La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la mort à la suite d’un cancer est un drame qui bouleverse des vies, qu’il s’agisse d’un parent, qui disparaît brutalement, d’un jeune retraité envisageant une nouvelle vie avec son conjoint ou, bien sûr, d’un enfant soustrait à l’amour de ses parents.
Face à ces drames, le médecin doit suivre la règle universelle de la médecine contemporaine : une fois le diagnostic posé, il propose au jeune malade un traitement qui offre des chances validées de guérison ou, du moins, d’amélioration de son état. À défaut, il suggère d’inclure le patient dans un essai thérapeutique.
Envers la famille, le médecin a également l’obligation d’un pronostic loyal. Et il n’est pas plus facile d’annoncer à des parents un très mauvais pronostic pour leur enfant que de dire à un jeune homme de trente ou quarante ans atteint d’un cancer pulmonaire qu’il est au-dessus de toute ressource thérapeutique. Dans tous les cas, le médecin n’a évidemment pas le droit, pour apaiser la douleur des parents ou du malade, de proposer un traitement non validé, même si l’on fait miroiter un espoir thérapeutique. Je constate d’ailleurs avec beaucoup de satisfaction, monsieur Lagarde, que vous avez écarté cette possibilité depuis notre discussion en commission, alors qu’elle figure à chaque ligne de l’exposé des motifs de votre proposition de loi.
Les cancers de l’enfant sont peu fréquents – 1 % des cancers – et leur incidence est stable. Depuis quarante ans, ils connaissent des progrès thérapeutiques constants ; leur taux de survie avoisine aujourd’hui 80 %. Tous, nous voudrions qu’il en soit de même pour l’ensemble des cancers.
Chez l’enfant, les leucémies comptent pour environ un tiers des cancers ; les tumeurs neurologiques, pour un quart. Il s’agit principalement de gliomes, tumeurs également redoutables chez l’adulte. Les autres cancers de l’enfant sont des tumeurs d’organes, souvent développées à partir de cellules peu matures, les blastes, et appelées pour cela des blastomes – néphroblastomes, rétinoblastomes. Cependant, même ces tumeurs particulières sont traitées par des molécules identiques chez l’enfant et chez l’adulte.
Quant aux lymphomes, souvent accessibles au traitement, ils sont les seuls cancers de l’enfant à pouvoir bénéficier d’une immunothérapie du même type que celle qui s’adresse aux adultes.
Il est ainsi difficile, monsieur Lagarde, de regretter, comme vous l’avez fait en commission, qu’aucune molécule nouvelle ne soit apparue en oncopédiatrie depuis trente ans. Vous ne l’avez d’ailleurs pas souligné à nouveau lors du débat de ce matin.
À ce jour, aucune molécule n’est spécifique de l’enfant. En outre, tout traitement est aujourd’hui individualisé, c’est-à-dire adapté au type précis de la tumeur, à son site, qui peut être source de difficultés rédhibitoires, ainsi qu’aux caractéristiques de l’enfant.
La recherche sur les cancers de l’enfant est intense : elle concentre 10 % des fonds investis dans la recherche sur le cancer. Et il est honteux de dire, monsieur Lagarde, qu’elle est une honte pour notre pays. Les taux de guérison pour l’ensemble des tumeurs sont équivalents à ceux que l’on observe dans les pays les plus avancés.
Tous les enfants sont aujourd’hui traités dans des centres spécialisés, présents, en règle générale, dans chaque capitale universitaire. La communauté scientifique est en connexion permanente : tous les centres sont ainsi immédiatement informés de toute nouveauté ayant démontré son efficacité. J’insiste sur ce point. Si une solution thérapeutique ou une attitude chirurgicale ou radiothérapique se dégage à un endroit donné, elle sera immédiatement reproduite et évaluée dans les centres experts.
Une des difficultés de la recherche réside pour certaines tumeurs dans le petit nombre de cas et dans l’organisation d’essais supposant d’y accéder dans un temps court. Il faut donc envisager des procédures pouvant accélérer l’inclusion dans les essais et, plus encore, l’analyse des résultats, particulièrement lorsqu’il s’agit de comparer des attitudes thérapeutiques telles que chirurgie avec ou sans radiothérapie. En effet, les progrès thérapeutiques ne viennent pas seulement de médicaments nouveaux, loin de là.
Il s’agit aussi de permettre l’accès à des thérapeutiques ciblées correspondant à des voies particulières de la carcinogenèse. Vous avez entendu tout à l’heure l’engagement très important – je dirai même décisif – selon lequel, dès aujourd’hui, tout enfant présentant une tumeur, en échec des traitements de référence, pourra accéder au séquençage de son génome et sera ainsi un candidat potentiel à une thérapeutique ciblée et personnalisée.
Notre groupe, qui a pris en compte l’ensemble de ces données, ainsi que l’avis de l’Institut national du cancer, auquel vous destinez la ressource de votre taxe, et des professionnels des centres experts, tous très engagés, ne peut souscrire à cette proposition de loi.
Il ne peut y souscrire, d’abord, pour des raisons médicales, issues des données précédemment exposées.
Premièrement, parce que la proposition de loi comporte une ambiguïté forte entre traitements individualisés et traitements personnalisés, après étude du génome. Bien sûr, tous les traitements sont d’ores et déjà individualisés, c’est-à-dire adaptés non seulement au type précis de la tumeur – agressive, non agressive, infiltrante, non infiltrante –, à l’origine et au type cellulaire, mais aussi à son site, un élément qui est souvent décisif.
Deuxièmement, parce que ce texte trace une frontière trop importante entre tumeurs de l’enfant et tumeurs de l’adulte. Dans tous les champs thérapeutiques – chirurgie, radiothérapie, immunothérapie, chimiothérapie et même thérapeutique ciblée –, les progrès de la recherche concernent souvent, bien qu’en proportion variable, les cancers des enfants et des adultes, sans concurrence entre les uns et les autres.
C’est aussi pour des raisons de méthode que nous ne vous suivrons pas.
Tout d’abord, il nous paraît inopportun d’introduire une taxe additionnelle de 0,15 % sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques, même si son taux pourrait être ramené à 0,05 %. Une telle taxe existe effet déjà, même si son assiette est différente, avec un taux de 1,6 %.
Surtout, cette taxe pourrait être contre-productive. Réclamer des travaux sur de nouvelles molécules, lesquelles sont mises au point pour plus de 90 % d’entre elles par l’industrie pharmaceutique, tout en taxant cette dernière, révèle en effet une certaine incohérence. Aux États-Unis, au contraire, les industriels qui développent des thérapies innovantes bénéficiant aux enfants se voient octroyer des facilités.
Plus encore, il paraît peu concevable et même peu acceptable de proposer une taxe spécifique pour les tumeurs oncopédiatriques alors que tant d’autres cancers rares et graves de l’adulte ou des maladies orphelines non cancéreuses le justifieraient de la même manière.
Établir une hiérarchie, voire une concurrence de gravité et de douleur, entre une sclérose latérale amyotrophique et une tumeur rare de l’enfant n’a pas de sens.
Pour autant, nous ne considérons pas que tous les problèmes sont résolus et nous partageons le souhait des familles et des associations de malades de tout faire pour améliorer et accélérer les progrès thérapeutiques. Il s’agit en particulier de mettre en marche des essais thérapeutiques, internationaux pour la plupart, plus efficients ; de renforcer la possibilité d’y accéder ; de simplifier les démarches administratives ; de soutenir les efforts méthodologiques dans l’élaboration des protocoles.
Oui, cela peut et doit se réfléchir, en particulier pour ce qui concerne les essais dits de phase 1, analysant des protocoles thérapeutiques utilisés pour la première fois sur un type de tumeur, comme les essais de thérapeutiques ciblées, adaptées aux voies différentes de la carcinogenèse.
C’est pourquoi je propose que, d’ici à la discussion du projet de loi relatif à la santé, nous nous mettions autour de table, en partenariat avec le ministère, voire avec l’Institut national du cancer – INCa – pour réfléchir à toute voie d’amélioration.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Malgré les progrès considérables de la recherche médicale, un enfant décède chaque jour à la suite d’un cancer, sans qu’aucune perspective d’amélioration ne se dessine pour certaines pathologies particulièrement rares.
Ainsi, nous remercions nos collègues du groupe UDI, particulièrement le président Lagarde, d’avoir inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, une proposition de loi sur un sujet particulièrement grave, pourtant insuffisamment traité dans le cadre de nos travaux parlementaires.
Par ailleurs, je veux saluer, comme d’autres l’ont fait avant moi, le courage des familles qui se battent avec leur enfant contre la maladie. À cette évocation, des prénoms et des visages surgissent devant les yeux de chacun d’entre nous.
Je veux également rendre hommage à la communauté scientifique française, particulièrement active, qui met constamment en oeuvre les avancées thérapeutiques de la communauté de la recherche internationale, ainsi, bien sûr, qu’à tous les soignants qui se consacrent avec dévouement à ces petits malades.
Il est toujours difficile de trouver les mots devant certaines situations de souffrance, mais c’est aussi la fierté de notre assemblée que de pouvoir se pencher sur ces situations pour avancer ensemble et offrir des solutions. Peu importent les bancs sur lesquels nous siégeons, je suis sûr que nous pourrions nous entendre pour soutenir l’initiative de nos collègues de l’UDI en adoptant un texte commun afin d’accompagner toujours mieux les personnes touchées par ces drames de la maladie et de la souffrance de l’enfance. Je dis « toujours mieux » parce que, à l’évidence, même si l’on parle peu de ce sujet, il existe régulièrement des avancées, comme notre rapporteur l’a rappelé en commission des affaires sociales.
Vous vous êtes vous-même impliquée en la matière, madame la secrétaire d’État, comme vos prédécesseurs. En effet, le troisième Plan cancer de 2014-2019 a placé la lutte contre les cancers pédiatriques en tête de ses priorités, ce dont nous nous félicitons. Avant lui, le deuxième Plan cancer de 2009-2013 avait également pris en compte cette problématique en proposant d’améliorer la prise en charge et le suivi des patients, ainsi que d’approfondir la connaissance de ces maladies.
Ce que nous propose notre collègue Lagarde, c’est finalement de conforter ces avancées et de donner une nouvelle impulsion à la recherche. En effet, vous souhaitez, monsieur Lagarde, faciliter la mise en oeuvre d’une meilleure individualisation des traitements afin d’améliorer les chances de survie puisque, dans le cas de ces maladies rares, il n’existe pas de véritable thérapie curative. C’est une bonne chose. Vous pointez également une difficulté majeure : en effet, en dehors des leucémies, dont le traitement explique l’essentiel des guérisons, les cancers pédiatriques concernent un très faible pourcentage de la population et, dans bien des cas, il n’existe pas de traitement par une molécule mise sur le marché. Il s’agit donc de maladies rares, pour le traitement desquelles le développement et la commercialisation de médicaments ne sont pas rentables pour les industries pharmaceutiques.
Pour remédier à cela, vous proposez de favoriser une recherche spécifique et de créer un fonds spécial, versé à l’Institut national du cancer, qui permettrait de mobiliser des équipes entièrement dédiées à ces cancers. Ce fonds serait alimenté par les entreprises de l’industrie pharmaceutique. Mieux impliquer l’industrie pharmaceutique sur ce sujet est une piste tout à fait intéressante. En revanche, comme vous l’avez reconnu vous-même en commission, le contexte pose problème. En effet, ce texte déposé en 2013 ne peut être appliqué en l’état aujourd’hui.
L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, comme ceux des deux années précédentes, nous a montré à quel point ce secteur avait été et continuait d’être fortement mis à contribution : plus de 1 milliard d’euros dans le PLFSS pour 2015 sur les 9,6 milliards d’économies annoncées. Une nouvelle hausse de la fiscalité, dans un tel contexte, en plus de pénaliser la compétitivité des entreprises du médicament qui évoluent dans un secteur hautement concurrentiel, pourrait se révéler contre-productive. Cela initierait, en outre, une nouvelle politique de financement de la recherche que nous devons bien peser.
Comme certains de mes collègues l’avaient évoqué en commission, plutôt qu’une taxe sèche, je trouverais intéressant de réfléchir à un dispositif « gagnant-gagnant », incitatif, qui encouragerait les laboratoires qui s’engagent dans la recherche contre ce type de cancers, un peu sur le modèle du « Creating Hope Act » voté aux États-Unis. Un tel dispositif est complexe à construire, mais il pourrait se faire sous forme de contractualisation. J’espère donc, madame la secrétaire d’État, que vous allez nous faire des propositions, afin que la discussion de ce texte permette de poser une nouvelle pierre redonnant espoir à toutes ces familles qui souffrent. Le sujet doit dépasser les clivages politiques et nous rassembler sur tous les bancs de cet hémicycle. Les députés du groupe UMP soutiennent l’initiative du président Lagarde et sont prêts à soutenir toute initiative qui irait dans ce sens.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui concerne un sujet extrêmement sensible. Tout d’abord, il me paraît utile de rappeler que nous constatons, dans le domaine de l’oncologie pédiatrique, des progrès constants pour améliorer le taux de survie. Les traitements évoluent de façon continue depuis les années 70 et permettent d’enregistrer des progrès importants. Par exemple, le taux de guérison des leucémies aiguës est passé de 10 % à 90 % en quarante ans, notamment grâce aux protocoles de recherche clinique qui se sont succédé pour lutter contre cette pathologie.
Vous faites remarquer, monsieur Lagarde, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, que l’effort de recherche portant sur les cancers pédiatriques ne représenterait que de 1,5 % à 3 %, alors que l’examen des deux premiers Plans cancer permet d’estimer à 38 millions d’euros les financements alloués à la recherche entre 2007 et 2011, sur un budget total de 350 millions d’euros, soit 10 % du financement de la recherche publique en cancérologie. Les réponses que vous souhaitez apporter dans cette proposition de loi pour le financement de la recherche oncologique pédiatrique sont fondées sur une taxation qui pourrait être désincitative.
Aussi la taxation des laboratoires pharmaceutiques, dont le produit serait affecté à l’INCa, pourrait-elle apporter des financements à la recherche fondamentale, mais elle n’incitera pas les laboratoires à développer plus de médicaments pour traiter les cancers pédiatriques. Au contraire, en effet, on peut estimer que cette mesure comporte un effet dissuasif et qu’elle pourrait conduire les laboratoires à se désengager du sujet, alors qu’il est nécessaire d’encourager la recherche industrielle. Par ailleurs, des recherches sont en cours pour développer une médecine dite personnalisée. Aujourd’hui, tous les traitements sont déjà personnalisés et adaptés aux patients.
Pour autant, selon l’INCa, la médecine dite personnalisée, permettant d’accéder aux thérapies ciblées, n’est pas encore au point chez l’enfant. C’est d’ailleurs l’un des axes de travail du troisième Plan cancer qui prévoit de réaliser le séquençage complet du génome des tumeurs de l’enfant d’ici à la fin du plan, en vue de rechercher de nouvelles cibles thérapeutiques. Seule une vision d’ensemble de la recherche médicale et oncologique permettra de réaliser de réels progrès en la matière.
C’est pourquoi le troisième Plan cancer, qui a été présenté par le Président de la République en février 2014, répond à une vision d’ensemble et comprend des mesures qui contribueront fortement à lutter contre le cancer, notamment chez les enfants. Dans ce cadre, les problématiques spécifiques liées aux cancers pédiatriques sont bien prises en compte. Sont ainsi prévues de nombreuses mesures destinées à répondre aux besoins des enfants et des adolescents malades, ainsi qu’à leurs familles.
Il s’agit notamment de la création de centres d’essais dédiés à la recherche contre les cancers pédiatriques, de la mise en place de partenariats au plan européen et avec l’industrie pharmaceutique, de la mise en oeuvre d’un dispositif national spécifique destiné aux cancers rares de l’enfant, reposant sur l’Institut national du cancer, de la création de centres permettant des essais cliniques en phase précoce – CLIPP – dédiés uniquement aux cancers pédiatriques et visant à l’accès aux médicaments innovants, d’un renforcement de l’ouverture aux enfants du programme d’accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes – AcSé –, destiné aux patients pour lesquels les traitements classiques ne sont pas efficaces.
