C’est pour répondre à cette situation scandaleuse que la proposition de loi « visant à faire perdre la nationalité à tout individu arrêté ou identifié portant les armes ou se rendant complice par la fourniture de moyens à des opérations armées contre les forces armées ou les forces de sécurité françaises ou tout civil français et à rétablir le crime d’indignité nationale pour les Français sans double nationalité », est présentée par notre collègue du Rhône, Philippe Meunier. Elle fait suite à une première proposition de loi rejetée par la majorité le 4 décembre 2014. L’article 1er de cette proposition de loi prévoit la perte de la nationalité pour tout individu qui aura été arrêté ou identifié portant les armes contre les forces armées ou les forces de sécurité françaises ou contre tout civil français. Elle propose par ailleurs, dans son article 2, de rétablir le crime d’indignité nationale, assorti d’une peine de dégradation nationale, pour les Français sans double nationalité.
L’article 1er prévoit la perte de la nationalité française – et non la déchéance – quels que soit le mode et la date d’acquisition de ladite nationalité, et complète le code civil, en y insérant un article 23-8-1 après l’article 23-8, afin d’élargir l’incrimination à tout individu « arrêté ou identifié portant les armes ou se rendant complice par la fourniture de moyens à des opérations armées contre les forces armées ou les forces de sécurité française ou tous civils Français ».
La procédure de perte de nationalité présente, à mes yeux, trois avantages majeurs. Premièrement, elle peut concerner tous les Français quelle que soit la façon dont ils ont acquis ou se sont vus attribuer la nationalité, sauf si elle a pour effet de les rendre apatrides – elle concerne donc tous les binationaux. Deuxièmement, elle ne comporte aucune contrainte de limitation dans le temps pour sanctionner les faits reprochés, contrairement à la procédure de déchéance, enserrée dans un délai de dix ou quinze ans. Troisièmement, cette sanction ne doit pas être prise par décret après avis conforme du Conseil d’État, comme c’est le cas pour la déchéance de nationalité, mais après un avis simple, que le Gouvernement peut surmonter, s’il est négatif, en adoptant le décret en Conseil des ministres.
Cet article propose par ailleurs que l’individu, devenu étranger à la suite de la perte de nationalité française, fasse l’objet d’une mesure d’expulsion lorsqu’il est présent sur le territoire national, ou d’une interdiction administrative de territoire lorsqu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national.
L’article 2, quant à lui, vise à rétablir le crime d’indignité nationale, assorti d’une peine de dégradation nationale. Le rétablissement de ces peines viserait tout Français qui trahirait notre pays en portant les armes ou en se rendant complice par la fourniture de moyens à des opérations menées contre les forces armées ou les forces de sécurité françaises, soit sur un théâtre d’opération extérieure où la France est engagée, soit sur le territoire français, au profit d’un État ou d’une organisation contre laquelle la France est engagée militairement.
Le crime d’indignité nationale serait puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d’amende. La peine de dégradation nationale devrait obligatoirement être prononcée à titre complémentaire par le juge à titre définitif, ou par décision spécialement motivée, pour une durée de trente ans. Elle implique un certain nombre d’interdictions pour le condamné : privation de tous ses droits civiques et politiques ; privation de ses droits publics ; diverses interdictions professionnelles dans le secteur public et privé ; impossibilité de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction.
Mes chers collègues, je regrette, comme l’ensemble du groupe UMP, que la commission des lois ait adopté les amendements déposés par les députés écologistes. Je regrette également qu’elle ait rejeté un amendement du rapporteur tendant à insérer dans le code civil un nouvel article 23-8-2, prévoyant un nouveau cas de perte de nationalité française. Ce nouvel article concernait les Français condamnés pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
Certains d’entre vous se sont gaussé, lors de l’examen du texte en commission ou dans cet hémicycle, de la portée trop symbolique de cette proposition de loi.
Je tiens à leur rappeler deux choses.
Premièrement, que les symboles ont toujours leur importance, et particulièrement sur le sujet qui nous intéresse. N’oublions pas que l’attitude de notre propre opinion publique fait partie de la lutte contre le fléau qui nous gangrène. Il est de notre responsabilité de montrer à nos concitoyens que la représentation nationale s’adapte aux menaces et donne les moyens à notre justice de remplir son rôle. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu’après les événements dramatiques du début d’année, tout continue comme si de rien n’était. Huit Français sur dix sont favorables à la déchéance ou à la perte de nationalité française pour les binationaux condamnés pour des actes de terrorisme sur le sol français ; et sept Français sur dix sont favorables à l’interdiction du retour en France de Français que l’on soupçonnerait d’être allés se battre dans un pays ou une région contrôlés par des groupes terroristes.
Ma deuxième observation va au-delà du symbole. La peine de trente ans d’emprisonnement pour crime d’indignité nationale et la déchéance de nationalité qui la complète ont toute leur importance en termes de graduation. Une fois ces peines appliquées à une personne binationale, il n’existera plus aucune entrave à son expulsion définitive.
Que des hommes nés dans notre pays, de nationalité française, placés sous la responsabilité de la République et de l’école républicaine, sombrent dans la plus barbare des violences n’est pas tolérable. Il y a aujourd’hui, dans notre pays, une fraction de jeunes Français islamistes terroristes, instrumentalisés par l’État islamique, qui veulent soumettre la France, en particulier, et l’Occident, en général, à des idéaux barbares et infamants. Voilà l’ennemi ! Il faut le neutraliser par tous les moyens, en nous gardant bien de faire le moindre amalgame avec l’islam modéré que pratique la majorité des musulmans de France.
Je me souviens d’avoir entendu ici même, en décembre dernier, un de nos collègues dire que les peines complémentaires incluses dans cette proposition de loi étaient disproportionnées. Trois mois après l’horreur de Charlie et l’horreur de l’Hyper Cacher, ce député fait-il toujours le même raisonnement ? Trois mois après avoir défilé dans les rues de France, comme 7 millions de nos compatriotes, peut-il nous dire ce qu’est une réponse proportionnée à un fanatique qui tue des journalistes, des Juifs, des policiers, des touristes innocents, comme à Tunis, ou des soldats de son propre pays ?
Mes chers collègues, la situation nous interdit de rester enfermés dans des dogmes bien pensants, dans une culture de l’excuse et de l’angélisme, qui conduiront nos démocraties à leur perte.
Vous l’aurez compris, le groupe UMP soutient sans ambiguïté la proposition de loi de notre collègue Meunier. Et je tiens à dire, pour conclure, que le groupe UMP est profondément choqué de voir que le groupe socialiste a déposé sur ce texte une motion de rejet préalable.