Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 20 novembre 2014 à 15h00
Dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons toutes et tous conscience que la culture constitue un vecteur d’émancipation personnelle et collective, un pilier de notre cohésion sociale et une véritable ouverture sur le monde, comme oeuvre, création et émotion.

La culture est également un secteur d’excellence, vital pour la croissance, l’innovation et l’emploi puisque les secteurs européens de la culture et de la création représentent 4,5 % du produit intérieur brut de l’Union européenne et emploient 8,5 millions de personnes.

Si nous regrettons qu’une véritable culture européenne peine encore à émerger, nous considérons toutefois que la préservation de la diversité culturelle des États membres de l’Union européenne, la promotion de leur patrimoine culturel commun comme de leur histoire commune sont des objectifs que nous devons poursuivre. Ils contribuent en effet véritablement à améliorer l’attractivité et le dynamisme de l’Europe.

Ce défi est d’autant plus immense que l’Europe de la culture est également confrontée à la mondialisation et au passage au numérique.

Le projet de loi soumis aujourd’hui à l’examen de notre assemblée revêt, à cet égard, une importance stratégique. Le groupe UDI salue ses apports.

En premier lieu, il renforce la défense des droits voisins des artistes interprètes et des producteurs du seul secteur de la musique, en allongeant leur durée de protection de cinquante à soixante-dix ans.

Nous saluons à cet égard l’adoption, en commission, d’un amendement visant à rendre le texte plus conforme à la directive.

L’article 1er de la directive confère en effet à l’artiste le droit, à l’issue de la période initiale de protection de cinquante ans, de résilier le contrat qui le lie à un producteur, dès lors que celui-ci n’a pas, dans un délai d’un an à compter de la notification de son intention de résilier ce contrat, accompli les deux actes d’exploitation imposés par la directive.

Ces deux actes sont l’offre à la vente d’exemplaires du phonogramme en quantité suffisante et la mise à la disposition du public pour un accès à la demande.

Nous pensons que la rédaction issue des travaux de la commission, adoptée à l’initiative de notre rapporteur, est plus fidèle à l’esprit de la directive. Nous saluons donc cette avancée.

Nous nous réjouissons également qu’un second amendement du rapporteur ait supprimé une mention qui n’était pas conforme à la directive. En effet, l’assiette de la rémunération complémentaire de 20 % doit comprendre l’ensemble des recettes perçues par le producteur au titre du phonogramme en question, les seules recettes exclues étant celles provenant de la rémunération équitable pour radiodiffusion et de la rémunération pour copie privée.

En outre, ce projet de loi vise à permettre la numérisation et la mise à disposition du public des oeuvres considérées comme orphelines. Cet objectif s’inscrit dans le cadre de la stratégie numérique pour l’Europe de la Commission européenne. Cette stratégie vise, au nom de la nécessité de promouvoir la libre circulation des connaissances et des innovations dans le marché intérieur, à rendre davantage accessibles les oeuvres littéraires et artistiques.

Il est heureux qu’avec ce projet de loi, nous soyons parvenus à un équilibre satisfaisant entre la sécurité juridique des autorisations d’exploitation d’oeuvres orphelines, ou partiellement orphelines, sans toutefois fragiliser le droit de la propriété littéraire et artistique. Cet équilibre permettra, nous n’en doutons pas, de faciliter l’accès à la culture du plus grand nombre.

Enfin, ce projet de loi garantit la restitution, au profit d’un autre État membre, de tout bien culturel considéré comme un « trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique » ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993.

Il s’agit ici de lutter avec plus d’efficacité contre le trafic international de biens culturels et d’assurer une protection juridique à l’ensemble du patrimoine culturel mobilier que la France tient à protéger.

Les modifications apportées aux dispositions en vigueur reposent sur quatre principes essentiels. Le premier est l’élargissement de la portée du dispositif de protection à tous les biens culturels reconnus comme des « trésors nationaux » au sens de l’article 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Le deuxième est l’allongement du délai permettant aux autorités de l’État membre requérant de vérifier la nature du bien culturel trouvé dans un autre État membre, délai qui passe de deux à six mois.

Le troisième est l’extension de un à trois ans du délai permettant l’exercice de l’action en restitution et la clarification du point de départ de ce délai.

Le quatrième précise que la charge de la preuve de l’exercice de la diligence requise repose sur le possesseur. Cette notion fait en outre l’objet d’une harmonisation au travers de critères communs.

Protection de la création, accès à la culture dans le respect des droits d’auteurs, défense des patrimoines nationaux : tels sont les trois piliers de ce projet de loi.

Je souhaite également souligner que l’examen de ce projet de loi s’effectue dans un cadre particulièrement contraint.

D’une part, l’adaptation au droit européen implique une retranscription fidèle et précise de dispositions que le législateur national ne peut pas modifier substantiellement.

D’autre part, la procédure d’adaptation de notre droit interne au droit européen impose au législateur national de répondre à des délais précis.

Le retard pris pour la directive 201177UE, qui devait être transposée au plus tard le 1ernovembre 2013, place la France sous la menace du déclenchement par la Commission européenne d’une procédure d’infraction et, par conséquent, sous la menace d’une amende.

Nous regrettons, collectivement d’ailleurs, que le dépôt de ce projet de loi de transposition intervienne si tardivement, et que nous soyons par conséquent contraints à examiner en urgence des dispositions dont la complexité est grande.

J’ajoute que ce retard a de véritables conséquences en matière de sécurité juridique, car il implique un effet rétroactif pour la période courant entre le 1er novembre 2013 et la date de promulgation de la loi.

Il ne s’agit pas, à notre sens, d’une manière satisfaisante de légiférer et nous tenions à le souligner.

Néanmoins, les avancées permises par ce projet de loi et l’esprit de responsabilité qui doit prévaloir pour transposer en urgence trois directives européennes conduiront le groupe UDI à soutenir ce texte sans réserve.

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