Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 28 janvier 2015 à 15h00
Modernisation et simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Texte voté par l'assemblée nationale en nouvelle lecture

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame la députée, nous avons eu des échanges intenses et convergents à propos de ce dispositif, dont j’indiquais à la tribune qu’il était inclus dans une approche globale, comprenant une série de mesures d’accompagnement. Je rappelle que j’ai envoyé en septembre 2014 en Polynésie une mission de la direction des services judiciaires et de la direction des affaires civiles et du sceau, que celle-ci m’a remis un rapport que je me suis empressée de vous communiquer, qu’un groupe de travail a été mis en place et qu’un contrat d’objectifs a été signé le 9 janvier avec la cour d’appel de Papeete.

M. Zumkeller le rappelait tout à l’heure : le tribunal foncier a été créé par la loi de 2004, mais il n’avait pas été installé. Nous sommes en train de le faire, mais il faudra lui donner les moyens de traiter à la fois le stock de plus de 1 400 dossiers en souffrance et le flux des nouvelles affaires.

En outre, il existe en Polynésie française un problème commun aux outre-mer, mais qui prend des formes diverses suivant les territoires : il s’agit du sujet de l’indivision, qui comprend des aspects juridiques et techniques, mais touche aussi aux questions très sensibles des relations familiales, de la dispersion des ayants droit, des personnes parties puis revenues, avec toutes les complications que cela engendre… Il paraît donc nécessaire de recourir à un véritable expert, et de préparer en amont les dossiers.

J’entends votre préoccupation, madame Sage, et j’y suis particulièrement sensible en tant que garde des sceaux : vous vous souciez de l’impartialité du tribunal, et vous souhaitez avoir l’assurance que le commissaire du gouvernement ne prendra pas systématiquement le parti de la collectivité. Or ce commissaire ne sera ni juge ni partie. Il ne participera pas au délibéré, mais adressera des comptes rendus écrits. Nous estimons que ce sont autant de garanties – sachant qu’il y en aurait bien une supplémentaire, que nous avions proposée, et qui serait de renforcer la direction des affaires foncières de Polynésie.

Par ailleurs, je vous signale que ce dispositif a un précédent : le tribunal de l’expropriation, où intervient aussi un commissaire du gouvernement.

Votre inquiétude découle d’une interrogation sur la constance avec laquelle le commissaire du gouvernement serait en mesure d’exécuter un travail exclusivement technique, de le faire dans les délais et d’apporter son expertise à un tribunal aux délibérations duquel, je le répète, il ne participera pas. Si nous faisions droit à votre demande, nous prendrions le risque qu’il y ait un défaut d’expertise sur de très nombreux dossiers, que les délais s’étendent, que le tribunal ne soit pas armé pour prendre des décisions éclairées et qu’au bout de quelques années, nous ne constations guère d’avancées dans le règlement des litiges fonciers.

Je crois que notre proposition, qui avait obtenu votre consentement ainsi que l’accord du président de la Polynésie française, comprend les garanties juridiques d’un bon traitement du contentieux et de la résorption des stocks. Pour toutes ces raisons, et alors que j’avais été ravie de vous complaire lors de la précédente lecture du texte, je suis désolée de ne pouvoir donner un avis favorable à votre amendement.

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