Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 27 novembre 2014 à 15h00
Cout du passage de l'examen du permis de conduire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Je souhaiterais apporter quelques précisions.

Comme cela vient d’être dit, il ne s’agit pas du tout de privatiser le permis de conduire, comme l’ont fait certains États européens. Cette proposition de loi tend plutôt à une optimisation du processus, en mettant chacun devant ses responsabilités. Certes, monsieur le ministre, il revient à l’État de contrôler l’ensemble du dispositif, mais cela n’empêche pas d’en confier une séquence à un acteur privé, le certificateur.

Je note d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt que vous envisagez d’en faire autant pour l’examen du code de la route – une délégation de service public est en effet en préparation –, ainsi que, d’une certaine manière, pour le permis poids lourds, dont vous confiez l’organisation aux organismes de formation professionnelle, ce qui constitue une forme d’optimisation de l’examen.

Je ne vois pas en quoi le fait d’orienter les inspecteurs vers d’autres missions tout aussi stratégiques pour l’État et la sécurité routière serait de nature à remettre en cause le service public, étant entendu que ce dernier joue, en matière de formation, de préparation des conducteurs et d’assurance, un rôle fondamental, qui permet à tous ceux qui prennent la route de le faire dans de bonnes conditions.

Il en va de même de la progressivité, élément important de la maturation de la capacité à conduire. Vous l’avez renforcée, monsieur le ministre, à juste titre, en confirmant la conduite accompagnée, la conduite supervisée, le permis probatoire à six points suivi du permis définitif. Or la proposition de loi s’inscrit dans ce mouvement puisqu’elle ne remet pas en cause la conduite accompagnée ni la conduite supervisée. Elle ne fait qu’intercaler un permis probatoire, une nouvelle séquence permettant au conducteur d’obtenir plus rapidement son permis, de voir reconnue, le cas échéant, la qualité de son comportement et de se préparer aux étapes suivantes.

Pour répondre à l’argument selon lequel ce nouveau permis introduirait une discrimination, je me bornerai à constater qu’il existe déjà un dispositif discriminant par nature, celui de la conduite accompagnée. Si nous nous félicitons de l’efficacité avec laquelle celle-ci permet de renforcer les aptitudes des conducteurs,force est de reconnaître que tous les jeunes ne sont pas égaux devant la conduite accompagnée : certains ont la chance d’habiter dans une zone où il est facile de conduire, d’avoir des parents disposant du temps nécessaire et un véhicule disponible, mais d’autres se trouvent dans des villes, des zones ou des situations sociale ou familiale qui rendent la conduite accompagnée littéralement impossible.

Le dispositif du permis de conduire, tel qu’il existe aujourd’hui, contient malheureusement des éléments de discrimination que nous ne parviendrons pas toujours à gommer, mais je considère que le premier d’entre eux réside dans la possibilité, pour les candidats, de passer leur examen rapidement ou non.

Certains de nos collègues l’ont évoqué dans la discussion générale : entre un jeune résidant dans une zone rurale, où le nombre d’inspecteurs est suffisant, et un jeune qui habite en région parisienne, la situation est très différente. Il existe donc à ce jour une discrimination structurelle. À cet égard, la possibilité de se tourner vers un certificateur pour passer le permis de conduire dès que l’on se sent prêt représenterait un facteur très important d’équité.

Quant à la critique qui nous a été faite concernant le contrôle aléatoire, elle a été entendue : nous proposerons un amendement visant à supprimer cette disposition.

S’agissant enfin de la gratuité, elle est neutralisée, dans les faits, par les délais d’attente. En attendant de passer l’examen, certains jeunes doivent prendre des cours qui leur reviennent à 40, 60, voire 70 euros ! Le coût du permis de conduire s’en trouve augmenté de 100, 500, 1 000 euros, voire davantage dans certaines situations. On ne peut plus parler alors de gratuité, même si l’examen, lui, reste gratuit.

Enfin, nous avons l’habitude, dans nos débats, de porter un regard sur ce qui se passe ailleurs en Europe. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la norme européenne en vertu de laquelle seul l’État peut organiser l’examen de conduite. Or, dans certains pays d’Europe, et en particulier en Allemagne, le dispositif est privatisé. Pour autant, et à l’instar de ce que prévoit ma proposition de loi, son système respecte les règles européennes : le recours à des agents habilités ne met absolument pas en cause la qualité de l’examen.

Il n’y a donc pas de corrélation entre le statut de l’examen, qu’il soit public, privé ou semi-public, et sa nature même, qui obéit, comme beaucoup d’autres éléments de contrôle technique, à une norme européenne. L’application d’une telle norme peut être confiée à une agence ou à des acteurs privés sans pour autant remettre en cause la qualité de l’examen, du contrôle ou de la certification.

Cette proposition de loi totalement ne vise donc pas à une dérégulation débridée, et le secteur privé ne doit pas être considéré comme le grand méchant loup. L’objectif est simplement d’optimiser et de fluidifier l’organisation du permis de conduire, de réduire les délais de présentation à l’examen et de diminuer les coûts, tant pour l’État que pour les candidats.

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