Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en mai 2013, le Président de la République a lancé un grand projet : le choc de simplification, qui doit avoir des incidences sur la vie quotidienne de tous les Français. Désireux de procéder avec rapidité et efficacité, le Gouvernement a jugé préférable que cette simplification se fasse principalement par voie d’ordonnance.
Nous voici donc aujourd’hui réunis autour du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, pour une lecture définitive. Ce projet avait été en premier lieu déposé le 27 novembre 2013 sur le bureau du Sénat. Le Gouvernement avait alors engagé la procédure accélérée, conformément à l’évolution sémantique issue de la révision constitutionnelle de 2008, puisque l’article 42 de notre Constitution ne fait désormais plus référence à la procédure d’urgence mais bien à cette procédure accélérée. Mais il aura fallu un an et deux mois pour adopter cet texte technique d’une vingtaine d’articles : ce n’est en effet guère satisfaisant !
Ce projet de loi est le quatrième que nous sommes amenés à examiner pour déterminer les domaines dans lesquels le Parlement habilite le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative en vertu de l’article 38 de la Constitution. Le Gouvernement respecte ses engagements de simplification et de modernisation du droit en ayant recours, une nouvelle fois, à un texte de taille modérée, ciblé sur certains domaines et qui alterne demandes d’habilitation et dispositions directement applicables.
Ce projet de loi touche à quatre domaines. Le premier est le droit civil : le texte prévoit de modifier certaines règles relatives à la protection juridique des majeurs et des mineurs – je ne m’étendrai pas sur le statut des animaux, « êtres vivants doués de sensibilité » – ainsi que des dispositions relatives au droit des successions. En première lecture, les députés du groupe RRDP avaient déposé un amendement relatif à l’égalité successorale, qui a été retiré sous bénéfice d’inventaire. Le texte s’intéresse également aux obligations et aux contrats, ainsi qu’aux biens et aux procédures d’exécution.
Second domaine : l’organisation de la justice, avec la réforme du tribunal des conflits. Je sais que les sénateurs du groupe du rassemblement démocratique et social européen, le groupe RDSE, se sont émus du risque de porter atteinte au caractère collégial de cette juridiction. Peut-être pourriez-vous, madame la garde des sceaux, nous apporter quelque précision sur ce point ?
Troisième domaine, la procédure pénale, qui connaît également des évolutions. Le projet de loi prévoit en effet d’étendre la mise en oeuvre des communications électroniques officielles. Enfin, différentes règles relatives à l’administration de l’État et des collectivités territoriales sont elles aussi toilettées, afin de les rendre plus simples et plus adaptées au fonctionnement de notre société.
Toutefois, cette façon de procéder, bien que nécessaire, éveille chez nous autres parlementaires quelques réserves légitimes. Les sénateurs les ont exprimées lors de l’examen en première lecture. Ils ont notamment supprimé l’article 3 habilitant le Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance. C’est d’ailleurs ce différend entre les deux chambres sur l’article 3 qui a principalement empêché la commission mixte paritaire d’aboutir à un accord.
Le Sénat a en effet estimé que l’argument avancé par le Gouvernement, selon lequel cette réforme était trop technique pour que le Parlement puisse légiférer, était irrecevable. De fait, des réformes d’envergure ont été menées par le passé – en témoigne celle conduite en 2005 sur le droit de succession – par la voie parlementaire normale.