Pour conclure, si nous entendons bien sûr la douleur des familles dont l’enfant est touché par cette maladie, les réponses relatives au financement apportées dans cette proposition de loi ne nous semblent pas adaptées : c’est pourquoi nous choisirons de ne pas adopter ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Avant que le débat ne s’achève, puisque telle semble être la volonté du groupe socialiste qui propose, dans son amendement no 1 , de rejeter tout le dispositif, contrairement à ce que souhaite Gilles Lurton du groupe UMP, permettez-moi quelques observations. J’ai entendu beaucoup d’argumentations qui reposaient plus sur l’exposé des motifs que sur le principe même du texte. Or, on ne vote pas dans l’hémicycle un exposé des motifs, d’autant que celui-ci date d’il y a deux ans. En effet, l’on ne peut inscrire dans les niches parlementaires que des textes existant déjà. Or, le troisième Plan cancer est intervenu depuis. Cela dit, des progrès ont certes été accomplis, mais je ne pense pas pour autant, contrairement à d’autres, que tous les progrès qui pourraient être faits l’ont été.
Madame la secrétaire d’État, comme Mme Pinville vous avez déclaré que des progrès formidables avaient été réalisés depuis quarante ans en oncologie pédiatrique. Certes, il y en a eu, mais dans de nombreux secteurs, c’est fini. Les progrès les plus spectaculaires concernent les leucémies. Pour une soixantaine d’autres cancers, les progrès sont inexistants – je pense au rhabdomyosarcome, qui est une tumeur maligne des tissus mous chez l’enfant ; aux gliomes malins infiltrants du tronc cérébral ou à certaines formes très rares de leucémies. S’il y a effectivement un progrès dans la statistique globale, c’est essentiellement grâce aux taux de survie des leucémies qui sont de 80 à 90 % – heureusement ! Les progrès ont été réalisés par des essais cliniques, grâce à des molécules recherchées sur l’adulte, puis dosées et testées pour les enfants. Tant mieux pour ces familles ! Reste, toutefois, madame la secrétaire d’État, comme vous l’avez dit vous-même, que nous déplorons environ 500 décès annuels.
Ce que je veux dire par là, c’est qu’il ne devrait pas y avoir de types de cancers pédiatriques sur lesquels aucune recherche ne soit menée. Vous m’avez répondu que soixante ou soixante-dix essais cliniques étaient en cours. De fait, mais leur objet n’est pas la recherche de nouvelles molécules ; il s’agit de tester des molécules existantes pour voir si elles peuvent fonctionner sur l’enfant. Je ne dis pas qu’il n’y pas d’essais ; je dis simplement que la recherche est déficiente.
Comme beaucoup d’entre vous l’ont noté, le principe général de la recherche médicale française, parce qu’il faut qu’une molécule trouvée puisse ensuite être mise à disposition par l’industrie pharmaceutique, c’est que ce soit l’industrie privée qui recherche. Or, celle-ci recherche naturellement dans les domaines qui peuvent être rentables et dont les coûts peuvent être amortis, mais beaucoup moins dans les domaines qui ne le sont pas. Voilà pourquoi nous proposons l’intervention de la puissance publique.
Vous avez dit, madame Pinville, qu’il y avait eu des progrès, notamment grâce à l’accès aux CLIPP. Je les ai également soulignés, mais il n’en reste pas moins que nous avons encore des champs à explorer.
Madame la secrétaire d’État, vous nous dites qu’il s’agit d’un objectif partagé, mais alors le Gouvernement et les députés des autres groupes devraient pouvoir amender le dispositif, le transformer ou le moduler.
J’ai entendu avec surprise que la taxe prévue risquait de ne pas être incitative pour les laboratoires pharmaceutiques, voire qu’elle pourrait avoir pour effet de dédouaner ces derniers, si ce n’est de les désengager. Je ne suis pas membre de la commission des affaires sociales et je n’aurai donc pas souvent l’occasion d’intervenir sur ce genre de sujets dans vos travaux. J’espère que ceux-ci se poursuivront et que nous avancerons sur la question des secteurs inexplorés de l’oncologie pédiatrique. Mais j’ai du mal à entendre que les industries pharmaceutiques risquent de se désengager alors qu’il n’y a pas, aujourd’hui, de recherche de molécules en oncologie pédiatrique.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de recherche sur les molécules pour les adultes, mais on se contente d’espérer que les enfants en bénéficieront. Si c’est suffisant pour vous, madame la secrétaire d’État, ce ne l’est pas pour nous.
Je propose de faire passer la taxe que je propose de 0,15 % à 0,05 % parce qu’il y a eu une évolution entre la date du dépôt de cette proposition de loi et celle de son examen en séance. À l’époque, il me semblait nécessaire de dégager une somme de 30 millions pour financer deux volets : 20 millions consacrés au séquençage des tumeurs et 10 millions pour ouvrir d’autres pistes – dont je n’ai pas entendu parler dans les réponses qui m’ont été faites. Il s’agissait de la piste de l’épidémiologie, aujourd’hui inexistante, et de celle de la recherche translationnelle, sur laquelle n’existe pas d’appel à projet. Mais comme, même si ce n’est pas encore officiel, tout le monde semble s’accorder sur le fait que 20 millions d’euros vont pouvoir être dégagés sur des fonds européens pour le séquençage, il ne resterait que 10 millions à trouver. C’est pourquoi je propose de ramener cette taxe à un niveau plus modeste.
En outre, je ne conteste pas l’objectif de la mise à disposition de molécules – cela existe déjà aux États-Unis et le groupe UDI peut y adhérer – mais il devrait être possible de faire des recherches spécifiques à l’oncologie pédiatrique et de ne pas se limiter au recours à l’industrie pharmaceutique pour mener des recherches en oncologie adulte et accélérer la mise sur le marché de la molécule lorsqu’elle a pu être testée sur des enfants.
M. Favennec a déclaré que pour notre groupe, il était fondamental de garantir un accès équitable à des soins de qualité et à l’innovation thérapeutique. Or, aujourd’hui, il n’y a pas d’accès équitable à l’innovation thérapeutique. Un certain nombre de chercheurs et de médecins le vivent évidemment plus que nous. Et, encore une fois, si vous n’êtes pas d’accord avec la solution proposée, amendez le texte ! Nous ne revendiquons aucune paternité en la matière. Si nos idées doivent être reprises autrement et sous peu, pourquoi pas ? Mais nous voulons avancer car si le troisième Plan cancer est un progrès, l’oncologie pédiatrique y est encore insuffisamment abordée.
Je vous sais gré, monsieur Carpentier, d’avoir rappelé que la recherche en la matière était négligée par les industriels, car la proposition de loi vise justement à inciter ces derniers à s’engager plus ou à se substituer à eux si nécessaire. Et si je n’ai pas fait une telle proposition dans le cadre du PLFSS, c’est parce que le président de la commission des finances m’a opposé l’article 40 de la Constitution, estimant que je proposais là une charge nouvelle. Présenter cette proposition de loi était donc la seule manière d’avoir un tel débat dans l’hémicycle, et je remercie le président Vigier de m’avoir permis de le faire.
Vous nous demandez aussi, monsieur Carpentier, de soutenir des textes qui viennent de l’autre bord s’ils nous paraissent bons. Nous l’avons déjà fait : souvenez-vous, par exemple, des emplois d’avenir. Nous voulons être une opposition constructive. On peut proposer, approuver, et aussi tout de même contester quand on est dans l’opposition, vous en conviendrez.
Madame Delaunay, vous avez rappelé les progrès accomplis depuis quarante ans, mais je vous ferai la même réponse qu’à Mme la secrétaire d’État : il n’y a pas eu de nouvelle molécule pour l’oncologie pédiatrique en quarante ans, ni de recherche spécifique. Vous me reprochez d’avoir déclaré que c’était honteux pour notre pays, mais il n’est pas tenable pour une société d’expliquer que l’on n’a pas recherché sur des cancers qui ont encore aujourd’hui 100 % de létalité. Vous m’avez parlé en commission de traitements par rayons, mais pourquoi n’y a-t-il aucun appel à projet de recherche sur ces cancers, quand bien même ils touchent très peu d’enfants ? Une société qui n’est pas capable de répondre à ces enfants et à leurs parents autre chose qu’ « on n’a pas cherché parce que ce n’est pas rentable pour l’industrie pharmaceutique et qu’on n’est pas capable de dégager des moyens publics », nous paraît inacceptable.
Et puis vous me reprochez une deuxième fois, après l’avoir fait en commission, de dresser une frontière entre les cancers des adultes et ceux des enfants. Mais cette frontière existe : rencontrez les chercheurs comme je l’ai fait en préparant mon rapport, et vous verrez qu’ils regrettent de ne pas pouvoir répondre à des appels à projet financés dans le domaine de l’oncologie pédiatrique et que leurs équipes ne puissent pas y projeter une carrière. Ils se tournent donc vers ce qui permet de développer des projets de recherche de long terme, soit pour l’essentiel dans le domaine de l’oncologie adulte.
Enfin, j’ai été assez surpris, madame Delaunay, de vous entendre dire que vous ne pouviez me suivre sur le principe d’une telle taxe. Pourtant, vous comprenez bien celui d’une taxe à 1,6 % qui va rapporter 320 millions, puisque vous venez de la voter il y a quelques semaines, alors que le principe d’une taxe à 0,05 %, qui rapporterait 10 millions, vous choque.
En ce cas, je vous rappelle qu’il existe déjà des taxes spécifiquement affectées à une maladie. Je pense à la taxe sur les billets d’avion pour financer la lutte contre le SIDA. Elle a été inventée par l’ancienne majorité et le Président de la République actuelle est en train de la défendre.
Il n’y a aucune raison pour que l’on ne crée pas d’autres taxes affectées à des recherches spécifiques. Je ne comprends pas que vous soyez opposée à ce principe.
Madame la secrétaire d’État, madame Delaunay, tout se passe comme si les protocoles randomisés existants et les essais cliniques que vous évoquez, ainsi que le séquençage attendu pour 2019, étaient considérés comme suffisants dans le cadre de la politique de recherche. Nous cherchons non pas à bouleverser le Plan cancer, mais à le compléter. Or, on me répond qu’il ne faut pas y toucher parce qu’il est suffisamment parfait, bien qu’il n’aborde pas suffisamment tel ou tel secteur. Ce n’est pas notre sentiment.
Monsieur Lurton, je vous remercie d’avoir dit qu’on ne débattait pas suffisamment souvent d’un tel sujet dans le cadre de nos travaux législatifs. Certes, il y aura une taxe nouvelle si l’on applique notre dispositif en l’état, mais la capacité pour un parlementaire de dégager une ressource nouvelle n’est pas bien grande, vous le savez comme nous tous : soit je propose de réduire les crédits affectés au cancer adulte – Mme Delaunay me le reprocherait à juste titre –, et j’oppose alors les adultes aux enfants ; soit je propose de dégager une ressource nouvelle, et bien modeste au regard des taxes qui se sont multipliées, y compris dans ce secteur.
Cette proposition de loi nous a donné la possibilité de débattre de l’oncologie pédiatrique. J’espère, madame la secrétaire d’État, que le débat se poursuivra entre le Parlement et l’INCa et que, dans les mois qui viennent, vous aurez à coeur de ne pas rester seulement sur le séquençage et sur l’imitation américaine dans ce secteur. Moi qui ne suis pas spécialiste, je vais juste faire une remarque de citoyen : tout se passe comme s’il y avait d’un côté les sachants et, de l’autre, ceux qui ne savent pas,…
… même si quelques sachants demandent d’ouvrir des pistes qui pourraient être prometteuses. On déploie beaucoup de moyens pour la recherche, y compris dans d’autres domaines que le cancer, et il arrive de trouver des voies de progrès notables à côté de l’axe stratégique de recherche initialement prévu. C’est un peu ce que je suggère avec cette proposition de loi.
En conclusion, je tiens à remercier Mme Lemorton d’avoir été sensible à la démarche du groupe UDI en s’assurant en commission que le débat dépasse les frontières politiques.
Je la remercie aussi de m’avoir permis de rencontrer avec elle, cette semaine, le directeur adjoint de cabinet de la ministre de la santé, et il me semble que nous en avons tiré des éléments de réflexion qui permettraient d’avancer dans les mois à venir.
Enfin, je ne crois pas que le vote qui va avoir lieu ici soit un vote politique, un vote de parti. Il y a une volonté partagée, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, mais aussi une insatisfaction quant à la situation existante qu’il faut améliorer. Si la méthode que nous proposons ne vous convient pas, faisons-le autrement, mais ensemble et vite.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous partageons évidemment les objectifs de cette proposition de loi, mais pas la manière de les atteindre, notamment s’agissant de la taxe.
Chacun sait que je ne suis pas la dernière à vouloir taxer l’industrie pharmaceutique.
Mais je pense que ce texte ouvrirait la porte à beaucoup d’autres demandes du même type : dès qu’une pathologie ne ferait pas l’objet de recherches jugées suffisantes, il faudrait aussitôt créer une nouvelle taxe sur l’industrie pharmaceutique. Le dispositif me gêne à cet égard dans sa philosophie et dans sa manière.
Cela étant, j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, que vous aviez choisi ce moyen à cause de l’article 40. Votre proposition de loi me permet d’évoquer le problème des traitements non adaptés à la pédiatrie, et pas seulement s’agissant des cancers. L’Académie nationale de pharmacie, en février 2013, avait rendu un rapport assez parlant, dans lequel elle faisait état que 60 % des médicaments prescrits à des enfants dans les établissements de soins privés ou publics n’avaient pas fait l’objet d’autorisation de mise sur le marché ; c’était au soignant d’adapter la posologie adulte à la posologie enfant.
À cette occasion, je salue, au nom certainement de toute notre assemblée, les personnels de santé, les soignants autour des enfants, qui doivent adapter les traitements très régulièrement parce que l’industrie pharmaceutique ne fait pas l’effort d’adapter ses conditionnements. Cela vaut non seulement pour les cancers, mais aussi pour les médicaments en cardiologie et pour le domaine des prématurés. C’est vrai, monsieur le rapporteur, qu’il faut que l’industrie pharmaceutique se lance dans cette affaire. Il y a déjà une réglementation européenne qui pourrait ouvrir une piste : quand une industrie pharmaceutique présente un médicament pour une pathologie qui existe aussi chez l’enfant, si elle prouve qu’elle a mené des essais cliniques chez cette classe d’âge, on leur accorde une protection de leur brevet de plus longue durée. Sur l’ensemble des marchés des médicaments pédiatriques, treize nouveaux médicaments ont reçu une autorisation de mise sur le marché au cours des années 2011, 2012 et 2013.
Par ailleurs, il y a une difficulté à faire des essais cliniques chez les enfants parce que faire accepter de tels essais par des parents évidemment angoissés n’est pas toujours évident pour les équipes médicales.
Je le dis avec beaucoup d’empathie pour les parents.
Enfin, quelle que soit la consigne de vote des groupes, nous avons tous de l’empathie pour les familles. Il n’y a pas de bons et de mauvais députés sur un tel sujet, ni non plus de politique. Il s’agit juste de trouver les moyens de régler la question, ceux proposés par ce texte n’étant pas forcément opportuns.
En tout cas, je félicite le rapporteur d’avoir posé le sujet. Cela m’a permis d’évoquer le problème des médicaments pour les enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Tout d’abord, monsieur le rapporteur, sur un sujet aussi grave que le cancer, on ne peut pas dire qu’il y les sachants et les autres. En réalité, nous sommes tous à égalité face au cancer.
Ensuite, je tiens à vous remercier tous, sur l’ensemble des bancs, pour être intervenu dans ce débat. Je remercie en particulier Michèle Delaunay, qui a fait un exposé extrêmement précis sur le sujet. On sait qu’elle le connaît en effet très bien – c’est certes une sachante, mais elle aussi potentiellement une patiente.
Je voudrais aussi vous apporter plusieurs précisions parce que mon propos liminaire n’a peut-être pas été très bien compris. Certains d’entre vous ont parlé du futur Plan cancer. Mais l’actuel Plan cancer a bel et bien démarré depuis le mois de février, avec des mesures concrètes entrées en application. Ainsi, des plates-formes de séquençage ont déjà été mises en place.
Un essai clinique va démarrer incessamment, qui inclura des enfants en échec de traitement, souffrant de cancers rares ; dès le début de l’année 2015, on procédera au séquençage de l’intégralité du génome de leur tumeur, et si une cible thérapeutique est identifiée, ils se verront proposer un nouveau traitement.
