’est-à-dire à l’habilitation du Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance. Sur le fond, le Sénat est d’accord avec nous : il ne conteste nullement la nécessité urgente de moderniser ce droit. Les professionnels, les praticiens du droit l’attendent depuis maintenant vingt ans. Les travaux préparatoires à cette modernisation ont duré dix ans – Mme la garde des sceaux vient de le dire. Des universitaires et des praticiens y ont été associés, ainsi que des parlementaires. Sous la précédente législature, le Gouvernement l’avait annoncée, mais cela ne s’était jamais fait : cette réforme avait été repoussée sine die.
En réalité, la divergence entre nos deux assemblées porte sur la méthode, à savoir le recours à une ordonnance. Dans un monde idéal, dans un monde parfait, je serais d’accord avec les sénateurs : il aurait été plus agréable que cette réforme emprunte la voie d’un projet de loi ordinaire. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal, ni parfait : plutôt que de nous enfermer dans un rejet de principe, nous préconisons de tenir compte du principe de réalité. Cette réalité est très simple : soit nous acceptons que cette réforme soit opérée par ordonnance, et elle se fera, soit nous suivons les sénateurs, et cette réforme sera reportée sine die, comme cela a été le cas au cours des cinq années précédentes. Autant dire que, dans le second cas, elle ne se fera jamais. Les positions des sénateurs étant inconciliables avec les nôtres, la CMP a malheureusement échoué.
Je relève qu’à présent, notre assemblée semble accepter le recours à l’ordonnance : je m’en réjouis. L’absence d’amendements de suppression de l’article 3 de ce projet de loi le démontre.
En dépit de l’échec de la CMP, mes échanges avec le rapporteur de la commission des lois du Sénat, M. Thani Mohamed Soilihi, ont été très fructueux. Il a formulé très clairement des propositions de modification ; certaines m’ont paru intéressantes : je les ai reprises et les ai présentées sous forme d’amendements à la commission des lois, qui les a approuvés. La plupart de ces amendements sont de nature technique, et introduisent – comme vous l’avez vu – des ajustements rédactionnels. Je pense notamment à l’article 1er bis, relatif au statut juridique des animaux dans le code civil – j’y insiste : il s’agit de leur statut dans le code civil –, que la commission des lois a précisé sur certains points afin d’apaiser les inquiétudes légitimes exprimées par les professions agricoles et les associations de protection des animaux.
Je tiens à rappeler que cette réforme vise simplement à reconnaître la qualité d’être sensible des animaux dans le code civil, sans modifier leur régime juridique. Le régime applicable aux animaux reste le régime applicable aux biens, meubles ou immeubles par destination selon les cas. Contrairement à ce que certains ont dit ou écrit, cette modification ne remet absolument pas en cause la chasse, ni la pêche, ni la consommation de viande, ni les pratiques d’élevage et d’abattage conformes aux textes en vigueur, ni la corrida. Les animaux resteront dans la sphère patrimoniale, et les règles relatives à la propriété continueront à s’appliquer à l’animal, notamment en matière de vente et de succession. L’objectif de ce texte est simplement d’harmoniser les dispositions du code pénal et du code rural et de la pêche maritime avec celles du code civil, qui était muet concernant la définition juridique des animaux. Je remercie et je félicite M. Jean Glavany d’avoir réalisé cette avancée avec moi.
L’article 2 bis A, relatif au mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier, est issu d’un amendement du Gouvernement adopté en première lecture par la commission des lois. Quelques amendements ont été déposés par le Gouvernement : ils sont destinés à améliorer l’encadrement du dispositif pour garantir sa sécurité juridique. L’un de ces amendements a ainsi exclu toute succession immobilière de ce nouveau mode de preuve, ce qui est évidemment une bonne chose. Un autre a soumis le débit sur les comptes du défunt à la présentation de factures, afin d’éviter les fraudes ou les abus. Dans le même esprit, nous irons aujourd’hui plus loin pour faciliter le règlement des petites successions, pour que les choses se passent mieux et plus vite pour les gens modestes. Il fallait, sur ce point, trouver le juste équilibre entre la simplicité, qui est le but recherché, et la préservation des droits des autres héritiers, qu’il n’est pas question de léser.
La commission des lois vous invite, chers collègues, à adopter ce projet de loi, qui comporte de très nombreuses mesures utiles, bienvenues, et qui simplifieront le quotidien de nos compatriotes.