Comme vous, monsieur le ministre, je salue l’excellence du travail qui a été effectué sur un sujet complexe, technique, important, et qui a abouti à la présentation de cette proposition de loi.
Le constat, nous le faisons tous, est sans appel. L’engorgement n’a pas cessé de s’aggraver depuis de nombreuses années pour la délivrance des permis de conduire, et les délais pour le passer ce sont donc allongés.
Ce dont nous parlons aujourd’hui, c’est d’une autorisation, délivrée, de pouvoir conduire, dans certaines conditions, surtout pour ceux qui débutent. Ce n’est nullement un droit acquis définitif, et encore moins un certificat de bonne conduite, c’est-à-dire la possibilité de tout se permettre. C’est donc très sérieux.
Les temps d’attente, le rapporteur l’a rappelé tout à l’heure, sont très inégaux d’un département, d’une région à l’autre. Cela peut aller de trois semaines dans le meilleur des cas à vingt-huit, voire trente semaines, soit plus de six mois. C’est totalement insupportable.
Les facteurs sont multiples et échappent, pour l’essentiel – le ton du débat le prouve d’ailleurs bien –, à toute considération liée à une majorité plutôt qu’à une autre, à une configuration politique plutôt qu’à celle qui aurait précédé ou suivi.
Ces nombreuses raisons ont toutes concouru au même résultat, et la hausse du nombre d’inspecteurs n’a jamais été suffisante pour compenser la diminution du nombre de places ouvertes à l’examen.
Parmi les très nombreuses raisons que nous avons à l’esprit, j’en citerai trois.
Il y a l’application d’une directive européenne de 2006, recommandant l’allongement de la durée de l’examen pratique à trente-cinq minutes. Automatiquement, c’est du temps consommé en plus et de la disponibilité en moins.
Il y a la suppression, il y a quelque temps, du service national avec les conséquences que cela n’a pas manqué d’avoir. Ce service national, militaire auparavant, permettait à de nombreux jeunes adultes de passer le permis, non pas uniquement d’ailleurs le permis B, mais aussi d’autres permis qui se révélaient utiles à un moment ou à un autre de leur vie.
Et puis, il y a eu, pourquoi le cacher – c’est une réalité, qui n’est pas connotée dans mon esprit, du moins sur ce texte –, le passage aux trente-cinq heures, avec la réduction par voie de conséquence du temps de travail des inspecteurs.
Plusieurs pistes de réflexion ont été suivies et des débuts de solution ont été proposés et mis en oeuvre. Il n’est pas inutile de rappeler l’audit commandé en 2008 par les ministres de l’écologie et de l’intérieur, Jean-Louis Borloo et Michèle Alliot-Marie, sur la modernisation de l’apprentissage de la conduite et du permis de conduire. Concernant ce dernier, on s’en souvient, l’audit concluait à la nécessité d’en confier la responsabilité à une agence de service public ad hoc, et, en cas d’échec de cette dernière, de faire intervenir un opérateur tiers via une délégation de service public – DSP.
De même, vous avez eu raison, monsieur le ministre, de mentionner la réflexion sur les délais d’attente des candidats à l’examen du permis de conduire récemment engagée par le groupe de travail missionné par le Premier ministre et dont le rapport a été remis à ce dernier en avril dernier.
Ce groupe de travail dresse un constat sans appel sur le dispositif actuel et les conditions dans lesquelles les jeunes se préparent au permis de conduire, un constat qui contredit d’ailleurs les jugements un peu injustes, et même inexacts, de certains de nos collègues à l’égard de la proposition de loi.
Le groupe propose trois scenarii pour sortir de la crise, dont l’un consiste à confier l’examen du permis de conduire à un opérateur privé – l’expression est explicitement employée – dans le cadre d’une délégation de service public. Existe-t-il, d’ailleurs, une autre forme de DSP que celle par laquelle un opérateur privé se voit investi d’une mission par la puissance publique ? Cette délégation s’accompagnerait d’un droit d’examen d’un montant de 40 euros.
Depuis une dizaine d’années, un faisceau de constats concordants ressort donc des différentes études menées sous des majorités politiques différentes, parmi lesquels la nécessité de recourir à un opérateur privé, non pour privatiser, mais au contraire pour permettre à ce dernier, disposant de la compétence et de l’agrément qui en découle, de contribuer à réduire les délais, notamment en ce qui concerne l’examen pratique.
Le dispositif est très simple : il s’agit d’instaurer un permis probatoire – et non de supprimer l’actuel permis en le dévalorisant par le biais de je ne sais quelle privatisation sans contrôle. Ce permis probatoire serait délivré par un organisme certificateur privé, naturellement habilité par l’autorité administrative compétente. Le dispositif est donc bordé, si je puis utiliser cette expression triviale.
Le nouveau permis pourrait être accordé aux personnes âgées de dix-huit ans révolus. Il n’empêcherait nullement les candidats qui le souhaiteraient de recourir à la procédure habituelle, laquelle serait maintenue.
Le permis probatoire, organisé sur la base d’un examen identique au permis actuel, permettrait à son titulaire de conduire dès son obtention. Au bout de deux ans, en l’absence d’infraction connue, il serait confirmé et transformé en permis jeune conducteur. Ce dispositif, bien organisé et structuré, donnerait à un nombre plus important de jeunes la possibilité de passer le permis. Les personnes concernées pourraient ainsi, dans un délai plus court, se préparer à des épreuves de même nature, de même difficulté et de même qualité que celles du permis traditionnel, et obtenir, dans des conditions certes différentes mais se rejoignant rapidement, le même viatique.
Les restrictions s’appliquant au permis jeune conducteur tel qu’il existe actuellement resteraient valable : limitation de vitesse à 110 kmh sur les autoroutes et à 80 kmh sur les autres routes.
Ce dispositif concerne le permis B, qui du fait de son engorgement constitue le point faible du dispositif global du permis de conduire.
Quant à la critique consistant à dénoncer le risque d’une privatisation du permis de conduire, elle est totalement infondée, au point d’ailleurs d’apparaître quelque peu dérisoire. Il s’agit non pas de faire passer cet examen de la sphère responsable du public à celle, irresponsable, du privé, mais d’articuler la puissance publique, qui resterait souveraine, et des opérateurs privés chargés, sous le contrôle et l’autorité de celle-ci, d’assumer avec elle des responsabilités partagées, comme dans toutes les autres situations où l’on a recours aux entreprises privées pour partager et rationaliser certaines missions. C’est ce que permet cette proposition de loi, et c’est la raison pour laquelle le groupe UMP ne voit aucune raison de s’y opposer. Au contraire, il ne voit que des raisons de la soutenir.
Et je voudrais dire à nos collègues qui s’opposent à ce texte qu’en dépit de leurs qualités, les mesures qui ont été prises récemment ne suffiront pas : le passage de douze à treize examens par jour et par inspecteur ne modifiera pas considérablement la situation, pas plus que l’externalisation des examens théoriques, ni même la possibilité, récemment ouverte, de pratiquer la conduite accompagnée dès l’âge de quinze ans.
Nous devons être pragmatiques et répartir de façon précise les responsabilités et les tâches confiées à la puissance publique d’un côté, et à ses nouveaux partenaires, de l’autre. C’est exactement ce que prévoit la proposition de loi de notre collègue Jean-Christophe Fromantin. C’est la raison pour laquelle, dans quelques instants, le groupe UMP la votera tout naturellement et avec une vraie détermination.