Cela se produira, non pas en 2019, mais en 2015, c’est-à-dire maintenant.
J’ai en outre cité un certain nombre d’actions qui ont déjà été lancées, comme la mise en place d’un groupe coopérateur national en cancérologie pédiatrique ou la labellisation de centres d’essais cliniques de phase précoce ; cela aussi, c’est maintenant.
S’agissant de l’épidémiologie, la France dispose d’une particularité : tous les enfants qui ont un cancer font partie d’une cohorte et sont référencés. Cela permet d’assurer un suivi épidémiologique attentif, dans un but bien précis : identifier les facteurs de risque de cancer pédiatrique, qu’ils soient environnementaux ou autres.
Un suivi existe donc, et la France est même pilote dans ce domaine, puisque tous les enfants qui ont un cancer font partie de la cohorte Hope-Epi.
Vous avez évoqué l’immunothérapie comme une deuxième piste possible. Je vous signale qu’une étude européenne sur le traitement des neuroblastomes de l’enfant est en cours ; elle est accessible dans plusieurs centres français, dont celui de Toulouse – ce qui devrait tout particulièrement intéresser Mme la présidente de la commission –, ainsi qu’à l’Institut Gustave-Roussy, en région parisienne. Il me semblait important de vous l’indiquer.
Enfin, deux médecins-chercheurs de l’hôpital Necker recevront la semaine prochaine, le 3 décembre, le prix franco-suédois pour leurs travaux sur le cancer pédiatrique, en particulier sur les sarcomes et les neuroblastomes. On voit donc que, même si cela reste insuffisant, la recherche sur le sujet est active.
Pour faire une comparaison avec les autres pays européens, il existe actuellement en France soixante-dix études cliniques en cours sur les cancers pédiatriques – dont quarante-sept menées par l’industrie pharmaceutique, le reste étant institutionnel –, contre cinquante-sept en Grande-Bretagne et soixante-quinze en Allemagne : nous n’avons donc pas à rougir.
Monsieur le rapporteur, vous avez proposé d’amender le texte pour faire avancer les choses. De fait, tout le monde sur ces bancs a le même objectif : aller plus loin ; c’est uniquement sur la méthode que nous avons quelques divergences.
Vous avez été nombreux à évoquer la possibilité d’instaurer des mécanismes incitatifs, à l’instar de ce qui vient d’être fait aux États-Unis. Nous pourrions envisager de faire la même chose en France – ce serait même une bonne idée –, mais nous nous heurtons à un problème de méthode : en France, les autorisations de mise sur le marché pour les médicaments à visée oncologique sont en réalité des autorisations de mise sur le marché européennes ; on ne peut donc pas modifier les choses uniquement à l’échelon français : il faut agir sur la réglementation européenne.
Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, les discussions sur la révision du règlement européen relatif aux médicaments à usage pédiatrique commenceront en 2016. C’est à ce niveau que nous pourrions faire avancer les choses. Je me permets de vous faire une suggestion – mais c’est bien entendu vous qui jugerez en dernier ressort : si les parlementaires prenaient l’initiative de voter une résolution allant dans ce sens, cela pourrait contribuer à faire avancer les négociations en 2016, la France ayant l’intention d’y jouer un rôle moteur. Si le Parlement poussait dans le sens d’une incitation à la recherche sur l’oncologie pédiatrique, ce serait donc une bonne chose – et cela répondrait à votre question.
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l’amendement no 4 , tendant à supprimer l’article.
À la suite de la discussion générale, nous avons entendu les remarques de M. le rapporteur, de Mme la présidente de la commission des affaires sociales et de Mme la secrétaire d’État. On voit bien combien ce sujet est sensible et nous concerne tous. Comme M. Lagarde l’a évoqué, il existe une volonté partagée par l’ensemble de ces bancs : c’est un fait.
Ce avec quoi nous sommes en désaccord, c’est le financement proposé. Il nous faut y travailler encore. Mme la secrétaire d’État vient de nous inciter à adopter une résolution visant à encourager la recherche : cela me semble une piste de travail possible. Le groupe socialiste propose donc de continuer à travailler ensemble et de ne pas voter l’article 1er en l’état. D’où cet amendement de suppression.
Je vous informe que sur l’amendement no 4 , je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Madame la présidente de la commission, vous avez raison de dire que la piste d’une meilleure protection des brevets vient s’ajouter à celle envisagée à l’échelon européen. L’ensemble me semble une bonne chose ; car, comme vous l’avez souligné, il s’agit non pas de la seule et unique piste, mais d’une parmi d’autres. Je pense d’ailleurs que c’est là le problème que nous rencontrons : il n’y a pas une piste ; il y en a plusieurs, dont certaines ne me semblent pas suffisamment explorées à l’heure actuelle.
J’ai bien entendu votre réflexion concernant les essais cliniques et la difficulté d’obtenir l’accord des parents, mais la situation me semble encore plus difficile lorsque ces parents s’entendent dire qu’il n’existe pas de traitement efficace et qu’ils cherchent malgré tout, en désespoir de cause, une solution. C’est pour cela que je disais que l’on prenait le risque de livrer des gens à des charlatans – car vous savez bien que, malheureusement, cela existe.
Madame la secrétaire d’État, nous sommes en désaccord sur l’épidémiologie. Je ne dis pas que l’on ne recense pas l’intégralité des cancers pédiatriques dans notre pays ; mais demandez aux familles : vous verrez que bien peu ont été interrogées sur les conditions de vie ou les antécédents. Voilà ce que je trouve consternant – ne serait-ce que parce que quand vous avez plusieurs enfants, vous vous inquiétez pour les autres ! Et c’est pourquoi je pense qu’il serait utile de disposer de telles recherches.
Cela vaut la peine de rencontrer les associations : les parents touchés soulignent qu’on ne leur a jamais posé la question, et ils le regrettent ; c’est d’ailleurs une de leurs demandes. Je ne l’ai pas mentionné dans la proposition de loi, mais je l’ai ajouté dans le rapport quand je l’ai découvert. Je ne pense donc pas que nous soyons « pilotes » dans ce domaine ; peut-être faisons-nous mieux que les autres, mais ce n’est pas encore assez. Je vous demande de l’entendre.
Madame Pinville, vous estimez qu’il faut supprimer l’article, et je le regrette à double titre. Sur la forme, d’abord, cela mettra un terme au débat : on n’ira pas plus loin. Or, je le répète, les groupes politiques, quels qu’ils soient, avaient tout loisir de modifier ou d’améliorer le dispositif proposé, d’en proposer un autre, voire de transformer l’article 1er en un voeu, un souhait ou une motion.
J’avais évoqué cette possibilité, mais ce n’est quand même pas à moi de le faire : a priori, je suis d’accord avec le dispositif proposé ! Peut-être aurions-nous pu avancer différemment.
Sur le fond, une telle suppression toucherait le coeur du texte, une disposition pourtant demandée par nombre de chercheurs et d’associations. Dans l’exposé sommaire de l’amendement, vous rappelez les mérites du plan cancer ; je ne les nie pas, mais je pense que celui-ci, d’abord devrait être mieux financé, ensuite ne recouvre pas la totalité des possibilités.
On a beaucoup parlé aujourd’hui de valeurs ou d’objectifs partagés ; je veux le croire. Le dispositif peut ne pas plaire, mais le fait que l’on ne propose pas d’autre solution me gène.
Quand vous rappelez le contenu du Plan cancer, et que vous arrivez à la conclusion que c’est suffisant, ce n’est plus une valeur partagée : moi, je trouve que ce n’est pas suffisant !
J’aimerais donc que vous me répondiez, madame la secrétaire d’État, si toutefois vous en avez la possibilité – car je sais qu’il est difficile de s’exprimer au banc du Gouvernement sans avoir eu un certain nombre d’arbitrages.
J’ai évoqué à plusieurs reprises la recherche translationnelle, et je n’ai pas obtenu de réponse.
J’ai évoqué l’épidémiologie : j’ai obtenu une réponse, sur laquelle nous avons un désaccord.
J’ai évoqué la possibilité de disposer d’un centre unique qui collecte les tumeurs cancéreuses, afin que les chercheurs y aient plus facilement accès : je n’ai pas obtenu de réponse.
Vous voyez bien que toutes les pistes ne sont pas ni recensées ni envisagées, et encore moins financées ! Or tel était l’objet de cette proposition de loi et de son article 1er.
Pour en revenir à l’amendement no 4 , il a été adopté par la commission, mais à titre personnel, j’y suis défavorable.
Favorable.
L’objectif de ce texte, bien évidemment, nous le partageons tous : mieux soigner des enfants, avec des financements adéquats. Personne ne le discute.
Je voudrais en revanche revenir sur le coeur de l’article et l’institution d’une contribution assise sur le chiffre d’affaires. La lecture de l’alinéa 3 m’a rappelé qu’une proposition similaire avait, en son temps, fait beaucoup débat dans cet hémicycle : il s’agit de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés. Je m’étonne donc de voir réapparaître une telle proposition, après que l’on a expliqué en long et en large que la C3S était l’impôt le plus imbécile qui soit.
Je considère qu’il y a là une incongruité – je ne parle bien évidemment pas du fond du débat – et j’aimerais une réponse éclairée du rapporteur à ce sujet.
Je partage bien évidemment moi aussi l’objectif du texte, d’autant plus que les hasards du calendrier font que nous l’examinons une semaine après l’anniversaire de la Convention des droits de l’enfant : on ne peut que se réjouir d’avoir ce débat aujourd’hui.
Ce qui est gênant dans la proposition de loi, ce n’est donc pas l’objectif, mais ce sont la méthode et le financement : on y parle d’ailleurs d’incitation et de mise en réseau plutôt que de financement.
Je me félicite que la secrétaire d’État ait abordé les aspects européens : il existe en effet de nombreux appels à projet, notamment dans le cadre du septième programme-cadre CORDIS, dont la santé, et en particulier la santé pédiatrique, compte parmi les priorités. Peut-être cela permettra-t-il, notamment dans le cadre du Plan cancer, de mieux coordonner et de faire travailler ensemble les acteurs concernés, pour une recherche plus efficace.
Vous avez évoqué le projet franco-suédois. Il existe en effet des structures, et même toute une diplomatie scientifique qui pourrait participer à cette mise en réseau, de manière à valoriser ces projets extrêmement importants.
Il s’agit d’un sujet important et, en la matière, il n’est pas question d’affrontement entre gauche et droite. Il y a au contraire une volonté partagée de trouver des solutions au véritable drame qui affecte certaines familles, sachant que l’on compte presque 2 000 cas de cancers chez les enfants en bas âge.
La proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde va dans ce sens. D’ailleurs, conscient que nous n’avions pas à l’heure actuelle de solution satisfaisante pour apporter une vraie réponse aux cancers qui concernent les enfants, il a expliqué que si la majorité l’avait souhaité, elle aurait pu faire évoluer le texte. Je regrette que cette possibilité ait été balayée d’un revers de la main.
Je voudrais remercier Catherine Lemorton, qui a fait preuve, dans son propos, tout à l’heure, de l’esprit constructif qui est le sien ! Cela me rappelle d’ailleurs un texte sur la désertification médicale, que nous avons examiné il y a quelques années. Même si elle n’en approuvait pas tout le contenu, Mme Lemorton avait convenu avec celui qui en était le modeste rapporteur du fait qu’il fallait trouver une solution.
Ce qui est dommage, madame la secrétaire d’État, dans l’affaire qui nous occupe présentement, et vous le savez très bien, c’est que cette idée de taxer un peu les laboratoires pharmaceutiques était innovante.
D’ailleurs, je suis un peu surpris de voir que, sur les bancs de la majorité, on repousse une taxe affectée, alors que tant de taxes ont été créées depuis deux ans et demi ! Le reproche que vous nous faites est d’autant plus surprenant que la taxe en question vise à doter la recherche en oncologie de moyens supplémentaires.
Je voudrais ajouter deux choses, madame la secrétaire d’État. L’ancien interne de Necker que je suis, vous imaginez, est un peu sensibilisé à la question. Soyons bien attentifs au message adressé à la communauté médicale, à la communauté scientifique, à tous ceux qui attendent des protocoles. Catherine Lemorton l’a très bien dit : en pédiatrie, ce qu’on fait, c’est adapter les posologies des adultes aux enfants. Représentez-vous qu’il faut aller demander à des parents : « Votre enfant est condamné, il y a un protocole à mettre en place, mais on n’est pas sûrs que, demain, il s’en relèvera. Est-ce que vous acceptez ? » Et cela quand on sait le drame humain que cela peut représenter de voir que son enfant est en train de mourir d’une maladie absolument incurable…
Je regrette cet amendement de suppression car, dans cet esprit constructif qui est le nôtre, nous essayons les uns et les autres d’avancer. Et c’est ce qui honore le Parlement : que, sur des sujets aussi graves, nous soyons capables, ensemble, d’ouvrir des pistes. J’ai bien entendu évoquer la possibilité d’une protection particulière en matière de brevets. J’ai bien entendu que des pistes ont été proposées, mais pensez enfin aux chercheurs, qui font un boulot formidable et qui ont besoin d’être soutenus et encouragés. Il n’y pas plus précieux que la vie d’un enfant ; chacun le sait, chacun le garde à l’esprit.
Monsieur Lagarde,vous avez évoqué la notion de fonds dédié en donnant l’exemple du SIDA. Mais cela n’est pas la même chose. Le SIDA est une maladie complexe, qui touche énormément de monde. On pourrait évoquer d’un côté « les cancers » et, de l’autre, « le SIDA », mais, vous, vous évoquez la possibilité d’un fonds dédié aux tumeurs oncopédiatriques, qui représentent 1 % à 2 % des cancers.
Ensuite, vous avez dit n’avoir pas eu de réponse à la question des tumeurothèques, mais il y a, de fait, une tumeurothèque, qui n’est pas une tumeurothèque géographique, mais dans laquelle tous les chercheurs peuvent puiser. Les réfrigérateurs s’ouvriront, et des parcelles de tumeur seront données aux chercheurs. Ce qu’a annoncé Mme la secrétaire d’État contribuera d’ailleurs à enrichir ces tumeurothèques.
S’agissant de l’absence de réponse thérapeutique, je tiens à dire qu’il n’existe pas de tumeur pour laquelle nous n’ayons pas une voie de recherche, mais il y a tellement de tumeurs de l’adulte pour lesquelles nous sommes confrontés à cette impossibilité, cette incapacité d’offrir quelque chose de vraiment utile. Je songe par exemple aux gliomes – ce sont les mêmes que chez les enfants. En outre, parfois, il y a des impossibilités dues au site de la tumeur. C’est particulièrement vrai chez l’enfant avec les tumeurs infiltrantes du tronc cérébral : quand on piocher dedans, le délabrement est tel que c’est pratiquement signe de mort.
Je suis pleinement d’accord, quant à moi, pour poursuivre le débat. Je voudrais que le cancer soit un sujet majeur pour l’Assemblée nationale, car le rôle du politique est essentiel. Il faut agir sur les cancers évitables, en particulier le cancer pulmonaire, dont le taux de guérison est de 15 %, comme quand j’ai commencé ma médecine, il y a cinquante ans. Agissons sur les cancers évitables pour pouvoir, demain, financer les molécules nouvelles. Nous sommes à l’orée d’un temps nouveau pour le cancer, avec les molécules ciblées, mais celles-ci coûtent déjà extrêmement cher. En écartant les cancers évitables, nous aurons la possibilité d’accéder à ces progrès thérapeutiques majeurs. Mobilisons-nous ! Quel que soit le groupe politique, je serai toujours partenaire de cette mobilisation.
Je partage bien sûr les propos qu’a tenus tout à l’heure Mme Lemorton. Elle l’a dit : nous avons tous de l’empathie pour les enfants qui souffrent de ces maladies, pour leurs familles, pour les personnels soignants qui s’occupent d’eux et qui ressentent souvent comme un échec leur impossibilité de les soigner. Je partage aussi son avis quand elle dit que nous avons tous le même objectif en ce qui concerne ces maladies rares : il faut faire avancer la recherche.
