Nous soulignons bien sûr et à nouveau les différentes mesures positives de ce texte, en particulier celles qui permettront concrètement de simplifier la vie quotidienne des citoyens dans des domaines variés : la création d’un mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier pour les héritages modestes ; l’extension aux personnes sourdes et muettes ou ne parlant pas français de la possibilité d’établir un testament authentique ; l’allégement du contrôle exercé par le juge dans le cadre de l’administration légale dite sous contrôle judiciaire ; l’allongement de la durée initiale maximale des mesures de tutelle à dix ans en cas de pathologie lourde non susceptible de connaître une amélioration. Le texte modernise également notre droit, en prévoyant par exemple une réforme du Tribunal des conflits, dont la plupart des textes qui lui sont applicables remontent au XIXe siècle.
Nous soutenons aussi la clarification du statut juridique des animaux dans le code civil, conformément à celui figurant dans les codes rural et pénal. La consécration de l’animal, en tant que tel, dans le code civil, afin de mieux concilier la nécessité de qualifier juridiquement l’animal et sa qualité d’être sensible, sans pour autant en faire une catégorie juridique nouvelle entre les personnes et les biens, constitue selon nous un bon compromis.
Nous réitérons par ailleurs nos réserves s’agissant de l’élargissement du recours à la communication électronique en matière pénale, qui n’est pas sans comporter un risque de fragilisation de la sécurité juridique. Il convient ici de s’assurer que les garanties offertes au destinataire soient identiques à celles offertes par les modes de communication traditionnels, et ce dans l’intérêt aussi bien de l’institution judiciaire que des différentes parties à la procédure.
La pierre d’achoppement entre nos deux assemblées demeure évidemment l’article 3, qui habilite le Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance. Si personne ne conteste la nécessité d’une réforme du droit des obligations et des contrats, réclamée par les praticiens depuis une vingtaine d’années et étayée par de nombreux travaux préparatoires, la méthode proposée, elle, n’est pas acceptable à nos yeux.
Sur ce point, les députés du Front de gauche partagent les réticences du Sénat et appellent de leurs voeux un véritable travail législatif sur cette question. Nous l’avions indiqué en première lecture : Le champ de l’habilitation sollicité est extrêmement large et concerne des dispositions fondamentales du droit civil. Il recouvre en effet – excusez du peu ! – la totalité des articles 1101 à 1381 du code civil, et en particulier les dispositions relatives au droit des contrats, au régime général des obligations et au régime de la preuve des obligations.
S’agissant d’une matière aussi fondamentale, nous continuons, madame la garde des sceaux, malgré les efforts que vous déployez et les arguments que vous avez à nouveau développés, à ne pas comprendre ce qui empêche le Gouvernement de déposer un projet de loi permettant aux parlementaires de consacrer le temps qui s’impose à ce sujet. Parmi les arguments que vous avez utilisés, et que Mme la rapporteure a d’ailleurs repris, celui qui consiste à nous dire qu’il n’y aura de réforme que par ordonnance, et que sans ordonnance, il n’y aura pas de réforme, ne peut, vous le comprendrez, être jugé recevable par notre groupe. La réforme est indispensable et elle est demandée. Nous avons encore le temps, avant la fin de cette législature, de faire en sorte que le Parlement en soit saisi dans des conditions qui soient les meilleures possible.
C’est pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, que les députés du Front de gauche s’abstiendront une nouvelle fois sur ce projet de loi.