Le Gouvernement a également décidé de renforcer les effectifs à la justice, à la défense et à Bercy : neuf cent cinquante nouveaux emplois seront créés dans les trois ans et répartis entre les juridictions, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse.
Les services du ministère de la défense et des finances qui participent à la lutte contre le terrorisme ou les trafics alimentant les réseaux bénéficieront également d’un renfort en personnels : deux cent cinquante au ministère de la défense et quatre-vingts au ministère des finances, dont soixante-dix pour les douanes.
Le Gouvernement a également augmenté les moyens à hauteur de 736 millions d’euros sur trois ans. Il a aussi décidé de renforcer et d’encadrer nos services de renseignement, la commission des lois a terminé l’examen du projet de loi présenté par le Gouvernement à ce sujet. Il a encore décidé de lancer des programmes de « déradicalisation » et de lutter contre la diffusion de messages terroristes sur internet avec la mise en place d’une plate-forme de signalement, qui a commencé à fonctionner.
Il a décidé également de renforcer la coopération internationale, et notamment européenne. Enfin, je crois qu’un collègue l’a rappelé à la tribune, le Gouvernement a décidé de relancer la mobilisation contre le racisme et l’antisémitisme.
l’Assemblée nationale s’était déjà prononcée sur une proposition de loi de l’UMP similaire, visant à déchoir de la nationalité française tout individu portant les armes contre les forces armées françaises et de police. Pour l’essentiel, nous avons déjà tenu ce débat.
Le Premier ministre a également missionné Jean-Jacques Urvoas et Philippe Bas, les présidents des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour réfléchir à la question de l’indignité nationale. Le travail qui a été remis au Premier ministre par notre président de la commission des lois est de qualité, équilibré, il a été salué par l’ensemble de notre commission. Il est néanmoins sans appel dans son refus de réhabiliter dans notre droit une telle mesure, qui a eu une période de vie très courte, dans l’immédiate après-guerre.
Selon les termes de ce rapport, réactiver une telle incrimination risquerait : « d’alimenter la martyrologie djihadiste » et d’aller ainsi à « rebours de l’effet recherché », car cette sanction serait vécue « comme une confirmation glorieuse de la non-appartenance à la communauté nationale ».
Il faut donc s’épargner l’absurdité d’une telle situation, car à rebours même de l’effet recherché, la crainte d’être frappé de dégradation civique ne détourne pas les terroristes de la préparation et de la commission de leurs actes.
Le texte qui nous est soumis prévoit la perte de la nationalité française après simple avis du Conseil d’État pour « tout individu arrêté ou identifié portant les armes ou se rendant complice par la fourniture de moyens à des opérations armées contre les forces armées ou les forces de sécurité françaises ou tout civil Français ». Le texte prévoit aussi une peine de dégradation nationale.
Mes chers collègues, dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, la déchéance de la nationalité a fait place à la perte de nationalité. Je ne suis pas sûr que cette astuce change quoi que ce soit à l’économie globale du texte, et dans cet esprit, je partage en tout point les propos de Mme la secrétaire d’État.
La déchéance de nationalité n’étant applicable qu’aux Français ayant acquis la nationalité française, dans cette seconde proposition de l’UMP, une procédure de perte de nationalité a été substituée à la déchéance pour que les Français binationaux, nés Français ou bien ayant acquis la nationalité soient tous concernés. On ne peut rendre apatrides les Français qui n’ont pas la double nationalité, mais ils pourraient être sanctionnés pour crime d’indignité nationale.
Je rappelle que l’article 1er de la Constitution dispose que tous les Français sont égaux, sans distinction d’origine. D’ailleurs, dans une récente décision datée du 23 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a reconnu une nouvelle fois que l’application de la procédure de déchéance portait atteinte au principe d’égalité entre les Français. Tout en validant la constitutionnalité d’une déchéance, il a de nouveau insisté sur la nécessité de prévoir un délai maximal entre la date d’acquisition de la nationalité et celle de la commission des faits reprochés, ainsi que des motifs exceptionnellement graves. Sans surprise, les sages ont réaffirmé la jurisprudence de 1996 tout en contrôlant l’application des principes de nécessité et de proportionnalité de la peine. À la différence de la déchéance, la perte de nationalité se présente comme une mesure générale, s’appliquant à tous, sans distinction. Dans les faits, ce ne serait pas le cas.
Reste à savoir comment sanctionner les terroristes et si les moyens prévus par cette proposition de loi parviendront à les dissuader. Chers collègues, si le rétablissement d’un crime d’indignité nationale et donc d’une peine de dégradation nationale ne pose aucune difficulté juridique, cette réponse me semble dérisoire, vaine et inadaptée face au terrorisme nouveau. En somme, cette réponse pénale me semble totalement inopérante. La commission des lois a pris en considération cette réflexion et a donc écarté le rétablissement du crime d’indignité nationale en adoptant, comme l’a rappelé M. le rapporteur, mes amendements de suppression.
Pensez-vous sérieusement que le candidat terroriste, notamment djihadiste, qui aspire au martyre, puisse craindre une loi qui l’empêcherait de voter ou d’être élu, ou encore de devenir fonctionnaire, notaire ou banquier ?