Il semble que nous nous séparions en revanche sur les moyens d’atteindre cet objectif. Le président Lagarde l’a dit il y a quelques instants : sa proposition de loi a été déposée en 2013. Aujourd’hui, il propose de la faire évoluer en l’amendant, mais, avec cet amendement de suppression de l’article 1er, vous allez empêcher le débat d’avoir lieu. J’ai moi-même connu cela, il y a quelques semaines, lors de l’examen d’une proposition de loi que j’avais déposée. Je trouve cela regrettable. Si l’amendement de suppression est adopté, nous ne pourrons pas poursuivre le débat sur ce sujet. Pour ce qui nous concerne, nous voterons donc contre.
M. Sebaoun ferait bien de mesurer ses propos lorsqu’il qualifie la taxe envisagée d’incongruité. Le PLFSS 2014 a effet modifié l’article L. 245-6 du code de la Sécurité sociale pour instaurer exactement la même taxe, au taux de 1,6 %. La taxe serait donc qualifiée d’incongruité quand elle est proposée par un parlementaire de l’UDI et deviendrait vertu lorsqu’elle est acceptée par le Gouvernement et le groupe socialiste.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Il serait d’autant plus appréciable de mesurer ses propos que le débat était jusqu’à présent plutôt serein et digne.
De plus, sur les 320 millions d’euros de taxes que vous avez adoptés, monsieur Sebaoun, et qui ne vous paraissaient pas incongrus, 17 millions sont destinés à la formation professionnelle continue. Et vous qualifiez d’incongruité le fait que nous voulions donner, grâce à une taxe affectée, 10 millions d’euros à la recherche ! Je trouve que vous y allez un peu fort et que vous êtes dans l’excès.
Enfin, madame Delaunay, je suis surpris de votre raisonnement sur le SIDA. Vous me dites, en fait, que la taxe pour financer la lutte contre le SIDA est légitime parce qu’il y a beaucoup de malades. Celle-là, en revanche, serait illégitime parce que trop peu de personnes seraient concernées. Cela ne me paraît pas bien. Je ne vais pas opposer les maladies mais, dans ce cas, pourquoi le SIDA ferait-il exception ? D’autres fonds, d’ailleurs, sont affectés à la lutte contre des maladies.
En l’occurrence, il y avait là une logique que je défendais et que je continue à défendre : quand il n’y a pas de recherche privée parce que ce n’est pas rentable, la puissance publique devrait intervenir. Ce principe devrait être retenu dans les débats qui se poursuivront, je l’espère, sur ce thème, au sein de notre assemblée. En tout cas, je trouve très surprenant, de votre part, ce refus que le public intervienne quand le privé ne suffit pas.
Il est procédé au scrutin.
Je voudrais défendre cet article, car chaque année, en France, près de 2 500 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez les enfants et les adolescents : 1 700 chez les enfants et près de 700 chez les adolescents. Près de la moitié de ces cancers surviennent avant l’âge de cinq ans. Ces cancers pédiatriques sont des leucémies dans 29 % des cas, des tumeurs du système nerveux dans 24 % des cas, et des lymphomes dans 11 % des cas. Aujourd’hui, plus de 500 enfants et adolescents décèdent chaque année d’un cancer, ce qui fait de cette maladie la première cause de mortalité. On ne peut rester indifférent à cette situation.
Cette proposition de loi du groupe UDI, sous l’impulsion du président Lagarde, a le mérite de mettre en lumière un vrai problème de santé. Son article 2 vise à renforcer le principe d’individualisation des traitements des cancers pédiatriques, car on constate que, si les enfants atteints de cancers réactifs aux protocoles standardisés peuvent s’en sortir, ce n’est pas le cas de ceux touchés par un cancer spécifique. Or, seulement 2 % des fonds de recherche anti-cancer sont consacrés à la recherche contre les cancers pédiatriques. C’est pourquoi il est proposé de modifier l’article L. 6162-4 du code de la santé publique en le complétant d’une disposition générale qui imposerait une individualisation de la prise en charge du traitement. Les députés du groupe UMP, notamment Guy Geoffroy et moi-même, soutiennent cette belle orientation.
La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l’amendement de suppression no 5.
Bien que cette proposition de loi traite d’un sujet sensible, nous considérons qu’elle n’apporte pas les bonnes réponses. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La commission a adopté cet amendement de suppression, mais votre rapporteur en est assez étonné. Finalement, nous n’avons pas pu avoir un débat éclairé sur ce point. Je n’ai pas entendu de réponse autre que « financement », « taxe », « Plan cancer », etc., mais quel est, au fond, l’objet de cet article ? Si vous repoussez l’amendement de suppression et adoptez l’article, le principe de la personnalisation des soins aux enfants, énoncé dans le cadre du Plan cancer, sera élevé au rang de droit. Transformer un principe en droit, pour les parents, pour les enfants, ne me paraît ni incongru, ni déplacé, ni excessif, ni coûteux.
Vous nous avez dit qu’il en allait déjà ainsi. Alors en quoi donc garantir un droit qui serait déjà appliqué pourrait-il poser une difficulté ? Je suis étonné, car je n’ai entendu aucun argument contraire. Puisqu’on parlait tout à l’heure de volonté partagée sur tous ces bancs, voilà bien un amendement de suppression qui, de mon point de vue, devrait être retiré, l’article faisant un droit du principe affirmé dans le cadre du Plan cancer. Qu’est-ce qui peut vous déranger là-dedans ? Je ne peux pas croire que ce soit l’auteur de cette proposition ou le groupe qui l’a soumise au débat. J’imagine bien que, dans les textes futurs, vous accepterez que le principe posé par le Plan cancer devienne un droit. Avoir des principes sans vouloir les transformer en législation, c’est assez curieux pour une Assemblée nationale.
L’amendement no 5 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 2 est supprimé.
La parole est à Mme Martine Pinville, pour soutenir l’amendement de suppression no 6.
La commission est favorable à l’amendement de suppression de cet article dont l’objet était de définir le gage. J’y suis également favorable à titre personnel : puisqu’il n’y a plus rien dans le texte, ce n’est pas la peine de créer un gage.
L’amendement no 6 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 3 est supprimé.
Nous avons achevé la discussion des articles de la proposition de loi.
L’Assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures cinquante-cinq.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, nous avons aujourd’hui l’occasion d’aborder un sujet qui intéresse très largement nos concitoyens : le permis de conduire. Vous le savez, 1,3 million d’examens du permis de conduire sont passés chaque année. Cet examen représente, pour beaucoup des candidats, un enjeu très important pour leur projet personnel. Le permis de conduire est dans certains cas indispensable pour trouver un emploi ; il est dans tous les cas nécessaire pour avancer dans la vie. Ce sujet est par ailleurs très discuté, de manière parfois tendue ; il provoque des polémiques, suscite des mouvements sociaux. Toute une série d’actualités y est liée, et montre à quel point il est sensible, d’autant plus que le permis de conduire souffre de dysfonctionnements réguliers.
Cet examen, qui est l’un des plus populaires, les plus importants, les plus stratégiques pour les Français, est donc aussi une cause de tensions importantes – vous le savez, monsieur le ministre. La proposition de loi que je défends aujourd’hui pose la question suivante : n’existe-t-il pas un moyen simple de résoudre le problème récurrent du permis de conduire ? Depuis des années, cette question est abordée dans notre hémicycle et dans des rapports ; elle s’invite dans toute une série de débats sans trouver pour autant une issue favorable, acceptable, et de nature à régler le problème.
Pour étayer ce constat, je rappellerai quelques chiffres : 1,3 million de places, 1 300 inspecteurs, 2 à 4 millions de candidats en attente, de trois à vingt-huit semaines d’attente selon les régions – en Île-de-France, le délai d’attente s’établit à quatre mois pour le premier passage, et trois à six mois voire davantage pour le deuxième passage –, et un coût qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros. Est-il acceptable, au XXIe siècle, qu’un examen aussi nécessaire implique des délais d’attente et des coûts aussi difficilement supportables ? Je rappelle que la France est le pays d’Europe où les délais pour passer le permis de conduire sont les plus longs. Là encore, compte tenu des résultats obtenus par la France en ce domaine, les moyens mis à disposition sont-ils à la hauteur des enjeux et des attentes ?
La réponse à ces deux questions est non, bien entendu ! Je pense donc qu’il est urgent de s’attaquer à la réforme du permis de conduire. On peut aborder ce sujet à différents endroits de la chaîne – c’est d’ailleurs ce que vous faites, monsieur le ministre. On peut l’aborder très en amont, au niveau des inscriptions ou des auto-écoles, ou encore très en aval, en considérant les chiffres de la sécurité routière.
Je vous propose de l’aborder sous l’angle sans doute le plus critique, celui de l’examen de conduite. Il y a certainement des améliorations à faire en amont et en aval, mais nous savons que c’est l’examen de conduite qui pose un véritable problème, car il souffre de la longueur des délais et d’un manque cruel d’inspecteurs, ce qui crée une tension sur l’ensemble des maillons de la chaîne.
Je rappelle simplement que 35 000 personnes conduisant sans permis sont verbalisées par an ; imaginez le nombre total de conducteurs conduisant sans permis ! Je rappelle aussi que 85 000 Français conduisent avec des permis obtenus à l’étranger, sans véritables garanties sur la qualité de la formation et de l’examen.
Dans ce contexte, que faut-il faire ? Faut-il ajuster, rafistoler, prendre quelques mesures permettant de régler provisoirement le problème, ou faut-il s’attaquer aux vrais problèmes posés par l’examen de conduite et par la saturation du dispositif général ? Monsieur le ministre, vous avez lancé quelques mesures qui sont probablement de nature à assouplir – mais, malheureusement, de façon provisoire – le dispositif, en permettant le recours à des réservistes et à des agents du service public pour donner un coup de main aux inspecteurs. Vous avez également voulu réduire les délais en portant de douze à treize le nombre d’examens par inspecteur, ce qui permettra de fluidifier le système. Certes, ces mesures vont dans le bon sens et régleront quelques problèmes, mais elles ne les résoudront pas de manière réelle, durable et efficace.
Cette proposition de loi vise donc à s’attaquer au coeur du problème, celui de l’examen. En définitive, il s’agit de repenser les missions de chacun dans ce dispositif : il est incontestable que garantir la qualité du permis de conduire et organiser l’enseignement, la prévention et le contrôle relèvent du pouvoir régalien de l’État. Il faut sacraliser la mission forte, indispensable et régalienne de l’État qui est celle du contrôle de l’ensemble du dispositif.
Les auto-écoles, souvent prises entre le marteau et l’enclume, dans la mesure où elles sont responsables des inscriptions et des passages d’examen pour le compte de l’État, ont pourtant la mission essentielle de l’enseignement. Elles l’accomplissent bien entendu, mais sont souvent très mobilisées pour ce qui relève davantage de l’État, à savoir la gestion des places d’examen et des inscriptions. Il faut que l’État assume à nouveau son rôle, pour que les auto-écoles puissent se focaliser sur l’enseignement.
L’originalité de cette proposition de loi est sans doute d’introduire un troisième acteur, qui est un organisme certificateur. Vous le savez, en France, la profusion des normes et des règlements a conduit à confier une délégation de service public à de nombreux organismes certificateurs pour contrôler un certain nombre de choses, de la fiabilité des centrales nucléaires jusqu’au contrôle technique automobile en passant par certains examens. Ces organismes agissent pour le compte de l’État en respectant une déontologie extrêmement structurée. Ainsi, l’État se décharge de ses missions de contrôle et d’observation pour se focaliser sur ce qui devrait être sa priorité.
Cette proposition de loi a pour objet de mettre l’examen de conduite entre les mains d’organismes certificateurs, qui, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres domaines, auront la possibilité de faire passer un permis probatoire pour le prix d’une heure de conduite. Une fois le candidat présenté par l’auto-école, l’organisme certificateur fera passer ce permis probatoire, qui répondra aux normes européennes que nous connaissons. S’il réussit cet examen, le candidat disposera donc d’un permis probatoire valable deux ans, au cours desquels il pourra conduire.
À l’issue de cette période, si aucune infraction n’est commise, ce permis probatoire deviendra définitif. Ce dispositif permettra donc à la fois de maintenir la qualité du permis et de décharger l’ensemble du système public du poids de l’examen, puisque, à l’instar du contrôle technique automobile, le nombre de centres d’examen créés correspondra aux besoins du « marché » et à l’évolution de la demande dans chaque territoire. Cela permettra de fluidifier, d’accélérer, et de simplifier le passage du permis de conduire.
Ce permis probatoire, dévolu à des organismes certificateurs agissant bien entendu sous le contrôle de l’État, aura un autre grand intérêt, notamment en termes de sécurité. En effet, les inspecteurs pourront se concentrer sur d’autres sujets, tout aussi importants, voire aujourd’hui stratégiques, même s’ils sont peu abordés : la prévention, l’information et l’accompagnement sur les sujets de sécurité routière.
Ainsi, les inspecteurs exerceront à nouveau leur mission, qui consiste, non pas simplement à faire passer un examen de conduite ou de code, mais également à gérer, pour le compte de l’État dans l’ensemble de nos territoires, tout ce qui concourt au contrôle, à l’information, à la médiation, à la formation, qu’il s’agisse du permis B, des permis à risques – comme le permis moto –, ou des permis professionnels – comme le permis poids lourds. L’avantage de cette proposition de loi est de donner aux inspecteurs un rôle beaucoup plus large, moderne, et en phase avec les obligations et les missions de l’État.
Enfin, cette proposition de loi permettrait également d’introduire un post-contrôle. Vous le savez, 90 % des accidents de la route, notamment ceux provoqués par des jeunes, ne sont pas tant dus à un défaut de technicité qu’à un défaut de comportement. Aussi, il n’est pas nécessaire que l’inspecteur évalue à nouveau les qualités du candidat. Dans cette proposition de loi, nous proposons que le candidat ayant réussi l’examen contrôlé par l’organisme certificateur repasse devant un inspecteur s’il commet une infraction dans les deux ans suivant l’obtention de son permis. L’inspecteur qui aura à évaluer la conduite de ce candidat, ne devra pas tant juger ses compétences techniques, déjà évaluées par un organisme certificateur, que son comportement.
Il lui reviendra de lui dire que, s’il a obtenu un permis de conduire conforme aux normes européennes et sous le contrôle d’un organisme certificateur, il a roulé à 80 kilomètres heure en ville ou a doublé sur une ligne blanche – en tout cas, il a adopté un comportement à risques. Il lui dira également que cette nouvelle évaluation n’est pas tant destinée à vérifier sa technicité qu’à évaluer son comportement sur la route.
L’intérêt de cette proposition de loi est également de satisfaire une demande récurrente des organisations de sécurité routière, des consommateurs et de tous les opérateurs de la sécurité routière en général : celle d’un contrôle post-permis pour s’attaquer à ces comportements à risques, que les jeunes en particuliers adoptent et qui provoquent des drames sur la route.
Les principes sont donc les suivants : rendre à chacun son rôle – l’État, les auto-écoles – ; créer des organismes certificateurs qui permettront de fluidifier l’examen du permis de conduire en s’adaptant à la demande ; permettre aux inspecteurs de se concentrer sur l’ensemble des missions qu’ils doivent accomplir pour le compte de l’État ; réduire le coût et améliorer l’efficacité de l’ensemble du dispositif.
Au-delà du sujet du permis de conduire, cette proposition de loi va dans le sens des objectifs gouvernementaux de simplification, de rationalisation et de modernisation. En résumé, nous avons trois objectifs : baisser le coût pour l’usager en diminuant les délais d’attente ; baisser le coût pour l’État en confiant aux inspecteurs des missions fondamentales relatives à la sécurité routière ; améliorer l’articulation entre le secteur public et le secteur privé, en confiant ces missions aux organismes certificateurs qui, dans d’autres domaines, ont déjà montré leur capacité à travailler avec les services de l’État.
Enfin, à l’heure où le ministre de l’économie travaille sur le sujet des professions réglementées et souhaite moderniser le secteur des auto-écoles, tout effort de fluidification dans ce domaine mériterait d’être également mené dans celui de l’examen de conduite. Si les deux bouts du tuyau ne sont pas de même taille, la saturation du dispositif continuera à être de plus en plus critique.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l’examen de cette proposition de loi me donne tout d’abord l’occasion d’évoquer un sujet majeur pour le Gouvernement : l’accès des jeunes au permis de conduire dans des conditions économiquement soutenables.
