Le Conseil a admis sa conformité à la Constitution, dans une décision du 9 janvier 2014.
Deuxièmement, distinguer entre les Français ayant cette seule nationalité ou binationaux, c’est prendre en compte une différence objective et en rapport avec l’objet de la loi qui opère cette distinction. En effet, priver un individu de sa nationalité alors qu’il en possède une autre, ce n’est pas la même chose que de rendre un Français apatride.
Troisièmement, rendre un Français apatride ne me paraît pas pour autant contraire au principe de proportionnalité, dès lors que l’on prévoit, dans cette hypothèse, des garanties supérieures, ce que nous faisons avec l’article 23-8-2, qui exige une condamnation pénale préalable. L’instrument international de référence en la matière, la convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, dont l’ambition est de limiter l’apatridie, l’autorise.
Pourquoi le Conseil constitutionnel se montrerait-il plus exigeant que l’instrument de référence en la matière ? Beaucoup d’autres États membres de l’Union européenne – l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, etc. – peuvent rendre leurs citoyens apatrides : pourquoi serions-nous plus restrictifs qu’eux sur ce point ?
En outre, j’ai déposé plusieurs amendements qui renforcent la solidité juridique du dispositif, nul ne peut le nier. J’ai proposé de remplacer le décret en Conseil d’État par un décret pris après avis conforme du Conseil d’État ; j’ai aussi proposé de renforcer les droits de la défense en précisant que les décrets de perte de la nationalité devront être pris, l’intéressé entendu ou appelé à produire ses observations, comme c’est le cas en matière de déchéance.
Les garanties procédurales accordées seraient donc fortes.
Le groupe SRC regrette, dans l’exposé sommaire de son amendement de suppression, que les garanties que je prévois ne soient pas identiques à celles prévues par l’article 23-8 du code civil. C’est – pardonnez-moi – un argument qui manque singulièrement de sérieux.
L’article 23-8 prévoit, d’abord, qu’il est possible au Gouvernement de passer outre un avis défavorable du Gouvernement, par la voie d’un décret en conseil des ministres : c’est bien moins protecteur que l’avis conforme du Conseil d’État que je vous propose !
Ensuite, l’article 23-8 prévoit que l’intéressé dispose d’un « droit de repentir », c’est-à-dire qu’il ne peut perdre sa nationalité que si le Gouvernement lui a préalablement adressé une injonction. J’ai évidemment écarté cette garantie lorsque j’ai élaboré mon dispositif : s’il est concevable de mettre en garde l’intéressé qui s’est mis au service d’un État étranger ou d’une organisation intergouvernementale dont la France ne fait pas partie avant de lui faire perdre sa nationalité, peut-on imaginer avec sérieux être obligé d’adresser une telle mise en garde préalable à quelqu’un qui s’est mis au service d’une organisation terroriste telle que Daech ?