Pour beaucoup de jeunes – nous avons déjà eu l’occasion d’en parler ensemble, monsieur le député –, le permis de conduire n’est rien d’autre qu’un permis de travailler : c’est souvent la condition de l’obtention d’un emploi ou d’un contrat en apprentissage ; c’est la condition même de l’indépendance, notamment dans les territoires de notre pays qui sont les plus isolés.
Les délais entre deux présentations au permis de conduire étaient de quatre-vingt-dix-huit jours avant que je n’engage la réforme du permis de conduire, il y a quelques mois. Notre objectif est de ramener ces délais à quarante-cinq jours. Lorsqu’ils sont trop longs, ces délais engendrent incontestablement d’importants surcoûts pour notre jeunesse, qui se trouve ainsi freinée dans son accès à l’autonomie et à l’emploi.
Monsieur le rapporteur, je sais que vous travaillez de longue date sur cette question. Vous établissez d’ailleurs un constat sans concession sur les vicissitudes du passage de l’épreuve du permis de construire. Si nous divergeons sur la réponse à apporter – j’y reviendrai dans quelques instants –, nous convergeons sur le constat que vous avez dressé des obstacles qui existent aujourd’hui au passage du permis de conduire et de l’insuffisance du nombre de place d’examen. Ce constat est d’ailleurs partagé sur tous les bancs de cet hémicycle. C’est éventuellement sur les solutions que des divergences peuvent apparaître.
C’est d’ailleurs ce constat qui avait conduit Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, à engager une large concertation nationale avec tous les acteurs concernés au mois de décembre 2013, au moment où la présente proposition de loi a été déposée. Des premières mesures d’urgence ont été décidées, de manière à faire face aux différents défis que vous avez mentionnés à l’instant. Tous les acteurs ont pu être entendus à cette occasion. Vous avez d’ailleurs été auditionné, monsieur le rapporteur, le 26 mars dernier.
Face aux difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes depuis de très nombreuses années et face à la dégradation de la situation, j’ai, en tant que ministre de l’intérieur, pris mes responsabilités et proposé une réforme du permis de conduire. Les objectifs de cette réforme sont simples et rejoignent ceux de la présente proposition de loi : accélérer, simplifier, réduire le coût du passage de l’examen du permis de conduire pour les plus jeunes des candidats.
Nous avons pour cela fait le choix politique de moderniser le service public du permis de conduire. Et c’est sur ce point que les mesures engagées par le Gouvernement diffèrent de vos propositions. Nous avons fait le choix d’une réforme qui s’appuie sur les qualités, les atouts et les compétences de notre service public et de ses fonctionnaires, pour obtenir des effets immédiats, mais bien entendu en procédant à une réorganisation de ce service.
Pour revenir d’ici deux ans à un délai moyen de quarante-cinq jours, contre quatre-vingt-dix-huit jours aujourd’hui, nous avons décidé de concentrer l’activité des inspecteurs du permis de conduire sur le passage du permis B en confiant à une délégation de service public la surveillance de l’épreuve du code et en mettant progressivement en place de nouvelles modalités de passage du permis poids lourds. Notre réforme consiste donc à préserver le service public des examens en confiant aux inspecteurs du service public le soin d’assurer le passage du permis B. En outre, nous mettons en place une délégation de service public sur la base de critères extrêmement rigoureux définissant les conditions dans lesquelles doit être passée l’épreuve du code. Enfin, s’agissant du passage du permis poids lourds, nous proposons une meilleure articulation des dispositifs qui existent déjà, par exemple dans le cadre de la formation professionnelle ou dans celui de la formation initiale, pour des lycéens ou des étudiants en formation technique.
Bien entendu, pour que les mesures que j’ai proposées donnent des résultats efficaces, il faut que les effectifs du corps des inspecteurs du permis de conduire soient, dans le cadre du budget triennal, maintenus.
Dans le cadre de négociations interministérielles avec le Premier ministre, j’ai obtenu un tel maintien.
Par ailleurs, j’ai également obtenu, monsieur le rapporteur, que l’ensemble des postes ouverts mais non pourvus le soient, de manière à ce que nous puissions combler le retard constaté au cours des années précédentes.
La garantie qu’il n’interviendra pas de baisse d’effectifs existe donc. Ma volonté de voir l’ensemble des postes non pourvus faire désormais l’objet de recrutements se traduit également dans les faits.
Par conséquent, la réforme que j’ai proposée n’est pas une réforme contre, mais une réforme avec les inspecteurs du permis de conduire. Elle repose sur une modification de l’organisation des examens, sur des modalités différentes de celles que vous proposez, monsieur le rapporteur. Mais ces deux démarches traduisent le même souci de pragmatisme et d’efficacité.
Pour atteindre cet objectif, dès le mois de juillet, la police et la gendarmerie nationale ont, dans les départements les plus en difficulté, déployé des réservistes pour assurer, dans l’attente de la mise en oeuvre de la délégation de service public, le passage, dans de bonnes conditions, des épreuves de l’examen du code.
Des agents publics, formés à cet effet et désignés par les préfets, prennent progressivement leur relais dans l’attente de l’ouverture, à l’été 2015, de centres gérés par des organisateurs agréés à cet effet.
Depuis le 1er août, les modalités de l’examen du permis B ont par ailleurs été ajustées pour faire passer sa durée de 35 à 32 minutes.
Cela passe par une simplification de quelques manoeuvres effectuées à l’occasion du passage de ce permis B. Cette mesure simple permet d’augmenter, par rapport au dispositif en vigueur, le nombre quotidien d’examens conduits par chaque inspecteur, pour un total d’environ 115 000 examens supplémentaires en année pleine.
J’ai donc souhaité, monsieur le rapporteur, adopter à propos du sujet qui vous préoccupe – et sur lequel vous faites un excellent travail – une démarche pragmatique, un peu différente de la vôtre, qui vise à maintenir l’examen du permis de conduire dans le service public.
Elle a suscité un mouvement social que, contrairement à ce qui s’était passé en 2009, nous avons réussi, à force de dialogue, à éviter. Ce mouvement aurait pu prendre une ampleur beaucoup plus grande. Nous poursuivons le dialogue social avec les inspecteurs du permis de conduire ainsi qu’avec les auto-écoles, de manière à aller au bout de cette réforme.
Au-delà des mesures visant à réduire les délais, donc les coûts supportés par les candidats, la réforme vise à rendre le permis de conduire à la fois plus accessible, plus moderne et plus transparent.
Plus moderne, parce qu’elle prévoit le passage du code sur un ordinateur individuel. Je ne pense pas qu’il soit encore utile de projeter aux candidats des diapositives datant des années 1970 présentant des modèles d’automobile dont la fabrication a cessé depuis de très nombreuses années, ni de leur proposer, à l’occasion de questionnaires à choix multiples, les mêmes pièges. Ces supports, qui ont beaucoup vieilli, demeurent très anxiogènes pour les candidats.
L’utilisation de tablettes, d’ordinateurs ou d’autres supports numériques pour le passage de l’examen du code serait un élément important de modernisation. Je souhaite d’ailleurs, dans le cadre de la délégation de service public – je le dis pour les jeunes qui passeront leur permis de conduire un jour ou l’autre – que les candidats puissent utiliser ces moyens informatiques afin de passer cet examen dans de meilleures conditions.
Cette réforme vise également à rendre le permis de conduire plus accessible en renforçant le dispositif du « permis à un euro », qui est très important. Dès 2015, il sera ouvert aux candidats ayant échoué une première fois, et son montant maximum passera de 1 200 à 1 500 euros. L’augmentation de ce plafond permettra à ceux qui, ayant échoué une première fois à l’examen du permis, n’auront pas nécessairement les moyens de s’y présenter une seconde fois, d’avoir accès à des financements.
Cette réforme, outre qu’elle rendra le permis de conduire plus accessible, facilitera également la conduite accompagnée qui constitue le mode de formation à la conduite automobile le plus sûr, le moins cher, et celui qui offre le meilleur taux de réussite. Voilà, encore, le sens de cette réforme.
Depuis le 1er novembre, l’apprentissage anticipé de la conduite est accessible dès l’âge de 15 ans. Les jeunes qui profiteront de cette chance pour apprendre à conduire plus tôt, dans le cadre de la conduite accompagnée, pourront passer leur permis de conduire dès qu’ils auront atteint 17 ans et demi. Cela représente un progrès par rapport au dispositif qui prévalait précédemment.
C’est positif pour les jeunes qui, lorsqu’ils passent leur permis de conduire au terme de la conduite accompagnée, économisent 50 % du coût de l’examen. Par ailleurs, ces mêmes jeunes connaissent ensuite un niveau d’accidentologie bien moindre que celui constaté pour les jeunes ayant passé leur permis de conduire au moyen des dispositifs traditionnels.
Enfin, comme je l’indiquais, une concertation approfondie est engagées avec les professionnels de l’enseignement de la conduite, en vue d’aboutir, au début de l’année 2015, à un ensemble de mesures visant à rendre la formation à la conduite plus transparente et de meilleure qualité.
Ce n’est donc pas une intention de réforme, ou un projet alternatif aux contours incertains qui conduisent aujourd’hui le Gouvernement à ne pas adhérer, monsieur le rapporteur, à la proposition de loi que vous avez déposée. Nous avons en effet engagé une réforme, qui n’est pas simplement en projet mais bien mise en oeuvre. Nous l’avons fait là où d’autres gouvernements avaient, au cours des années précédentes, renoncé à le faire.
Premier point sur lequel votre proposition nous pose une petite difficulté : nous avons nous fait le choix de maintenir le service public du permis de conduire, et de ne pas déléguer à des opérateurs privés l’organisation de la totalité des examens. Même la petite part des examens qui fera l’objet d’une délégation de service public – il ne s’agit pas d’une privatisation – devra respecter un cahier des charges extrêmement sévère. Il contribuera à ne pas remettre en cause la qualité du service public.
Vous proposez de confier à un organisateur, c’est – à – dire à un certificateur privé, le soin d’organiser les examens. Vous proposez également de confier à un autre opérateur le contrôle du comportement des titulaires du permis de conduire probatoire. Cela reviendrait à déléguer au secteur privé la quasi-totalité des opérations relatives au permis de conduire. Nous n’y sommes pas favorables.
Je ne suis par ailleurs pas sûr que la réforme que vous proposez dégagerait des économies, car beaucoup de délégations de service public, compte tenu notamment de la rémunération de ces certificateurs, se révèlent extraordinairement budgétivores. Nous ne savons pas quel serait l’impact budgétaire de ce transfert pour l’État.
Nous pensons, enfin, qu’un tel dispositif se révélerait contraire au droit européen, dans la mesure où la directive 2006126CE du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire ne connaît que la réussite à l’examen, selon des modalités identiques dans toute l’Union européenne. Elle en définit les caractéristiques, qui doivent être identiques pour tous les candidats, quel que soit le nombre de présentation.
Par ailleurs, vous durcissez de manière inappropriée, par l’introduction d’une période de 2 ans – au cours de laquelle le conducteur novice ne disposerait d’aucun point, avant d’en recevoir 6, puis 12 –, le dispositif du permis à points. Votre proposition remet donc en cause la progressivité du permis de conduire.
Pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, ainsi que d’autres dont nous pourrons débattre au cours de l’examen des articles, le Gouvernement ne peut pas être favorable à votre proposition de loi.
Je dois cependant reconnaître la qualité des travaux que vous avez accomplis – je pense notamment au constat que vous avez dressé –, tout comme la rigueur qui a présidé à votre démarche. Cette dernière constitue d’ailleurs, monsieur le rapporteur, une marque de fabrique dont je vous félicite.
Vous avez apporté au débat des éléments de réflexion extrêmement intéressants. Mais pour des raisons qui tiennent au fait que nous croyons au service public du permis de conduire, je ne peux pas donner un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi que vous défendez aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est devenu absolument indispensable, voire urgent, de repenser le système du permis de conduire, afin de le rendre plus flexible et surtout moins coûteux. En effet, son prix a fortement augmenté et les délais imposés aux candidats pour s’y présenter s’allongent continuellement.
La proposition de loi présentée aujourd’hui par notre collègue Jean-Christophe Fromantin a le mérite d’apporter, enfin, une réponse claire et rapidement applicable à la crise de ce permis, crise qui pénalise surtout nos jeunes, en proie à un réel désespoir au moment de décrocher la fameuse « feuille rose », compte tenu des sommes qui leur sont alors demandées.
Certes, en France, le coût du permis de conduire en France – en moyenne 1 600 euros – est comparable à celui des autres pays de l’Union européenne.
Pour autant, notre permis de conduire souffre d’importantes disparités de coût, notamment entre les différents départements, ce qui rend difficilement quantifiable son prix réel.
On note en effet des écarts de prix, mais aussi de délais, très importants. Ainsi, dans la Creuse, en cas d’échec, les délais d’attente pour obtenir une place à l’examen sont relativement courts, de l’ordre d’un mois. En Seine-Saint-Denis, ces mêmes délais sont particulièrement longs : il faut compter près de 200 jours pour repasser le permis. Cette situation transforme le passage du permis de conduire en un véritable parcours du combattant.
Vous l’aurez compris, le coût exorbitant du permis de conduire est directement lié aux délais d’attente que doivent subir les élèves pour obtenir une place à l’examen.
La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui s’attache justement à trouver une solution au point le plus sensible du long et pénible chemin vers l’obtention du permis de conduire : l’organisation de l’examen lui-même.
Cette proposition de loi réussit un pari particulièrement audacieux : celui de trouver une solution concrète et efficace au coût et aux délais du permis de conduire actuel, sans pour autant le réformer de fond en comble.
Il ne faut pas se tromper de problème, ni de combat, en cherchant, par exemple, à modifier, à tout prix, le fonctionnement des écoles de conduite.
Ce texte permet, au contraire, de recentrer utilement les activités et les compétences de chacun des acteurs intervenant dans la chaîne du permis de conduire.
Ainsi, plutôt que de remettre en cause la période de formation dispensée par les écoles de conduite, dont on connaît les contraintes techniques mais aussi financières, la proposition de notre collègue cherche plutôt à rendre plus fluide l’étape de l’examen.
En effet, force est de constater que le processus actuel est tout simplement inefficient, coûteux et souvent déconnecté des réalités.
En 2013, le ministère de l’Intérieur avait estimé à 86 jours, en moyenne, le délai d’obtention du permis en cas de réussite au premier passage. Trois mois seraient donc déjà nécessaires pour tenter, une première fois, d’obtenir ce précieux sésame.
Malheureusement, cette étape ne marque pas la fin du voyage pour tout le monde puisque le taux de réussite en France a été évalué en 2014 à seulement 60 %.
Pour un peu moins de la moitié des apprentis conducteurs, il faut donc reprendre le chemin de l’auto-école et attendre, en moyenne, 98 jours supplémentaires pour espérer repasser l’examen. Ce délai peut rapidement atteindre 200 jours en région parisienne. À titre de comparaison, le délai d’attente entre deux passages s’élève en moyenne, au sein de l’Union européenne, à 45 jours.
Et pour ceux qui rateraient une deuxième, voire une troisième fois, l’examen, les délais deviennent alors de plus en plus longs et le prix du permis de plus en plus élevé. Cela fragilise ces candidats malheureux.
Il n’est donc plus possible de laisser une grande partie de nos concitoyens dans une situation aussi inextricable, alors même que le permis de conduire est devenu un véritable passeport de l’insertion professionnelle : même quand il n’est pas demandé par l’employeur, il est au moins nécessaire pour rejoindre son lieu de travail.
Mais au-delà du fait qu’il constitue un avantage significatif pour obtenir un travail, le permis de conduire conditionne aussi la mobilité de bon nombre de nos compatriotes.Alors que certains de nos territoires, notamment ruraux, manquent cruellement d’infrastructures de transports, il est devenu nécessaire de réfléchir à des pistes pour faciliter l’obtention du permis de conduire.
Notre système à bout de souffle pousserait près de 450 000 Français à rouler sans permis : quel terrible constat d’impuissance !
Notre collègue Jean-Christophe Fromantin propose de confier l’examen pratique du permis de conduire à des organismes certificateurs de droit privé. Cette mesure me paraît à divers égards salvatrice.
Tout d’abord, elle permettra de réduire sensiblement les délais d’attente ainsi que le coût du permis B, en augmentant le nombre de places d’examen et en réduisant le prix de présentation.
En faisant reposer l’organisation de l’examen sur des organismes privés, le coût de présentation devrait correspondre au prix d’une heure de conduite, soit seulement 50 euros, ce prix incluant l’amortissement du véhicule. Ces organismes seront, par ailleurs, en mesure d’offrir beaucoup plus de places d’examen que la configuration actuelle.
Le candidat pourra être libre de se présenter à l’examen dès qu’il se sentira prêt, en concertation avec son moniteur. En cas d’échec, le candidat pourra plus facilement repasser l’examen, pour un coût bien plus modeste. En effet, le surcoût engendré par son second passage correspondra seulement aux quelques heures de perfectionnement supplémentaires qui seront nécessaires.
Cette mesure permettra aux inspecteurs du permis de conduire de libérer du temps. Ils pourront ainsi se recentrer sur certaines missions qu’ils ont, malheureusement, perdu au fil du temps l’habitude d’assurer. Je pense notamment à leur mission de contrôle des écoles de conduite et des centres offrant des stages de récupération des points. À terme, cette fonction s’étendra aux futurs certificateurs privés qui feront passer l’examen pratique du permis B.
Le groupe UDI est convaincu que les inspecteurs doivent conserver, mais surtout approfondir, leur rôle particulier de garant de la sécurité routière.
Lors de la période probatoire de deux ans, instaurée par cette proposition de loi, l’inspecteur sera chargé de refaire passer l’examen aux jeunes conducteurs qui auront commis une infraction susceptible de provoquer un retrait de point.
Ce nouvel examen revêtira une dimension beaucoup plus préventive et pédagogique, en s’attachant à juger, en priorité, le comportement du jeune conducteur. Plutôt que de se pencher sur la dimension technique de la conduite, cet examen privilégiera les critères comportementaux : le comportement des conducteurs se trouve en effet à l’origine de 85 % des accidents.
Cette mesure permettra donc d’encadrer les jeunes conducteurs, qui ne disposeront pendant les deux ans suivant l’obtention de leur permis de conduire probatoire d’aucun point.
Les inspecteurs pourront ainsi effectuer un véritable suivi des apprentis, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Ce texte répond à l’enjeu de la sécurité routière, omniprésent dans cette proposition de loi : il est primordial pour les députés du groupe UDI.
Si cette proposition de loi s’attache donc à rendre plus fluides les conditions de passage de l’examen du permis B, elle ne vise en aucun cas à le brader. Au contraire, elle apporte des solutions concrètes pour surveiller les apprentis conducteurs au cours de leurs premières années de conduite, bien souvent accidentogènes.
Le passage du permis probatoire à un permis pour les jeunes doté de six points permettra une transition en douceur vers le permis à douze points que nous connaissons actuellement.
L’accompagnement individualisé du jeune conducteur, qui est au coeur de cette proposition de loi, est primordial.
Enfin, ce dispositif permettra aux écoles de conduite de renforcer leur rôle de formation en laissant l’organisation des examens aux opérateurs privés. Ce recentrage profitera avant tout aux élèves, qui bénéficieront d’une formation plus adaptée à leurs besoins.
L’apprentissage de la conduite dans notre pays ne doit plus être entravé par des contraintes de temps ou d’argent. Les récentes annonces du Gouvernement vont certes dans le bon sens, monsieur le ministre, mais de telles dispositions ne permettront malheureusement pas de résoudre en profondeur le problème des délais d’attente, donc des coûts trop élevés, engendrés par le permis B. Ce texte, s’il est adopté, viendra compléter efficacement les dispositifs que vous avez déjà présentés et adoptés, notamment la réduction de la durée de l’épreuve pratique ou bien encore la promotion de la conduite accompagnée.
Loin de remettre en cause la mission de service public, nous proposons seulement d’externaliser l’examen du permis de conduire. Les certificateurs resteront sous le contrôle de l’État, et respecteront bien entendu les normes européennes en matière de permis de conduire.
Preuve que cette solution est la bonne, le futur projet de loi présenté par le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, devrait contenir des mesures pour externaliser, sous la forme d’une délégation de service public, l’épreuve théorique ainsi que l’épreuve pratique du permis poids lourds. Nous attendons donc beaucoup des travaux en cours menés par votre ministère, en collaboration avec les représentants des professionnels du secteur, pour avancer sur ces questions.
La proposition de loi de M. Fromantin a l’ambition nécessaire à une réforme d’ampleur. Face à une proposition de bon sens, nous espérons que les députés de tous bords voteront en faveur d’un texte qui a le mérite de trouver des solutions concrètes, sans pour autant bouleverser un secteur que nous savons particulièrement tendu.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, la proposition de loi du groupe UDI a l’ambition de simplifier le passage de l’examen du permis de conduire et d’en réduire le coût. Elle propose notamment de mettre en place un permis probatoire délivré par un organisme privé, en plus de l’actuel permis de conduire. Après deux années sans infraction, ce permis probatoire deviendrait un permis à points.
D’après l’auteur de la proposition de loi, la création de ce permis probatoire a pour ambition de limiter les coûts du permis pour les candidats ainsi que de désengorger les services de l’État en permettant aux entreprises de procéder elles-mêmes aux examens du permis de conduire.
Si nous partageons avec lui le constat que le délai moyen d’attente à l’examen est bien trop long et que le permis est trop cher, les solutions proposées ne semblent pas être les plus adaptées. L’instauration d’un permis probatoire payant en complément de l’actuel permis de conduire paraît en effet inadaptée et remet en quelque sorte en cause le service public du permis de conduire.
De même, il apparaît compliqué de se retrouver avec deux permis de conduire aux effets différents, tant dans l’opposabilité du document à l’étranger que dans la durée de probation du permis.
La réforme du permis de conduire que vous avez présentée récemment, monsieur le ministre, et que vous nous avez exposée, comporte selon nous des avancées pouvant répondre à certaines de vos préoccupations, chers collègues de l’UDI. Pour autant, nous sommes d’accord avec vous, le travail pour améliorer les conditions d’obtention du permis de conduire doit se poursuivre afin d’assurer la corrélation entre rapidité de l’examen, maîtrise du coût pour les familles et le jeune, et garantie, évidemment, de la sécurité routière.
Dans ces conditions, vous l’aurez compris, le groupe RRDP ne votera pas cette proposition de l’UDI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de M. Fromantin visant à accélérer, simplifier et réduire le coût du passage de l’examen du permis de conduire.
Ce sujet concerne très majoritairement la jeunesse de notre pays. Vous savez que cette dernière est la priorité de la gauche dans ce quinquennat, et la réforme du permis de conduire s’impose pour répondre à une demande toujours plus forte, qui n’est plus satisfaite.
Nous partageons tous le constat que le système a atteint sa limite en raison des failles de son organisation. Nous en avons identifié les causes : l’allongement du temps de l’examen, hérité de la transposition d’une directive européenne, les modes de répartition des places.
Ce premier examen de France, avec 3 300 000 examens organisés chaque année tous permis confondus, est devenu un vrai parcours du combattant pour les accédants. Il sera bientôt plus difficile à obtenir que le baccalauréat. C’est un examen qui provoque des situations de stress incompatibles avec le but de l’examen.
Les délais sont devenus inacceptables, le chiffre circule que 4 millions de personnes attendraient de passer devant un examinateur. Bien sûr, l’attente est variable selon les territoires, avec un délai moyen de plus de quatre-vingt-dix jours pour ceux qui ont raté le premier essai, soit 40 % de candidats selon notre bleu budgétaire pour 2015.
Il n’y a pas de hasard au fait que nous soyons particulièrement mobilisés, M. le rapporteur et moi-même, qui sommes issus des territoires de l’Île-de-France, où la situation est encore plus critique. Nous partageons, dans un esprit d’unité, le même combat de Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, à Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis, et bien au-delà, pour une réforme du permis de conduire, une réforme pour tous nos jeunes quels qu’ils soient, surtout pour réduire les coûts qui s’envolent.
Le coût de la préparation à l’examen est déjà élevé pour un premier essai à cause des délais mais, en cas de deuxième essai, il augmente considérablement car le candidat doit maintenir son niveau en continuant à prendre des leçons de conduite, à 45 euros de l’heure en moyenne. Le coût moyen du permis est estimé à 1 700 euros et grimpe autour de 2 200 quand il faut se présenter à nouveau.
L’arrêt du service militaire a porté un coup au passage du permis dans des conditions plus économiques, pour les garçons en tout cas, et aucune disposition n’est venue remplacer cette filière.
Le coût est également et surtout social. Le permis est un facteur d’insertion sociale et professionnelle, et celui ou celle qui ne le détient pas s’en trouve handicapé. Un tel coût fragilise en zone rurale ou éloignée, en zone urbaine enclavée. Enfin, c’est un facteur de délinquance car le fait de devoir différer le passage de l’examen a pour conséquence que de nombreux jeunes conduisent sans permis.
Cet état des lieux appelle un changement. Cependant, nous avons examiné vos propositions, monsieur Fromantin, et elles ne recueillent pas notre approbation.
Vous proposez, pour désengorger le stock, de créer, pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans, un permis probatoire, confié à des certificateurs privés agréés. Les candidats seraient ensuite contrôlés de façon aléatoire. Sans incident pendant cette période, il leur serait délivré un permis avec six points comme c’est le cas aujourd’hui. Ne tournons pas autour du pot, vous proposez de privatiser une voie du permis…
…en laissant cohabiter la procédure classique actuelle, dans laquelle les candidats se verraient, eux, obligatoirement contrôlés.
Cela crée une discrimination à l’obtention d’un permis, selon que le candidat pourra ou non disposer d’un véhicule lui permettant de faire 3 000 kilomètres, et cela pose quelques questions : quel contrôle y aurait-il, quelle serait le coût de l’assurance, quelle garantie aurions-nous que le candidat a effectivement utilisé un véhicule ? Une seule bévue pourra-t-elle obliger le conducteur en probation à rejoindre la voie traditionnelle, ce qui mettrait ainsi une épée de Damoclès au-dessus de sa tête ? Qui plus est, cette solution de donne pas la moindre garantie que le coût des permis baissera.
En quelques mots, elle remet totalement en cause le service public, auquel nous restons profondément attachés, parce que nous sommes attachés à l’égalité des candidats, parce que nous voulons qu’une formation de qualité soit dispensée sur tout le territoire, et parce que nous souhaitons voir se maintenir l’expertise et l’implication des inspecteurs de l’examen du permis, recrutés sur concours, dont la compétence et le sérieux ont fait leurs preuves et qui jouent un rôle majeur dans l’amélioration des résultats obtenus en matière de sécurité routière.
Comparer un contrôle technique de véhicule à un contrôle d’examen de conduite comme vous le faites pour justifier cette délégation est pour le moins hasardeux, car les inspecteurs vérifient non pas seulement des objectifs chiffrables mais bien des aptitudes humaines, une concentration, un rapport au stress, que seule l’expérience permet d’appréhender.
Les Français doivent savoir que l’examen du permis de conduire est à ce jour gratuit – la formation, elle, ne l’est pas – et qu’il est le même pour tous sur tout le territoire.
Surtout, monsieur Fromantin, le dépôt de cette proposition de loi nous paraît inopportun…
…car une réforme du permis de conduire est menée depuis de nombreux mois par le ministre de l’intérieur, qui s’est appuyé sur un groupe de travail comprenant tous les interlocuteurs ad hoc.
Des premières mesures ont été prises. La loi sur la consommation exonère le candidat de frais d’inscription quand il change d’auto-école. Le recentrage des inspecteurs sur l’examen de la conduite et la légère réduction du temps de l’examen permettront de fluidifier les passages sans nuire à la qualité de l’exercice. Cela concernera 550 000 places. À terme, l’examen du code sera confié à des sociétés privées. Pour l’instant, vous le savez, on fait appel notamment à des gendarmes.
Le financement à taux zéro du permis à un euro par jour sera élargi aux candidats ayant échoué la première fois, avec un plafond relevé de 300 euros, soit 1 500 euros. La conduite accompagnée est accessible dès quinze ans et demi depuis le 1er novembre. Cela se justifie par le fait qu’il y a 74 % de réussite au premier essai contre 55 % pour la voie ordinaire.
Nous savons tous que la conduite accompagnée présente au moins cinq avantages : elle augmente les chances de réussite la première fois, elle réduit les coûts, les risques d’accident, le prix de l’assurance et la période probatoire pour passer de six à neuf points. Il est envisagé d’accorder des moyens pour que tous les jeunes puissent y accéder, ceux qui ne connaissent pas d’adultes susceptibles d’être à leurs côtés étant accompagnés par des bénévoles.
Monsieur Fromantin, il faut aller plus loin pour cet examen du permis de conduire, ce service public. Au moment où le Président de la République a relancé l’idée d’un service civique pour tous, où tout est à reconstruire, il faut mettre ce premier examen de France au coeur des débats à venir, et je ne doute pas que vous y participerez.
Comme vous, monsieur le ministre, je salue l’excellence du travail qui a été effectué sur un sujet complexe, technique, important, et qui a abouti à la présentation de cette proposition de loi.
Le constat, nous le faisons tous, est sans appel. L’engorgement n’a pas cessé de s’aggraver depuis de nombreuses années pour la délivrance des permis de conduire, et les délais pour le passer ce sont donc allongés.
Ce dont nous parlons aujourd’hui, c’est d’une autorisation, délivrée, de pouvoir conduire, dans certaines conditions, surtout pour ceux qui débutent. Ce n’est nullement un droit acquis définitif, et encore moins un certificat de bonne conduite, c’est-à-dire la possibilité de tout se permettre. C’est donc très sérieux.
Les temps d’attente, le rapporteur l’a rappelé tout à l’heure, sont très inégaux d’un département, d’une région à l’autre. Cela peut aller de trois semaines dans le meilleur des cas à vingt-huit, voire trente semaines, soit plus de six mois. C’est totalement insupportable.
Les facteurs sont multiples et échappent, pour l’essentiel – le ton du débat le prouve d’ailleurs bien –, à toute considération liée à une majorité plutôt qu’à une autre, à une configuration politique plutôt qu’à celle qui aurait précédé ou suivi.
Ces nombreuses raisons ont toutes concouru au même résultat, et la hausse du nombre d’inspecteurs n’a jamais été suffisante pour compenser la diminution du nombre de places ouvertes à l’examen.
Parmi les très nombreuses raisons que nous avons à l’esprit, j’en citerai trois.
Il y a l’application d’une directive européenne de 2006, recommandant l’allongement de la durée de l’examen pratique à trente-cinq minutes. Automatiquement, c’est du temps consommé en plus et de la disponibilité en moins.
Il y a la suppression, il y a quelque temps, du service national avec les conséquences que cela n’a pas manqué d’avoir. Ce service national, militaire auparavant, permettait à de nombreux jeunes adultes de passer le permis, non pas uniquement d’ailleurs le permis B, mais aussi d’autres permis qui se révélaient utiles à un moment ou à un autre de leur vie.
Et puis, il y a eu, pourquoi le cacher – c’est une réalité, qui n’est pas connotée dans mon esprit, du moins sur ce texte –, le passage aux trente-cinq heures, avec la réduction par voie de conséquence du temps de travail des inspecteurs.
Plusieurs pistes de réflexion ont été suivies et des débuts de solution ont été proposés et mis en oeuvre. Il n’est pas inutile de rappeler l’audit commandé en 2008 par les ministres de l’écologie et de l’intérieur, Jean-Louis Borloo et Michèle Alliot-Marie, sur la modernisation de l’apprentissage de la conduite et du permis de conduire. Concernant ce dernier, on s’en souvient, l’audit concluait à la nécessité d’en confier la responsabilité à une agence de service public ad hoc, et, en cas d’échec de cette dernière, de faire intervenir un opérateur tiers via une délégation de service public – DSP.
De même, vous avez eu raison, monsieur le ministre, de mentionner la réflexion sur les délais d’attente des candidats à l’examen du permis de conduire récemment engagée par le groupe de travail missionné par le Premier ministre et dont le rapport a été remis à ce dernier en avril dernier.
Ce groupe de travail dresse un constat sans appel sur le dispositif actuel et les conditions dans lesquelles les jeunes se préparent au permis de conduire, un constat qui contredit d’ailleurs les jugements un peu injustes, et même inexacts, de certains de nos collègues à l’égard de la proposition de loi.
Le groupe propose trois scenarii pour sortir de la crise, dont l’un consiste à confier l’examen du permis de conduire à un opérateur privé – l’expression est explicitement employée – dans le cadre d’une délégation de service public. Existe-t-il, d’ailleurs, une autre forme de DSP que celle par laquelle un opérateur privé se voit investi d’une mission par la puissance publique ? Cette délégation s’accompagnerait d’un droit d’examen d’un montant de 40 euros.
Depuis une dizaine d’années, un faisceau de constats concordants ressort donc des différentes études menées sous des majorités politiques différentes, parmi lesquels la nécessité de recourir à un opérateur privé, non pour privatiser, mais au contraire pour permettre à ce dernier, disposant de la compétence et de l’agrément qui en découle, de contribuer à réduire les délais, notamment en ce qui concerne l’examen pratique.
Le dispositif est très simple : il s’agit d’instaurer un permis probatoire – et non de supprimer l’actuel permis en le dévalorisant par le biais de je ne sais quelle privatisation sans contrôle. Ce permis probatoire serait délivré par un organisme certificateur privé, naturellement habilité par l’autorité administrative compétente. Le dispositif est donc bordé, si je puis utiliser cette expression triviale.
Le nouveau permis pourrait être accordé aux personnes âgées de dix-huit ans révolus. Il n’empêcherait nullement les candidats qui le souhaiteraient de recourir à la procédure habituelle, laquelle serait maintenue.
Le permis probatoire, organisé sur la base d’un examen identique au permis actuel, permettrait à son titulaire de conduire dès son obtention. Au bout de deux ans, en l’absence d’infraction connue, il serait confirmé et transformé en permis jeune conducteur. Ce dispositif, bien organisé et structuré, donnerait à un nombre plus important de jeunes la possibilité de passer le permis. Les personnes concernées pourraient ainsi, dans un délai plus court, se préparer à des épreuves de même nature, de même difficulté et de même qualité que celles du permis traditionnel, et obtenir, dans des conditions certes différentes mais se rejoignant rapidement, le même viatique.
Les restrictions s’appliquant au permis jeune conducteur tel qu’il existe actuellement resteraient valable : limitation de vitesse à 110 kmh sur les autoroutes et à 80 kmh sur les autres routes.
Ce dispositif concerne le permis B, qui du fait de son engorgement constitue le point faible du dispositif global du permis de conduire.
Quant à la critique consistant à dénoncer le risque d’une privatisation du permis de conduire, elle est totalement infondée, au point d’ailleurs d’apparaître quelque peu dérisoire. Il s’agit non pas de faire passer cet examen de la sphère responsable du public à celle, irresponsable, du privé, mais d’articuler la puissance publique, qui resterait souveraine, et des opérateurs privés chargés, sous le contrôle et l’autorité de celle-ci, d’assumer avec elle des responsabilités partagées, comme dans toutes les autres situations où l’on a recours aux entreprises privées pour partager et rationaliser certaines missions. C’est ce que permet cette proposition de loi, et c’est la raison pour laquelle le groupe UMP ne voit aucune raison de s’y opposer. Au contraire, il ne voit que des raisons de la soutenir.
Et je voudrais dire à nos collègues qui s’opposent à ce texte qu’en dépit de leurs qualités, les mesures qui ont été prises récemment ne suffiront pas : le passage de douze à treize examens par jour et par inspecteur ne modifiera pas considérablement la situation, pas plus que l’externalisation des examens théoriques, ni même la possibilité, récemment ouverte, de pratiquer la conduite accompagnée dès l’âge de quinze ans.
Nous devons être pragmatiques et répartir de façon précise les responsabilités et les tâches confiées à la puissance publique d’un côté, et à ses nouveaux partenaires, de l’autre. C’est exactement ce que prévoit la proposition de loi de notre collègue Jean-Christophe Fromantin. C’est la raison pour laquelle, dans quelques instants, le groupe UMP la votera tout naturellement et avec une vraie détermination.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je souhaiterais apporter quelques précisions.
Comme cela vient d’être dit, il ne s’agit pas du tout de privatiser le permis de conduire, comme l’ont fait certains États européens. Cette proposition de loi tend plutôt à une optimisation du processus, en mettant chacun devant ses responsabilités. Certes, monsieur le ministre, il revient à l’État de contrôler l’ensemble du dispositif, mais cela n’empêche pas d’en confier une séquence à un acteur privé, le certificateur.
Je note d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt que vous envisagez d’en faire autant pour l’examen du code de la route – une délégation de service public est en effet en préparation –, ainsi que, d’une certaine manière, pour le permis poids lourds, dont vous confiez l’organisation aux organismes de formation professionnelle, ce qui constitue une forme d’optimisation de l’examen.
Je ne vois pas en quoi le fait d’orienter les inspecteurs vers d’autres missions tout aussi stratégiques pour l’État et la sécurité routière serait de nature à remettre en cause le service public, étant entendu que ce dernier joue, en matière de formation, de préparation des conducteurs et d’assurance, un rôle fondamental, qui permet à tous ceux qui prennent la route de le faire dans de bonnes conditions.
Il en va de même de la progressivité, élément important de la maturation de la capacité à conduire. Vous l’avez renforcée, monsieur le ministre, à juste titre, en confirmant la conduite accompagnée, la conduite supervisée, le permis probatoire à six points suivi du permis définitif. Or la proposition de loi s’inscrit dans ce mouvement puisqu’elle ne remet pas en cause la conduite accompagnée ni la conduite supervisée. Elle ne fait qu’intercaler un permis probatoire, une nouvelle séquence permettant au conducteur d’obtenir plus rapidement son permis, de voir reconnue, le cas échéant, la qualité de son comportement et de se préparer aux étapes suivantes.
Pour répondre à l’argument selon lequel ce nouveau permis introduirait une discrimination, je me bornerai à constater qu’il existe déjà un dispositif discriminant par nature, celui de la conduite accompagnée. Si nous nous félicitons de l’efficacité avec laquelle celle-ci permet de renforcer les aptitudes des conducteurs,force est de reconnaître que tous les jeunes ne sont pas égaux devant la conduite accompagnée : certains ont la chance d’habiter dans une zone où il est facile de conduire, d’avoir des parents disposant du temps nécessaire et un véhicule disponible, mais d’autres se trouvent dans des villes, des zones ou des situations sociale ou familiale qui rendent la conduite accompagnée littéralement impossible.
Le dispositif du permis de conduire, tel qu’il existe aujourd’hui, contient malheureusement des éléments de discrimination que nous ne parviendrons pas toujours à gommer, mais je considère que le premier d’entre eux réside dans la possibilité, pour les candidats, de passer leur examen rapidement ou non.
Certains de nos collègues l’ont évoqué dans la discussion générale : entre un jeune résidant dans une zone rurale, où le nombre d’inspecteurs est suffisant, et un jeune qui habite en région parisienne, la situation est très différente. Il existe donc à ce jour une discrimination structurelle. À cet égard, la possibilité de se tourner vers un certificateur pour passer le permis de conduire dès que l’on se sent prêt représenterait un facteur très important d’équité.
Quant à la critique qui nous a été faite concernant le contrôle aléatoire, elle a été entendue : nous proposerons un amendement visant à supprimer cette disposition.
S’agissant enfin de la gratuité, elle est neutralisée, dans les faits, par les délais d’attente. En attendant de passer l’examen, certains jeunes doivent prendre des cours qui leur reviennent à 40, 60, voire 70 euros ! Le coût du permis de conduire s’en trouve augmenté de 100, 500, 1 000 euros, voire davantage dans certaines situations. On ne peut plus parler alors de gratuité, même si l’examen, lui, reste gratuit.
Enfin, nous avons l’habitude, dans nos débats, de porter un regard sur ce qui se passe ailleurs en Europe. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la norme européenne en vertu de laquelle seul l’État peut organiser l’examen de conduite. Or, dans certains pays d’Europe, et en particulier en Allemagne, le dispositif est privatisé. Pour autant, et à l’instar de ce que prévoit ma proposition de loi, son système respecte les règles européennes : le recours à des agents habilités ne met absolument pas en cause la qualité de l’examen.
Il n’y a donc pas de corrélation entre le statut de l’examen, qu’il soit public, privé ou semi-public, et sa nature même, qui obéit, comme beaucoup d’autres éléments de contrôle technique, à une norme européenne. L’application d’une telle norme peut être confiée à une agence ou à des acteurs privés sans pour autant remettre en cause la qualité de l’examen, du contrôle ou de la certification.
Cette proposition de loi totalement ne vise donc pas à une dérégulation débridée, et le secteur privé ne doit pas être considéré comme le grand méchant loup. L’objectif est simplement d’optimiser et de fluidifier l’organisation du permis de conduire, de réduire les délais de présentation à l’examen et de diminuer les coûts, tant pour l’État que pour les candidats.
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pour appuyer les propos de Guy Geoffroy, je voudrais à mon tour insister sur l’intérêt de cette proposition de loi.
La France fait face à un engorgement massif en matière d’octroi du permis de conduire. Le temps d’attente pour passer l’examen va de trois à vingt-huit semaines selon les régions. La suppression du service militaire, mais également l’allongement de la durée de l’examen et l’insuffisance du nombre d’inspecteurs sont les causes de cet engorgement.
Cette proposition de loi, cosignée par 72 députés du groupe UMP, vise à instaurer un permis probatoire pour les seuls véhicules de catégorie B. Ce permis probatoire permettrait à son titulaire de conduire dès son obtention. Au bout de deux ans, il serait confirmé en permis jeune conducteur si son titulaire n’a commis aucune infraction. Dans le cas contraire, ce dernier devrait faire valider son permis en repassant un examen auprès d’un inspecteur d’État. Ce nouveau permis probatoire serait délivré non pas à la suite de l’intervention d’un inspecteur du permis, mais par un certificateur de droit privé agréé.
L’objectif est de rendre l’examen plus rapide et d’en réduire le coût par la fluidification du système. Nous soutenons la proposition de loi du groupe UDI qui nous semble parfaitement équilibrée. Dans le cadre de sa discussion, je défendrai par ailleurs un amendement relatif à la circulation à contresens sur les autoroutes – sujet ô combien d’actualité ! – afin de compléter l’arsenal répressif en la matière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le texte soumis à notre examen est un texte important. Une fois de plus, je suis assez surpris que le groupe majoritaire n’envisage rien d’autre que de le rejeter, sur le mode : « circulez, il n’y a rien à voir ». C’est d’autant plus dommage que M. le ministre a insisté tout à l’heure sur un point qui me tient particulièrement à coeur : ne pas disposer du permis de conduire constitue un obstacle terrible à l’obtention d’un emploi.
Élu d’un territoire rural, je me rends compte à quel point le problème de la mobilité est extrêmement difficile à gérer. Chacun connaît ainsi le problème des délais. Les Parisiens viennent d’ailleurs souvent passer le permis de conduire dans la commune rurale dont je suis maire, car les délais de présentation y sont plus courts.
Je ne vais pas reprendre ce qu’a excellemment dit Jean-Christophe Fromantin, mais les propositions qu’il a présentées vont dans le bon sens. Elles sont en outre parfaitement encadrées.
Sans doute nous répondra-t-on qu’un texte gouvernemental sera présenté sur ce sujet au cours des prochains mois.
Au moins, cher collègue, avons-nous cet avantage de poser d’ores et déjà un certain nombre de questions et de tenter d’y apporter des réponses. Allons au-delà des barrières entre groupes politiques, que l’on dit infranchissables ! Qui n’a pas été exposé, à un moment ou un autre, aux difficultés que pose le permis de conduire ?
Je sais que M. le ministre de l’intérieur a en tête le drame de l’insécurité routière. Combien de Françaises et de Français circulent de nos jours sur les routes sans permis de conduire, n’hésitant pas à s’affranchir de l’obligation de le détenir parce que la recherche d’un emploi exige la mobilité ? Faute de transports collectifs, comment doivent-ils faire ?
En voulant balayer d’un revers de main cette proposition de loi, la majorité n’est pas à la hauteur des enjeux.
Sur l’amendement no 11 , je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Premat.
Je suis un peu surpris par les réactions de certains de nos collègues, dans la mesure où certaines dispositions en cours de discussion vont dans le sens voulu par la proposition de loi. C’est le cas de la dématérialisation des examens, prévue par le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises. Or se contenter de simplifier à la marge est une façon de complexifier les choses. Telle est la dialectique !
Sourires.
Vous qui souhaitez dépasser les barrières partisanes, faites progresser avec nous le processus de simplification ! Franchement, chers collègues, je ne comprends pas vos réactions, même si on peut juger légitime l’objectif poursuivi…
Ma collègue a raison, nous anticipons ! C’est ça, la simplification !
En ce qui concerne la délégation de service public et le recours à des organismes de certification privés, la situation des autres États européens doit être interprétée avec précaution. Ainsi l’Allemagne, dont on parlait tout à l’heure, est un État fédéral, et l’appel à des organismes de certification y a lieu dans un cadre précis. Dans d’autres pays du nord de l’Europe, la validation du permis de conduire est déléguée par l’État à des agences. C’est sur de tels points que nous devrions avancer, plutôt que de nous focaliser sur le caractère opportun ou non de la proposition de loi.
Le texte appelle un certain nombre de réflexions sur le fond et la forme. À propos du fond, je ne reviendrai pas sur les arguments excellemment développés par notre rapporteur Jean-Christophe Fromantin et de nombreux orateurs dont le président Vigier. Élu moi aussi d’une commune rurale située à l’écart des réseaux de transport public, je sais très bien toute l’importance que revêt pour la population la voiture, qui est souvent le seul moyen de transport disponible.
La majorité critique la proposition de loi au motif qu’elle fait appel à des certificateurs privés, mais un projet de M. Macron relatif au permis poids lourds prévoit exactement la même chose !
Pour autant, je ne souhaite pas polémiquer sur ce sujet, mais simplement interroger les membres du groupe socialiste sur le fonctionnement de notre assemblée et l’intérêt des niches parlementaires.
Le groupe UDI a proposé aujourd’hui trois propositions de loi consensuelles et trans-partisanes. On peut certes vouloir les modifier à la marge, et nous y sommes tout à fait prêts. Mais que penser du fonctionnement de notre assemblée et de l’image que nous en donnons à l’extérieur si tout texte présenté par l’opposition se voit rejeté par la majorité au moyen d’éléments de procédure ? Cela n’est ni responsable, ni digne d’un Parlement moderne !
Il est selon nous inutile de créer un permis probatoire pour la conduite des véhicules de catégorie B en sus des dispositifs classiques. En effet, le nouveau système permettrait de contourner l’examen de permis de conduire sans offrir les garanties de qualité nécessaire ni permettre à terme une baisse des prix. Si l’intervention d’officines est susceptible dans un premier temps d’accélérer le cours des choses, soyez sûrs, chers collègues, que la baisse des prix par le seul jeu de la concurrence ne sera pas au rendez-vous, il serait naïf de le croire ! En effet, les officines vendront des services sur un marché ouvert.
Comme toujours, elles sauront s’organiser entre elles ou en rognant petit à petit sur la qualité du service rendu ou encore en sélectionnant les bons candidats, ceux qui procurent le bénéfice le plus élevé. Une fois installées, elles seront incontournables car intégrées au système. Cela, nous n’en voulons pas ! De la qualité de l’examen à passer ou à repasser dépend la sécurité sur nos routes. Il s’agit bien là d’un service public ! De fait, le nouveau système permet de contourner l’examen classique du permis de conduire et n’offre pas de telles garanties. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.
On nous dit qu’on ne peut pas débattre cet après-midi, c’est faux ! Tous ici, nous sommes d’accord sur l’objectif consistant à rendre plus accessible aux jeunes l’obtention du permis de conduire et à en réduire les délais et le coût. En revanche, nous ne sommes pas d’accord sur les voies et moyens formulés par la proposition de loi de notre collègue Fromantin.
Tous ici, nous pouvons tomber d’accord que le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a engagé un train de réformes assez courageuses visant à faire évoluer le système en recentrant le travail des inspecteurs du permis de conduire sur leur mission fondamentale qui ne consiste pas à surveiller les examens théoriques du code de la route mais à faire passer les examens pratiques autant que faire se peut.
Faire appel à des réservistes, bientôt à des agents de l’État et plus tard à des organismes agréés libère, comme l’a dit M. le ministre, 115 000 places supplémentaires l’an prochain. Développer la conduite accompagnée dès quinze ans constitue une mesure concrète, car il en résulte un meilleur taux de réussite à l’examen du permis de conduire – 75 % au lieu de 50 % à 60 % en moyenne – ainsi qu’une meilleure prévention du taux d’accidentologie des jeunes. Tout cela est extrêmement concret.
Aujourd’hui, les inspecteurs du permis de conduire n’ont pas le temps d’exercer leur mission de contrôle des auto-écoles. C’est pourquoi il est prévu de leur libérer du temps en supprimant une manoeuvre de freinage afin de réduire de treize à douze le nombre d’exercices composant l’examen pratique. Je le répète, tout cela est très concret. Il faut accompagner ce mouvement et non prôner des solutions qui sont à mon avis contre-productives.
Pendant que nos collègues socialistes s’évertuent à nous accuser de vouloir amoindrir la qualité du permis de conduire en confiant son organisation à ce qu’ils appellent des officines – alors qu’il s’agit tout simplement de permettre à des personnes dont c’est le métier de concourir à une action de service public –, …
…pendant que nos collègues essaient, au moyen d’arguments de moins en moins percutants, de démontrer la nécessité de vider la proposition de loi de sa substance, nous apprenons que le pays compte, au mois d’octobre, 28 400 demandeurs d’emploi supplémentaires. Cela représente une hausse de 0,8 %, soit 5,5 % de demandeurs d’emploi supplémentaires en un an. Quand on sait que la capacité à se déplacer constitue l’un des critères les plus importants pour accéder à l’emploi, surtout pour les jeunes, je trouve très gênantes, voire un peu indécentes les arguties que nous venons d’entendre.
Les informations que je viens de vous donner montrent, au contraire, qu’il est urgent de mettre le paquet et de laisser prospérer ces propositions construites, intelligentes et intelligibles qui, en aucune manière, ne sont de nature à nuire à la qualité du permis de conduire. C’est pourquoi il ne faut surtout ne pas voter l’amendement de suppression de l’article 1er.
La proposition de loi est rédigée comme si rien ne s’était passé au cours des derniers mois en matière de réforme du permis de conduire. « Nous sommes en avance », disait ainsi à l’instant Philippe Vigier. Je rappelle tout de même que le gouvernement précédent avait proposé, en 2009, une réforme dont nous reprenons aujourd’hui, au moins pour partie, certains principes. Elle n’avait toutefois jamais été mise en oeuvre de crainte que des mouvements sociaux de grande ampleur ne viennent paralyser le passage des examens du permis de conduire. Par conséquent, ce n’est pas l’actuelle opposition qui est en avance, mais bien l’actuelle majorité qui se charge aujourd’hui de réaliser ce à quoi ses prédécesseurs ont renoncé. Cette réforme, François Fillon, alors Premier ministre, l’avait annoncée dans cet hémicycle, puis abandonnée. Nous, nous la menons, animés d’un état d’esprit extrêmement constructif.
Nous voulons faire en sorte que les délais de présentation au permis de conduire soient considérablement réduits. Dans ce but, nous mobilisons les inspecteurs du permis de conduire chargés de faire passer l’épreuve pratique et, pour ce qui concerne l’examen du code, mettons en place une délégation de service public sur la base d’un cahier des charges extrêmement rigoureux. Nous modifions les conditions de l’épreuve de conduite en la simplifiant afin qu’elle compte une manoeuvre de moins, ce qui permet de gagner une place par inspecteur et par jour, soit 115 000 places par an. Nous développons massivement la conduite accompagnée en lien avec le ministère de la jeunesse et des sports afin que les jeunes dont les parents ne sont pas disponibles ou n’ont pas d’automobile bénéficient d’un soutien associatif.
S’agissant de la conduite des poids lourds, nous ne remettons pas en cause les prérogatives ni la formation des inspecteurs du permis de conduire, mais cherchons à mieux articuler leurs compétences avec celles des organismes de formation professionnelle. Bref, nous menons cette réforme en adoptant pour stratégie le maintien dans le service public de l’épreuve du permis de conduire. Telle est la voie que nous avons choisie. Vous proposez, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, de privatiser cette épreuve.
Vous proposez en tout cas de confier une grande partie de son organisation au secteur privé et de cantonner les inspecteurs du permis de conduire dont c’est le métier dans des fonctions d’inspection, ce que nous ne souhaitons pas faire.
Donc si nous acceptons votre proposition de loi, il n’y a plus de réforme gouvernementale – or elle est en cours. Ce serait créer beaucoup de confusion, beaucoup de crispations et beaucoup de mouvements sociaux, qui retarderont considérablement la mise en oeuvre d’une réforme dont les jeunes ont grandement besoin. En définitive, nous n’aurons pas de réforme ; nous aurons du désordre social, de la crispation et des jeunes qui paieront plus cher après avoir attendu plus longtemps.
Même si je comprends la philosophie de cette proposition de loi, je ne pense donc pas que nous puissions accéder aux objectifs qu’elle se propose d’atteindre.
Nous en venons à l’examen des amendements. L’amendement no 11 a été défendu, madame Pochon ?
La commission a donné un avis favorable à cet amendement. À titre personnel, j’y suis bien entendu défavorable : je souhaite que l’on maintienne cet article.
Il est procédé au scrutin.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article no 12.
La position de la commission et la mienne sont les mêmes que sur l’amendement précédent.
L’amendement no 12 est adopté et l’article 2 est supprimé.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article no 13.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’objet de cette série d’amendements – les amendements qui suivent l’amendement no 10 étant des amendements de repli – est d’évoquer les difficultés liées au permis de conduire que rencontrent nos compatriotes établis hors de France.
En effet, les démarches de renouvellement de permis de conduire français ou international ne tiennent pas compte des spécificités liées à une expatriation.
En cas de perte ou de vol, il est impossible à un Français ne disposant plus d’une adresse en France de demander au consulat ou auprès d’une préfecture un duplicata de son permis de conduire. Il doit donc se soumettre aux formalités des épreuves locales du permis de conduire. Quand bien même il ne conduirait pas dans son pays de résidence, il a besoin de passer le permis local pour pouvoir conduire en France lorsqu’il y séjourne. C’est un casse-tête.
Cet amendement a donc pour but d’aménager les dispositifs administratifs pour étendre aux consulats les prérogatives des préfectures ou des sous-préfectures en matière de délivrance de duplicata de permis de conduire français ou international.
De plus, il permet aux Français établis dans des pays où il n’existe pas d’accord de réciprocité et qui doivent passer les examens du permis de conduire de cet État de ne pas avoir à repasser l’examen du permis de conduire français à leur retour en France.
Le Gouvernement parle de choc de simplification. J’ai moi-même eu l’occasion de voter un certain nombre des dispositions qu’il a proposées en ce sens. Et comme vous le savez, j’ai également agi, lorsque je siégeais au Gouvernement, en faveur de la simplification. Nous avons décidé d’un commun accord, en adoptant des dispositions qui étaient proposées sur tous les bancs.
Il s’agit ici de bon sens. Je souhaite que le dispositif que nous proposons permette de démêler l’imbroglio administratif auquel sont confrontés une grande partie de nos compatriotes qui vivent à l’étranger, notamment aux États-Unis ou au Canada, où j’ai le plaisir de les rencontrer régulièrement et où ne pas avoir de véhicule peut constituer une vraie difficulté.
La commission a donné un avis défavorable à ces amendements. À titre personnel, j’y suis néanmoins favorable. Le principe d’équité commande en effet que le même service soit apporté à tous les citoyens français, qu’ils résident sur le territoire français ou à l’étranger. On voit mal au nom de quoi les services d’un consulat, qui pourraient être dotés des mêmes prérogatives que les préfectures ou les sous-préfectures pour délivrer un duplicata, continueraient à ne pas le faire, mettant ainsi en difficulté – surtout lorsqu’il n’existe pas d’accord de réciprocité – nos concitoyens expatriés, alors que ces derniers exercent souvent des responsabilités les conduisant – au même titre que tout citoyen français – à utiliser leur véhicule.
Bien que ces amendements soient un peu éloignés de cette proposition de loi, il serait donc opportun de les adopter afin de résoudre rapidement ce problème.
Je comprends parfaitement la préoccupation que vous exprimez, monsieur le député. Elle est légitime, mais je propose d’y donner satisfaction autrement.
Si nous passons par les consulats pour régler ce problème qui est réel, même s’il concerne un nombre de personnes assez limité, nous arriverons à un dispositif complexe, coûteux et dérogatoire au dispositif existant. Je propose donc de le faire par la voie réglementaire, en définissant les conditions dans lesquelles les préfectures pourraient traiter ces questions à partir d’éléments qui leur seraient communiqués depuis l’étranger. Cela permettrait en outre d’aller vite. Dès lors que je vous donne cette garantie, il me semble que vous pouvez retirer ces amendements.
Je comprends tout à fait la préoccupation qui inspire cet amendement, cher collègue. Permettez-moi néanmoins de vous apporter quelques précisions, la question ayant été débattue il y a peu au Sénat.
La situation est en effet différente suivant qu’il existe ou non un accord de réciprocité avec le pays concerné. S’il n’y pas d’accord, il est possible – suite à la discussion qui a eu lieu au Sénat – d’obtenir un récépissé auprès du consulat, pour revenir ensuite récupérer le permis de conduire auprès de la préfecture d’origine.
C’est déjà mieux que rien.
Par ailleurs, et comme l’a dit M. le ministre, mieux vaut procéder à cette simplification par voie réglementaire que par la loi.
J’ai écouté attentivement ce qui vient d’être dit. Évidemment, je le disais d’ailleurs tout à l’heure, tout dépend de la situation. Pour ce qui concerne les États-Unis, par exemple, il existe bien un accord entre ce pays et la France, mais il y a un certain nombre d’États où la réciprocité ne fonctionne pas.
Je suis tout à fait disposé, comme mes collègues Mariani et Marsaud, cosignataires de ces amendements, à travailler avec le Gouvernement pour trouver une solution par la voie réglementaire. Compte tenu de la proposition et de l’engagement du ministre, je retire donc l’ensemble des amendements. Puissions-nous aboutir rapidement à une solution qui donne satisfaction à nos compatriotes. Il y a d’ailleurs des sujets connexes : je n’ai pas développé, par exemple, le cas du permis moto, sur lequel j’ai posé des questions écrites. S’asseoir autour de la table pour aboutir à des simplifications sur l’ensemble de ces questions sera indéniablement une bonne chose.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 5 .
Cet amendement a pour objet de compléter l’article L. 412-3 du code de la route en ce qui concerne la circulation à contresens sur les autoroutes.
Si la circulation en sens interdit peut être relevée, il s’avère en effet que la circulation à contresens sur les autoroutes, les nationales à deux fois deux voies et les boulevards périphériques en agglomération ne constitue pas en tant que telle une infraction au code de la route.
L’infraction n’existant pas, les autorités compétentes constatant un tel comportement ne peuvent que relever une infraction connexe, à savoir la mise en danger de la vie d’autrui. Or, celle-ci exige l’exposition d’autrui à un risque de mort ou de blessure grave ; il faut donc que l’auteur puisse se voir reprocher une faute d’imprudence délibérée. La faute de mise en danger est en effet définie comme un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, lorsqu’elle a pour conséquence des délits d’homicide ou de blessures volontaires. Lorsqu’il s’agit du délit de risques à autrui, elle impose une violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence créée par la loi ou le règlement. La violation intentionnelle est donc à démontrer.
Or, le fait de circuler à contresens sur une autoroute expose les autres usagers à un risque immédiat et direct de mort ou de blessures graves en cas de choc frontal, constitutif d’une violation flagrante de l’obligation de prudence et de sécurité qui s’impose à tous.
Soucieux d’améliorer toujours plus la sécurité routière, nous vous proposons donc d’insérer dans le code de la route un article visant à définir la faute que constitue la circulation à contresens sur autoroute et les sanctions spécifiques qui y sont applicables.
La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, ce qui est un peu surprenant. À titre personnel, j’y suis favorable. L’actualité nous rappelle régulièrement le risque très lourd que représente la conduite à contresens.
Ces conducteurs qui, pour une raison ou pour une autre, empruntent à contresens une bretelle d’autoroute se retrouvent face à des dizaines ou à des centaines de véhicules. Le risque n’a rien à voir avec le contresens « traditionnel », entre guillemets, malheureusement constaté dans d’autres cas. Il me semble donc que cet amendement, qui va dans le sens d’un renforcement de la sécurité routière par son effet dissuasif, mérite d’être adopté.
Le Gouvernement est d’un avis un peu différent. Nous devons en effet regarder si des dispositions qui permettent d’atteindre l’objectif visé existent dans l’arsenal législatif et dans l’ensemble des incriminations pénales existantes. Or l’incrimination pénale de mise en danger de la vie d’autrui, qui est assortie de condamnations significatives et peut aussi être assortie, dans le cadre du prononcé de la condamnation, d’un retrait de permis de conduire, permet tout à fait d’atteindre l’objectif visé. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, non que je ne sois pas favorable à la sensibilisation que vous proposez, mais parce que les incriminations pénales existantes permettent parfaitement d’atteindre le but.
Ce que vous venez de dire ne clôt pas nécessairement le débat, monsieur le ministre. Les éléments invoqués tout à l’heure par Pierre Morel-A-L’Huissier à l’appui de la défense de l’amendement méritent tout de même d’être approfondis. Le délit de mise en danger de la vie d’autrui suppose en effet une véritable connaissance préalable du risque que l’on fait courir à autrui par son comportement. Nous savons bien que dans nombre des cas d’accidents survenus dans ces conditions, le caractère intentionnel du comportement ayant mis en péril la vie d’autrui est bien plus délicat à établir pour une juridiction qu’on ne peut le penser.
Je comprends ce que vous dites, mais le raccourci auquel vous vous livrez pour expliquer que cet amendement ne doit pas être voté me semble un peu hasardeux. Compte tenu du risque contre lequel il s’agit de lutter, cet amendement mérite un meilleur sort. Pour ma part, je suggère que nous ayons la sagesse de suivre l’avis du rapporteur.
Je m’inscrirai dans la continuité des propos de Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, les rapports de gendarmerie dont je dispose sont très clairs : à chaque fois qu’est invoqué ce délit de mise en danger de la vie d’autrui, il convient d’établir son caractère intentionnel. Tels sont les termes du problème. Aussi faut-il définir une infraction spécifique et ne plus faire référence à cette notion de violation intentionnelle parce que, bien souvent, les personnes s’engagent sans savoir réellement qu’elles vont causer un accident.
Monsieur le député, encore une fois, je comprends votre préoccupation, mais je suis toujours extrêmement méfiant lorsque l’on introduit par un amendement, dont le sujet n’a pas grand-chose à voir avec le texte en discussion, …
…des dispositions qui peuvent poser problème sur le plan de l’architecture des normes ou sur celui des incriminations pénales.
Je vous propose de retirer cet amendement, en contrepartie de quoi je m’engage à ce qu’une réunion de travail se tienne très rapidement avec vous – nous pouvons en convenir dès ce soir. Nous pourrons ainsi déterminer les conditions permettant d’avancer à partir de votre proposition.
En adoptant cet amendement, vous risqueriez d’introduire des dispositions pénales que non seulement je ne crois pas utiles, mais qui seraient même de nature à compliquer les choses, puisqu’il existe déjà des incriminations en la matière. Peut-être pourrait-on, sur ce sujet, prendre le temps d’une réflexion conjointe, mettre les choses à plat et regarder si une opportunité se présente de reprendre votre proposition, après l’avoir travaillée ensemble, pour la faire entrer dans le droit dans des conditions de sécurité juridique totale.
Monsieur le ministre, vous connaissez ma volonté de bien faire ; aussi, j’accepte votre proposition.
L’amendement no 5 est retiré.
Chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi. L’Assemblée les ayant tous rejetés, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la conférence des présidents.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion de la proposition de résolution relative à la reconnaissance de l’État de Palestine ;
Discussion du projet de ratification de l’amendement au protocole de Kyoto ;
Suite de la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly